Date : 19980130
Dossier : IMM-845-97
Toronto (Ontario), le vendredi 30 janvier 1998
EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE GIBSON
ENTRE :
FAROKHLAGHA EFTEKHARI
DENIZ RANDERIA
PEDRAM RANDERIA,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée au ministre pour nouvel examen de la question de savoir si, individuellement, les requérants appartiennent à la catégorie des DNRSRC, et s'ils doivent, à ce titre, et en vertu des textes applicables, avoir une occasion raisonnable de présenter leurs observations sur la question, soit personnellement soit par l'intermédiaire d'un avocat.
La Cour certifie la question suivante :
En se prononçant sur le risque qui existe, dans le cas de personnes appartenant à la catégorie des DNRSRC, l'agent de révision des revendications refusées est-il tenu d'évaluer le risque que court le requérant pour chacun des pays vers lequel il pourrait être expulsé ou auquel il dit craindre de rentrer. |
Frederic E. Gibson
juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau
Date : 19980130
Dossier : IMM-845-97
ENTRE :
FAROKHLAGHA EFTEKHARI
DENIZ RANDERIA
PEDRAM RANDERIA,
requérants,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE GIBSON
[1] Ces motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent de révision des revendications refusées (agent de RRR), par laquelle l'agent de RRR a décidé qu'il ne disposait pas de preuves suffisantes indiquant que les requérants s'exposent objectivement à un risque de mort, à des sanctions excessives ou des traitements inhumains s'ils sont renvoyés du Canada au Pakistan. Il a donc conclu que les requérants n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (catégorie des DNRSRC). La décision de l'agent de RRR est en date du 10 février 1997.
[2] Farokhlagha Eftekhari (la requérante principale) est née en Iran au mois de mars 1953. Pedram Randeria et Deniz Randeria (les enfants requérants) sont les enfants de la requérante principale. Eux aussi sont nés en Iran. Ils affirment tous les trois craindre d'être persécutés s'ils sont renvoyés en Iran. Tous les trois affirment être encore des ressortissants iraniens.
[3] La requérante principale a épousé, en Iran, un Pakistanais appartenant à la religion zoroastrienne. La requérante principale, qui était musulmane, s'est convertie à la foi zoroastrienne. La requérante principale a témoigné que, peu après la naissance de leurs deux enfants, elle et son mari, ainsi que les enfants, se sont enfuis au Pakistan car, en Iran, ils craignaient pour leur sécurité, du fait de leur religion. La requérante principale a déclaré que ni elle ni ses enfants n'étaient devenus citoyens du Pakistan.
[4] L'époux de la requérante principale est mort. Après son décès, la requérante principale craignait d'être renvoyée, elle et ses enfants, en Iran étant donné qu'au Pakistan ils n'avaient aucun statut officiel. Pour éviter cela, les trois requérants se sont enfuis au Canada, où ils sont arrivés au mois de juillet 1993. Dès leur arrivée, ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Au mois de février 1996, il a été décidé qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. On leur a refusé l'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de la décision concernant leur revendication du statut de réfugié. En raison de cela, il devenait possible aux requérants d'être éventuellement reconnus comme appartenant à la catégorie des DNRSRC.
[5] Dans cette demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent de RRR les écartant de la catégorie des DNRSRC, les requérants ne mettent pas en cause la décision selon laquelle ils ne risqueraient pas objectivement de voir leur vie menacée, ou d'être exposés à des sanctions excessives ou à des traitements inhumains si on les renvoyait du Canada au Pakistan. Plutôt, ils font valoir que l'agent de RRR a commis une erreur justifiant le contrôle judiciaire de sa décision en évaluant seulement le risque pakistanais, et non pas le risque qui pourrait se poser en Iran.
