Date : 19990331
Dossier : IMM-2586-98
ENTRE :
THEDCHANAMOORTH SHANMUGABARATHY,
SIVAMALAR SHANMUGABARATHY,
demandeurs,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D"ORDONNANCE
LE JUGE REED (version améliorée des motifs exposés à l"audition)
[1] La décision de la Commission comporte de nombreuses erreurs. Certaines de ces erreurs sont de nature mineure et ne peuvent entraîner l"annulation de la décision. D"autres, cependant, sont de nature fondamentale et décisive en ce qui concerne la décision.
[2] Je me suis penchée sur le témoignage que contient la transcription, dans le contexte des motifs exposés par la Commission pour étayer sa décision. La difficulté à laquelle je suis confrontée est que pour confirmer la décision, je dois la réécrire. Or, le juge saisi d"une demande de contrôle judiciaire n"a pas le droit de réécrire une décision afin de parvenir à une décision différente de celle d"une commission. De la même façon, il n"a pas le droit de réécrire une décision pour étayer une décision rendue par une commission. Pour confirmer la décision en cause dans la présente affaire, je dois l"interpréter de façon microscopique et très sélective, en rejetant les interprétations erronées des éléments de preuve qu"elle contient. Or, il ne convient pas d"adopter une telle démarche en examinant une décision.
[3] La Commission a mal interprété la preuve concernant le vol de matériel. En effet, elle a dit que le demandeur avait été avisé par son supérieur que [TRADUCTION] " absolument aucune mesure ne serait prise contre lui ". Cela est complètement contraire à son témoignage, selon lequel à l"époque où Jaffna était contrôlée par les TLET, le gouvernement ne pouvait pas prendre de mesures contre lui, mais son supérieur lui avait dit que si le gouvernement du Sri Lanka parvenait à prendre le contrôle du territoire, il était possible que des mesures soient effectivement prises. Le demandeur et son épouse ont quitté la région en 1995 (c.-à-d. cinq ans plus tard) après que leur maison a été bombardée et que le beau-frère et la belle-soeur du demandeur ont été tués, alors que l"armée du Sri Lanka s"approchait. L"armée a éventuellement pris le contrôle de la région.
[4] La Commission a inventé un motif pour rejeter le témoignage du demandeur concernant la cicatrice sur son bras. Il ressort du dossier qu"aucune question directe n"a été posée au demandeur sur la question de savoir pourquoi cette cicatrice - sa dimension? - sa forme? (qui indiquerait une blessure qui lui aurait été infligée à l"aide d"une arme en particulier?) aurait pu mener la Commission à conclure que ce dernier était un partisan des Tigres et qu"il avait combattu pour ceux-ci. Pourtant, la Commission s"est fondée sur le fait que la cicatrice ne ressemblait pas au symbole des Tigres pour conclure que le témoignage du demandeur n"était pas plausible. Elle a dit que lorsqu"il a été invité à s"exprimer sur une telle ressemblance, le demandeur a répondu de façon [TRADUCTION] " extrêmement vague et non convaincante ". Il ressort de la transcription que le demandeur n"a jamais suggéré qu"il y avait effectivement une telle ressemblance, et qu"en réponse à un commissaire qui lui a soumis cette hypothèse, il a dit de façon non équivoque qu"il n"y avait pas de telle ressemblance.
[5] Il ne fait aucun doute que la Commission a mal interprété la preuve lorsqu"elle a examiné la question de savoir si une PRI s"offrait aux demandeurs à Jaffna plutôt qu"à Colombo.
[6] Il ne fait aucun doute que la Commission a mal interprété la preuve lorsqu"elle a dit que les demandeurs ont attendu pendant toute une année, après avoir déposé une demande de passeport, avant de quitter le Sri Lanka, et que l"agent avait mis un an pour obtenir le passeport. Les demandeurs ont quitté le Sri Lanka en mai 1996. Il ressort de la preuve que le (les) passeport(s) a (ont) été reçu(s) en avril 1996.
[7] Par ailleurs, les motifs contiennent plusieurs autres erreurs auxquelles il n"a pas été renvoyé dans les présents motifs.
[8] Tout demandeur a le droit de constater, à la lecture des motifs exposés pour étayer la décision, que, dans une certaine mesure tout au moins, on l"a écouté et que son témoignage a été compris, même si la décision rendue ne lui est pas favorable. Un demandeur lisant les motifs exposés par la Commission dans la présente affaire ne pourrait faire une telle constatation.
[9] En résumé, les nombreuses erreurs fondamentales contenues dans la décision mènent à la conclusion que la Commission a tiré celle-ci sans tenir compte de la preuve dont elle disposait.
[10] Par ces motifs, la décision faisant l"objet du présent contrôle est annulée et l"affaire est renvoyée à la Commission pour qu"elle procède à une nouvelle audition.
" B. Reed "
juge
TORONTO (ONTARIO)
Le 31 mars 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : IMM-2586-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : THEDCHANAMOORTH SHANMUGABARATHY,
SIVAMALAR SHANMUGABARATHY
- c. -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION
DATE DE L"AUDIENCE : LE MERCREDI 31 MARS 1999
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
ORDONNANCE ET MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE REED
EN DATE DU : MERCREDI 31 MARS 1999
ONT COMPARU : M. Toni Schweitzer
Pour le demandeur
Mme Marianne Zoric
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Jackman, Waldman & Associates
Barristers & Solicitors
281, av. Eglinton est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990331
Dossier : IMM-2586-98
Entre :
THEDCHANAMOORTH SHANMUGABARATHY,
SIVAMALAR SHANMUGABARATHY,
demandeurs,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D"ORDONNANCE