Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date: 19981009


Dossier: T-2674-92

(A-874-96)

ENTRE :      LES ENTREPRISES A.B. RIMOUSKI INC.,
         et ALDÈGE BANVILLE,

     Demandeurs

     (Appelante)

ET:          SA MAJESTÉ LA REINE,

     Défenderesse

     (Intimée)

     MOTIFS du JUGEMENT

LE JUGE DENAULT:

[1]      Le 11 octobre 1996, j'ai rejeté l'action du demandeur Aldège Banville aux motifs qu'il n'avait pas fait la preuve d'une quelconque "perte de contrat, atteinte à la réputation ou perte de solvabilité" qu'il reprochait à la défenderesse. Portée en appel devant la division d'appel de cette Cour, cette partie de la décision a été maintenue. Il n'y a donc pas lieu ici d'en traiter davantage.

[2]      Dans la même décision, j'ai également rejeté l'action d'Aldège Banville en sa qualité de cessionnaire de Les Entreprises A.B. Rimouski Inc. (la compagnie A.B.). Cette partie de l'action couvrait trois chefs de réclamation: No 1, un premier chef sous lequel le cessionnaire de la compagnie A.B. réclamait des dommages-intérêts "... pour frais légaux... [et] dommages et intérêts engendrés par la conduite de la défenderesse"; No 2, un second chef où il réclamait des dommages-intérêts: "... pour perte de contrat, atteinte à la réputation et perte de solvabilité..."; No 3, un troisième chef sous lequel il réclamait le solde du montant1 retenu par la défenderesse sur un contrat auquel elle a mis fin en cours d'exécution.

[3]      La Cour d'appel a accueilli l'appel du demandeur-cessionnaire quant aux chefs de réclamation Nos 1 et 2 au motif que ce recours en responsabilité contractuelle était soumis au délai de prescription de cinq ans plutôt qu'à celui de deux ans. Quant au chef de réclamation No 3, à savoir le solde retenu par la défenderesse sur le contrat, la Cour d'appel a estimé qu'avant d'analyser la question de la validité des transferts ou des cessions entre le syndic à la faillite de la compagnie A.B. et la Caisse populaire Desjardins de St-Robert-de-Rimouski, puis entre celle-ci et Aldège Banville, le seul actionnaire de la corporation, la Cour devait d'abord se prononcer sur l'existence d'une dette envers la corporation.

[4]      Vu l'arrêt de la Cour d'appel concernant ces trois chefs de réclamation, j'entends traiter de chacun d'eux séparément.

[5]      Dans la mesure où le demandeur-cessionnaire a abandonné, dans sa déclaration réamendée pour frais légaux et dommages-intérêts engendrés par la conduite de la défenderesse (le chef No 1), cette partie de l'action ne peut être accueillie, indépendamment de la question de la prescription, ce chef de réclamation n'ayant d'ailleurs fait l'objet d'aucune preuve lors du procès.

[6]      Quant à la réclamation pour "... perte de contrat, atteinte à la réputation et perte de solvabilité" (le chef No 2), j'ai déjà énoncé, dans la décision du 11 octobre 1996, que rien dans la preuve ne démontrait de la part de la défenderesse une quelconque atteinte à la réputation de la compagnie A.B. ou que son insolvabilité était imputable à un agent de Sa Majesté. Même s'il est en preuve que la compagnie A.B. a fait faillite en février 1993, il n'a cependant pas été démontré que la compagnie, du fait d'un préposé de la défenderesse, a perdu quelque contrat qu'elle aurait sollicité. Une simple allégation, sans preuve d'une faute, d'un dommage et du lien de causalité entre les parties, est insuffisante pour justifier une condamnation.

[7]      Quant au chef de réclamation No 3, à savoir le solde retenu sur le contrat, après une étude minutieuse de la preuve, j'estime qu'en l'espèce, la défenderesse était justifiée de mettre la compagnie A.B. en défaut d'exécuter le contrat de démolition de Cap-Chat selon les plans et devis et d'aviser la compagnie de cautionnement de faire compléter les travaux.

[8]      En effet, les plans et devis décrivaient adéquatement à la fois les limites de démolition du quai, établies à partir du plan original du quai et du plan du quai tel que construit, et les limites d'excavation tant pour l'enlèvement du quai lui-même que pour l'enlèvement des vestiges à proximité de celui-ci.

[9]      La preuve a par ailleurs démontré 1) que la compagnie A.B. a sous-évalué lors de sa soumission la quantité de matériaux à excaver; 2) qu'elle n'avait pas l'équipement nécessaire - elle n'utilisait au début des travaux qu'une pelle John Deere 892 D-LC - pour creuser à la profondeur voulue; et 3) la compagnie n'a pas remédié aux déficiences identifiées en cours d'exécution du contrat, bien que dûment avisée de le faire.

[10]      De plus, les rapports de plongée, les photos sous-marines, le vidéo tourné après que la compagnie A.B. eût quitté le chantier, de même que les nombreux vestiges que la firme Verreault Navigation, embauchée par la caution pour terminer le contrat, a retirés du fond marin, démontrent largement que la compagnie A.B. n'a pas exécuté tous les travaux prévus au contrat. Dans les circonstances, la défenderesse était justifiée de retenir le solde du contrat soit 218,122.25 $ et de s'adresser à la caution pour faire terminer les travaux.

[11]      En conséquence, l'action du demandeur en sa qualité de cessionnaire à Les Entreprises A.B. Rimouski Inc. doit être rejetée avec dépens.

     J.C.F.C.

__________________

     1      À l'origine, la compagnie A.B. réclamait 218,122.55 $ sur le contrat de 489,491 $, montant qu'elle a par la suite réduit à 163,591.91 $ à cause de la cession d'une partie de sa créance à la Caisse populaire Desjardins de Saint-Robert-de-Rimouski.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.