[6] Selon l'alinéa c) de la définition de " membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada ", qui figure au paragraphe 2(1) du Règlement de 1978 sur l'immigration1, un immigrant au Canada fait partie de cette catégorie si, en plus de répondre à certains autres critères, il s'agit d'un immigrant ou d'une immigrante au Canada :
c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l'expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l'un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d'autres individus provenant de ce pays ou s'y trouvant : |
(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l'incapacité de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats, |
(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées contre lui, |
(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé. |
[non souligné dans l'original] |
Le paragraphe 52(2) de la Loi sur l'immigration2 prévoit que :
(2) Dans tous les autres cas, l'individu est, sous réserve du paragraphe (3), renvoyé : |
a) soit dans le pays d'où il est arrivé; |
b) soit dans le pays où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada; |
c) soit dans le pays dont il est le ressortissant; |
d) soit dans son pays natal. |
En l'espèce, le paragraphe 53(2) importe peu.
[7] Nul ne conteste que les requérants sont arrivés au Canada en provenance du Pakistan et qu'ils pourraient donc, aux termes de l'alinéa 52(2)a) de la Loi, être renvoyés au Pakistan. C'est donc à bon droit que l'agent de RRR a évalué le risque que les requérants courraient au Pakistan. Il est exact de dire qu'on ne sait pas au juste si la dernière résidence permanente des requérants était au Pakistan ou en Iran, s'ils sont ressortissants ou citoyens du Pakistan ou, comme ils le prétendent eux, de l'Iran. Il est également évident que tous les requérants sont nés en Iran et qu'ils pourraient ainsi être renvoyés en Iran conformément à l'alinéa 52(2)a) de la Loi. Je ne vois donc pas comment on pourrait contester que l'Iran est un pays auquel chacun des requérants " ...peut être renvoyé... " selon les termes même de l'alinéa c) de la définition de " membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada " citée plus haut. Autrement dit, l'agent de RRR n'a pas évalué le risque auquel seraient exposés les requérants en Iran, pays dans lequel chacun des requérants pourrait être renvoyé étant donné qu'ils sont tous nés dans ce pays-là.
[8] En omettant d'évaluer le risque auquel les requérants pourraient être exposés en Iran, l'agent de RRR a-t-il commis une erreur justifiant le contrôle judiciaire de sa décision? J'estime qu'il y a lieu de répondre par l'affirmative.
[9] Dans l'affaire Pakar Singh et autre c. Ministre de la citoyenneté et de l'immigration3, la Cour a conclu :
La Cour estime en effet que l'agente a commis une erreur de droit en refusant d'exercer sa compétence : elle se devait d'examiner la possibilité que la requérante soit exposée à un risque de retour dans son pays de citoyenneté, l'Inde. |
Je parviens à la même conclusion en l'espèce. En d'autres termes, la Cour estime que l'agent de RRR a commis une erreur de droit justifiant le contrôle judiciaire, en refusant d'exercer sa compétence : il(elle) aurait dû tenir compte de la possibilité que chacun des requérants serait exposé à un risque si on le renvoyait dans son pays d'origine, l'Iran, qui est peut-être également le pays dont ils sont citoyens ou ressortissants.
[10] Pour ces motifs, le demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agent de RRR est annulée et l'affaire est renvoyée à l'intimé pour nouvel examen de la question à savoir si, individuellement, les requérants appartiennent à la catégorie des DNRSRC, et s'ils doivent, à ce titre, et en vertu des textes applicables, avoir une occasion raisonnable de présenter leurs observations sur la question, soit personnellement soit par l'intermédiaire d'un avocat.
[11] La Cour certifie la question suivante :
En se prononçant sur le risque qui existe, dans le cas de personnes appartenant à la catégorie des DNRSRC, l'agent de révision des revendications refusées est-il tenu d'évaluer le risque que court le requérant pour chacun des pays vers lequel il pourrait être expulsé ou auquel il dit craindre de rentrer. |
Frederic E. Gibson
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 30 janvier 1998
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
COUR DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-845-97 |
INTITULÉ : Farokhlagha Eftekhari et autres c. M.C.I. |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 22 janvier 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE GIBSON
DATE : le 30 janvier 1998 |
ONT COMPARU :
Me Geraldine Sadoway pour les requérants |
Me Susan Nucci pour l'intimé |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Geraldine Sadoway
Toronto (Ontario) pour les requérants |
George Thompson
Sous-procureur général
du Canada pour l'intimé |