Date : 20020226
Dossier : IMM-3655-01
Référence neutre : 2002 CFPI 218
OTTAWA (ONTARIO), LE 26 FÉVRIER 2002
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
ENTRE :
ADOLEY LYDIA ADOQUAYE
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi), de la décision dans laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention. La décision défavorable est fondée sur le manque de crédibilité de la demanderesse.
[2] La demanderesse est née le 2 janvier 1968 à Tarkwa, au Ghana.
[3] Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), elle allègue les faits suivants. Elle a travaillé comme traiteur pour l'African Mining Services (AMS), une entreprise qui préparait des repas pour des expatriés et qui disposait d'un immense pavillon, où le président Jerry John Rawlings et certains de ses ministres passaient parfois la fin de semaine.
[4] Le 4 juin 1999, plusieurs ministres ont assisté à une réception organisée au pavillon. Après la réception, une serveuse a apporté à la demanderesse un dossier qu'on avait laissé sur une table. La demanderesse a décidé de regarder ce qu'il y avait à l'intérieur et y a trouvé un rapport secret qui faisait allusion à une stratégie pour acheter des votes et inscrire le nom de non-Ghanéens sur la liste des électeurs en vue des prochaines élections. On y faisait également mention d'autres moyens illégaux pour truquer les élections.
[5] Membre du Nouveau parti patriotique (le NPP), qui est le principal parti de l'opposition au Ghana, la demanderesse a gardé le dossier et l'a transmis par messagerie, sous un faux nom, à son parti politique.
[6] Le 8 juin 1999, la demanderesse a reçu la visite de la serveuse, qui était en fait un soldat, et de son gérant. La serveuse a confirmé avoir donné le dossier à la demanderesse, mais cette dernière a nié le tout.
[7] Le lendemain, la demanderesse a eu une autre visite, mais cette fois on l'a amenée au poste de police. La demanderesse prétend qu'elle a été détenue pendant une semaine sans qu'aucune accusation n'ait été portée contre elle. Elle ajoute qu'on ne l'a pas interrogée et qu'on l'a violée, battue et maltraitée.
[8] La demanderesse a apparemment été menacée par un policier, Kwame Bruce, qui lui aurait dit que si elle ne lui disait pas où était conservé le dossier, il lui tirerait dessus. Elle a par la suite été libérée, mais elle devait se présenter au poste de police trois fois par jour, ce qu'elle a fait jusqu'à ce qu'elle quitte le pays. La demanderesse a toutefois continué de nier avoir le dossier en sa possession. Le contenu du dossier a ultérieurement été publié dans des journaux privés.
[9] Le 18 septembre 1999, la demanderesse a fui le Ghana et est arrivée au Canada le 19 septembre 1999. Elle a revendiqué le statut de réfugiée le lendemain, alléguant craindre d'être persécutée du fait de ses opinions politiques, à savoir son appartenance au NPP.
[10] La demanderesse prétend dans un premier temps que certains des commentaires formulés par la Commission étaient contradictoires ou « méchants » , ce qui montrait qu'elle avait pris une attitude partiale à son endroit. À titre d'exemple, la Commission a demandé à la demanderesse si elle avait appris son histoire par coeur parce qu'elle a récité intégralement tout le contenu de son FRP.
[11] Un extrait du FRP est rédigé comme suit :
[TRADUCTION] Ils brutaliseront aussi les civils qui les empêchent de « faire leur travail » .
Dossier du tribunal, à la page 21.
[12] Les pages 29 et 30 de la transcription se lisent ainsi :
R. Ils brutaliseront les civils qui les empêchent de faire leur travail, et [...]
Q. Excusez-moi madame, avez-vous appris votre histoire par coeur?
R. Non, je le sais parce que ça s'est passé devant moi parce que [...]
- Parce que vous semblez la réciter, vous savez.
[13] Compte tenu de la ressemblance du FRP et du témoignage et vu l'omission de la demanderesse de soulever une objection à l'audience, je suis incapable de conclure à partir de ce commentaire qu'il existe une crainte raisonnable de partialité de la part du commissaire.
[14] La demanderesse prétend également que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de sa crédibilité. Je ne suis pas d'accord.
[15] La Commission a donné des motifs détaillés à l'appui de sa conclusion que la demanderesse n'était pas un témoin crédible. Plus précisément, la Commission n'a pas cru que la demanderesse appartenait au NPP et n'a donc pas cru sa version des faits.
[16] En outre, la Commission a exprimé des doutes quant à la crédibilité de la demanderesse parce que cette dernière a commis une erreur en ce qui a trait au montant de sa cotisation au NPP et qu'elle n'a pas pu dire quelle était la devise de ce parti.
[17] En outre, la Commission ne pouvait pas comprendre pourquoi la demanderesse n'avait déposé aucun des articles qui auraient été publiés dans plusieurs journaux en ce qui a trait à la stratégie que le Congrès démocratique national (le CDN) se proposait d'utiliser durant les élections.
[18] La Commission a également conclu que la demanderesse avait fait des déclarations contradictoires quant à la question de savoir si le NPP avait été mis au courant de son histoire et comment il l'avait été.
[19] Enfin, la Commission a jugé non crédible le fait que la demanderesse, une femme instruite, n'était pas allée voir le médecin après avoir été violée, compte tenu en particulier de sa position sociale.
[20] La jurisprudence a clairement établi que la Cour ne peut substituer son appréciation des faits à celle de la Commission. Comme l'a affirmé le juge Evans dans Cepeda-Gutierrez et autres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, à la page 40 :
[...] Ainsi, pour justifier l'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci, non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu'elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [elle disposait] » [...]
[21] En l'espèce, je suis convaincue que la Commission a tiré sa conclusion quant au manque de crédibilité en tenant compte de la preuve et qu'elle a exposé ses motifs en termes clairs et explicites. En conséquence, rien ne justifie l'intervention de la Cour.
[22] Pour ce qui est des interruptions par les commissaires, je suis convaincue, après avoir lu la transcription de la procédure, que les commissaires ont donné amplement la possibilité à la demanderesse de présenter sa preuve et de répondre à leurs questions. Il était loisible aux commissaires d'interroger la demanderesse afin de résoudre les contradictions dans son témoignage. Les quelques interruptions en question n'ont pas empêché la demanderesse d'expliquer complètement son histoire et ne permettent pas de conclure qu'elle n'a pas eu la possibilité d'être entendue.
[23] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Danièle TREMBLAY-LAMER »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3655-01
INTITULÉ : ADOLEY LYDIA ADOQUAYE c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 20 février 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 26 février 2002
COMPARUTIONS :
M. Stewart Istvanffy POUR LA DEMANDERESSE
Mme Sylviane Roy POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Stewart Istvanffy POUR LA DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada