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Date : 20030924

Dossier : T-1705-02

Référence : 2003 CF 1097

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2003

En présence de Madame la juge Heneghan

ENTRE :

                                                         THOMAS J. FENNELLY

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                   (LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS)

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                M. Thomas J. Fennelly (le demandeur) vise à obtenir le contrôle judiciaire de la décision de l'honorable Robert G. Thibault, ministre des Pêches et des Océans (le défendeur), datée du 6 septembre 2002. Dans sa décision, le défendeur a rejeté la demande du demandeur en réattribution d'un permis exploratoire de crabe des neiges. Le demandeur vise maintenant à obtenir une ordonnance annulant la décision ainsi qu'une ordonnance pour que le défendeur statue à nouveau sur la demande en réattribution conformément aux motifs de la Cour dans la présente demande. De plus, le demandeur vise à obtenir une ordonnance obligeant le défendeur à procéder en se basant sur le fait qu'il avait reçu un permis pour le NM « Sandy Joanne » en 1998, plutôt qu'une autorisation pour l'utilisation de ce navire en tant que navire de remplacement relativement à un permis qu'il a détenu antérieurement.

LES FAITS

[2]                Le demandeur est un pêcheur et il se livre à la pêche commerciale depuis 1972. Il détient un permis de pêche commerciale pour des navires de la catégorie des 65 à 100 pieds depuis 1981. Il exploite actuellement un chalutier à rampe arrière de 75 pieds, le NM « Bear Cove Point » et un chalutier polyvalent de 95 pieds, le NM « Sandy Joanne » .

[3]                En 1995, le demandeur a obtenu un permis exploratoire de pêche au crabe pour la pêche au crabe dans la zone 3, LMNO, de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord (OPANO), au large de Terre-Neuve et à l'extérieur de la limite de 200 milles du Canada. Ce permis a été délivré pour être utilisé sur le NM « Bear Cove Point » et il a été réattribué sans interruption depuis 1995. Une copie du permis réattribué pour le NM « Bear Cove Point » , numéro de référence NF-637-98, est jointe en tant que pièce à l'affidavit principal du demandeur déposé dans la présente instance.

[4]                Le 30 octobre 1998, le demandeur a reçu un document intitulé [traduction] « permis exploratoire de crabe des neiges 1998 - 3N » , numéro de référence NF-956-98, à être utilisé sur le NM « Sandy Joanne » . Le permis était censément valide du 1er novembre au 30 novembre 1998. Une modification a été délivrée le 30 novembre 1998, prolongeant la période de validité jusqu'au 15 décembre 1998.

[5]                Dans l'affidavit principal déposé par le demandeur à l'appui de la présente demande, il déclare qu'il a compris que les deux permis étaient distincts, délivrés pour des navires différents, avec des numéros de référence différents et pour la pêche dans différentes zones. Il a également affirmé qu'en 1998, les deux navires pêchaient le crabe.

[6]                En 1999, le demandeur a demandé la réattribution des deux permis exploratoires de crabe. Le permis pour le NM « Bear Cove Point » a été réattribué mais celui pour le NM « Sandy Joanne » a été refusé.

[7]                En 1999, le demandeur a pêché le crabe pour Offshore Fish Resource Harvesters Inc. Le NM « Sandy Joanne » était inscrit sur ce permis détenu par cette société. Aucun permis exploratoire de crabe n'a été délivré au demandeur, en 1999 ou par la suite, pour le NM « Sandy Joanne » .

[8]                Le demandeur prétend que le statut du NM « Sandy Joanne » en tant que navire de remplacement, participant à la pêche exploratoire au crabe en vertu d'un permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » , a été mentionné pour la première fois en février 2000. Le 24 février 2000, Roy Russell, directeur, Gestion des ressources, du ministère des Pêches et des Océans, a écrit une lettre au demandeur dans laquelle il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Il est nécessaire de clarifier que vous êtes autorisé à utiliser le « Sandy Joanne » pour la pêche exploratoire au crabe des neiges à l'extérieur des 200 milles en tant que remplacement temporaire pour votre navire Bear Cove Point, que vous avez actuellement le droit d'utiliser pour la pêche exploratoire au crabe des neiges dans les zones 3NO de l'OPANO. L'autorisation d'utiliser le « Sandy Joanne » en tant que remplacement temporaire pour la pêche exploratoire de 1998 à l'extérieur des 200 milles ne concède aucun statut au « Sandy Joanne » pour la pêche au crabe.

[9]                Le demandeur a, à maintes reprises, communiqué par lettre avec le défendeur au cours de l'année 2000 demandant la réattribution du permis pour le NM « Sandy Joanne » . En novembre 2001, il a comparu devant le Comité régional d'appel relatif à la délivrance des permis (le Comité), un organisme établi en vertu de la Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans l'est du Canada (Ottawa : ministre des Approvisionnements et Services, 1996) (la Politique d'émission des permis). La section 35 du chapitre 7 de la Politique d'émission des permis porte sur le processus d'appel pour les personnes qui ne sont pas satisfaites des décisions des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans (le ministère). Le paragraphe 35(2) énonce que le Comité examine « tous les renseignements pertinents » et formule des recommandations au directeur général régional.

[10]            Le Comité a recommandé au directeur général régional du ministère que le rejet par le défendeur de la demande du demandeur en réattribution d'un permis exploratoire de crabe des neiges soit confirmé. Le directeur général régional a accepté cette recommandation et a avisé le demandeur de sa décision par une lettre datée du 5 avril 2002.

[11]            Le demandeur a interjeté appel de cette décision auprès de l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique (l'Office des appels), sur renvoi du défendeur. L'Office des appels a été établi en vertu de la Politique d'émission des permis. Selon l'alinéa 35(7)c) de la Politique d'émission des permis, il a pour rôle d'entendre les appels des décisions en matière d'émission des permis et de formuler des recommandations au ministre en déterminant si le requérant a été traité équitablement et si des « circonstances atténuantes » justifiaient de déroger aux « politiques, méthodes ou procédures établies » .


[12]            Le demandeur a comparu devant l'Office des appels et a formulé des observations, y compris un exposé de sa participation dans la pêche exploratoire au crabe depuis 1995. Il a déclaré qu'il n'avait reçu aucun document du ministère des Pêches et des Océans mentionnant que le NM « Sandy Joanne » était considéré comme un navire de remplacement temporaire pour l'utilisation du permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » . De plus, il a fait remarquer qu'il n'y a aucune documentation provenant du ministère mentionnant qu'il devait mettre son permis de poisson de fond pour le NM « Bear Cove Point » en réserve pendant qu'il était autorisé à utiliser le NM « Sandy Joanne » en tant que navire de remplacement temporaire pour le NM « Bear Cove Point » pour pêcher en vertu du permis exploratoire de pêche au crabe délivré pour le NM « Bear Cove Point » .

[13]            Aucun représentant du ministère n'a témoigné devant l'Office des appels, mais on lui a fourni par écrit un résumé de la position du ministère. Le résumé a été préparé par Mme Bernadette Clarke. Le ministère a affirmé qu'en novembre 1998, le demandeur a été autorisé à procéder à une pêche exploratoire basée sur le fait qu'il détenait un permis exploratoire délivré pour le NM « Bear Cove Point » . La position du ministère était que le NM « Sandy Joanne » était un navire de [traduction] « remplacement temporaire » à la condition que le demandeur mette son permis de poisson de fond pour le NM « Bear Cove Point » en réserve. Le ministère a déclaré que l'autorisation originale d'enregistrer le NM « Sandy Joanne » était pour pêcher des pétoncles et que cette autorisation constituait une exception aux règles relatives aux navires de remplacement pour [traduction] « les pétoncles seulement » .

[14]            L'Office des appels a recommandé que le ministre rejette l'appel du demandeur et il a formulé la recommandation suivante :

[traduction]

RECOMMANDATION :                     Appel rejeté

L'Office estime que M. Tom Fennelly a été traité équitablement du fait qu'aucun nouveau permis exploratoire de crabe n'a été délivré depuis 1998.

L'Office estime toutefois que, compte tenu du travail effectué par M. Fennelly et des avantages qu'en ont retirés les autres pêcheurs de crabe de Terre-Neuve, si de nouveaux permis étaient délivrés, un deuxième permis exploratoire de crabe devrait être accordé à cette entreprise.


[15]            Dans une note de service datée du 6 août 2002, le sous-ministre, Peter Harrison, a soumis son opinion au ministre. M. Harrison a également recommandé que l'appel du demandeur en matière d'émission de permis soit rejeté. La note de service de Harrison mentionnait d'autres appels en matière d'émission de permis qui nécessitaient une décision définitive de la part du ministre et énonçait l'opinion du ministère au sujet des recommandations de l'Office des appels, à savoir que le [traduction] « MPO souscrit aux recommandations de l'OAPPA concernant deux demandes à accueillir et quatre autres à rejeter » .

[16]            Le ministre a apparemment accepté la recommandation de l'Office des appels relative au demandeur. Le ministre lui a communiqué sa décision défavorable par une lettre datée du 6 septembre 2002, laquelle est rédigée ainsi :

[traduction]

Monsieur Fennelly,

L'honorable Robert G. Thibault m'a demandé de répondre à votre lettre en ce qui a trait à votre demande concernant un deuxième permis exploratoire de crabe. Comme vous le savez, votre demande a été référée à l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique et a été entendue le 29 avril 2002 à l'Airport Plaza Hotel, à St. John's (Terre-Neuve).

Le ministre a pris une décision après un examen minutieux de tous les renseignements disponibles et j'ai le regret de vous informer qu'il a rejeté votre appel. Le ministre a conclu que, dans votre cas, la politique d'émission des permis avait été correctement interprétée et appliquée par le ministère des Pêches et des Océans.

Je regrette, encore une fois, que cette décision n'ait pas pu être plus favorable à votre égard.


LA QUESTION EN LITIGE

[17]            La question en litige découlant de la présente demande est de savoir si le ministre a commis une erreur susceptible de révision en rejetant l'appel du demandeur.

LES OBSERVATIONS DU DEMANDEUR

[18]            Le demandeur reconnaît le pouvoir discrétionnaire du ministre de délivrer des permis en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14 (la Loi). Il affirme que, bien que les décisions de l'Office des appels ne soient pas, à première vue, susceptibles de révision, la Cour peut examiner une décision discrétionnaire du ministre fondée, en partie, sur la recommandation de l'Office des appels. Invoquant l'arrêt Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2002), 288 N.R. 237 (C.A.F.), à la page 242, demande d'autorisation de pourvoi à la C.S.C. rejetée le 21 novembre 2002, [2002] S.C.C.A no 209 (QL), le demandeur soutient que la décision de l'Office des appels est [traduction] « inexorablement liée » à la décision définitive du ministre de refuser la réattribution du permis pour le NM « Sandy Joanne » .


[19]            Le demandeur soumet que la norme de contrôle appropriée, employant la méthode pragmatique et fonctionnelle, est celle de la décision raisonnable simpliciter. Il invoque l'arrêt Jada Fishing, précité, à cet égard et soutient que selon cette décision, les recommandations de l'Office des appels seront jugées déraisonnables si elles ne résistent pas à un examen assez poussé.

[20]            Ensuite, le demandeur soutient que le ministre a omis de tenir compte de facteurs pertinents en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en rejetant la réattribution du permis. Le demandeur invoque à cet égard les arrêts Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3. Dans ces décisions, la Cour suprême du Canada a statué que l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel est assujetti aux exigences de la justice naturelle.

[21]            Le demandeur soutient également que le ministre a fondé sa décision sur des renseignements inexacts, à savoir que la demande avait trait à la délivrance d'un [traduction] « deuxième » permis exploratoire de crabe. En fait, le demandeur visait à obtenir la réattribution du permis qui avait été délivré en 1998 pour le NM « Sandy Joanne » . Au début de son rapport au ministre, l'Office des appels fait remarquer que le ministre n'a autorisé aucun [traduction] « nouveau permis » pour la pêche au crabe depuis 1996. Le demandeur ne visait pas à obtenir un nouveau permis mais la réattribution d'un permis détenu antérieurement pour le NM « Sandy Joanne » .

[22]            En outre, le demandeur soutient que la décision du ministre était fondée, en partie, sur les préoccupations du ministère au sujet de la possible controverse pouvant découler du rétablissement des permis de crabe. Selon le demandeur, la preuve de ces préoccupations se trouve dans la note de service de M. Harrison au ministre. Invoquant la décision Keating c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2002), 224 F.T.R. 98, le demandeur affirme que le fait d'invoquer la critique potentielle provenant d'autres intervenants de l'industrie de la pêche a été jugé comme une considération non pertinente dans le contexte d'une décision ministérielle de refuser le rétablissement d'un permis de crabe.

[23]            Le demandeur soutient également que les déclarations de l'Office des appels selon lesquelles, conformément à la politique ministérielle, aucun nouveau permis de crabe n'a été délivré depuis 1996 ne sont pas appuyées par la preuve. En octobre 1998, le demandeur a reçu un permis, délivré par le ministre, pour le NM « Sandy Joanne » . Le rapport de l'Office des appels est contradictoire au sujet de l'année où a cessé la délivrance des permis. Au début de son rapport, l'Office des appels affirme qu'il s'agissait de 1996 mais dans sa recommandation finale, l'Office des appels mentionne 1998. Cette contradiction, selon le demandeur, démontre que l'Office des appels n'a pas pleinement compris la politique qui s'appliquait dans son cas. Les politiques applicables comprenaient la Politique d'émission des permis, la Nouvelle politique sur les pêches en développement et le 1997/1998 Multi-Year Snow Crab Integrated Management Plan.

[24]            De plus, le demandeur soumet que la recommandation de l'Office des appels était déraisonnable parce qu'il a omis d'aborder deux questions clés : les politiques divergentes du ministère concernant la délivrance de nouveaux permis de pêche commerciale comparativement aux permis qui sont soit exploratoires ou soit réattribués et la question de savoir si le permis pour le NM « Sandy Joanne » constituait un permis distinct ou simplement une autorisation pour l'utilisation de ce navire en tant que navire de remplacement exploité en vertu du permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » . L'Office des appels a omis d'aborder ce facteur dans son rapport; il a également omis de faire des observations sur la pratique de remplacement des navires ou de traiter de ce sujet.

[25]            Le témoignage des fonctionnaires du ministère indiquait que les remplacements de navires sont effectués en ajoutant le navire de remplacement à un permis existant. Il n'y a aucun élément de preuve selon lequel cette pratique a été suivie en l'espèce, c'est-à-dire par l'ajout du NM « Sandy Joanne » à un permis existant. Ce point n'a toutefois pas été abordé dans le rapport de l'Office des appels, ni dans la note de service de Harrison ni dans la décision elle-même, à savoir la lettre datée du 6 septembre 2002.

[26]            En fin de compte, le demandeur soutient que la recommandation écrite de l'Office des appels n'équivaut pas à des motifs adéquats dans les circonstances. L'Office des appels n'a pas clairement démontré de quelle façon il en est arrivé à sa recommandation et il est impossible pour le demandeur de savoir pourquoi il en est arrivé à une recommandation défavorable.


LES OBSERVATIONS DU DÉFENDEUR

[27]            Le défendeur soutient que l'Office des appels remplit un rôle consultatif et ne détient aucun pouvoir légal, puisqu'il a été créé en vertu de la Politique d'émission des permis. L'Office des appels est l'un des nombreux moyens dont le ministre dispose pour recevoir des avis concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 7 de la Loi. Le défendeur invoque la décision Keating, précitée, à l'appui de son argument.

[28]            Le défendeur soumet que les recommandations de l'Office des appels étaient raisonnables. Après avoir entendu les observations du demandeur et avoir examiné les observations écrites du ministère, l'Office des appels a tiré des conclusions de fait raisonnables.

[29]            Le défendeur affirme que, lorsque l'Office des appels a affirmé qu'aucun nouveau permis exploratoire de crabe n'avait été délivré depuis « 1998 » , il a simplement fait une erreur typographique dans sa recommandation. C'est « 1996 » qui aurait dû être mentionné.

[30]            Le défendeur soumet que l'Office des appels n'avait pas l'obligation de motiver sa recommandation, notamment en se référant aux politiques ministérielles. Il est seulement tenu d'accompagner sa recommandation de « raisons détaillées » lorsqu'il recommande au ministre de déroger à une politique, une pratique ou une procédure, conformément à l'alinéa 35(7)e) de la Politique d'émission des permis, précitée.


[31]            Le défendeur soumet qu'il était raisonnable que l'Office des appels recommande que la demande du demandeur pour un deuxième permis exploratoire de crabe soit rejetée. Le défendeur affirme qu'en prenant cette position, l'Office des appels a raisonnablement cru la position du ministère selon laquelle la demande de permis pour le NM « Sandy Joanne » constituait une demande pour un nouveau, un deuxième permis exploratoire de crabe, plutôt que pour le rétablissement d'un permis accordé antérieurement, au motif que le ministre n'avait approuvé aucun nouveau permis exploratoire de crabe dans l'industrie de la pêche depuis 1996.

[32]            Le défendeur renvoie au but visé par la délivrance de permis exploratoires de crabe, à savoir de déterminer l'importance de la répartition du crabe des neiges dans différentes zones dans le but de favoriser le développement de la pêche au crabe des neiges. Conformément au 1997/1998 Multi-Year Snow Crab Integrated Management Plan, précité, le ministre a appliqué un gel concernant la délivrance de permis exploratoires de crabe, sauf pour les entreprises ayant reçu de tels permis en 1995 et en 1996.


[33]            Le défendeur soutient, en invoquant la décision Tucker c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2000), 197 F.T.R. 66, conf. par (2001), 288 N.R. 10 (C.A.F.), que la norme de contrôle d'une décision rendue en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi est celle de la décision manifestement déraisonnable. Le défendeur invoque également l'arrêt Comeau's Sea Foods, précité, dans lequel il a été statué que le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de délivrer un permis « à discrétion » , sous réserve seulement des exigences de la justice naturelle qui sont précisées dans l'arrêt Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1999] S.C.C.A. No. 349 (QL).

[34]            Le défendeur soutient que la décision du ministre n'était pas manifestement déraisonnable, compte tenu des objectifs de la Loi et de l'obligation du ministre de promouvoir ces objectifs. Le but visé par la Loi est de gérer, de préserver et de développer l'industrie de la pêche. La délivrance de permis, comme moyen de limiter l'accès à la pêche commerciale, constitue un des moyens dont le ministre dispose pour gérer la ressource. Il n'y a pas de droit acquis à un permis, notamment à un permis exploratoire. De plus, le ministre n'a aucune obligation de rétablir un permis accordé antérieurement ou de délivrer un deuxième permis : voir l'arrêt Comeau's Sea Foods, précité, et la décision Tucker, précitée.

[35]            Le défendeur prétend également que les motifs du ministre démontrent qu'il a abordé les considérations pertinentes et qu'il a examiné les documents dont il disposait, notamment le rapport et la recommandation de l'Office des appels, la note de service de Harrison ainsi que les politiques applicables. Le défendeur affirme que les commentaires du sous-ministre, concernant la critique de la part des autres intervenants de l'industrie, renvoient aux personnes qui visent le rétablissement de permis de crabe additionnels et non au présent demandeur. Par conséquent, il est possible de distinguer la situation en l'espèce de celle de la décision Keating, précitée.

[36]            Subsidiairement, le défendeur soutient que, si la Cour conclut que le ministre a tenu compte de facteurs non pertinents pour prendre cette décision, cela ne met pas en péril la décision puisqu'elle n'était pas fondée entièrement ou principalement sur des facteurs non pertinents : voir l'arrêt Assoc. Canadienne des importateurs réglementés c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 247 (C.A.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1994] S.C.C.A. No. 99 (QL).

ANALYSE

[37]            La présente demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa version modifiée. Le paragraphe 18.1(3) et l'alinéa 18.1(4)d) sont pertinents et prévoient ce qui suit :


18.1(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :

18.1(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

...

18.1(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

...

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;


[38]            La décision faisant l'objet du contrôle en l'espèce est régie par le paragraphe 7(1) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :


7. (1) En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries - ou en permettre l'octroi -, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.


[39]            Le défendeur devait prendre une décision relativement à la recommandation de l'Office des appels. L'Office des appels a été établi en vertu de la Politique d'émission des permis. Les paragraphes 35(7) et (8) de la Politique d'émission des permis sont pertinents et prévoient ce qui suit :

(7) L'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique n'entend que les appels présentés par des pêcheurs dont les appels ont été refusés suite à des audiences tenues par un comité d'appel régional relatif à la délivrance des permis.

[...]

(c) L'Office formule des recommandations au Ministre sur les appels refusés conformément à l'application du processus d'appel régional et, pour ce faire :

                              (i) détermine si le requérant a été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures du Ministère;

(ii) détermine si des circonstances atténuantes justifient de déroger aux politiques, méthodes ou procédures établies;

[(d)- omis dans la Politique]

(e) Lorsque l'Office recommande de déroger à une politique, une pratique ou une procédure, il accompagne sa recommandation au Ministre de raisons détaillées.

(8) Nonobstant le paragraphe (7), le Ministre peut présenter à l'Office toute décision qu'il veut voir examiner.

[40]            En l'espèce, le demandeur avait interjeté appel devant le Comité régional d'appel relatif à la délivrance des permis et l'appel devant l'Office des appels a suivi un renvoi de la part du ministre.

[41]            Le rôle de l'Office des appels et le lien existant entre sa recommandation et la décision du ministre ont été analysés comme suit dans la décision Keating, précitée, à la page 109 [paragraphes 62 et 63] :

L'Office des appels n'exerce pas de fonctions d'origine législative; il existe conformément à une politique adoptée par le ministère des Pêches et des Océans. Toutefois, selon l'énoncé de politique, cet office agit comme organisme consultatif en vue de faire des recommandations. Cependant, le défendeur conserve le pouvoir décisionnel.

Les motifs que l'Office des appels a fournis à l'appui de la recommandation de rétablir le permis de pêche au crabe du demandeur ne sont pas en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire. Dans l'arrêt Jada Fishing Co., précité, la Cour d'appel fédérale a fait des remarques au sujet du rapport existant entre la recommandation qui est faite par un comité d'appel et la décision finalement prise par le ministre. Aux paragraphes 12 et 13, la Cour a dit ce qui suit :

Il est clair que le ministre a le pouvoir, en vertu de l'article 7 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, de rendre, à discrétion, des décisions au sujet des licences d'exploitation de pêcheries. En revanche, la formation n'avait pas cette compétence en vertu de la loi et elle a simplement formulé des recommandations que le ministre était en droit d'accepter ou de rejeter. À première vue, les recommandations de la formation ne sont donc pas, de par leur nature, susceptibles de contrôle. En l'espèce, en raison de l'ampleur de l'avis de demande de contrôle judiciaire présenté au juge Pelletier, je suis convaincu que la Cour peut contrôler une décision discrétionnaire du ministre qui se fonde, en partie, sur une recommandation de la formation.

Dans le présent appel, les appelantes cherchent à faire annuler l'ordonnance du juge qui a siégé en révision et elles ne font référence qu'à la « décision » de la formation et à la conduite de cette dernière; il n'y est pas fait mention du ministre. La décision du ministre, en date du 3 avril 1998, est cependant toujours valide. De toute façon, la décision ou recommandation de la formation, qui est inexorablement liée à la décision du ministre, est sans effet juridique, à moins que le ministre ne l' « adopte » en tant qu'un des fondements de sa décision. Je suis d'avis que le présent appel ne peut se poursuivre qu'en tant que contrôle de la décision du ministre fondé sur le paragraphe 18.1(4) de la Loi, bien que l'appel soit présenté sous le couvert d'une contestation de la recommandation de la formation. La Cour contrôle donc, dans le présent appel, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre.

[42]            Bien que tant le demandeur que le défendeur aient formulé des observations détaillées concernant la norme de contrôle applicable à une décision discrétionnaire du ministre, en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi, à savoir la délivrance d'un permis, à mon avis, l'issue de la présente demande ne dépend pas de la norme de contrôle. La décision est vulnérable du fait que, dans son rapport et sa recommandation, l'Office des appels a omis d'aborder une question de fait fondamentale soulevée par l'appel du demandeur. Cette erreur a été aggravée lorsque le ministre a omis d'aborder la même question. Il a alors rendu une décision qui était fondée sur une appréciation erronée des faits. Par conséquent, il a rendu une décision basée sur une conclusion de fait erronée et cela, sans égard aux documents dont il disposait. En conformité avec l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, précitée, une telle situation justifie l'intervention de la Cour.


[43]            La question de fait en cause est celle de savoir si le demandeur demandait un nouveau permis exploratoire de crabe ou simplement la réattribution du permis qui avait été délivré antérieurement pour le NM « Sandy Joanne » en octobre 1998. L'Office des appels ne s'est pas prononcé sur cette question factuelle dans son rapport ni dans sa recommandation. Le ministre ne s'est pas prononcé là-dessus non plus dans sa décision. Il s'agissait d'une détermination factuelle essentielle puisque, comme l'Office des appels l'a fait remarquer au début de son rapport, le ministre n'avait pas approuvé de [traduction] « nouveaux permis » depuis 1996. Si le demandeur ne demandait pas un nouveau permis mais simplement la réattribution d'un permis détenu antérieurement, les politiques applicables auraient pu influer sur la recommandation de l'Office des appels et sur la décision définitive du ministre.

[44]            Je renvoie encore une fois à l'arrêt Jada Fishing, précité. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu que la recommandation de l'Office des appels était « inexorablement liée » à la décision du ministre et n'avait aucun effet juridique à moins que le ministre ne l' « adopte » en tant que fondement de sa décision. La Cour a ensuite conclu que la recommandation de l'Office des appels pouvait être contestée dans une demande de contrôle judiciaire de la décision définitive du ministre.

[45]            Dans l'arrêt Jada Fishing, précité, le ministre a accueilli l'appel. Cette décision confirmait la recommandation de l'Office des appels. À la page 240, la Cour a fait remarquer que le dossier ne révélait pas si le ministre était d'accord avec les motifs de l'Office des appels puisque la décision faisant l'objet du contrôle a simplement dit qu'elle avait été rendue en [traduction] « se basant sur un examen approfondi de tous les renseignements disponibles et sur la recommandation de la formation » .


[46]            En l'espèce, la décision faisant l'objet du contrôle est celle du ministre, communiquée au moyen de la lettre du 6 septembre 2002. Cette lettre, après avoir mentionné l'audience tenue par l'Office des appels le 29 avril 2002, disait que le ministre [traduction] « avait rendu une décision en se basant sur un examen approfondi de tous les renseignements disponibles [...] » . À mon avis, il est raisonnable d'inférer que le rapport et la recommandation de l'Office des appels constituaient un fondement de la décision du ministre. Cela est compatible avec l'objet de la Politique d'émission des permis, qui a créé l'Office des appels, selon lequel le rapport et la recommandation de l'Office des appels devraient guider la décision définitive du ministre.

[47]            Il s'ensuit, à mon avis, que le rapport et la recommandation de l'Office des appels peuvent être examinés par la Cour, comme ce fut le cas dans l'arrêt Jada Fishing, précité, lorsque la Cour d'appel fédéral a examiné le caractère raisonnable de la recommandation de l'Office des appels et le respect des exigences de l'équité procédurale.

[48]            À mon avis, la présente affaire soulève une question au sujet de la manière avec laquelle l'Office des appels et ensuite le ministre ont traité la preuve, plutôt qu'une question au sujet du caractère raisonnable de la décision. Le ministre a renvoyé le dossier du demandeur à l'Office des appels. Le mandat de l'Office des appels consistait à déterminer si le demandeur avait été traité équitablement conformément aux politiques ministérielles et si des « circonstances atténuantes » justifiaient de déroger aux politiques, méthodes ou procédures établies.


[49]            L'Office des appels n'a pas rempli son mandat, puisqu'il a simplement résumé les documents qui lui avaient été présentés pour ensuite formuler de brèves recommandations, sans aborder la question de savoir si le permis délivré en octobre 1998 pour le NM « Sandy Joanne » n'était qu'une autorisation pour l'utilisation d'un navire de remplacement en vertu du permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » ou s'il s'agissait d'un permis distinct et indépendant.

[50]            Le demandeur a soulevé des arguments valables relativement à la détermination factuelle qui aurait dû être faite par l'Office des appels, lors de l'audience du 29 avril 2002. Il a affirmé qu'il n'avait reçu aucun document provenant du ministère et mentionnant que le NM « Sandy Joanne » était un navire de remplacement pour le NM « Bear Cove Point » . Ce n'est qu'en février 2000 que cela fut mentionné pour la première fois. De plus, il n'y a eu aucun document du ministère l'avisant qu'il devait mettre son permis de poisson de fond pour le NM « Bear Cove Point » en réserve alors qu'il était censément autorisé à utiliser le NM « Sandy Joanne » en tant que navire de remplacement, en utilisant le permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » .

[51]            Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a déposé un affidavit auquel étaient jointes, en tant que pièces, des copies des permis délivrés en 1998 pour le NM « Bear Cove Point » et pour le NM « Sandy Joanne » . Il a fait remarquer que chaque permis avait un numéro de référence différent, qu'il permettait la pêche dans différentes zones et qu'il mentionnait différents navires de pêche. Il a souligné que ni le rapport de l'Office des appels ni aucun autre document invoqué par le ministre, y compris la note de service de Harrison, n'abordait les pratiques du ministère en matière de remplacement des navires.

[52]            L'omission par l'Office des appels d'aborder les pratiques et les procédures concernant le remplacement, sur un permis existant, d'un navire par un autre sape sérieusement l'argument du défendeur selon lequel le demandeur n'avait reçu qu'un seul permis, à savoir celui délivré pour le NM « Bear Cove Point » , et que le NM « Sandy Joanne » ne constituait qu'un navire de remplacement. Si l'argument du défendeur à cet égard était correct, l'Office des appels aurait dû aborder la question de l'omission de la part du ministère de suivre les procédures habituelles ayant trait au remplacement d'un navire sur le permis pré-existant.

[53]            En outre, je remarque que, jusqu'à la lettre datée du 24 février 2000, le dossier ne précise pas le statut du NM « Sandy Joanne » concernant le permis délivré pour le NM « Bear Cove Point » .

[54]            En conclusion, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie au motif que la décision du ministre était fondée sur une conclusion de fait erronée, découlant d'une appréciation erronée de la part de l'Office des appels des documents dont il disposait, en particulier concernant le statut du NM « Sandy Joanne » , à savoir s'il était exploité en tant que navire de remplacement ou en vertu d'un permis indépendant délivré en octobre 1998.


[55]            Vu ma conclusion concernant l'omission de l'Office des appels et, par la suite, celle du ministre de traiter de cette question factuelle, il n'est pas nécessaire d'aborder les autres arguments soulevés par les parties. À mon avis, puisqu'une détermination factuelle essentielle n'a pas été abordée, la décision ne peut être maintenue. Cela suffit pour annuler la décision du ministre et la renvoyer pour qu'il soit statué à nouveau sur l'affaire conformément aux présents motifs.

RÉPARATION DEMANDÉE

[56]            Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur a établi la demande de réparation suivante :

[traduction]

1.              Une ordonnance annulant la décision susmentionnée du ministre;

2.             Une ordonnance obligeant le ministre à statuer à nouveau sur la demande du demandeur en réattribution du permis exploratoire de crabe des neiges en ce qui concerne le NM Sandy Joanne aux conditions que la Cour estimera justes;

3.            Une ordonnance obligeant le ministre, avant de statuer à nouveau sur l'affaire, à ordonner à l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique de lui formuler une recommandation en déterminant si, dans le contexte du refus initial du ministre de réattribuer le permis de crabe des neiges 1998 du demandeur pour les années subséquentes :

I.              le demandeur a été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures du ministère des Pêches et des Océans;

ii.              si des circonstances atténuantes justifient de déroger aux politiques, méthodes et procédures établies en ce qui concerne la demande du demandeur en réattribution du permis de crabe des neiges en question.

4.              Ses frais dans la présente demande;

5.             Toute autre réparation que la Cour pourra estimer juste.

[57]            À mon avis, la délivrance d'une ordonnance selon laquelle le demandeur a reçu un permis distinct pour le NM « Sandy Joanne » en 1998 et qu'il n'a pas reçu d'autorisation d'utiliser ce navire en tant que navire de remplacement pour le NM « Bear Cove Point » ne relève pas de la compétence de la Cour et pourrait provoquer la critique prononcée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Carpenter Fishing Corp., précité, dans lequel la Cour a affirmé ce qui suit aux pages 566 et 567 :

[...] Ils ont demandé au juge de première instance, en pratique, de remplacer la formule du ministre par leur propre formule sans consulter les membres de l'industrie ni procéder à aucun vote. Pour se conformer à leur demande, le juge de première instance est devenu ministre l'espace d'une journée et a imposé une formule dont l'effet sur l'industrie de la pêche au flétan est inconnu. Le juge de première instance ne pouvait manifestement pas faire cela, même s'il avait eu raison de conclure que la politique était nulle; il aurait pu, tout au plus, renvoyer l'affaire au ministre en vue d'un nouvel examen et de l'adoption d'une formule différente. [...]

[58]            L'Office des appels et le ministre possèdent l'expertise et le pouvoir de décider de ces questions. Ils n'ont toutefois pas appliqué cette expertise en l'espèce jusqu'à présent.

[59]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 6 septembre 2002 est annulée et l'affaire est renvoyée au ministre pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire conformément aux présents motifs. Cela n'empêche pas le ministre, à sa discrétion, de renvoyer la demande du demandeur à un office des appels différemment constitué pour que celui-ci décide de la question factuelle susmentionnée, ce que le premier office des appels a omis de faire.

[60]            Les dépens seront taxés en faveur du demandeur, sur la base des honoraires d'un avocat.

                            ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 6 septembre 2002 est annulée et l'affaire est renvoyée au ministre pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire conformément aux présents motifs.

Les dépens seront taxés en faveur du demandeur, sur la base des honoraires d'un avocat.

                                                                       _ E. Heneghan _               

                                                                                         Juge                        

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1705-02

INTITULÉ :               Thomas J. Fennelly c. Sa Majesté la Reine

Le ministre des Pêches et des Océans

LIEU DE L'AUDIENCE :                              St. John's (Terre-Neuve et Labrador)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 2 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   La juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                               Le 24 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Frederick Constantine

Douglas Wright                                            POUR LE DEMANDEUR

Sandra Doucette                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patterson Palmer

Centre Scotia

235, rue Water, 10e étage

C.P. 610

St. John's NL A1C 5L3                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                POUR LE DÉFENDEUR


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