Date : 19990927
Dossier : IMM-5657-98
ENTRE :
NICOLAE HRISTOV,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision, datée du 9 octobre 1998, dans laquelle l"agente des visas Moira Lucy Escott du Consulat général du Canada à Détroit (Michigan) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada que le demandeur avait présentée.
LES FAITS
[2] Le demandeur a présenté sa demande en mai 1995, en Bulgarie. Le demandeur et son épouse ont eu une entrevue avec l"agent des visas Michel Dupuis à Sofia. L"agent des visas a informé le demandeur qu"il était visé par la définition de programmeur d"ordinateur, mais qu"il devrait améliorer sa connaissance de l"anglais et fournir les résultats qu"il obtiendrait soit à l"examen TOEFL, soit à l"examen IELTS. Le successeur de M. Dupuis, Renald Grégoire, a dit qu"il n"était pas disposé à rejeter la demande sur dossier en raison des aptitudes linguistiques du demandeur et qu"il voulait lui aussi avoir une entrevue avec ce dernier afin de vérifier sa connaissance de l"anglais.
[3] La deuxième entrevue a été menée par l"agent des visas Stephan Stebelsky, qui a été avisé par l"épouse du demandeur que celui-ci avait immigré aux États-Unis pour travailler en tant que programmeur d"ordinateur et que les membres de sa famille le rejoindraient là-bas. Elle a demandé que les renseignements nécessaires soient envoyés aux autorités compétentes afin de transférer les dossiers aux États-Unis. Ces renseignements ont été envoyés le 18 juin 1996.
[4] Le 29 janvier 1997, Stephan Stebelsky a rejeté la demande en se fondant sur le paragraphe 9(3) de la Loi sur l"immigration, après avoir conclu que le demandeur ne souhaitait plus immigrer au Canada, vu qu"il ne s"était pas occupé de son dossier depuis juin 1996.
[5] Le demandeur a communiqué avec l"agent des visas le 28 février 1997. Il a dit qu"il ne souhaitait pas que le droit exigé pour l"établissement lui soit remboursé et qu"il demandait le transfert de sa demande au Consulat canadien de Buffalo. Le dossier a été transféré le 25 juillet 1997.
[6] Le dossier a plus tard été transféré au Consulat canadien de Détroit, où il devait être traité. Le 8 octobre 1998, le demandeur a eu une entrevue avec Moira Lucy Escott, une agente des visas.
[7] L"agente des visas a fait parvenir une lettre au demandeur datée du 9 octobre 1998 dans laquelle elle avisait celui-ci que sa demande de résidence permanente au Canada avait été rejetée.
LES QUESTIONS LITIGIEUSES
Considérations non pertinentes
[8] Dans son appréciation, l"agente des visas a tenu compte de facteurs dont les parties n"ont pas débattus. Par conséquent, des parties de l"appréciation sont-elles non pertinentes en ce qui concerne la demande de résidence permanente?
Déni d"équité procédurale : omission de mentionner l"objectif de l"entrevue
[9] Le demandeur a été avisé qu"il avait été accepté en tant que programmeur d"ordinateur et que sa demande serait approuvée après la tenue d"une autre entrevue servant à apprécier ses aptitudes linguistiques. L"agente des visas qui a mené la dernière entrevue a modifié cet objectif : elle a déterminé que l"entrevue servirait à apprécier d"autres facteurs, dont les antécédents de travail. Cette modification équivaut-elle à une omission, de la part de l"agente des visas, d"informer le demandeur de l"objectif de l"entrevue?
Déni d"équité procédurale
[10] Le comportement de la dernière agente à l"entrevue a-t-il eu comme résultat de ne pas favoriser une appréciation équitable de la demande de résidence permanente du demandeur?
L"ANALYSE
[11] Bien qu"il pût sembler inéquitable qu"une troisième agente des visas saisie de l"affaire examine à son tour des éléments qui avaient déjà été appréciés par un autre agent des visas, il ne fait aucun doute que l"agente des visas Escott pouvait apprécier le demandeur en fonction des professions de programmeur d"ordinateur, de préposé à l"entretien et d"opérateur sur ordinateur.
