Date : 20010614
Dossier : IMM-5209-00
Référence neutre : 2001 CFPI 656
ENTRE :
MIMOZA NIKA
KRISTIAN NIKA
XHULIA NIKA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE HANSEN
[1] Mimoza Nika, la demanderesse, citoyenne de Yougoslavie, a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention pour elle-même et ses deux enfants mineurs en fondant les revendications sur l'origine ethnique albanaise. Ces revendications ont été rejetées par la Section du statut de réfugié (SSR) parce que les intéressés n'ont pas réussi à démontrer qu'ils étaient des Albanais vivant au Kosovo. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue à cet effet le 5 septembre 2000.
[2] La demanderesse affirme qu'elle vivait dans le village de Skivjan au Kosovo. En novembre 1998, l'armée serbe, la police et les forces paramilitaires se sont rendues dans son village, ont battu les hommes et ont pillé et incendié des maisons. Le 2 avril 1999, les policiers et les militaires se sont rendus chez elle à la recherche de son mari. Bien qu'ils soient partis après qu'elle les eut informés que son mari n'était pas à la maison, ils sont revenus à deux heures de la nuit et l'ont violée à deux reprises en présence de ses enfants terrifiés, qui ont eux-mêmes été frappés à coups de pied et bousculés.
[3] Le 5 avril 1999, les forces serbes ont expulsé la demanderesse et ses enfants de leur maison qu'ils ont par la suite incendiée. Les demandeurs se sont enfuis de leur village vers le Monténégro en compagnie de parents et d'autres résidents de leur village. Leur destination finale était l'Albanie où, à son arrivée, la demanderesse a reçu un document qu'elle pourrait utiliser lorsqu'elle quitterait le pays.
[4] Une fois rendue en Albanie, la demanderesse a perdu contact avec les parents qui l'avaient accompagnée, mais a trouvé un passeur de clandestins qui a organisé pour elle et ses enfants leur fuite vers le Canada.
[5] En plus du document nécessaire à son départ, le seul autre document que la demanderesse avait en sa possession était un certificat de famille qu'elle avait apporté de chez elle, au Kosovo. Ses voisins lui avaient conseillé de n'apporter que ce certificat et dans le court délai qu'elle a eu avant d'être expulsée de sa maison, elle n'a apporté que ce document.
[6] La SSR a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention étant donné qu'ils n'avaient pas réussi à établir qu'ils étaient des Albanais du Kosovo et qu'ils n'avaient ainsi pas réussi à établir le lien nécessaire avec l'un des motifs de la Convention.
[7] La SSR a énoncé deux motifs pour mettre en doute l'origine ethnique des demandeurs. Premièrement, la SSR a remarqué que le certificat de famille ne comportait pas de numéro d'identité. Le tribunal a déclaré : « Le numéro d'identité est une partie essentielle du document, surtout lorsqu'il s'agit de personnes qui proviennent de la région du Kosovo. » La SSR n'a par conséquent pas cru que ce document était authentique.
[8] Deuxièmement, la SSR a conclu qu'il était invraisemblable que les demandeurs n'aient pas été touchés lorsque les forces serbes ont incendié de 200 à 600 maisons d'une ville située à sept kilomètres de leur village.
[9] Après avoir conclu que les demandeurs n'avaient pas réussi à établir leur identité, le tribunal n'a pas pris en compte d'autres aspects de leur revendication.
[10] Les demandeurs prétendent que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le certificat de famille n'était pas authentique, sans faire aucune référence à des éléments de preuve appuyant sa conclusion. En outre, bien que le document utilisé pour sortir du pays n'établissait pas que les demandeurs venaient du Kosovo, il corroborait le témoignage des demandeurs. Les demandeurs allèguent que le défaut d'avoir pris en compte ce deuxième document, qui est de toute première importance pour leur revendication, constituait aussi une erreur susceptible de contrôle.
[11] Finalement, les demandeurs allèguent que la conclusion de la SSR selon laquelle ils n'avaient pas été touchés par les incendies des maisons d'une ville voisine était manifestement déraisonnable.
[12] Dans l'affaire Ramalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 10 (C.F. 1re inst.), la conclusion de la SSR quant à la validité d'un certificat de naissance était en litige. Dans cette affaire, M. le juge Dubé a déclaré : « [...] les pièces d'identité délivrées par un gouvernement étranger sont présumées valides à moins d'une preuve contraire [...] » . De plus, il a affirmé : « En l'espèce, la Commission a contesté la validité du certificat de naissance sans produire d'autre élément de preuve à l'appui de sa prétention et, manifestement, la question des documents étrangers n'est pas un domaine que la Commission peut prétendre connaître tout particulièrement. À mon avis, cela constitue une erreur susceptible de révision de la part de la Commission. »
[13] En l'espèce, il n'existait aucun élément de preuve quant à ce type de document, pas plus qu'il n'existait d'éléments de preuve démontrant que ce type de document comporte toujours un numéro d'identité ou qu'un tel numéro est un élément essentiel du document. Je suis d'accord avec les motifs du juge Dubé dans l'affaire Ramalingam, précitée, et je suis d'avis que la conclusion que la SSR a tirée quant au certificat de famille en l'absence de tout élément de preuve constitue une erreur susceptible de contrôle.
[14] Étant donné que l'inférence tirée par la SSR à l'égard du certificat de famille était au coeur de sa conclusion quant à l'identité des demandeurs, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres questions que ces derniers ont soulevées.
[15] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.
« Dolores M. Hansen »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 14 juin 2001
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-5209-00
INTITULÉ : MIMOZA NIKA
KRISTIAN NIKA
XHULIA NIKA
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 12 juin 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LE JUGE HANSEN
COMPARUTIONS :
Micheal Crane Pour les demandeurs
Martin Anderson Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Micheal Crane
Avocat
166, rue Pearl, bureau 200
Toronto (Ontario)
M5H 1L3 Pour les demandeurs
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20010614
Dossier : IMM-5209-00
ENTRE :
MIMOZA NIKA
KRISTIAN NIKA
XHULIA NIKA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Date : 20010614
Dossier : IMM-5209-00
Toronto (Ontario), le jeudi 14 juin 2001
EN PRÉSENCE DE Madame le juge Hansen
ENTRE :
MIMOZA NIKA
KRISTIAN NIKA
XHULIA NIKA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 5 septembre 2000 par la Section du statut de réfugié, qui a rejeté la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par les demandeurs;
ET APRÈS examen de la preuve et des représentations écrites des parties;
ET pour les motifs énoncés ce jour;
LA COUR PAR LA PRÉSENTE ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision rendue le 5 septembre 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.
2. Aucune question n'est certifiée.
« Dolores M. Hansen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.