Date : 20010126
Dossier : IMM-5510-97
ENTRE :
RYSZARD PASZKOWSKI
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeurs
(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),
le 26 janvier 2001)
[1] Je n'aborderai pas les faits de la présente affaire, quoique je dois dire que leur lecture est au moins aussi intéressante que celle de nombreux romans d'espionnage que l'on trouve de nos jours.
[2] Je suis saisi d'une requête présentée par la Couronne en vue d'obtenir le rejet de l'action du demandeur au motif que celle-ci est frivole et vexatoire, qu'elle constitue un abus de procédure judiciaire et qu'elle n'a aucune chance de succès. Le demandeur conteste cette requête en invoquant le principe de l'autorité de la chose jugée ou celui de la fin de non-recevoir. Cet argument est fondé sur le fait admis qu'au début de l'action, il y a environ trois ans ou plus, le demandeur a sollicité et obtenu une injonction interlocutoire du juge Rouleau. Cette injonction a été obtenue à la suite d'une audience et du dépôt d'une grande quantité de documents devant lui. Il a examiné ces documents et a rendu un jugement approfondi. Dans le cadre de ce jugement, il a conclu en particulier, comme il devait le faire à la lumière de la jurisprudence, que le demandeur avait soulevé une question sérieuse justifiant la tenue d'un procès.
[3] Le demandeur dit que ce jugement jouit de l'autorité de la chose jugée, ce à quoi M. Lester répond que cela ne peut pas être le cas puisqu'il s'agit d'une ordonnance interlocutoire et qu'elle est naturellement susceptible d'être modifiée. Et je suis d'avis qu'ils ont tous les deux raison. Il me semble que la question qu'il faut se poser lorsqu'on se demande s'il y a chose jugée est : « qu'est-ce que la Cour a réellement décidé la première fois? » En l'espèce, il ne fait aucun doute que la Cour a conclu la première fois qu'à la lumière des documents dont elle était saisie, le demandeur avait une cause défendable. Cela est incompatible avec la conclusion selon laquelle l'action serait frivole et vexatoire ou qu'elle constituerait un abus de procédure.
[4] Cette décision n'a pas l'autorité de la chose jugée en ce qu'il était loisible au défendeur de présenter une requête pour jugement sommaire et qu'il lui sera loisible, lors du procès, de présenter d'autres éléments de preuve ainsi que d'autres arguments susceptibles de convaincre un juge que l'action doit être rejetée. Cette décision a l'autorité de la chose jugée en ce qu'on ne peut pas aujourd'hui, en se fondant sur les mêmes documents que ceux dont était saisi le juge Rouleau, demander à la Cour de tirer une conclusion contraire à celle à laquelle en est arrivé ce dernier.
[5] Il s'agit donc de la situation à laquelle je fais face. Hormis quelques exceptions mineures et non pertinentes, les documents qui me sont soumis sont identiques à ceux dont était saisi le juge Rouleau. Aucun fait nouveau n'a été soulevé devant moi. Le défendeur aurait pu présenter une requête pour jugement sommaire afin de déposer d'autres éléments de preuve par affidavit, de contre-interroger le demandeur sur ses affidavits et d'inviter la Cour à tirer des conclusions de fait et à faire des déductions qui auraient été différentes de celles auxquelles en est arrivé le juge Rouleau, mais ce n'est pas ce qu'il a fait.
[6] Je suis fermement convaincu que je ne peux pas aujourd'hui statuer sur la requête dans le sens des prétentions du défendeur sans contredire clairement la conclusion tirée auparavant par le juge Rouleau à partir, en fait, des mêmes documents.
[7] Si j'ai tort en ce qui concerne l'autorité de la chose jugée, qui est après tout une question extrêmement technique, il me semble que j'en arrive à la même conclusion de toute manière en considérant la chose comme une question de principe, soit le principe même qui sous-tend l'autorité de la chose jugée. J'estime que ce principe repose sur l'économie des ressources judiciaires et sur la nécessité d'empêcher que les parties soient constamment traînées devant les tribunaux relativement à une question qui a déjà fait l'objet d'un litige. Même s'il ne s'agissait pas de l'autorité de la chose jugée, je ne vois aucune raison pour laquelle je devrais être invité, en tant que juge siégeant dans cette section de la Cour fédérale, à tirer une conclusion contredisant directement une conclusion tirée antérieurement par un autre juge de juridiction équivalente à partir des mêmes faits. Que l'on appelle cela la courtoisie judiciaire, l'économie des ressources judiciaires ou quoi que ce soit d'autre, je refuse d'intervenir suivant les motifs pour lesquels on m'a demandé de le faire.
[8] Par conséquent, je conclus que la requête du défendeur doit être rejetée avec dépens.
JAMES K. HUGESSEN
J.C.F.C.
Ottawa (Ontario)
Le 26 janvier 2001
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-5510-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : RYSZARD PASZKOWSKI
c.
SA MAJESTÉ LA REINE,
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 JANVIER 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
EN DATE DU : 26 JANVIER 2001
ONT COMPARU
M. RONALD D. LUNAU POUR LE DEMANDEUR
M. GEOFFREY S. LESTER POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
GOWLING, STRATHY & HENDERSON POUR LE DEMANDEUR
OTTAWA (ONTARIO)
M. MORRIS ROSENBERG POUR LES DÉFENDEURS
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Date : 20010126
Dossier : IMM-5510-97
OTTAWA (ONTARIO), LE 26 JANVIER 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGUESSEN
ENTRE :
RYSZARD PASZKOWSKI
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeurs
ORDONNANCE
La requête présentée par le défendeur pour l'obtention d'une ordonnance rejetant l'action du demandeur est rejetée avec dépens.
JAMES K. HUGESSEN
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M.