Date : 20020409
Dossier : IMM-1457-02
Référence neutre : 2002 CFPI 399
ENTRE :
JOSE BONERGE MONGE TOBAR
Dossier de CIC no 5139-3897-1546
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE LEMIEUX
- Le demandeur, un citoyen d'El Salvador, cherche à obtenir un sursis intérimaire de l'exécution de la mesure de renvoi rendue contre lui jusqu'à ce que sa demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision de ne pas surseoir à l'exécution rendue par Meagan Sands (l'agente de renvoi) soit jugée ou jusqu'à ce que sa demande faite pour des raisons d'ordre humanitaire soumise à Citoyenneté et Immigration Canada le 23 octobre 2001 soit décidée.
[2] Le demandeur est arrivé à Lacolle (Québec) en mai 1999 et, en juin 1999, il a fait une revendication du statut de réfugié qui a été transférée à Vancouver pour audience.
[3] Le 28 juin 2001, la section du statut a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le tribunal a estimé que le témoignage de ce dernier n'était pas crédible.
[4] Après son arrivée à Vancouver, le demandeur a rencontré Olivia Violet Jim, une citoyenne canadienne. Ceux-ci se sont mariés le 2 mars 2001. Celle-ci a donné naissance à leur premier enfant, Benjamin, le 3 septembre 2001. Celle-ci a aussi un enfant appelé Shea, né d'une union antérieure. Shea est née le 5 février 1999.
[5] Le 19 octobre 2001, le demandeur a présenté une demande parrainée de résidence permanente au Canada et il a fait une demande d'exemption en vertu de l'article 114 de la Loi sur l'immigration permettant le traitement de la demande au Canada. Aucune décision n'a encore été rendue à l'égard de cette demande.
[6] L'avocat du demandeur a centré son argumentation sur la lettre de décision de l'agente de renvoi datée du 27 mars 2002 et il a prétendu que celle-ci soulevait de sérieuses questions concernant les points suivants :
i) l'agente de renvoi a-t-elle tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants car la lettre se concentrait sur le passé criminel du demandeur pour lequel celui-ci a été condamné à une année de probation;
ii) dans cette lettre, l'agente de renvoi a tiré une conclusion qui ne repose sur aucun élément de preuve et selon laquelle les intérêts émotifs et financiers de l'enfant seront protégés grâce au système de soutien familial qui est déjà en place pour l'enfant et qui comprend la soeur et la mère de l'enfant ainsi que la famille étendue de cette dernière.
[7] En ce qui concerne le préjudice irréparable, l'avocat du demandeur a d'abord soulevé la question du préjudice irréparable que pourrait subir le demandeur si ce dernier retournait au El Salvador, pays dans lequel celui-ci craignait pour sa vie en raison des événements qui l'ont poussé à fuir. L'avocat a, plus tard, laissé tomber ce point lorsqu'il a été démontré que l'on n'avait jamais soulevé, auprès de Citoyenneté et Immigration Canada, cette question du risque que présentait le renvoi.
[8] Ce qui restait à discuter sur la question du préjudice irréparable n'était pas la question du préjudice irréparable causé au demandeur lui-même, mais plutôt la question du préjudice irréparable causé à l'épouse de ce dernier qui dépendait de lui pour prendre soin des enfants alors que celle-ci tentait d'améliorer sa situation.
[9] Notre Cour a affirmé, à de nombreuses reprises, que le pouvoir discrétionnaire de l'agent de renvoi était très limité. D'une part, la portée d'un tel pouvoir discrétionnaire s'étend aux questions liées au processus de renvoi lui-même et, d'autre part, il peut s'étendre à des questions plus fondamentales liées à la vie du demandeur, dont on ne parle pas dans la présente cause.
[10] De plus, il est constant, en jurisprudence, qu'une demande faite pour des raisons d'ordre humanitaire qui n'a pas encore été traitée en elle-même, sans rien de plus, ne suffise pas à déclencher un exercice positif du pouvoir discrétionnaire de l'agent de renvoi, compte tenu du mandat conféré par la loi que le Parlement a accordé aux agents de renvoi afin d'exécuter une mesure de renvoi dès que possible.
[11] De toute évidence, le demandeur n'a pas satisfait au critère de préjudice irréparable. Celui-ci n'a pas vraiment présenté d'éléments de preuve sur le point du préjudice qui lui aurait été causé et qui serait de la nature de ceux qui sont reconnus par la jurisprudence afin de justifier un report d'une mesure de renvoi valide.
[12] En l'instance, il ressort de la preuve que la famille ferait face à de grandes difficultés si le demandeur était renvoyé. Il existe de nombreuses causes présentées devant notre Cour qui ont statué qu'une telle preuve ne suffit pas à satisfaire au critère du préjudice irréparable.
[13] En ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants, la Cour d'appel fédérale a affirmé dans un récent jugement, Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Legault [2002] C.A.F. 125 (28 mars 2002), ce qui suit :
[12] ... La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu, à ce jour, que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays...
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[14] L'arrêt Legault, précité, nous révèle également que le tribunal d'examen ne doit pas réévaluer les facteurs dont l'agente de renvoi a tenu compte à bon droit. Malgré que j'en serais peut-être arrivé à une conclusion différente de celle de l'agente de renvoi sur ce qui constitue l'intérêt supérieur des enfants, je ne peux pas intervenir simplement afin de substituer ma décision à celle de l'agente de renvoi.
[15] Je dois conclure qu'il y a eu une erreur manifeste, ce que ne révèle pas le dossier.
[16] Pour tous ces motifs, la demande de sursis est rejetée.
« F. Lemieux »
Juge
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 9 avril 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRAL DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1457-02
INTITULÉ : Jose Bonerge Monge Tobar c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 8 avril 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Lemieux
DATE DES MOTIFS : Le 9 avril 2002
COMPARUTIONS :
Emma Andrews POUR LE DEMANDEUR
Pauline Anthoine POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Andrews, Bjarnason POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR
Ministère de la Justice
Vancouver (Colombie-Britannique)