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     Date : 19980529

     Dossier : T-245-86

ENTRE

     SHIRLEY LARDEN,

     demanderesse/appelante,

     - et -

SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADA, MARVIN ANDREW JOE, DAVID JAMES JOE, EDITH BAIRD, NORMA JACOBS, LEILEAN KOLLER, BRIAN CARDINAL, RENE CARDINAL, JEANNE CARDINAL, CINDY WATSON ET H. ERVIN,

                                              Défendeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADA ET H. ERVIN,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

LES FAITS

[1]      Les présents motifs découlent de la requête introduite par la demanderesse en vue d'une prorogation du délai imparti pour interjeter appel de mon ordonnance du 1er avril 1998. Dans celle-ci, j'ai radié la présente action sans qu'il soit accordé l'autorisation de modifier la déclaration.

[2]      J'ai radié l'action parce qu'elle était clairement futile, vexatoire et constituait un emploi abusif des procédures de la Cour. J'ai noté que c'était une action qui [TRADUCTION] "ne peut mener à aucun résultat pratique; elle a plutôt entraîné et continue d'entraîner les défendeurs dans un long et coûteux qui ne peut donner aucun résultat possible (page 16 des Motifs du 1er avril 1998). J'ai en outre refusér d'accorder l'autorisation de modifier la déclaration, car la seule modification apparente était que le règlement d'une succession entre la demanderesse et ses frères et soeurs défendeurs avait été effectué sous contrainte. La modification était illégale et n'avait pas la moindre chance de succès.

EXAMEN

[3]      Un appelant éventuel ne devrait pas être privé de l'occasion de se faire entendre en appel en raison d'une simple question de procédure. Toutefois, les tribunaux ne considèrent pas l'omission de déposer un appel de manière opportune comme une simple question de procédure. Il s'agit d'une sérieuse question de droit procédural, et les délais doivent être observés. Les tribunaux recherchent donc des facteurs et des motifs spéciaux qui pourraient justifier que soit prorogé le délai imparti pour interjeter appel.

[4]      Dans l'examen d'une demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel, la première considération est que justice est faite pour toutes les parties à l'action. À part cet élément, il n'existe pas de règles rigides pour déterminer quand il faudrait accorder une prorogation : voir par exemple La Reine c. Guaranteed Homes [1979] C.T.C. 190, à la page 191 (C.F.1re inst.). Il existe certains facteurs de base auxquels celui qui demande une prorogation de délai doit satisfaire. En l'espèce, je n'oublie pas que le demandeur doit montrer l'intention véritable d'interjeter appel, intention découlant du moment où il a eu ce droit, que le retard était dû à des circonstances spéciales qui servent à excuser ou à justifier l'omission de déposer l'appel de manière opportune, et qu'on doit au moins soutenir que la décision faisant l'objet de l'appel est erronée : Voir Guaranteed Homes (précité), aux pages 191 à 193 et Pierre J. Lebel c. La Reine [1987] 2 C.T.C. 86, à la page 88, où le juge Teitelbaum de la Section de première instance, expose le critère appliqué dans l'affaire Guaranteed Homes. À part l'examen de l'intérêt de la justice, l'intention continue d'interjeter appel, les circonstances spéciales de l'instance et la question de savoir s'il existe une cause soutenable, les tribunaux ont également tenu compte de la durée du délai et du préjudice non seulement pour l'appelant, mais aussi pour les intimés éventuels : voir par exemple Karon Resources Inc. c. Ministre du Revenu national (1994) 71 F.T.R. 232, aux pages 235 et 236 (1re inst.).

[5]      En l'espèce, Mme Larden dit, dans son affidavit déposé à l'appui de la requête, que dès qu'elle a reçu mon ordonnance, elle a immédiatement demandé à son avocate d'alors d'interjeter appel. L'avocate a avisé qu'elle n'était pas disposée à s'en occuper, mais qu'elle remettrait le dossier à Mme Larden pour que celle-ci puisse elle-même interjeter appel si elle le désirait. Mme Larden témoigne qu'elle n'a pas reçu de ses avocats le dossier avant le 15 avril, soit quatre jours après l'expiration du délai d'appel. Elle dit que pendant qu'elle attendait le dossier, elle a tenté de se mettre en rapport avec de nouveaux avocats, mais sans succès. Elle explique en outre pourquoi elle n'a rien fait à propos du dossier entre environ 1990 et la date à laquelle l'action a été radiée; toutefois, ce qui a été examiné à fond à l'audition de la requête en radiation ne se rapporte pas à l'espèce.

