Ottawa ( Ontario), le 22 août 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
DEDIS JOSEFINA CAMACHO DE GUEVARA,
MANUEL OSWALDO GUEVARA,
JUAN MANUEL GUEVARA CAMACHO,
MATEO GUEVARA CAMACHO et
KARELIS ALEJANDRA GUEVARA
demandeurs
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Les membres de la famille de Guevara ont présenté une demande d'asile au Canada en se fondant sur les mauvais traitements qu'ils auraient subis au Venezuela en raison de leur confession mormone. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande. Ils ont ensuite demandé un examen des risques avant renvoi et une dispense fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. La même agente a effectué l'examen des risques et l'analyse des motifs d'ordre humanitaire. Les deux décisions ont été défavorables aux demandeurs. Ils contestent devant moi la décision de ne pas leur accorder une dispense fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et invoquent comme moyen que l'agente n'a pas dûment tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants de Guevara et qu'elle a omis d'examiner la question de savoir si la famille connaîtrait des difficultés en cas de retour au Venezuela.
[2] Je ne vois aucune raison d'infirmer la décision de l'agente et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
I. Les questions en litige
1. L'agente a-t-elle omis de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants?
2. L'agente a-t-elle omis d'examiner la question des difficultés?
II. Analyse
[3] Les demandeurs et le défendeur reconnaissent que je ne peux infirmer la décision de l'agente que dans le cas où j'estime qu'elle est déraisonnable.
A. L'agente a-t-il omis de tenir compte de l'intérêt des enfants?
[4] Les demandeurs ont présenté à l'agente des éléments de preuve indiquant que la famille, y compris les enfants, avait fait l'objet de harcèlement et de menaces au Venezuela en raison de leur religion. Les demandeurs soutiennent que l'agente n'a pas accordé suffisamment d'importance à ces éléments, en particulier dans la mesure où ils concernent le bien-être psychologique des enfants et leur capacité de fréquenter l'école. Ils soutiennent en outre que l'agente a commis l'erreur d'examiner la question de savoir si les enfants connaîtraient des difficultés au lieu de simplement décider s'il serait dans leur intérêt supérieur qu'ils demeurent au Canada.
[5] Les demandeurs ont signalé un certain nombre de faits que l'agente n'avait pas mentionnés dans la partie de sa décision intitulée [traduction] « L'intérêt supérieur des enfants » . Tous ces faits sont néanmoins exposés dans une autre partie de la décision sous l'intitulé [traduction] « Éléments pris en considération » . Il n'existe aucun élément indiquant que l'agente ait omis de tenir compte de faits pertinents touchant l'intérêt supérieur des enfants. Il est vrai que tous les faits ne sont pas repris dans la partie qui contient l'analyse, mais je ne peux en conclure que l'agente n'a pas tenu compte des éléments de preuve présentés. En fait, elle a expressément parlé de la preuve qui touchait le bien-être psychologique des enfants et de la possibilité de les instruire au Venezuela.
[6] Quant au critère que l'agent a appliqué, là encore je ne crois pas qu'elle se soit trompée. L'agente a déclarée ce qui suit au sujet de l'intérêt supérieur des enfants :
[traduction] J'ai examiné l'intérêt supérieur de ces enfants ainsi que la situation de cette famille et j'estime que les demandeurs n'ont pas démontré que le fait de retourner et de s'établir à nouveau dans leur pays d'origine aurait un effet négatif sur les enfants et constituerait une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive.
[7] Les demandeurs soutiennent que l'agente a commis une erreur en appréciant les éléments de preuve relatifs aux enfants par rapport à la notion de « difficulté » et non pas par rapport au critère approprié de « l'intérêt supérieur » des enfants. Après avoir examiné la jurisprudence, je conclus que l'agente n'a pas utilisé de mauvais critère. Comme l'a déclaré le juge Robert Décary :
[...] En pratique, l'agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auxquelles le renvoi d'un parent exposera l'enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d'intérêt public, qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du parent. (Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475; [2003] 2 C.F. 555 (C.A.), au paragr. 6.)
B. L'agente a-t-elle omis de se prononcer sur la question des difficultés?
[8] Les demandeurs soutiennent que l'agente s'est prononcée à tort sur la question de savoir si les demandeurs risquaient d'être maltraités s'ils retournaient au Venezuela, plutôt que sur la question de savoir s'ils subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessive.
[9] Les demandeurs s'appuient sur un tableau qui figure dans la décision de l'agente pour démontrer que celle-ci a commis une erreur en abordant la question qu'elle devait trancher. Ce tableau contient les facteurs [traduction] « Étayant une décision favorable » et les facteurs [traduction] « N'étayant pas une décision favorable » . Trois des facteurs de cette dernière catégorie touchent la question de savoir si la famille risquerait de subir un préjudice personnel si elle retournait au Venezuela. L'agente a noté que les demandeurs avaient vu leur demande d'asile rejetée, tout comme leur demande d'examen des risques, et qu'ils n'avaient présenté aucun facteur de risque supplémentaire avec leur demande de réparation fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.
[10] Je ne trouve rien à reprocher au bref résumé qu'a préparé l'agente relativement aux facteurs dont elle a tenu compte. Le tableau en question ne contient aucune analyse et ne précise pas l'importance qu'il convient d'attribuer à chacun des différents facteurs. La liste des éléments étayant et n'étayant pas ne constitue pas l' « essentiel de la décision » (Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 91; [2005] A.C.F. no 96 (C.F.) (QL)).
[11] Comme cela a été mentionné, l'agente avait déjà effectué un examen des risques avant renvoi pour la famille de Guevara et conclu, selon les éléments dont elle disposait, à l'absence de risque important. Les demandeurs soutiennent que, lorsqu'elle a examiné la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, l'agente n'a pas procédé à un examen approprié de la question des difficultés et qu'elle s'est fondée simplement sur l'analyse des risques à laquelle elle avait procédé antérieurement. Ces deux questions sont clairement distinctes : Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1327; [2004] A.C.F. no 1600 (C.F.) (QL).
[12] Là encore, je ne crois pas que l'agente ait commis une erreur. Elle a manifestement tenu compte de tous les facteurs pertinents et s'est demandée si les demandeurs avaient établi l'existence de difficultés. De plus, à la fin de sa décision, elle pose encore une fois la question essentielle qu'elle devait trancher et lui apporte une réponse : les demandeurs l'ont-ils convaincue qu'ils subiraient une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive s'ils n'étaient pas dispensés de l'obligation habituelle de demander un visa de l'extérieur du Canada? Mon analyse des motifs de l'agente indique qu'elle n'a pas omis de tenir compte des éléments de preuve présentés ni mal compris la question qu'elle devait trancher. Par conséquent, je suis obligé de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[13] Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question de portée générale et aucune question n'est formulée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
2. Aucune question de portée générale n'est formulée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-10148-04
INTITULÉ : DEDIS JOSEFINA CAMACHO DE GUEVARA
ET AL.
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : WHITEHORSE (YUKON)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 JUILLET 2005
MOTIFS DU JUGEMENT ET
DATE DES MOTIFS : LE 22 AOÛT 2005
COMPARUTIONS :
Sheri M. Hogeboom POUR LES DEMANDEURS
R. Keith Reimer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Neighbourhood Law Centre POUR LES DEMANDEURS
Whitehorse (Yukon)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)