Date : 20000530
Dossier : IMM-1512-99
OTTAWA (ONTARIO), LE 30 MAI 2000
EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT
ENTRE :
ABDUL MAJEED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la demande de contrôle judiciaire du refus d'une agente des visas, en date du 10 février 1999, d'accorder la résidence permanente au demandeur dans la catégorie d'entrepreneur;
ET vu l'examen des prétentions écrites des parties et l'audience du 24 mai 2000 tenue à Toronto (Ontario);
IL EST ORDONNÉ QUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Allan Lutfy
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
Date : 20000530
Dossier : IMM-1512-99
ENTRE :
ABDUL MAJEED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY
[1] Le demandeur, Abdul Majeed, demande le contrôle judiciaire du refus de l'agente des visas de lui accorder la résidence permanente à titre d'entrepreneur.
[2] Le premier argument présenté au nom de M. Majeed est que l'agente des visas a commis une erreur en interprétant et en appliquant la définition « d'entrepreneur » , au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, tel que modifié. La partie pertinente de cette définition est rédigée comme suit :
"entrepreneur" means an immigrant (a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada ... |
« entrepreneur » désigne un immigrant a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, ... |
L'avocat du demandeur soutient que l'agente des visas, en considérant surtout si le demandeur était en mesure « d'établir » une entreprise, n'a pas examiné la possibilité que M. Majeed pourrait « acheter » une entreprise ou un commerce au Canada, au sens de la définition.
[3] Les termes « établir ou acheter...ou investir une somme importante » doivent être examinés de façon distincte et l'agent des visas doit évaluer chacun d'entre eux : Mak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 38 Imm. L.R. (2d) 15 (C.F. 1re Inst.), aux paragraphes 11 à 13 et Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 290 (C.F. 1re Inst.), au paragraphe 9.
[4] Le demandeur s'appuie sur certaines des déclarations que l'on trouve dans sa demande et dans son affidavit en l'instance, pour déclarer que l'agente des visas n'a pas examiné s'il était en mesure d'acheter une entreprise.
[5] On m'a renvoyé à la partie suivante du document de 11 pages dans lequel M. Majeed énonce son plan d'affaires :
[traduction] |
Un de mes contacts au Moyen-Orient examine actuellement les boutiques et la fabrication de prêt-à-porter à Montréal. J'ai entrepris des discussions avec lui. Il est possible que je m'associe avec lui pour ouvrir quelque chose à Toronto, profitant ainsi de son expertise et de ses contacts. Je veux contrôler le commerce à Toronto, préférant donc posséder au moins 51 p. 100 de l'affaire... |
Cette déclaration ne fait état que d'une possibilité de s'associer pour établir une entreprise et on n'y trouve pas une déclaration claire d'intention d'acheter une entreprise.
[6] Dans un autre document de sept pages, où le demandeur fait état de son expérience dans la gestion d'affaires, on s'appuie sur la déclaration suivante :
[traduction]
Il est prévu que l'entreprise ait un propriétaire unique. Toutefois, je suis tout à fait disposé à m'associer à une entreprise existante ou à d'autres entrepreneurs pour constituer une compagnie. Je voudrais toutefois conserver 51 p. 100 de l'affaire, ou avoir le contrôle des actions. |
Encore une fois, cette déclaration est équivoque. Elle peut porter sur l'achat d'actions dans une affaire existante, ou sur le démarrage d'une nouvelle entreprise avec des partenaires.
[7] Finalement le demandeur s'appuie sur la déclaration suivante qu'on trouve dans son affidavit de 78 paragraphes :
[traduction]
53. J'ai encore une fois expliqué que dans le commerce d'import/export l'argent tourne et que je croyais sincèrement avoir assez de fonds pour financer l'entreprise prévue. De plus, à cette étape les fournisseurs canadiens seraient certainement impliqués - (à ce moment-là, j'ai cru qu'il fallait changer le sujet et ait donc déclaré) - j'avais aussi d'autres options, comme la possibilité de m'associer avec un de mes clients qui organisait une boutique et une entreprise de fabrication de prêt-à-porter à Montréal. Il était possible que je m'associe à lui et que j'achète/investisse 51 p. 100 dans son commerce à Toronto, en plus de la possibilité de m'associer avec mes parents et amis au Canada. J'ai aussi mentionné l'unité de couture. [C'est moi qui souligne.] |
C'est la seule mention précise qu'on trouve dans la documentation qui m'est soumise de la possibilité que le demandeur achète une part d'une entreprise existante.
[8] Le fait que l'agente des visas n'ait pas examiné la possibilité que le demandeur « achète » une entreprise au Canada ne constitue une erreur ouvrant droit à l'intervention de la Cour que s'il existe des faits qui démontrent clairement une telle intention. Un demandeur peut très bien décider de ne se fonder que sur une seule des trois options prévues dans la définition, auquel cas l'agente des visas n'a pas à examiner les deux autres options : Bakhshaee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 45 Imm. L.R. (2d) 196 (C.F. 1re Inst.), au paragraphe 4.
[9] En l'instance, il est vrai que dans sa décision et son affidavit l'agente des visas a traité essentiellement, sinon exclusivement, de l'aptitude du demandeur à établir une entreprise. Ceci correspond avec l'essentiel de l'entrevue, qu'elle a consignée dans ses notes au STIDI. Les mentions sur lesquelles le demandeur s'appuie, au sujet d'une possibilité qu'il achète une entreprise, sont trop excentriques, vagues et spéculatives pour que l'agente des visas ait eu le devoir de les examiner dans sa prise de décision. En conséquence, le premier argument du demandeur est rejeté.
[10] La deuxième prétention du demandeur porte que la décision de l'agente des visas était fondée sur des considérations non pertinentes.
[11] En évaluant une demande dans la catégorie d'entrepreneur, la décision d'un agent des visas ne peut être fondée seulement sur le fait que l'expérience de travail d'un demandeur est celle d'un employé et non d'un propriétaire, non plus que sur le fait de savoir si le demandeur a de solides antécédents en affaires. Ces considérations débordent du cadre de la définition. Il faut s'arrêter au fait que l'appelant a l'intention et est « en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante » : Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 96 (CAF), à la page 102.
[12] En l'instance, le demandeur conteste une déclaration faite par l'agente des visas dans son affidavit, déclaration que le défendeur soutient n'avoir été faite qu'en réponse à une affirmation que l'on trouve dans l'affidavit du demandeur. Il est utile de citer tour à tour les déclarations du demandeur et de l'agente des visas :
a) selon le demandeur : |
[traduction]
69. Elle a déclaré que j'avais eu du succès dans le passé parce que j'étais appuyé par une grande organisation. J'ai expliqué que bien sûr le nom est important, mais en même temps il est absolument nécessaire pour préserver ce nom et la solidité de l'organisation qu'il y ait des dirigeants compétents pour mettre sur pied et diriger l'entreprise avec succès, en saisissant les occasions. Après tout, ce sont les compétences des personnes qui jouent un rôle vital dans l'évolution d'une organisation. |
b) selon l'agente des visas : |
[traduction]
Au sujet du paragraphe 69, le demandeur est un gérant d'assurance au sein d'une grande compagnie et son expérience antérieure est dans le secteur des assurances. Il n'a jamais eu la charge entière des résultats d'une entreprise. Je n'ai fait que noter qu'il avait travaillé dans une grande organisation jusque là et que la situation serait différente s'il devenait un entrepreneur à son compte sans avoir les appuis qui sont rattachés à une organisation connue... |
[13] Selon moi, le demandeur n'a pas démontré que l'agente des visas s'est appuyée sur des considérations non pertinentes lorsqu'elle a fait état de la carrière du demandeur. La déclaration voulant qu'il « n'a jamais eu la charge entière des résultats d'une entreprise » n'est qu'une réponse aux déclarations du demandeur dans son affidavit qui porte sur le rôle fondamental de dirigeants compétents dans les grandes entreprises. L'agente des visas a tout simplement fait état de l'emploi antérieur du demandeur avec une compagnie d'assurance internationale, comme directeur régional pour le Moyen-Orient, et au fait que cette situation était très différente par rapport au type d'entreprise qu'il avait l'intention d'établir au Canada.
[14] La lettre de décision de l'agente des visas démontre qu'elle avait compris que l'emploi du demandeur auprès d'une compagnie d'assurance importante n'était pas un facteur négatif dans le cadre de sa demande et qu'il n'était pas nécessaire qu'il ait une expérience antérieure de gestionnaire de son entreprise. Elle déclare à ce sujet : [traduction] « Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir une expérience directe de gestion d'une entreprise pour obtenir le statut de résident permanent comme entrepreneur, ce facteur, combiné avec d'autres facteurs de la demande, peut nous aider à déterminer la probabilité que vous satisfaisiez à la définition d'un entrepreneur » . Dans son affidavit, elle a ajouté que le demandeur [traduction] « avait une connaissance insuffisante du marché, de la concurrence, des coûts probables, etc., et qu'il n'avait pas procédé à une planification ou à des recherches adéquates » .
[15] Voici les commentaires en conclusion aux notes STIDI de l'agente des visas, qui expliquent sa décision :
[traduction]
- Le demandeur a déclaré que son aptitude à établir une entreprise est fondée sur son expérience antérieure et sur sa bonne situation financière. |
- Il présume que le coût d'exportation des denrées canadiennes sera moins élevé que celui d'autres marchés, compte tenu des coûts de transport moins élevés. Rien dans la preuve ne vient appuyer ce point de vue. |
- Il n'a fait aucune recherche pour déterminer s'il y a un marché pour ces denrées canadiennes. Il n'a parlé à aucune des compagnies ou aux distributeurs canadiens de ces produits. Il n'a aucune idée du coût d'achat de ces denrées, des frais de transport ou du prix de leur vente à ses contacts au Moyen-Orient. Sans ces renseignements, comment peut-il savoir s'il peut faire de l'argent dans cette entreprise?? Ou même qu'il en coûtera moins cher d'exporter ces produits du Canada? |
- ... Bien qu'on ne s'attende pas à une connaissance détaillée de l'entreprise, le demandeur n'a pas la moindre idée du marché pertinent, de la concurrence, des coûts, etc. |
[16] En résumé, je suis convaincu que le refus de l'agente des visas d'accepter le demandeur dans la catégorie d'entrepreneur au sens de la définition de la loi était tout à fait envisageable au vu de la preuve documentaire. Le demandeur n'a pas démontré l'existence d'une erreur qui justifierait l'intervention de la Cour. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n'a suggéré la certification d'une question grave.
Allan Lutfy
J.C.A.
Ottawa (Ontario)
Le 30 mai 2000
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-1512-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : ABDUL MAJEED c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
DATE DE L'AUDIENCE : LE 24 MAI 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY
EN DATE DU : 30 MAI 2000
ONT COMPARU
M. Max Chaudhary pour le demandeur
Mme Ann Margaret Oberst pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Chaudhary Law Office pour le demandeur
North York (Ontario)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada