Date : 20000307
Dossier : T-485-99
ACTION EN AMIRAUTÉIN PERSONAM
ENTRE :
SHIPDOCK AMSTERDAM B.V.
demanderesse
- et -
THE CAST GROUP INC. et CAST (1983) LIMITED
et CAST MANAGEMENT LIMITED et
LA BANQUE ROYALE DU CANADA et
PRICE WATERHOUSE COOPERS et FASKEN,
CAMPBELL, GODREY et RICHARD HOGG
LINDLEY et AON REED STENHOUSE et
M.J. OPPENHEIM EN SA QUALITÉ DE
FONDÉ DE POUVOIR AU CANADA POUR LES ASSUREURS ,
MEMBRES DE LLOYD'S, LONDRES (ANGLETERRE)
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE O'KEEFE
[1] Il s'agit d'une requête du défendeur, LA BANQUE ROYALE DU CANADA, datée du 20 janvier 2000, pour que la Cour ordonne la radiation totale ou partielle de l'affidavit de James William Andrew datée du 27 octobre 1999. L'affidavit a été présenté à l'appui de la requête de la demanderesse pour jugement sommaire.
[2] La demanderesse opère un chantier de construction et de réparation de navires aux Pays-Bas qui aurait effectué des réparations sur un navire nommé « Cast Husky » . La demanderesse n'a pas été payée pour ce travail. La demanderesse dans le dossier principal présente une réclamation contre la Banque Royale en paiement de son état de compte, comme elle allègue que la Banque Royale se serait fait verser le produit de l'assurance, lequel aurait dû servir à la payer.
[3] LA BANQUE ROYALE DU CANADA (défenderesse) a formulé une objection quant à l'affidavit pour divers motifs, notamment :
[TRADUCTION] |
a) le déposant n'avait pas une connaissance personnelle des faits sur lesquels porte l'affidavit et; |
b) le déposant n'a pas exposé ce qu'il croyait être les faits et n'a pas fourni de motifs à l'appui, par conséquent; |
c) le déposant n'a pas obtenu l'autorisation de la Cour pour être l'auteur d'un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit. Le déposant est un avocat du cabinet qui représente la demanderesse; |
d) certains des paragraphes de l'affidavit constituent des conclusions de droit. |
[4] Après que la défenderesse eut déposé la présente requête dans laquelle elle formule une objection quant à l'affidavit, le déposant a déposé un deuxième affidavit daté du 27 janvier 2000. Le second affidavit énonce qu'il a été rédigé pour les raisons suivantes :
2. [TRADUCTION] Je souscris au présent affidavit à titre de complément de mon affidavit daté du 27 octobre 1999, et je le présente à l'appui de la requête de la demanderesse pour jugement sommaire. J'y souscris également dans le but de répondre à la requête de la défenderesse, La Banque Royale du Canada (ci-après la « défenderesse » ), qui vise la radiation de divers paragraphes de mon premier affidavit. |
[5] La défenderesse a allégué que les deux affidavits devraient être radiés.
[6] Le déposant a obtenu la plupart des faits sur lesquels il a déposé d'un représentant de la demanderesse aux Pays-Bas.
Question en litige : La Cour doit-elle radier un des affidavits ou les deux affidavits déposés par le déposant?
Dispositions législatives
[7] Les règles 81 et 82 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient que :
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Analyse et conclusions
[8] Il appert de la règle 81 que la personne qui souscrit un affidavit doit déposer seulement sur des faits dont elle a une connaissance personnelle, sauf s'ils sont présentés à l'appui d'une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l'appui.
[9] Il est possible que l'affidavit du déclarant, daté du 27 janvier 2000, ait remédié aux lacunes du premier affidavit relativement à la règle 81(1) toutefois, il y a plus. La règle 82 exige qu'un avocat obtienne l'autorisation de la Cour avant à la fois d'être l'auteur d'un affidavit et de présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.
[10] Aucune autorisation de la Cour n'a encore été sollicitée en ce sens.
[11] Il existe toujours un danger lorsqu'un avocat souscrit un affidavit qui est par la suite utilisé dans le cadre d'une requête plaidée par l'avocat ou par des membres de son cabinet. L'avocat pourrait être contre-interrogé, des questions relatives au secret professionnel pourraient surgir lors du contre-interrogatoire et la Cour aurait alors à commenter et à soupeser les allégations faites par l'avocat dans l'affidavit. En outre, le cabinet de l'avocat ne pourrait pas continuer à représenter la partie défenderesse dans la requête dans laquelle l'affidavit serait utilisé (voir IBM. Corp. c. Printech Ribbons Inc. [1994] 1 C.F. 692 (C.F. 1re inst.)).
[12] Il existe dans la présente requête, un litige relatif à certains des faits sur lesquels l'auteur de l'affidavit a déposé.
[13] Dans la décision Directeur des enquêtes et recherches c. Irving Equipment (1986) 16 CPR (3d) 26 (C.F. 1re inst.), le juge Muldoon a énoncé :
Il existe au moins trois bonnes raisons de rejeter les affidavits faits sous serment par les procureurs et les avocats d'une partie. En premier lieu, toute personne, y compris celui qui parle, a le droit et l'obligation de ne laisser aucun doute sur la question de savoir s'il parle comme témoin ou comme conseiller professionnel. En deuxième lieu, l'avocat qui souscrit ce genre d'affidavit risque de se trouver en situation de conflit avec sa responsabilité professionnelle. Tout comme les témoignages oraux, les affidavits sont exprimés solonnellement sous serment ou sous son équivalent légal (sinon moral). L'avocat ou le procureur qui est, après tout, un officier de justice, ne devrait jamais se mettre dans une situation embarrassante et risquer un conflit d'intérêts entre sa fonction rémunérée (mais néanmoins honorable) d'avocat et la vérité, qui risque d'être désagréable, qu'il a communiquée sous serment. (Voir le paragraphe 11(3) de la Loi sur la Cour fédérale). Aucun témoin ne peut objectivement apprécier la valeur ou la crédibilité de son propre témoignage. Il ne devrait pas être possible d'obliger un avocat à subir le contre-interrogatoire de l'avocat de la partie adverse, de crainte qu'il ne sacrifie un des ses rôles ou qu'il ne donne la lamentable impression de le faire. En troisième lieu, à moins qu'il n'obtienne au préalable de son client qu'il le délie de façon absolue, le procureur ou l'avocat devra invoquer mentalement le privilège du secret professionnel de son client lorsqu'il formule l'affidavit et, évidemment, l'invoquer oralement seulement lorsqu'il sera contre-interrogé à son sujet. Ainsi que le juge Addy l'a déclaré dans le jugement Lex Tex (précité) aux pages 723 et 724 : |
Quel qu'en soit le motif, il est tout à fait irrégulier et inacceptable de la part d'un procureur de faire une déclaration sous serment (et ce, même dans le cadre d'une procédure interlocutoire) lorsque cette déclaration porte sur des questions de fond, car il s'expose ainsi à être contre-interrogé sur des questions faisant l'objet du privilège procureur-client. |
En l'espèce, en souscrivant lui-même l'affidavit déposé à l'appui des requêtes sérieuses, urgentes et importantes des intimées, l'avocat expose ces dernières à voir leur requêtes péremptoirement rejetées. |
Je suis d'accord avec la décision du juge Muldoon selon laquelle un avocat de devrait pas souscrire son propre affidavit dans le cadre d'une requête quand il représente une partie. Je m'empresse de faire remarquer que l'avocat qui a souscrit l'affidavit en l'espèce l'a fait uniquement parce qu'il croyait que les faits sur lesquels il déposait n'étaient pas contestés. En l'occurrence, la demanderesse affirme que les faits sont contestés.
[14] Il est clair que la personne qui a informé le déposant quant aux faits aurait pu déposer relativement aux faits.
[15] Je dois souligner qu'en certaines circonstances, l'avocat d'une partie peut déposer relativement aux faits dans un affidavit et plaider et utiliser un affidavit dans le cadre d'une requête. Par exemple, si l'avocat est la seule personne qui puisse déposer relativement à ces faits, il serait alors acceptable que l'avocat dépose relativement aux faits et ensuite plaide et utilise l'affidavit dans le cadre d'une requête. Je suis convaincu qu'il existe d'autres exemples.
[16] Pour les fins de la décision en l'espèce, je considère qu'advenant le cas où un avocat d'un cabinet dépose relativement aux faits dans un affidavit et que l'affidavit est déposé pour être utilisé dans le cadre de la requête, alors aucun autre membre du cabinet d'avocats ne devrait plaider la requête. Cela est certes dit sous réserve de l'exception prévue au paragraphe 15 de la présente décision.
[17] Pour les motifs énoncés précédemment, je radie les deux affidavits du déposant.
[18] Aucune ordonnance ne sera prononcée quant aux dépens en l'espèce.
« John A. O'Keefe »
J.C.F.C.
Ottawa (Ontario)
Le 7 mars 2000
Traduction certifiée conforme
Kathleen Larochelle, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20000307
Dossier : T-485-99
Entre :
SHIPDOCK AMSTERDAM B.V.
demanderesse
- et -
THE CAST GROUP INC. et CAST (1983) LIMITED et CAST MANAGEMENT
LIMITED et LA BANQUE ROYALE DU
CANADA et PRICE WATERHOUSE
COOPERS et FASKEN, CAMPBELL,
GODREY et RICHARD HOGG
LINDLEY et AON REED STENHOUSE et
M.J. OPPENHEIM EN SA QUALITÉ DE FONDÉ DE POUVOIR AU CANADA POUR LES ASSUREURS, MEMBRES DE LLOYD'S, LONDRES (ANGLETERRE)
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : T-485-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : SHIPDOCK AMSTERDAM B.V.
- et -
THE CAST GROUP INC. et CAST (1983) LIMITED et CAST MANAGEMENT LIMITED
et LA BANQUE ROYALE DU CANADA et
PRICE WATERHOUSE COOPERS et FASKEN,
CAMPBELL, GODREY et RICHARD HOGG
LINDLEY et AON REED STENHOUSE et
M.J. OPPENHEIM EN SA QUALITÉ DE
FONDÉ DE POUVOIR AU CANADA POUR LES ASSUREURS, MEMBRES DE LLOYD'S, LONDRES (ANGLETERRE)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 31 JANVIER 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE O'KEEFE
EN DATE DU : MARDI 7 MARS 2000
COMPARUTIONS : Jonathan H. Marler
Pour la demanderesse
T. Anthony Ball (LSUC#331431)
Pour les défendeurs
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : MARLER & KYLE
86, rue Chisholm
Oakville (Ontario)
L6K 3H7
Pour la demanderesse
FASKEN CAMPBELL GODFREY
Avocats
C.P. 20
Toronto Dominion Bank Tower
Toronto-Dominion Centre
Toronto (Ontario)
M5K 1N6
Pour les défendeurs