Date : 20051220
Dossier : IMM-10295-04
Référence : 2005 CF 1656
ENTRE :
Scott Osaru
demandeur
et
le ministre de la CitoyennetÉ et de l'Immigration
défendeur
Motifs de l'ordonnance
Le juge Pinard :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié (la Commission) a conclu, en date du 15 novembre 2004, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions respectivement contenues aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Scott Osaru (le demandeur) est un citoyen du Nigeria qui prétend craindre avec raison d'être persécuté par la société des Ogbonis et par sa belle-mère du fait de sa religion et de son appartenance à un groupe social, c.-à-d. la famille, étant le fils aîné.
[3] La Commission a rejeté sa demande en concluant que le demandeur n'avait pas présenté suffisamment d'éléments de preuve crédibles et dignes de foi. La Commission a plus explicitement tiré les conclusions suivantes :
- la Commission a estimé que le témoignage du demandeur était incohérent sur des éléments importants et elle a eu l'impression que le demandeur en avait « inventé des parties » au fur et à mesure;
- le demandeur a omis de mentionner dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il avait été à plus d'une reprise violemment battu par la police;
- la déposition du demandeur ne corroborait pas la preuve documentaire quant au caractère pacifique de la société des Ogbonis, un groupe qui ne se livre pas à des actes de violence;
- le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer que les Obgonis estimaient que sa situation était exceptionnelle et qu'ils se devaient donc de l'intégrer dans leurs rangs;
- la Commission a jugé non crédible le demandeur lorsque, dans son témoignage, il a tenté de dramatiser l'ampleur des blessures qu'il aurait subies pour ensuite les banaliser lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ses actions;
- la Commission a conclu qu'il « existe peut-être un conflit entre le demandeur d'asile et sa belle-mère, son demi-frère et sa demi-soeur dont l'étendue est loin d'être claire » ; et
- la Commission ne disposait d'aucun élément de preuve pouvant étayer l'allégation du demandeur selon laquelle il pourrait être lapidé par les Nigérians pour pratique de sorcellerie.
De plus, la Commission a jugé que le demandeur pouvait se prévaloir d'une protection adéquate de l'État et d'une possibilité de refuge intérieur à Lagos.
[4] La Cour ne peut pas substituer son opinion à celle de la Commission à l'égard des conclusions quant à la crédibilité, à moins que le demandeur puisse démontrer que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé capable d'apprécier la vraisemblance et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure où les inférences qu'elle en tire ne sont pas déraisonnables (arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et où ses motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (arrêt Hilo c. Canada (M.E.I.) (1992), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[5] Certes, comme le prétend le demandeur, un simple récit de certains faits tirés de la preuve ne constitue pas en droit un motif valable de conclure à la non-crédibilité de sa preuve, mais je suis d'avis que ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce.
[6] Les motifs de la décision la Commission doivent être considérés dans leur ensemble et non être examinés à la loupe (Ndombele c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2001 CFPI 1211,Botros c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2002 CFPI 1298, Makki c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CFPI 619, et Kuanzambi c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2002 CFPI 1307). Des gaucheries de langage ou d'expression sont souvent compréhensibles, et elles doivent rester sans conséquence, pourvu qu'à la lecture d'ensemble de la décision on puisse voir que les membres du tribunal ne se sont pas fourvoyés sur leur rôle ou sur la façon de le remplir. (Voir Lesanu c. Canada (M.E.I), [1993] A.C.F. n º 962 (C.A.F) (QL).)
[7] Si on lit les motifs de la Commission dans leur intégralité, on constate que la Commission a clairement exposé les facteurs qui l'ont amenée à douter de la crédibilité du demandeur. Dans le paragraphe initial de son analyse, la Commission a distinctement déclaré :
Le témoignage du demandeur d'asile était franc en partie, mais artificiel et improbable à d'autres égards. Le tribunal estime que son témoignage était incohérent sur des aspects importants et il a l'impression que le demandeur d'asile en a inventé des parties au fur et à mesure. Le tribunal note en particulier que, dans son exposé circonstancié, le demandeur d'asile a déclaré que la police le menaçait et le harcelait. Or, il a témoigné que la police l'avait violemment battu à au moins deux reprises, ce qu'il n'a pas indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et ce qui constitue une omission pour laquelle il n'a donné aucune explication. Le témoignage du demandeur d'asile ne paraît pas crédible au tribunal.
[8] Les dix pages suivantes exposaient on ne peut plus clairement les motifs précis justifiant la conclusion de la Commission quant à la non-crédibilité du témoignage du demandeur, lesquels vont de contradictions avec la preuve documentaire aux invraisemblances, en passant par des contradictions dans le témoignage du demandeur.
[9] À mon avis, la Commission n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire en ce qui concerne sa conclusion quant à la crédibilité ou les motifs qui la sous-tendent. Cette conclusion à elle seule suffit pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire. Comme la Commission n'a pas cru son histoire, le demandeur ne satisfait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention ni à celle de « personne à protéger » . Je n'ai donc pas à me pencher sur les conclusions supplémentaires relatives à la possibilité de protection de l'État et de refuge intérieur.
[10] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
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Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 20 décembre 2005
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-10295-04
INTITULÉ : SCOTT OSARU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 10 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 20 DÉCEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Kingsley I. Jesuorobo POUR LE DEMANDEUR
Allison Phillips POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kingsley I. Jesuorobo POUR LE DEMANDEUR
North York (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20051220
Dossier : IMM-10295-04
OTTAWA (ONTARIO), le 20 décembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
Scott Osaru
demandeur
et
le ministre de la CitoyennetÉ et de l'Immigration
défendeur
ordonnance
La demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié a conclu, en date du 15 novembre 2004, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions respectivement contenues aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.
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Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B