Date : 20030526
Dossier : T-992-01
Référence : 2003 CFPI 652
Ottawa (Ontario), le 26 mai 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
demandeur
- et -
XIANRONG BAN
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] En mars 1997, M. Ban et sa famille ont quitté la Chine pour s'installer au Canada où ils ont élu domicile à Toronto.
[2] Monsieur Ban se déplace considérablement pour vaquer à ses affaires tant au Canada qu'en Chine. Lorsqu'il a voulu obtenir la citoyenneté canadienne, on lui a demandé de calculer ses périodes d'absence du Canada depuis son arrivée, ce qui a donné pour résultat 841 jours - soit à peu près les trois quarts du temps. Certaines de ces absences étaient très longues, l'une d'elles ayant duré 10 mois. Le juge de la citoyenneté a néanmoins approuvé sa demande, à la suite de quoi le ministre a fait appel.
I. Question en litige
[3] La seule question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si M. Ban a rempli les conditions de résidence prescrites à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, lequel exige que, dans les quatre années précédant la date de sa demande, le requérant ait résidé au Canada pendant une période d'au moins trois ans. Le terme « résidé » n'est pas défini et la Cour l'a interprété de diverses façons dans ses jugements.
[4] Comme je l'ai dit dans la cause Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, lorsqu'un requérant n'a pas réussi à prouver sa présence effective au Canada pendant trois ans, le juge de la citoyenneté doit considérer le point de savoir si l'intéressé a néanmoins établi de solides attaches avec le Canada au point où ses périodes temporaires d'absence peuvent être prises en compte dans le calcul des trois années de résidence. Cette approche que j'ai qualifiée de [traduction] « test qualitatif » procède de jugements rendus par notre Cour : voir Loi sur la citoyenneté et Antonios E. Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.) et; Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.).
[5] Le juge de la citoyenneté a longuement détaillé les motifs justifiant l'accueil de la demande de M. Ban. Il a constaté que celui-ci a vraiment tissé des liens étroits avec le Canada où il a son seul domicile, qu'il y possède une maison conjointement avec sa femme et que ses enfants grandissent et fréquentent l'école ici. En Chine, M. Ban habite chez des parents. Le juge en a conclu que M. Ban [traduction] « est effectivement une personne dont la résidence se trouve au Canada et que, malgré ses absences, il a conservé et conservera à l'avenir un mode de vie canadien. »
[6] Ces observations indiquent clairement que M. Ban est établi au Canada et qu'il devrait être considéré comme un résident canadien en dépit de ses absences prolongées à l'étranger.
[7] La Loi exige cependant du requérant non seulement qu'il prouve sa qualité de résident au Canada, mais aussi qu'il y a vécu pendant trois ans. Pour être crédité de cette période, il faudrait que M. Ban démontre qu'il a établi sa résidence au Canada dès son arrivée en mars 1997 et, qu'en dépit de ses longues absences, il a maintenu de solides attaches avec le pays durant les trois années suivantes. Les éléments de preuve ne confirment pas cela .
[8] Après son arrivée au Canada en mars 1997, M. Ban y est resté 19 jours après quoi il est retourné six mois en Chine. Nul doute que sa famille s'est installée et établie durant son absence. M. Ban en a fait probablement autant à son retour de ce premier voyage et a passé six mois au Canada au cours desquels il a fait, entre autres, l'acquisition de l'actuelle maison familiale. C'est à travers sa famille qu'il aurait également maintenu, depuis ce temps-là, ses attaches avec le Canada. Ses factures téléphoniques interurbaines en sont bien la preuve. Cependant, après étude de tout le dossier ainsi que de l'affidavit de M. Ban, rien ne m'indique qu'il eût établi sa résidence au Canada à partir de mars 1997. La seule démarche qu'il ait visiblement entreprise à cette fin, durant son premier séjour au Canada, se limite apparemment à l'ouverture d'un compte bancaire.
[9] En l'absence de preuve à l'appui ou d'une décision expresse du juge de la citoyenneté reconnaissant à M. Ban la qualité de résident depuis le mois de mars 1997, je suis tenu d'accueillir le présent appel.
II. Dépens
[10] L'audition de l'espèce a été retardée une fois que M. Ban eut décidé de retenir les services d'un avocat au lieu de se représenter lui-même. J'ai consenti un ajournement pour que M. Ban dépose, par l'entremise de son avocat, un dossier ainsi que des observations écrites. Ce faisant, j'ai également donné aux parties en cause l'occasion de présenter des observations au sujet des dépens. Le demandeur souhaite que j'adjuge des frais fixes.
[11] J'ai accordé l'ajournement afin que la Cour puisse bénéficier des observations du défendeur relatives à la loi pertinente. Dans ces circonstances, et à la lumière de l'issue du présent appel, je m'abstiens de rendre une ordonnance spéciale sur les dépens.
JUGEMENT
LA COUR STATUE :
1. L'appel est accueilli.
2. Sans adjudication de frais.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-992-01
INTITULÉ : MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. XIANRONG BAN
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 AVRIL 2003
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 26 MAI 2003
COMPARUTIONS :
M. Marcel Larouche POUR LE DEMANDEUR
M. Stephen W. Green POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DEMANDEUR
Green et Spiegel
Avocats et procureurs
390, rue Bay, bureau 2800
Toronto (Ontario) M5H 2Y2 POUR LE DÉFENDEUR