Date : 20010815
Dossier : IMM-5197-00
Référence neutre :2001 CFPI 897
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS
ENTRE :
MARIA LUISA CHAVEZ DE SCHENONE
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Luz Marina-Nunez, agente d'immigration, en date du 25 septembre 2000, dans laquelle l'agente d'immigration a décidé de ne pas recommander une décision favorable, conformément au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.
Les faits
[2] La demanderesse est née en 1955 et elle est citoyenne du Pérou. Elle est arrivée au Canada en 1996 et a fait une demande pour examen pour des raisons d'ordre humanitaire en 1999. La demande a été refusée sans entrevue en septembre 2000.
[3] La demanderesse ne souhaite pas retourner au Pérou vu qu'elle craint son mari. La demanderesse a déclaré dans sa demande que son mari avait abusé d'elle au cours des années. Les policiers ne l'avaient pas protégée par le passé parce que, bien qu'ils aient arrêté son mari à plusieurs reprises, ils n'avaient pas porté d'accusations contre lui.
[4] La demanderesse a l'appui de sa soeur au Canada qui est citoyenne canadienne et qui ne veut pas être séparée d'elle. La demanderesse mentionne dans sa demande les liens familiaux étroits entre elle et sa soeur au Canada et le fait que sa soeur subirait un préjudice émotionnel grave vu qu'elle n'avait pas d'autres membres de sa famille proche au Canada, à part sa soeur.
[5] La demanderesse a deux enfants au Pérou.
[6] Une déclaration solennelle de la soeur de la demanderesse a été déposée confirmant les abus que la demanderesse avait subis de la part de son mari.
Analyse
1. L'agente a-t-elle erré en droit parce qu'elle n'a pas tenu compte de la preuve crédible et forte dûment présentée devant elle et a omis de tenir compte de l'ensemble de la preuve?
[7] L'agente d'immigration a conclu comme suit en l'espèce sur l'allégation de la demanderesse selon laquelle elle était victime d'abus de son mari :
- [TRADUCTION] La crainte de l'intéressée de retourner au Pérou à cause des expériences qu'elle a eues par le passé avec son mari qui abusait d'elle n'est pas appuyée par une preuve. Il n'y a pas de preuves suffisantes pour indiquer qu'elle se soit déjà plainte aux autorités et dès lors, comment peut-on savoir que le système ne lui était pas offert. Le fait que l'intéressée soit venue au Canada à plusieurs reprises, la dernière fois en 1994 et qu'à cette époque-là, elle n'ait pas demandé l'aide de sa famille au Canada jette un doute sur la façon dont elle pouvait souffrir de cette situation vu que c'était son père qui avait insisté pour qu'elle demeure dans cette relation et qu'il était mort en 1982.
[8] La demanderesse soutient que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de la preuve lorsqu'elle a déclaré qu'il n'y avait pas de preuve pour appuyer les allégations d'abus de la demanderesse. L'immigration n'a pas tenu compte de la preuve sous forme de déclaration solennelle de la soeur de la demanderesse, laquelle a corroboré qu'elle était au courant des abus et a aussi présenté de façon détaillée l'incident pendant lequel le mari de la demanderesse avait aussi essayé d'abuser d'elle. Il n'est fait aucun renvoi dans les notes à cette preuve corroborante.
[9] Sur la question de savoir si l'agente d'immigration a tenu compte de l'affidavit de la soeur de la demanderesse, comme l'a indiqué le défendeur, l'agente d'immigration a effectivement déclaré à la page 15 du dossier de la demanderesse qu'elle avait examiné l'affidavit de la soeur de la demanderesse.
[10] Toutefois, en ce qui concerne le commentaire de l'agente d'immigration selon lequel la crainte de retourner au Pérou de la demanderesse n'était pas appuyée par une preuve et qu'il n'y avait pas de preuve que les autorités ne la protégeraient pas, je conviens avec la demanderesse que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de cette preuve.
[11] À la fois l'affidavit de la demanderesse et celui de sa soeur appuient l'allégation de la demanderesse selon laquelle elle craint de retourner au Pérou. Qui plus est, la demanderesse a soumis une preuve documentaire qui indique que souvent les autorités ne protègent pas les femmes victimes d'abus.
[12] De la même manière, ce qui me gêne, c'est qu'à la page 15 du dossier de la demanderesse, l'agente d'immigration déclare que :
- [TRADUCTION] Le Pérou et son rapport sur les droits de la personne ne sont pas pris en considération vu que la crainte de l'intéressée de retourner est une question familiale personnelle (illisible) et non pas une crainte pour sa vie liée à (illisible) des problèmes de droits de la personne, aux conditions du pays, à des opinions politiques, etc.
[13] Il est nécessaire de faire remarquer toutefois que l'agente d'immigration a en fait écrit dans ses notes manuscrites, à la page 39, « l'assassinat des femmes victimes de violence familiale » , ce qui est un autre document soumis par la demanderesse sur la question des abus contre les femmes au Pérou.
[14] Néanmoins, après avoir examiné le rapport des droits de la personne au Pérou (page 150 du dossier de la demanderesse), j'estime que ce document était pertinent pour la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire de la demanderesse vu qu'il décrivait effectivement le manque de sensibilité de la part des autorités policières et judiciaires envers les femmes qui étaient victimes d'abus. Cet article était pertinent et aurait dû être pris en considération par l'agente d'immigration.
[15] À mon avis, l'agente d'immigration n'était pas justifiée lorsqu'elle a déclaré que la crainte de la demanderesse n'est pas appuyée par une preuve, à la lumière de l'affidavit de la demanderesse, de l'affidavit de sa soeur et de la preuve documentaire. (Non souligné dans l'original.)
[16] À cause du commentaire de l'agente d'immigration voulant que la crainte de retourner au Pérou de la demanderesse n'ait pas été appuyée par une preuve, j'estime que l'agente d'immigration a erré.
[17] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.
[18] Aucun des avocats n'a proposé de question pour certification.
« Pierre Blais »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 15 août 2001
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DE DOSSIER : IMM-5197-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : MARIA LUISA CHAVEZ DE SCHENONE
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 14 AOÛT 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE PAR : LE JUGE BLAIS
DATE DES MOTIFS : LE MERCREDI 15 AOÛT 2001
ONT COMPARU : Lorne Waldman
pour la demanderesse
Martin Anderson
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Jackman, Waldman & Associates
Avocats
281, av. Eglinton Est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20010815
Dossier : IMM-5197-00
ENTRE :
MARIA LUISA CHAVEZ DE SCHENONE
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE