Date : 20040521
Dossier : T-942-02
Référence : 2004 CF 727
ENTRE :
97113476 ONTARIO INC.
demanderesse
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LEMIEUX
[1] La seule question à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale est de savoir si le représentant du ministre du Revenu national (le vérificateur) a commis une erreur lorsqu'il a décidé que deux types d'appareils automatiques (les appareils) ne pouvaient être considérés comme des fournitures admissibles pour l'application du Décret de remise sur les appareils automatiques (le Décret de remise) pris en vertu du C.P. 1999-326 le 4 mars 1999 par le gouverneur en conseil conformément au paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques.
[2] Cette question est semblable aux autres questions que j'ai dû trancher dans les demandes de contrôle judiciaire réunies que j'ai entendues immédiatement avant la présente demande et dont je fais également connaître les motifs aujourd'hui (voir 469527 Ontario Inc. et al. c. Sa Majesté La Reine, dossier de la Cour n ° T-116-02, 2004 CF 726).
[3] Je souligne cependant que la preuve présentée en l'espèce est bien différente de celle de l'affaire 469527 Ontario Inc., précitée, parce que le représentant du ministre, le vérificateur, n'était pas la même personne et que les vérifications se sont déroulées d'une tout autre façon.
[4] Les deux appareils visés par la déclaration d'inadmissibilité du représentant du ministre sont les suivants :
(1) les appareils de jeu vidéo à fonctionnement continu;
(2) les billards électriques qui sont programmés pour fournir un plus grand nombre de parties lorsque plusieurs pièces de monnaie sont insérées (soit trois parties pour le paiement de deux dont chacune coûte 25 ¢ ).
LES FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE
[5] Il est généralement reconnu que le Décret de remise visait à remettre aux exploitants de certains appareils automatiques la TPS qu'ils avaient versée à Revenu Canada, mais qu'ils ne pouvaient par aucun moyen recouvrer du client utilisant lesdits appareils. Les appareils automatiques distribuent des marchandises comme des arachides, de la gomme ou des bonbons ou offrent des jeux, y compris des jeux vidéos et des billards électriques.
[6] L'expression « fourniture admissible » est définie comme suit dans le Décret de remise :
« _fourniture admissible_ » Fourniture pour laquelle la taxe payable en application de la section II de la partie IX de la Loi serait nulle en raison du paragraphe 165.1(2) de la Loi, si ce paragraphe était en vigueur au moment de la fourniture. |
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"eligible supply" means a supply in respect of which the tax payable under Division II of Part IX of the Act [Excise Tax Act] would be equal to zero because of subsection 165.1(2) of the Act if that subsection was in effect at the time the supply were made. [emphasis mine] |
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[7] Le paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise, qui a été édicté pour s'appliquer à compter du 24 avril 1996, est ainsi libellé :
(2) La taxe payable relativement à la fourniture d'un bien meuble corporel distribué, ou d'un service rendu, au moyen d'un appareil automatique à fonctionnement mécanique qui est conçu pour n'accepter, comme contrepartie totale de la fourniture, qu'une seule pièce de monnaie de 0,25_$ ou moins est nulle.
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(2) Where the consideration for a supply of tangible personal property or a service is paid by depositing a single coin in a mechanical coin-operated device that is designed to accept only a single coin of twenty-five cents or less as the total consideration for the supply and the tangible personal property is dispensed from the device or the service is rendered through the operation of the device, the tax payable in respect of the supply is equal to zero. [emphasis mine] |
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[8] Voici le texte de la note explicative du Décret de remise :
La Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) a été modifiée afin de prévoir que, après le 23 avril 1996, la TPS à payer est nulle dans le cas des produits distribués ou des services rendus au moyen d'appareils automatiques à fonctionnement mécanique conçus pour n'accepter qu'une seule pièce de monnaie, de 25 cents ou moins, comme contrepartie totale de la fourniture effectuée au moyen de l'appareil.
[9] Du 23 janvier 1992 au 1er octobre 1998, la demanderesse a exploité des appareils automatiques, plus précisément des appareils de jeu vidéo et des billards électriques. Le 27 février 2000, elle a produit la demande de remboursement de la TPS conformément au Décret de remise.
[10] Le 18 avril 2001, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Agence) a reçu de Bruce Krupp Consulting, qui agissait au nom de la demanderesse, une demande de remboursement révisée d'une somme de 24 986,17 $ à l'égard de [traduction] « ses jeux d'arcade à 25 ¢ » (dossier du défendeur, volume 1, à la page 7). Wilfrido Crisostomo (le vérificateur) a été chargé de mener une vérification à l'égard de la demande de remboursement.
[11] Au début de la vérification, il a été établi que le vérificateur ne pouvait examiner physiquement les appareils, parce que la demanderesse les avait tous vendus.
[12] Le 21 juin 2001, le vérificateur a écrit (dossier du défendeur, volume 1, à la page 9) ce qui suit à M. Krupp après avoir souligné l'impossibilité de procéder à un examen physique des appareils :
[traduction] Les jeux d'arcade offrent habituellement au joueur l'option de continuer à jouer en versant une contrepartie additionnelle ou de jouer plus d'une partie en insérant plusieurs pièces de monnaie, c'est-à-dire qu'une seule partie peut coûter 25 cents, mais qu'il est possible d'en jouer trois si deux pièces de 25 cents sont insérées. Ces appareils ne sont pas admissibles en vertu du paragraphe 165.1(2) de la LTA. [Non souligné dans l'original.]