[12] Voici ce que prévoit le paragraphe 9(2) :
|
9(2) Le cas du demandeur de visa d'immigrant est apprécié par l'agent des visas qui détermine si le demandeur et chacune des personnes à sa charge semblent répondre aux critères de l'établissement. |
[13] À mon avis, l"agente des visas en l"espèce devait, en vertu de la Loi, déterminer si le demandeur et les personnes à sa charge satisfaisaient à toutes les conditions préalables en vue d"immigrer au Canada, avant de délivrer un visa d"immigrant. L"agente des visas Escott a clairement établi que le demandeur avait été informé que l"objectif de l"entrevue visait à discuter non seulement de ses aptitudes linguistiques et de sa personnalité, mais également de son niveau d"instruction, de sa formation et de ses antécédents de travail, et ce afin de déterminer s"il était admissible à immigrer au Canada en vertu des lois et règlements applicables1. À mon avis, bien que son épouse eût mentionné à un autre agent des visas que le demandeur s"était installé aux États-Unis pour y travailler en tant que programmeur d"ordinateur, ce n"était pas ce qui s"était produit et l"agente des visas, par l"entremise d"une série de questions, avait apprécié le demandeur sur le plan de son niveau d"instruction, sa formation, ses antécédents de travail, ses aptitudes linguistiques et sa personnalité. Cela est tout à fait conforme à la Loi sur l"immigration. À mon avis, l"appréciation que Mme Escott a faite de facteurs qui avaient déjà été appréciés par l"agent des visas Dupuis n"était pas dénuée de pertinence vu que les détails concernant l"expérience du demandeur avant et après qu"il s"est installé aux États-Unis étaient tout à fait pertinents en ce qui concerne les responsabilités de l"agente des visas. Dans son affidavit, l"agente des visas Escott a mentionné que le demandeur avait fait un aveu :
[TRADUCTION] Il a dit qu"il s"était rendu compte qu"il ne possédait pas le niveau d"instruction et de formation nécessaire pour travailler en tant que programmeur d"ordinateur au Canada et il a dit qu"il avait l"intention de se rendre au Canada pour étudier l"informatique. |
[14] En ce qui concerne les aptitudes linguistiques du demandeur, il ressort aussi clairement de l"affidavit de l"agente des visas que ce dernier avait décidé de ne pas améliorer ses aptitudes linguistiques car il estimait que cela n"était pas nécessaire. Cette mention est importante vu qu"il s"agit de la principale question que le premier agent des visas, M. Dupuis, a soulevée.
[15] Je suis d"avis que les deux premiers arguments du demandeur ont été rejetés dans les circonstances. La troisième question litigieuse, soit celle de savoir s"il y a eu déni d"équité procédurale, est plus délicate.
[16] La Cour dispose d"éléments de preuve contradictoires. D"une part, le demandeur affirme dans son affidavit qu"il avait tenté de faire état de ses antécédents de travail, mais que l"agente des visas ne lui en a pas donné l"occasion. Le demandeur a également mentionné que l"agente des visas avait laissé entendre qu"il aurait pu obtenir un visa d"immigrant par des moyens frauduleux. Dans son affidavit, le demandeur a également mentionné que l"agente des visas Escott s"était comportée comme un officier de l"armée et qu"elle l"avait souvent interrompu. Le demandeur a également renvoyé au langage corporel de l"agente des visas, qu"il était difficile de supporter.
[17] Il est très difficile de concilier la description de l"entrevue que contient l"affidavit du demandeur et celle que contient l"affidavit de Mme Escott. L"avocat du demandeur s"est fondé sur la décision Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) [1997], J.C.F. no 1560, dans lequel le juge Lutfy a dit :
Les principes de justice naturelle et d'équité procédurale s'appliquent à la rencontre que l'agente des visas a tenue avec le requérant. Au cours de ce genre d'entrevue, l'agent(e) des visas est appelé(e) à déterminer si la partie requérante sera en mesure de s'établir avec succès au Canada et il s'agit d'une responsabilité importante. Il(Elle) doit se comporter avec la dignité voulue pour favoriser un échange ouvert et équitable, même dans des circonstances qui doivent parfois être difficiles et éprouvantes. |
... |
En l'absence d'affidavit dans lequel l'agente des visas aurait nié les propos qui lui sont attribués, je dois présumer qu'elle a effectivement prononcé les mots "shut up". À mon avis, ces mots dépassent la limite de ce qui peut être considéré comme des propos acceptables pour exprimer la désapprobation, surtout lorsqu'ils sont prononcés par une personne en autorité. |
De toute évidence, le juge Lutfy a tranché en faveur du demandeur dans cette affaire vu l"absence de toute preuve permettant de tirer la conclusion contraire.
[18] En l"espèce, la situation n"est pas la même étant donné que des éléments de preuve se contredisent et que l"agente des visas Escott nie avoir utilisé le langage et avoir eu le comportement que lui attribue le demandeur.
[19] À mon avis, il ressort clairement de l"affidavit de l"agente des visas que cette dernière s"est immanquablement comportée de manière juste et équitable.
[20] Le demandeur n"est pas parvenu à me convaincre que la décision de l"agente des visas n"était pas fondée sur le plan des faits et du droit et il n"a pas établi, à mon avis, que l"agente des visas a pu avoir commis une erreur susceptible de contrôle justifiant l"intervention de la Cour.
[21] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et la décision de l"agente des visas est maintenue.
[22] Ni l"une ni l"autre partie n"a proposé de question à certifier.
Pierre Blais Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 27 septembre 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-5657-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : NICOLAE HRISTOV c. M.C.I.
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE : LE 7 SEPTEMBRE 1999
MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE BLAIS
EN DATE DU : 27 SEPTEMBRE 1999
ONT COMPARU :
Max Chaudhary POUR LE DEMANDEUR
Ian Hicks POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chaudhary Law Office
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR
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