[6]      Dans son affidavit, Mme Larden nie que son action soit vexatoire et constitue un emploi abusif de procédures. Elle estime qu'elle n'aurait pas besoin d'une longue prorogation de délai, et qu'il serait dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation.

[7]      En premier lieu, pour ce qui est du retard, ce retard est minimal. Il n'y a donc pas lieu de refuser la prorogation en raison d'un retard excessif.

[8]      De même, je reconnais que, dès le début, Mme Larden a eu l'intention d'interjeter appel.

[9]      La seule preuve pertinente des circonstances spéciales, dans l'affidavit de Mme Larden, porte sur le fait qu'elle n'a pu déposer un appel dans le délai accordé parce que son avocate n'était pas disposée à agir pour elle et parce qu'elle n'a pu retenir les services d'un nouvel avocat en raison, en partie, de la fin de semaine de Pâques et du fait, en partie, de ce qu'il lui a fallu plus de deux semaines pour obtenir son dossier du cabinet qui l'avait représentée. La preuve sous forme d'affidavit est un peu mince. En fait, le retard est symptomatique de ce qui est arrivé au cours d'une douzaine d'années passées compte tenu de l'ensemble du dossier. Tout compte fait, je ne suis pas disposé à dire qu'il existe des circonstances spéciales qui, seules, pourraient justifier une prorogation de délai.

[10]      La présente demande échoue complètement à l'occasion de l'examen du bien-fondé de l'appel. L'action a été radiée, sans qu'il soit accordé l'autorisation de modifier la déclaration, parce qu'elle était futile, vexatoire et constituait un abus de procédure; en bref, il s'agissait d'une action sans fondement

qu'une modification de la déclaration n'aiderait pas. Mme Larden, dans son affidavit, déclare simplement qu'elle croit que l'action est fondée et que ce serait mieux servir l'intérêt de la justice que de permettre que soit prorogé le délai imparti pour interjeter appel. Aucun détail n'a été donné à cet égard. Mme Larden ne donne aucun contexte factuel et n'éclaircit pas le fondement de l'appel. Je ne suis pas persuadé qu'il existe des points soutenables sur lesquels Mme Larden pourrait s'appuyer à l'occasion d'un appel,

[11]      La réouverture de l'espèce porterait préjudice aux défendeurs. Le préjudice ne réside pas dans la possibilité de perdre la certitude de la décision du 1er avril 1998 portant radiation de l'action de la demanderesse. Mme Edith Baird, défenderesse et soeur de Mme Larden, dit, dans un affidavit établi pour s'opposer à la requête, que l'incertitude consiste dans la perturbation de sa vie, que la prolongation de l'action cause du stress à elle-même et à sa famille, qu'elle est découragée par l'ensemble du litige et qu'elle désire faire son chemin. Elle souligne également que Mme Larden a reçu ce qu'elle a négocié, y compris un fonds de terre considérable et une importante somme d'argent provenant du patrimoine de leurs parents, mais qu'elle, Mme Baird, et sa famille, disposent de ressources limitées pour se défendre à la présente action.

[12]      Comme il n'existe aucune chance pour que l'action aboutisse, du point de vue de Mme Larden, le rejet de la présente requête ne lui cause aucun préjudice.

CONCLUSION

[13]      En l'espèce, étant donné toutes les circonstances, il n'existe pas de facteurs permettant de justifier une prolongation de délai, qui priverait ainsi les défendeurs ayant gain de cause de l'avantage du délai de dépôt d'un appel. Il n'est pas dans l'intérêt de la justice d'accorder une prorogation.

[14]      Les dépens sont adjugés aux défendeurs particuliers.

                     (signé) John A. Hargrave

                         Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 29 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-245-86
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Shirley Larden

                     c.

                     SMR et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE en date du 29 mai 1998.

ONT COMPARU :

Alisa Noda          pour la demanderesse/appelante

Shirley Larden          pour la demaderesse/appelante

Darwin Hanna          pour les défenderus

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Alisa Noda
    Burnaby (C.-B.)      pour la demanderesse/appelante
    Callison & Hanna      pour les défendeurs
    Vancouver (C.-B.)

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