Date : 20050823
Toronto (Ontario), le 23 août 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN
ENTRE :
demanderesse
et
CONROS CORPORATION
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'un appel d'une ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 7 juillet 2005 par laquelle elle a refusé de modifier une ordonnance de confidentialité.
[2] Madame Milczynski avait rendu sur consentement une ordonnance de confidentialité le 14 avril 2004 à titre de protonotaire chargée de la gestion de l'instance. Cette ordonnance stipulait entre autres qu'un représentant de chacune des parties aurait accès aux renseignements confidentiels visés. Le représentant désigné par la défenderesse était Joe Nunes, son directeur général.
[3] Le 13 août 2004 a été rendue sur consentement une ordonnance de confidentialité modificatrice autorisant Navin Chandaria, le président de la défenderesse, à recevoir des renseignements confidentiels [traduction] « dans le seul but d'examiner les pièces du dossier de requête en jugement sommaire de la demanderesse et d'y répondre » .
[4] Le 9 juin 2005, la défenderesse a sollicité une autre ordonnance modificatrice, laquelle porterait que Navin Chandria, son président, est également autorisé à recevoir tous renseignements confidentiels ou qu'il remplace M. Nunes.
[5] La protonotaire Milczynski a rejeté cette requête aux motifs suivants :
[TRADUCTION] Vu les pièces déposées, je conclus que la défenderesse n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve permettant d'établir pourquoi M. Chandaria devrait être également autorisé à recevoir des renseignements confidentiels ou pourquoi, à la présente étape, il devrait remplacer M. Nunes à titre de destinataire autorisé de tels renseignements. Je ne vois guère de raisons, voire aucune, de conclure que la modification demandée est justifiée. Comme je le disais plus haut, la défenderesse elle-même a décidé que M. Nunes était le représentant autorisé qui lui convenait, d'abord en avril 2004, puis encore une fois en août de la même année, étant donné la portée limitée de la communication permise à M. Chandaria dans le cadre de la requête en jugement sommaire. En outre, rien n'établit que la défenderesse subirait un préjudice ni qu'elle est ou serait incapable de donner les instructions nécessaires à ses avocats.
[6] La défenderesse fait appel de cette ordonnance en faisant valoir que la protonotaire a commis une erreur et invoque les considérations suivantes :
[TRADUCTION]
Le motif convaincant qui commande et justifie la modification de l'ordonnance de confidentialité est que la présente action va maintenant passer aux étapes suivantes :
a) l'interrogatoire préalable de la demanderesse,
b) la conférence préparatoire,
c) l'instruction.
À ces étapes, il est tout aussi important que Navin Chandaria, le président de Conros, soit pleinement informé de toutes les questions pertinentes, de fait comme de droit, afin d'être en mesure de donner les instructions nécessaires aux avocats de cette entreprise sur toutes les questions, qu'il s'agisse de responsabilité, de dommages-intérêts ou de règlement, de sorte qu'elle puisse opposer une réponse complète aux prétentions de la demanderesse.
[7] Pour obtenir gain de cause, la partie qui fait appel de la décision d'un protonotaire doit satisfaire au critère formulé dans Canada c. Aqua -Gem Investments, [1993] 2 CF 425, où le juge MacGuigan formule les observations suivantes au paragraphe 95 :
Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :
a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,
b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.
[...]
Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.
[8] L'ordonnance qui nous occupe ne porte pas sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal. Par conséquent, pour obtenir gain de cause, la défenderesse doit établir que l'ordonnance de la protonotaire Milczynski « est entachée d'erreur flagrante, en ce sens [qu'elle] a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits » .
[9] Dans l'ordonnance attaquée, la protonotaire Milczynsky a appliqué le critère relatif aux ordonnances modificatrices énoncé dans Smith Kline c. Canada (P.G.), [1998] A.C.F. no 223 et approuvé par la Cour d'appel dans Apotex Inc. c. Astra Zeneca Canada Inc., 2004 CAF 226, à savoir celui qui consiste à « déterminer si les faits créent un changement de circonstances ou un motif convaincant de modifier l'ordonnance » .
[10] Les faits présentés à la protonotaire Milczynski ne remplissent ni l'une ni l'autre de ces conditions. L'affidavit de Hothi Keshvala invoqué par Conros expose seulement les faits de la présente espèce. Le paragraphe principal invoqué est ainsi rédigé :
[TRADUCTION]
À l'heure actuelle, c'est Joe Nunes, le directeur général de Conros, qui est le représentant autorisé de cette dernière quant à la réception des renseignements confidentiels selon le paragraphe 2 de l'ordonnance de confidentialité en date du 14 avril 2004. Cependant, Conros estime important que son président, Navin Chandaria, soit maintenant autorisé à recevoir des renseignements confidentiels au même titre que M. Nunes, de sorte que ces personnes, qui occupent des postes clés dans l'entreprise, puissent toutes deux donner les informations et les instructions nécessaires aux avocats de cette dernière.
Toutefois, dans le cas où la Cour déciderait qu'une seule personne doit être autorisée à recevoir des renseignements confidentiels en application du paragraphe 2 de ladite ordonnance de confidentialité, Conros estime qu'il serait de son intérêt que cette personne soit son président, Navin Chandaria.
[11] Il s'agit là d'une affirmation ou de l'expression d'une conviction, et non de faits qui « créent un changement de circonstances ou un motif convaincant de modifier l'ordonnance » . La présente instance passe tout simplement à une nouvelle étape.
[12] En conséquence, la défenderesse ne satisfait pas au critère formulé dans l'arrêt Aqua-Gem, précité, de sorte que le présent appel doit être rejeté.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que le présent appel soit rejeté, avec dépens en faveur de la demanderesse.
« K. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B., trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-30-03
INTITULÉ : HENKEL CANADA CORPORATION
et
CONROS CORPORATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 AOÛT 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE VON FINCKENSTEIN
DATE : LE 23 AOÛT 2005
COMPARUTIONS :
James H. Buchan POUR LA DEMANDERESSE
Ross Morrison POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
James H. Buchan
Avocat
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
Ross Morrison
Avocat
Toronto (Ontario) POUR LA DÉFENDERESSE