[13] Dans la même lettre, le vérificateur a fait savoir à M. Krupp que la demande de remboursement antérieure de la demanderesse (déposée le 27 février 2000) avait été refusée, parce que les appareils n'étaient pas admissibles [traduction] « selon les critères susmentionnés » . Le vérificateur a poursuivi en ces termes :
[traduction] Par conséquent, si vous avez de nouveaux renseignements démontrant que ces appareils ou un appareil donné sont admissibles, veuillez nous les soumettre dans les deux semaines suivant la date de la présente lettre, faute de quoi nous n'aurons d'autre choix que de refuser pour les mêmes raisons la demande de remboursement susmentionnée.
[14] Les critères auxquels le vérificateur faisait allusion étaient ceux qui figuraient dans le Communiqué AD-99-11 de Revenu Canada qu'avait publié la Section de la vérification et de l'exécution du ministère et qui visait notamment à indiquer les appareils exclus de la portée du Décret de remise.
[15] Le 27 juin 2001, en réponse à cette lettre, M. Krupp a fait parvenir au vérificateur la liste des appareils que la demanderesse a eus en main de 1992 à 1996 et qui comportaient une fonction de jeu continu.
[16] Au cours de chacune de ces années (soit de 1992 à 1996), la demanderesse a eu en main environ 70 appareils en moyenne. Sur la liste qu'il a fait parvenir au vérificateur, M. Krupp a identifié au moyen de la lettre C les appareils [traduction] « comportant une fonction de jeu continu » en donnant les précisions suivantes (dossier du défendeur, volume 1, à la page 10) :
[traduction] Les autres appareils de la liste ne donnent qu'un seul jeu pour chaque pièce de 25 cents insérée. Il semble qu'un malentendu se soit glissé entre ma cliente et vous en ce qui a trait à la définition de « jeu continu » . Les jeux d'arcade « ... n'offrent habituellement pas au joueur l'option de continuer à jouer en versant une contrepartie additionnelle... » . Les fonctions de jeu continu dépendent du type d'appareil concerné et ne sont pas automatiques.
J'ai confirmé que certains appareils automatiques exploités par ma cliente comportaient des fonctions de jeu continu. Je peux vous fournir des manuels de fonctionnement à l'appui de mes commentaires, si vous le désirez. [Non souligné dans l'original.]
[17] Des soixante-dix (70) appareils de la liste, environ onze (11) étaient des appareils comportant une fonction de jeu continu au cours des années pertinentes.
[18] La liste ne faisait pas de distinction entre les billards électriques et les jeux vidéos.
[19] Le 18 juillet 2001, le vérificateur a réécrit à M. Krupp afin de lui demander de fournir des manuels de fonctionnement qui indiqueraient [traduction] « si certains jeux d'arcade comportent des options de jeu continu ou non » . À cette fin, il lui a demandé des documents [traduction] « indiquant si les appareils suivants de votre liste possèdent l'option de jeu continu ou, dans le cas des billards électriques, permettent de jouer plus d'une partie par l'insertion de plusieurs pièces de monnaie » . Dans cette lettre, le vérificateur a dressé une liste de dix (10) appareils automatiques comme Adams Family, After Burner et Carrier Air Wing (dossier du défendeur, volume 1, à la page 14).
[20] Le 24 juillet 2001, M. Krupp a fourni au vérificateur des manuels de fonctionnement décrivant [traduction] « les appareils mentionnés sur la liste de ma cliente qui ne permettent qu'un seul jeu » (dossier du défendeur, volume 1, à la page 15). Six ou huit manuels sur dix ont été fournis. Les manuels de fonctionnement relatifs aux autres appareils mentionnés par le vérificateur n'ont pu être trouvés.
[21] Le 20 août 2001, Bruce Krupp a écrit au vérificateur au sujet d'une conversation téléphonique antérieure au cours de laquelle celui-ci lui avait dit que la demande de remboursement de sa cliente serait refusée en entier, c'est-à-dire qu'aucun des quelque 70 appareils exploités par année n'était admissible au remboursement. Il a fait remarquer que le vérificateur lui avait mentionné (dossier du défendeur, volume 1, à la page 16) [traduction] « que les fabricants ont conçu ces appareils en y intégrant une fonction de jeu continu par défaut » , ce qui rendait ceux-ci inadmissibles de l'avis du vérificateur.
[22] Dans sa lettre du 20 août 2001, M. Krupp a reconnu que le vérificateur [traduction] « a eu raison de souligner que ces appareils automatiques comportaient certains paramètres par défaut lors de leur expédition » . M. Krupp a ensuite fait allusion à l'avis qu'il avait reçu du seul actionnaire de la demanderesse, Chris Conway (dossier du défendeur, volume 1, à la page 16), et selon lequel :
[traduction]... même si les fabricants nous ont fait parvenir un appareil comportant des paramètres par défaut, nous modifions habituellement ces paramètres, notamment en ce qui concerne le type de monnaie (américaine ou canadienne), le nombre de crédits par pièce de monnaie, le nombre de parties ou de vies par pièce de monnaie, etc. C'est la raison pour laquelle les fabricants nous ont fait parvenir un manuel indiquant les paramètres à modifier, lesquels sont appelés « Dip Switch Settings » . Selon les définitions que vous m'avez envoyées, les appareils que j'avais en main seraient tous des appareils donnant un seul jeu par pièce de monnaie... [Non souligné dans l'original.]
[23] M. Krupp a informé le vérificateur que les appareils ne devraient pas automatiquement être jugés inadmissibles du fait que quelques-uns de ceux qui ont été expédiés à sa cliente comportaient à leur arrivée des « options » ou « fonctions » pouvant ou non être activées.
[24] Le vérificateur a déposé un affidavit au soutien de la position du ministre en l'espèce et a subséquemment été contre-interrogé à ce sujet. Il avait joint à son affidavit son rapport de vérification daté du 15 octobre 2001 dans lequel il avait expliqué pourquoi il avait refusé en entier la demande de remboursement de TPS de la demanderesse. À son avis, les appareils de la demanderesse étaient des appareils automatiques non visés par le paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise, c'est-à-dire qu'ils ne pouvaient être détaxés.
[25] Dans son rapport de vérification, le vérificateur a souligné que les manuels de fonctionnement que M. Krupp lui a fournis [traduction] « indiquaient que les jeux auxquels ils correspondaient comportaient des options permettant au joueur de jouer en mode continu ou de jouer plus d'une partie en insérant plusieurs pièces de monnaie » . Cependant, il a ajouté que [traduction] « les manuels indiquent aussi que les paramètres par défaut concernent la fonction de jeu continu ou la possibilité d'insérer plusieurs pièces de monnaie » . Voici ce qu'il a écrit à la page 18 du document figurant au volume 1 du le dossier du défendeur :
[traduction] Les examens physiques menés dans certaines arcades de jeu indiquent que les appareils sont préparés pour permettre au joueur de jouer en mode continu ou d'insérer plusieurs pièces de monnaie. Du point de vue commercial, cette façon de procéder est logique, puisqu'elle permet de tirer des revenus plus élevés d'un appareil.
Étant donné que l'inscrit ne peut présenter une preuve satisfaisante indiquant que les appareils visés par la demande de remboursement sont admissibles en vertu du Décret de remise, la demande de remboursement est refusée en entier. [Non souligné dans l'original.]
LES CONTRE-INTERROGATOIRES
Contre-interrogatoire du vérificateur
[26] Après avoir pris connaissance de la transcription du contre-interrogatoire du vérificateur, je suis d'avis que la demanderesse a prouvé les faits suivants.
[27] Avant de faire parvenir à M. Krupp sa lettre datée du 21 juin 2001, le vérificateur a passé en revue le Décret de remise et le communiqué AD-99-11 de l'Agence.
[28] Selon le communiqué, certains « appareils d'amusement » sont considérés comme des appareils admissibles. Voici le paragraphe pertinent du communiqué en question :
6. Appareils admissibles
Les seuls types d'appareils visés par le décret de remise sont les appareils automatiques n'acceptant qu'une seule pièce de vingt-cinq cents ou moins pour le paiement intégral d'un produit ou d'un service. Par exemple, certains appareils dans lesquels on vend des bonbons durs, de la gomme et des arachides pourront ouvrir droit à un remboursement.
Certains appareils d'amusement peuvent également être considérés comme détaxés en vertu du paragraphe 165.1(2) si l'appareil est programmé ou préparé pour offrir seulement une seule partie pour un total de vingt-cinq cents ou moins. On doit considérer ce que la machine offre à ce moment, et non ce qu'elle pourrait offrir une fois modifiée. Par exemple, un appareil programmé ou préparé pour accepter trois pièces de vingt-cinq cents au début pour trois fournitures séparées (3 parties séparées) pourrait ouvrir droit à un remboursement. [Non souligné dans l'original.]
[29] Selon le même communiqué, les appareils suivants sont inadmissibles ou exclus :
l les appareils d'amusement qui permettent d'obtenir un plus grand nombre de jeux grâce à l'insertion de plusieurs pièces (p. ex. un appareil qui offre un seul jeu à l'acquéreur en échange d'une seule pièce de vingt-cinq cents, mais trois jeux en échange de deux pièces de vingt-cinq cents);
l les appareils qui distribuent un produit ou fournissent un service à l'acquéreur pour un montant total de plus de vingt-cinq cents, même s'ils distribuent également une fourniture à l'acquéreur pour une contrepartie de vingt-cinq cents ou moins. Cette catégorie comprend tous les appareils d'amusement qui permettent à l'acquéreur de poursuivre un jeu donné en insérant des pièces supplémentaires (c.-à-d. de ne pas commencer un jeu nouveau, mais de jouer une partie supplémentaire à une étape donnée d'un même jeu) quel que soit le moment où les pièces sont introduites. [Non souligné dans l'original.]
[30] Le vérificateur s'est rendu à une arcade du centre-ville de Scarborough et a examiné environ dix appareils dont il a ensuite demandé à M. Krupp les manuels de fonctionnement.
[31] Il a reconnu (dossier de la demanderesse, à la page 146) qu'il était lié par les dispositions du communiqué et qu'il devait s'y conformer. À la page 172 du dossier de la demanderesse, il a confirmé qu'il avait appliqué le communiqué pour conclure à l'inadmissibilité des deux types d'appareils.
[32] Il a reconnu, à la page 141 du dossier de la demanderesse, que la vérification d'une demande de remboursement était une vérification restreinte portant essentiellement sur le montant pouvant être perçu ou devant être remboursé au titre de la TPS.
[33] À son avis, un appareil de jeu continu (dossier de la demanderesse, à la page 152) [traduction] « ...est un appareil qui offre au joueur la possibilité d'insérer une pièce de 25 cents pour jouer et d'ajouter d'autres pièces de 25 cents pour continuer à jouer... » . Il a souscrit à l'exemple qu'avait donné l'avocat de la demanderesse, notamment un jeu donnant au joueur trois vies pour un personnage; s'il perd la troisième vie au niveau 5 et en moins de dix secondes, le joueur pourrait insérer une autre pièce de monnaie et continuer à jouer à ce niveau 5 (dossier de la demanderesse, aux pages 152 et 153).
[34] À la page 158 du dossier de la demanderesse, il a dit que tous les appareils qu'il a examinés à l'arcade du centre-ville de Scarborough et qui figuraient sur la liste d'appareils de la demanderesse comportaient une option de jeu continu, mais que le joueur n'était nullement tenu de jouer de cette façon.
[35] À la page 160 du dossier de la demanderesse, il a décrit trois jeux de deux billards électriques comme des jeux pour lesquels le joueur doit verser une contrepartie additionnelle pour obtenir un plus grand nombre de parties. Il a dit que l'un des appareils de la demanderesse, appelé Adam's Family, comportait cette caractéristique. À la page 161, il a souligné qu'il ne pouvait indiquer à partir de la liste de la demanderesse les autres appareils qui étaient des billards électriques.
[36] À la page 182 du dossier de la demanderesse, il a admis qu'il avait demandé les manuels afin de pouvoir vérifier comment ces appareils étaient offerts à l'acquéreur en ce qui concerne les paramètres par défaut : [traduction] « a-t-il quelque chose pour démontrer que... l'appareil était offert comme appareil permettant de jouer un seul jeu... en échange d'une seule contrepartie » .
[37] À la page 183, l'avocat de la demanderesse lui a demandé comment il avait procédé pour extrapoler les données des huit manuels à l'ensemble de la liste. Il a répondu comme suit : [traduction] « d'abord, je n'ai pas empêché M. Krupp de présenter d'autres manuels. Je devais commencer avec un échantillon » . Il a ajouté que, d'après l'échantillon que M. Krupp avait envoyé, les appareils n'étaient pas admissibles.
[38] À la page 183 du dossier de la demanderesse, il a confirmé qu'il n'avait jamais écrit à M. Krupp pour lui dire que, d'après son examen des dix jeux, il croyait que les quelque soixante-dix appareils fonctionnaient de la même façon, et qu'il ne l'a pas invité non plus à contredire cette présomption. Il a toutefois souligné qu'à son avis, il a probablement informé M. Krupp par téléphone, mais il n'était pas certain de l'avoir fait.
[39] À la même page, il a reconnu que les seuls appareils de la liste de la demanderesse qu'il a examinés étaient ceux qui étaient disponibles à l'arcade où il s'est rendu.
[40] À la page 184, il a dit qu'il n'a pas parlé à d'autres vérificateurs de l'Agence à ce sujet afin de savoir comment ils avaient évalué certains jeux.
[41] À la page 186 du dossier de la demanderesse, il a confirmé avoir présumé que les appareils exploités par celle-ci au cours de la période visée par la demande de remboursement étaient utilisés de la même façon que les jeux qu'il a examinés en 2001. Pour en arriver à cette conclusion, il s'est fondé sur les renseignements figurant dans les manuels, soit le fait que les paramètres par défaut indiquaient que les appareils étaient offerts comme des appareils permettant de jouer en mode continu ou de jouer plusieurs parties, ce qui lui apparaissait logique au plan commercial. Le seul autre élément de preuve qu'il a mentionné au soutien de la présomption était sa propre expérience en matière de jeux d'arcade, mais il a admis qu'il n'avait procédé qu'à une seule autre évaluation d'une demande de remboursement fondée sur le Décret de remise et qu'il ne pouvait se rappeler qui était la partie demanderesse.
Contre-interrogatoire de M. Krupp
[42] Après avoir pris connaissance du contre-interrogatoire de M. Krupp, je suis d'avis que le défendeur a établi les faits suivants.
[43] La liste d'appareils que M. Krupp a fournie au vérificateur ne présentait aucune répartition entre les jeux vidéos et les billards électriques et visait à indiquer si les jeux inscrits comportaient une fonction de jeu continu.
[44] M. Krupp a dit que, selon lui, la fonction de jeu continu signifiait que, lorsqu'un joueur perdait les trois vies pour lesquelles il avait payé 25 cents, il pouvait, dans un certain laps de temps, insérer une autre pièce de monnaie dans l'appareil, obtenir trois autres vies et jouer une autre partie au niveau qu'il avait atteint au moment où il a perdu sa troisième vie lors de la partie précédente (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, aux pages 44 et 45).
[45] M. Krupp a préparé la liste qu'il a fait parvenir au vérificateur en se fondant sur une liste que Ron Sures lui avait donnée après l'avoir annotée. Ron Sures avait inscrit un crochet sous une colonne intitulée [traduction] « jeu continu » à côté de chaque jeu qu'il considérait comme un jeu continu. Sous la colonne intitulée [traduction] « un seul jeu » , M. Sures a inscrit un crochet ou un point d'interrogation. M. Krupp a reconnu que, sur la liste redactylographiée qu'il a remise au vérificateur, il n'a pas inscrit les rubriques « un seul jeu » et « jeu continu » . Dans le cas des appareils permettant un seul jeu, à côté desquels M. Sures avait inscrit un point d'interrogation, M. Krupp a démontré que le jeu ne comportait pas de fonction de jeu continu (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, aux pages 41 à 44).
[46] Selon ce que M. Krupp avait compris, les appareils à côté desquels figurait un C majuscule comportaient une fonction de jeu continu qui ne pouvait en aucun cas être modifiée, c'est-à-dire qu'il n'était pas possible de modifier les paramètres par défaut pour que l'appareil ne permette qu'un seul jeu (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, à la page 44).
[47] M. Krupp ne savait pas personnellement comment les jeux d'arcade dont il a fourni les manuels fonctionnaient. Il ignorait si la fonction de jeu continu avait été activée ou non (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, aux pages 56, 58 et 60).
[48] M. Krupp a reconnu qu'il n'y a aucun registre indiquant à quel moment la fonction par défaut de jeu continu avait été désactivée, le cas échéant. Il ignorait s'il existait des documents indiquant si des paramètres par défaut avaient été modifiés (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, aux pages 59 et 60).
[49] Le vérificateur n'a pas empêché la demanderesse de lui remettre d'autres manuels à examiner et a reconnu qu'il n'a fourni aucun des manuels supplémentaires que Ron Sures possédait [traduction] « par centaines » (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, aux pages 58 et 60).
[50] M. Krupp a reconnu que les propos que M. Conway a formulés dans sa lettre du 20 août 2001 adressée au vérificateur provenaient d'un courriel que celui-ci lui avait envoyé la veille. Voici le reste de ce courriel, qu'il n'a pas reproduit dans la lettre en question :
[traduction]
« un seul jeu » signifie que, quel que soit le nombre de crédits accumulés au moyen de cette pièce de vingt-cinq cents, ce nombre EST RAMENÉ À ZÉRO lorsque la partie se termine; ...
Tous mes appareils fonctionnaient selon ce principe, c'est-à-dire que, lorsque vous insérez une pièce de monnaie dans l'appareil, vous recevez un crédit ou un nombre de vies. Une fois que ce crédit est épuisé ou que vous perdez vos vies, la partie est terminée. Il serait possible de jouer une autre partie immédiatement après celle-ci en insérant une autre pièce de monnaie uniquement à l'intérieur d'un certain laps de temps, par exemple dix secondes.
En insérant une autre pièce de monnaie, le joueur n'obtiendrait pas un plus grand nombre de parties; il entamerait une banque de crédits entièrement nouvelle.
Le seul avantage que le joueur aurait serait sa position (c'est-à-dire le niveau où il se trouve dans le jeu, p. ex. niveau cinq par opposition au niveau un) ou le fait que son nombre de points ne serait pas ramené à zéro. Si la personne n'avait pas inséré une autre pièce de monnaie dans l'appareil, elle serait tenue de recommencer depuis le début.
Vous NE POUVEZ conserver votre crédit ou votre nombre de vies en déposant une autre pièce de monnaie. Le dépôt d'une autre pièce de monnaie pour tous les jeux permet simplement de conserver le nombre de points ou la position dans le jeu.
Indépendamment du nombre de crédits accumulés à l'aide de la première pièce de monnaie insérée, ce nombre de crédits serait ramené à zéro une fois la partie terminée. Vous ne pourriez continuer à jouer avec les mêmes crédits ou avec la même pièce de monnaie. [Non souligné dans l'original.] (dossier du défendeur, volume 1, onglet 3, à la page 77]
[51] En réponse à un engagement donné en contre-interrogatoire, M. Krupp et son avocat ont communiqué avec M. Sures et, le 14 novembre 2002, l'avocat a informé l'avocat du ministre comme suit :
[traduction] Nous avons parlé à M. Ron Sures, qui nous informe que les appareils suivants ne comportaient pas de paramètre de transfert qui permettrait d'offrir le mode continu et ne peuvent donc être programmés à cette fin, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent offrir le jeu continu à un niveau ou endroit précédemment atteint et que, par conséquent, ils demeurent des appareils permettant un seul jeu [dossier du défendeur, volume 1, à la page 79].
[52] Il a ensuite identifié 27 billards électriques et les sept jeux de conduite qui figuraient tous sur la liste d'appareils que la demanderesse avait remise au défendeur :
[traduction] Lorsqu'il a fourni cette liste, M. Sures a passé entièrement en revue celle qui est jointe comme pièce « L » à l'affidavit de Bruce Krupp daté du 25 juillet 2002. Veuillez noter que les billards électriques peuvent être programmés pour offrir trois parties pour deux pièces de vingt-cinq cents (0,25 $), mais M. Crisostomo a été informé précédemment que les jeux n'avaient pas été programmés de cette façon. [Dossier du défendeur, volume 1, onglet 3, à la page 79]
ANALYSE
[53] L'avocat de la demanderesse a soulevé plusieurs questions afin de contester la décision par laquelle le ministre a conclu qu'aucun des appareils de la demanderesse n'était admissible à un remboursement en vertu du Décret de remise, notamment les questions suivantes :
(1) la question de savoir si le ministre a commis une erreur lorsqu'il a interprété les mots « appareils automatiques à fonctionnement mécanique conçus pour n'accepter qu'une seule pièce de monnaie, de vingt-cinq cents ou moins, comme contrepartie totale de la fourniture effectuée au moyen de l'appareil » ;
(2) la question de savoir si le représentant du ministre a commis une erreur manifestement déraisonnable lorsqu'il a conclu que les appareils de la demanderesse comportaient des fonctions activées permettant de jouer en mode continu ou de jouer trois parties contre deux pièces de monnaie;
(3) la question de savoir si la vérification a été menée de manière équitable.
[54] À mon avis, le sort du présent litige ne dépend d'aucune interprétation indépendante que le représentant du ministre a faite au sujet de la question de savoir si les appareils de la demanderesse qui permettaient de jouer en mode continu ou de jouer trois parties contre deux pièces de monnaie constituaient des fournitures admissibles.
[55] Il est évident que le représentant du ministre a pris sa décision en se fondant sur le communiqué AD-99-11 daté du 15 septembre 1999.
[56] Ce communiqué, qui est destiné à être utilisé par les vérificateurs du gouvernement fédéral appelés à examiner les demandes de remboursement fondées sur le Décret de remise, décrit les appareils qui sont admissibles et ceux qui sont exclus ainsi que les procédures de vérification qui devraient être suivies.
[57] Ainsi, il était proposé que le vérificateur procède à des vérifications aléatoires des appareils sur place, si possible, et à des confirmations par des tierces parties auprès des fabricants en ce qui concerne les types d'appareils.
[58] Le représentant du ministre estimait qu'il était lié par le communiqué AD-99-11 et je pense qu'il avait raison, même si le communiqué ne constitue pas une loi (voir Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), [2000] 2 R.C.S. 1120, à la page 1185, et Bambrough c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1976] 2 C.F. 109 (C.A.)).
[59] Le communiqué AD-99-11 énonce des directives à l'intention des vérificateurs sur la façon d'appliquer le Décret de remise. Il est assez semblable aux lignes directrices ministérielles que la Cour suprême du Canada a examinées dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 862.
[60] J'utilise l'expression « assez semblable » parce que, dans l'arrêt Baker, la décision de l'agent d'immigration était une décision discrétionnaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Néanmoins, dans Suresh c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada s'est exprimée comme suit au paragraphe 36, à la page 27 :
¶ 36 . . .Dans la mesure où notre Cour a contrôlé l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans cette affaire [Baker], sa décision se fondait sur l'omission du délégataire du ministre de se conformer à des lignes directrices établies par le ministère lui-même, telles qu'elles se dégageaient des objectifs de la Loi ainsi que des obligations découlant de conventions internationales et, surtout, des directives destinées aux agents d'immigration [Non souligné dans l'original.]
[61] Cela étant dit, la question à trancher en l'espèce est à mon avis de savoir si le représentant du ministre a tiré une conclusion allant à l'encontre de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, qui autorise la Cour à annuler une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [le tribunal] disposait.
[62] Cette disposition de la Loi sur les Cours fédérales a été comparée à une décision manifestement déraisonnable (voir Canadian Pasta Manufacturers' Association c. Aurora Importing and Distributing Ltd. (1997), 208 N.R. 329 (C.A.F.). De plus, dans Canada (Procureur général) c. Norman, [2003] 2 C.F. 411, la Cour d'appel fédérale a décidé que la norme de contrôle prévue à l'alinéa 18.1(4)d) était celle de la retenue et que cette norme était semblable à celle de « l'erreur manifeste et dominante » ou celle de la décision « clairement erronée » que la Cour suprême du Canada a articulée dans Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.
[63] Le vérificateur a conclu que les appareils vidéos et les billards électriques de la demanderesse comportaient des fonctions de jeu continu ou étaient programmés pour offrir trois parties en échange de deux pièces de monnaie, selon le cas.
[64] Ces conclusions ont été tirées dans le contexte d'une vérification fondée sur le communiqué AD-99-11, dans lequel il a été reconnu que certains appareils d'amusement peuvent également être détaxés « si l'appareil est programmé ou préparé pour offrir seulement une seule partie pour un total de vingt-cinq cents ou moins » . Selon les directives qu'ils avaient reçues, les vérificateurs devaient rechercher ce que l'appareil offre au moment où la pièce de monnaie est insérée et non ce qu'il pourrait offrir une fois modifié; par exemple, un appareil programmé ou préparé pour accepter trois pièces de vingt-cinq cents au début pour trois fournitures séparées (trois parties séparées) serait admissible.
[65] Je suis d'avis qu'au cours de la vérification, le vérificateur a commis des erreurs manifestes et dominantes.
[66] J'en arrive à cette conclusion principalement parce qu'il appert nettement de la preuve que le vérificateur n'a pas vérifié si chacun des appareils en cause pouvait être admissible à un remboursement alors que la demanderesse et M. Krupp les avaient décrits plusieurs fois comme des appareils permettant un seul jeu, soit parce que c'était la seule option qu'ils pouvaient offrir, soit parce que, si d'autres options étaient possibles, l'appareil avait été préparé pour permettre une seule partie, sauf dans les cas où le jeu continu représentait la seule possibilité. Pour en arriver à cette conclusion, je comprends que le vérificateur ne pouvait examiner physiquement les appareils en question, parce qu'ils avaient été vendus.
[67] Pour examiner la demande de remboursement de la demanderesse, le vérificateur s'est fondé sur la visite qu'il a faite en 2001 à une arcade où il a étudié les paramètres de dix appareils qui figuraient également sur la liste des appareils que la demanderesse a eus en main de 1992 à 1996.
[68] Ayant conclu que les appareils de jeu vidéo qu'il a examinés lors de sa visite à l'arcade étaient préparés pour permettre au joueur de jouer en mode continu, il a présumé, sans raison valable à mon sens, que tous les appareils de jeu vidéo de la demanderesse qui ont été exploités au cours d'une période différente étaient préparés de la même façon. Cette présomption n'était pas justifiée, en partie parce que le vérificateur n'avait aucune compétence particulière pour examiner les appareils automatiques aux fins des demandes de remboursement ou de l'application du paragraphe 165.1(2) de la Loi.
[69] De plus, eu égard aux renseignements que la demanderesse lui avait fournis au sujet des paramètres réels de ses appareils et dont il n'a pas tenu compte, l'affirmation du vérificateur selon laquelle il était logique au plan commercial de régler les appareils en mode de jeu continu n'était pas fondée sur la preuve.
[70] Il en va de même pour les billards électriques de la demanderesse. La preuve présentée lors de la communication préalable et dans le cadre des engagements donnés au cours de celle-ci indique qu'au moins trente-quatre des appareils de la demanderesse ne comportaient pas de paramètre de transfert qui permettrait de programmer le jeu en mode continu et qu'il s'agissait donc dans tous les cas d'appareils offrant un seul jeu. D'après la preuve, certains des billards électriques de la demanderesse pouvaient être programmés pour offrir trois parties contre deux pièces de vingt-cinq cents, mais le vérificateur avait été informé que les appareils n'étaient pas programmés de cette façon.
[71] Il y a également un autre élément à prendre en compte en ce qui concerne les jeux comportant un mode continu. Il est reconnu dans le communiqué AD-99-11 qu'un appareil programmé ou réglé pour accepter trois pièces de vingt-cinq cents de suite pour trois fournitures différentes (trois parties distinctes) serait admissible. Je ne suis pas convaincu, à la lumière de la preuve, que le vérificateur a examiné cet aspect des jeux distincts pour une contrepartie de vingt-cinq cents chacune.
[72] Bref, la vérification qu'a menée le représentant du ministre était viciée.
[73] Pour renvoyer la demande de remboursement de la demanderesse au ministre, je dois décider si, au plan de l'interprétation législative, les appareils vidéos permettant de jouer en mode continu et les billards électriques permettant de jouer trois parties contre deux pièces de monnaie constituent une fourniture admissible pour l'application du Décret de remise, ce qui nécessite l'examen de la question de savoir si ces appareils sont visés par le paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise.
[74] Dans 469527 Ontario Inc., j'ai écrit ce qui suit au sujet de la question de savoir si les billards électriques permettant de jouer trois parties au lieu de deux pour une contrepartie totale de 50 cents constituaient une fourniture admissible :
[traduction]
[58] À mon avis, selon le texte clair du paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise, un billard électrique réglé pour permettre de jouer trois parties au lieu de deux contre une somme de 50 cents ne constitue pas une fourniture d'un jeu dont le paiement s'effectue par le dépôt d'une seule pièce de monnaie dans un appareil automatique à fonctionnement mécanique conçu pour n'accepter qu'une seule pièce de monnaie, de 25 cents ou moins, comme contrepartie totale de la fourniture. Dans la présente affaire, la contrepartie totale de la fourniture de trois jeux réside dans le paiement de 50 cents pour deux parties.
[59] Je ne vois aucun élément de la décision Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée c. Canada, [1997] A.C.F. n ° 338, qui appuie l'interprétation de la demanderesse. Cette affaire ne concernait pas l'interprétation du paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise et les appareils examinés n'étaient pas des appareils d'amusement, mais des appareils automatiques qui offraient des marchandises comme des arachides et de la gomme.
[60] L'avocat de la demanderesse s'est fondé en grande partie sur la décision Les Amusements Jolin, qui portait sur un examen de la disposition pertinente de la Loi sur la taxe d'accise. Cependant, une lecture attentive de la décision du juge Anger ne permet pas de dire, comme la demanderesse le soutient, que le paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise autorise la détaxation des billards électriques lorsqu'un joueur doit insérer 50 cents pour jouer trois parties.
[61] Au paragraphe 13 de ses motifs, le juge Anger a souligné qu'il était possible d'insérer successivement jusqu'à dix pièces de 25 cents, selon les appareils, mais que chaque pièce ne donne qu'un jeu. Ce n'est pas le cas des billards électriques, qui permettent de jouer trois parties en payant le coût de deux.
[75] Je n'ai pas commenté directement la question de savoir si les jeux en mode continu seraient ainsi admissibles.
[76] Je conviens avec l'avocat de la demanderesse que les appareils vidéos programmés pour permettre au joueur de jouer en mode continu en insérant une nouvelle pièce de 25 cents lorsque que les crédits de la partie précédente ont été épuisés peuvent être considérés comme une fourniture admissible.
[77] Le juge Anger en est arrivé à cette conclusion dans Les Amusements Jolin c. Canada, [2002] A.C.I. n ° 518. À mon avis, cette décision est directement applicable, parce qu'elle portait sur la question de savoir si les appareils automatiques à fonctionnement mécanique conçus pour n'accepter qu'une seule pièce de monnaie, de 25 cents ou moins, comme contrepartie totale de la fourniture pouvaient être détaxés en vertu du paragraphe 165.1(2) de la Loi sur la taxe d'accise. Les dispositifs examinés comprenaient des billards électroniques et des jeux vidéos comportant un écran de télévision.
[78] Le juge Anger s'est exprimé comme suit au paragraphe 13 :
¶ 13 Quant au dispositif de perception (I-10) ou receveur de pièces, ce dernier est accompagné du valideur de monnaie (A-2). Ce valideur de monnaie peut être interchangé pour identifier d'autres pièces de monnaie, mais un seul valideur peut être utilisé à la fois. En l'espèce, le 25 ¢ , une fois validé, continue son cheminement dans une ouverture et son poids sur une tige métallique fait fonctionner un commutateur que monsieur Jolin a décrit comme un micro-interrupteur mécanique. Une fois le parcours de la pièce de monnaie complété, l'appareil indique qu'une partie peut être jouée. Il est possible d'y insérer successivement jusqu'à dix pièces de 25 ¢ , selon les appareils, mais chaque pièce ne donne qu'un jeu. Certains appareils permettent à l'utilisateur de prolonger un jeu. Monsieur Jolin a reconnu que, dans la catégorie des jeux dits vidéo, il s'agit d'ordinateurs et qu'il est possible de les programmer afin de prolonger ou de diminuer la durée du jeu, mais que cela dépend des appareils.
[79] Il a conclu comme suit au paragraphe 23 :
¶ 23 Le fait que certains de ces appareils permettent à l'utilisateur d'accumuler des crédits en y insérant plus d'un 25 ¢ ne change pas le fait que la contrepartie totale de chaque crédit est de 25 ¢ tout comme le 25 ¢ qui y est ajouté pour prolonger une partie. Les appareils en litige, tels que décrits à l'annexe « A » , à l'exception de ceux qui prennent plus que 25 ¢ pour fonctionner et à l'égard desquels l'appelante a versé 1 000 $ au titre de la taxe, sont des appareils automatiques à fonctionnement mécanique et la taxe payable à leur égard est nulle.
[80] Je souscris à la conclusion qu'il a tirée. Compte tenu de la preuve présentée en l'espèce, je conclus qu'une personne qui insère une nouvelle pièce de 25 cents pour continuer à jouer joue en fait une nouvelle partie chaque fois qu'elle introduit une pièce de 25 cents. Elle ne joue pas un jeu continu pour une contrepartie de 50 cents.
[81] Cette conclusion de fait permet d'établir une distinction avec les décisions que l'avocat du ministre a citées au sujet d'une seule fourniture d'un jeu même lorsque le paiement de ce jeu est fait en deux étapes. Il s'agit des décisions O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. n ° 678, Hidden Valley Golf Resort Association c. Canada, [2000] A.C.F. n ° 869 (C.A.), et Club Med Sales Inc. c. Canada., [1997] G.S.T.C. 28 (C.C.I.).
[82] Pour les motifs exposés ci-dessus, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens, au tarif des dépens entre parties, la décision du représentant du ministre est annulée et la demande de remboursement de la demanderesse est renvoyée au ministre pour nouvel examen par un autre représentant de celui-ci, conformément aux présents motifs.
« François Lemieux »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
21 MAI 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-942-02
INTITULÉ DE LA CAUSE : 9711346 ONTARIO LTD
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Thunder Bay (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 1er avril 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Lemieux
DATE DES MOTIFS : Le 21 mai 2004
COMPARUTIONS:
T. Michael Strickland POUR LA DEMANDERESSE
Arnold Bornstein POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Buset & Partners POUR LA DEMANDERESSE
Avocats
Thunder Bay (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Toronto (Ontario)