Date : 20010419
Dossier : IMM-1867-01
Référence neutre : 2001 CFPI 357
Ottawa (Ontario), le 19 avril 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
CECIL LOVE, LAUREL LOVE et D'JAMAR ALEXANDER ELYOTT LOVE, DEJANIA LOVE, JOVAN JOHN DEJOURELL LOVE,
EBONIE ENDAYSHA LOVE et DAYVON CEDRICK ZION LOVE
par leur tuteur à l'instance LAUREL LOVE
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée par les demandeurs en vue de l'obtention d'une
ordonnance de sursis de la mesure d'expulsion prise contre le demandeur Cecil Love, laquelle doit être exécutée le 20 avril 2001.
[2] Le demandeur Cecil Love est arrivé au Canada en octobre 1988 et il a revendiqué
le statut de réfugié. Il se trouve au Canada depuis cette date.
[3] Il est le conjoint de fait de la demanderesse Laurel Love depuis octobre 1988. Il a
épousé cette dernière le 4 mars 2001. Il est le père de leurs quatre enfants et se comporte comme le père du cinquième enfant de Laurel Love. L'âge des enfants varie de 6 à 13 ans.
[4] La demanderesse Laurel Love travaille pour le gouvernement du Canada.
[5] Le demandeur Cecil Love a fait partie du programme d'élimination de l'arriéré
des revendications du statut de réfugié et a fait l'objet d'une évaluation favorable relativement aux raisons d'ordre humanitaire. Il a reçu un avis en ce sens en août 1994, mais l'avis indiquait également qu'il n'était pas admissible au Canada en raison de ses antécédents judiciaires. L'avis l'informait que l'affaire serait examinée et qu'il serait contacté dans un proche avenir. Il a été avisé de ne pas se renseigner au sujet de l'affaire puisque cela ne ferait que la retarder davantage. On n'a jamais communiqué de nouveau avec lui pour l'informer d'une décision relative à sa demande.
[6] En 1993, le demandeur Cecil Love n'a pas fait l'objet d'une recommandation
relativement aux raisons d'ordre humanitaire, mais ce fait ne lui a jamais été communiqué.
[7] Le demandeur Cecil Love a participé à des activités criminelles et a tenté d'obtenir
un pardon, mais la société à laquelle il avait fait appel à cette fin n'a présenté aucune demande de pardon. Actuellement, le demandeur Cecil Love ne peut pas faire une demande de pardon avant trois ans en raison d'une amende non payée.
[8] Le demandeur Cecil Love a tenu pour acquis qu'il était résident permanent
puisqu'il n'avait reçu aucune autre décision relative à sa demande CH de 1994.
[9] Lorsque le demandeur Cecil Love a été arrêté en 1997, il était en communication
avec les fonctionnaires de l'immigration.
[10] Selon l'affidavit de l'agente de renvoi, celle-ci avait envoyé la directive d'aviser le
demandeur Cecil Love le 22 mars 2001 que son renvoi du Canada était fixé pour le 20 avril 2001.
[11] L'avocat du demandeur a écrit et demandé à l'agente de renvoi de suspendre le
renvoi jusqu'à ce que le ministère se soit prononcé sur la demande CH en cours. L'agente de renvoi a exercé son pouvoir discrétionnaire et a refusé de suspendre le renvoi.
[12] Dans son affidavit, l'agente de renvoi énumère les documents dont elle a tenu
compte pour prendre sa décision de ne pas suspendre le renvoi. Cette liste ne comprend pas une note de 1994 du ministère, laquelle indiquait que le demandeur Cecil Love pouvait être admis pour des raisons d'ordre humanitaire en raison de l'intérêt des enfants. Les autorités connaissaient ses activités criminelles antérieures.
[13] Une demande de parrainage relative à la catégorie de la famille visant Cecil Love a
été déposée en mars 2001.
[14] Le demandeur Cecil Love a déposé une demande de contrôle judiciaire contre la
décision de l'agente de renvoi de refuser le sursis du renvoi.
La question en litige
[15] Faut-il rendre une ordonnance de sursis de la mesure de renvoi?
Analyse et décision
[16] Pour ordonner un sursis, je dois être convaincu que le demandeur Cecil Love a
satisfait au critère à trois volets exposé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988) 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.). Le demandeur doit satisfaire aux trois volets de ce critère. En résumé, ces exigences sont les suivantes :
1. Le demandeur Cecil Love a-t-il démontré qu'il soulevait une question
sérieuse à trancher?
2. A-t-il démontré qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance de
sursis n'était pas accordée?
3. A-t-il démontré qu'à la lumière de l'ensemble de la situation des parties,
la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de l'ordonnance?
La question sérieuse
[17] Je suis d'avis que le demandeur Cecil Love a soulevé des questions sérieuses à
trancher. Ces questions sont les suivantes :
1. Quel est l'état de la demande CH de 1994? Le ministère a-t-il accordé ou
non le droit d'établissement au demandeur?
2. L'agente de renvoi (d'expulsion) a-t-elle pris une décision
déraisonnable ou abusive en refusant le sursis sans tenir compte de la note de 1994 du ministère indiquant que le demandeur Cecil Love pouvait être admis pour des raisons d'ordre humanitaire?
Pour les fins de la présente requête, il s'agit de questions sérieuses à trancher.
Le préjudice irréparable
[18] Si le demandeur Cecil Love est expulsé vers la Jamaïque, il ne pourra pas revenir
au Canada pour visiter sa famille pendant au moins trois ans puisqu'il s'agit du délai minimal dans lequel il peut obtenir un pardon pour ses infractions criminelles. S'il n'obtient pas gain de cause relativement à l'une ou l'autre de ses demandes de droit d'établissement, il ne pourra pas entrer au Canada. Vu la situation de cette famille, je suis d'avis que cela causerait un préjudice irréparable.
La prépondérance des inconvénients
[19] Je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur
Cecil Love en l'espèce, car ce dernier ne pourra pas tirer profit de toute décision favorable relative à l'une ou l'autre de ses demandes. Le demandeur Cecil Love se trouve au Canada depuis 1988, et le délai causé par le sursis n'entraînera pas d'inconvénients majeurs pour le défendeur.
[20] La mesure de renvoi prise contre le demandeur Cecil Love le 22 mars 2001 est
suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire ou jusqu'à ce qu'il soit statué sur ses demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire, selon la plus tardive des deux dates. Cela inclut la demande de parrainage relative à la catégorie de la famille.
ORDONNANCE
[21] LA COUR ORDONNE que la mesure de renvoi prise contre le demandeur
Cecil Love soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire ou jusqu'à ce qu'il soit statué sur ses demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire, dont la demande de parrainage relative à la catégorie de la famille, selon la plus tardive des deux dates.
« John A. O'Keefe »
J.C.F.C.
Ottawa (Ontario)
Le 19 avril 2001
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-1867-01
INTITULÉ DE LA CAUSE : CECIL LOVE et autres c. Le ministre de la
Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO) et TORONTO (ONTARIO), via téléconférence
DATE DE L'AUDIENCE : Le 18 avril 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE de monsieur le juge O'Keefe
EN DATE DU : 19 avril 2001
ONT COMPARU
M. Ronald Poulton POUR LES DEMANDEURS
Mme Amina Riaz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Mamann & Associates POUR LES DEMANDEURS
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada