Dossier : IMM-7535-04
Ottawa (Ontario) le 11 mars 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
TOADER ALFRED (FREDDIE) SAVA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(prononcés oralement à l'audience puis exposés par écrit
pour plus de clarté et de précision)
[1] Le demandeur, Toader Alfred Sava, un citoyen roumain de 29 ans, a quitté la Roumanie en août 1998. Il a demandé l'asile au Canada le 6 novembre 2002 en alléguant qu'il avait raison de craindre d'être persécuté par la police roumaine en raison de ses antécédents judiciaires.
[2] Dans sa décision du 9 août 2004, la Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur au motif qu'il n'était pas crédible.
[3] La Commission a invoqué deux motifs pour justifier sa conclusion. Elle a d'abord signalé que dans l'entrevue qu'il avait subie au point d'entrée, le demandeur avait déclaré : [TRADUCTION] « Je suis apolitique. Ma demande est motivée par des considérations économiques [...] et non par des craintes de persécution politique, ethnique ou religieuse » . Il a affirmé qu'il avait été condamné pour vol à deux reprises. Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) et au cours de l'audience, il a expliqué qu'il avait été arrêté puis jeté en prison la seconde fois pour avoir regardé par une fenêtre. La police l'a arrêté et emprisonné sur de simples soupçons pour le relâcher ensuite après qu'il eut obtenu l'aide d'un codétenu qui était avocat. Il affirme qu'en raison de ces faits il craint d'être persécuté par la police. Aucun de ces faits n'était relaté dans les notes prises au point d'entrée. La Commission a estimé que ses explications n'étaient pas crédibles et elle a par conséquent préféré les notes prises au point d'entrée. La Commission a également estimé que la preuve ne démontrait pas que le demandeur avait été actif sur le plan politique en Roumanie ou que les autorités le recherchaient.
[4] En second lieu, la Commission a signalé que le demandeur n'avait pas demandé l'asile en Italie (où il avait séjourné deux ans) et qu'il n'avait pas donné d'explication raisonnable pour justifier cette omission. La Commission a estimé que cette façon d'agir démontrait une absence de crainte subjective chez le demandeur.
[5] L'avocat du demandeur a avancé deux arguments :
a) Le demandeur a été victime d'un déni de justice procédurale, étant donné que les notes prises lors de l'entrevue au point d'entrée avaient été consignées alors que le demandeur était fatigué et désorienté, qu'il n'avait pas d'avocat et n'était pas au courant de ses droits. Quoi qu'il en soit, les notes prises au point d'entrée ont donné lieu à des conclusions qui ont été acceptées par la Commission.
b) On peut se servir des notes prises au point d'entrée pour vérifier les contradictions entre les notes en question et le FRP. Les omissions ne peuvent toutefois pas être invoquées contre le demandeur. Les notes prises lors de l'entrevue au point d'entrée visent un objectif limité. Ainsi qu'il est précisé dans le Manuel des opérations relatif aux demandes de protection PP 1 Traitement des demandes de protection au Canada, au paragraphe 8.8 : « Le but de cette partie du contrôle vise à déterminer la recevabilité d'une demande qui, dans l'affirmative, sera déférée à la SPR. Le but de l'examen n'est toutefois pas d'examiner en profondeur le fondement de la demande d'asile » . Le jugement Sawyer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1140 (QL) est cité à l'appui de cet argument.
[6] À mon avis, aucune de ces prétentions ne peut être retenue. Premièrement, la Commission se rendrait effectivement coupable de déni de justice si elle considérait les notes prises au point d'entrée comme des faits concluants qui ne peuvent être modifiés, complétés ou expliqués dans le FRP ou à l'audience. Mais ce n'est pas ce que la Commission a fait. Elle n'a pas considéré les notes prises au point d'entrée comme des faits établis, mais elle les a comparées au FRP et aux déclarations faites à l'audience. Elle a estimé que la version des faits contenue dans les notes prises au point d'entrée était plus vraisemblable et crédible. Voilà précisément le rôle de la Commission. Ses conclusions étaient logiques et elles correspondaient aux faits allégués.
[7] En second lieu, bien qu'il soit vrai que dans le jugement Sawyer, précité, la demande avait été accueillie en partie parce que la Commission avait interprété à l'encontre du demandeur son défaut de produire une photo à l'entrevue tenue au point d'entrée, cette décision ne permet pas de conclure que les omissions constatées à l'entrevue tenue au point d'entrée ne peuvent pas être retenues contre le demandeur. Dans un cas comme celui-ci où le demandeur affirme qu'il est apolitique et ne parle pas de persécution à l'entrevue qu'il subit au point d'entrée pour ensuite formuler des allégations détaillées de persécution lors de son entrevue et dans son FRP, la Commission a certainement le droit de tirer des conclusions défavorables d'une telle omission.
[8] En l'espèce, les conclusions de la Commission reposaient sur des omissions dans les notes prises au point d'entrée, sur le manque de crédibilité du demandeur et sur son défaut de demander l'asile au cours de son séjour en Italie. Les conclusions tirées ne sauraient être considérées comme manifestement déraisonnables.
[9] En conséquence, la présente demande ne peut réussir.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.
« K. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7535-04
INTITULÉ : TOADER ALFRED (FREDDIE) SAVA
c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 MARS 2005
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 11 MARS 2005
COMPARUTIONS :
Lori Hill POUR LE DEMANDEUR
Lee Cohen
Susan Inglis POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
The Halifax Refugee Clinic POUR LE DEMANDEUR
Halifax (Nouvelle-Écosse)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada