Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 20000330


Dossier : IMM-1092-99



ENTRE :

     FAROKH ZAMYADI

     demandeur


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration1 (la Loi) d'une décision que Mme Umit Ozguc, une agente des visas à l'Ambassade du Canada à Ankara, Turquie, a rendue en date du 6 janvier 1999, et dans laquelle elle a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.

[2]      Le demandeur est un citoyen de l'Iran. Il a présenté2 sa demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs compétents indépendants prévue dans la Loi et le Règlement sur l'immigration3 (le Règlement) à titre d'hydrologiste.

[3]      Le demandeur a obtenu un diplôme en mathématique, statistiques et informatique en Angleterre et il a travaillé comme expert en hydrologie auprès des Ingénieurs- conseils Mahab Gods depuis 1984.

[4]      Le demandeur et son épouse ont subi une entrevue le 30 septembre 1998. Comme sa demande a été reçue avant le 1er mai 1997, le demandeur a été apprécié au regard des critères établis dans la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP) et la Classification nationale des professions (la CNP)4.

[5]      L'agente des visas s'est fondée sur la CCDP et la CNP pour conclure que les études du demandeur ne satisfaisaient pas aux conditions canadiennes d'accès à la profession d'hydrologiste, parce que sa demande a été reçue avant le 1er mai 1997. En conséquence, l'agente des visas n'a pas pu accorder au demandeur de points d'appréciation pour son expérience professionnelle. En vertu du paragraphe 11(1) du Règlement, l'agent des visas ne peut délivrer un visa au demandeur qui n'obtient aucun point pour le facteur de l' « expérience » .

[6]      L'agente des visas a également apprécié le demandeur au regard de la profession subsidiaire de « technicien en hydrologie » . Le demandeur a obtenu 64 points d'appréciation.

[7]      En conséquence, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur par lettre datée du 6 janvier 19995.

[8]      Le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur de droit dans l'appréciation de son niveau d'études en hydrologie au regard de la CCDP, et qu'elle a commis une erreur de droit en omettant d'apprécier son épouse au regard de la profession de couturière.


ANALYSE

     a)      Études

[9]      Le système de classification de la CNP indique qu'un diplôme universitaire en géologie, en géochimie, en géophysique ou dans un domaine connexe est exigé6.

[10]      En l'espèce, l'agente des visas a conclu que le diplôme d'études post-secondaires de deux ans du demandeur en mathématiques et statistiques n'était pas suffisant pour satisfaire aux exigences en matière de formation applicables à la profession d' « hydrologiste » aux termes du système de classification de la CNP.

[11]      Dans le système de classification de la CCDP, la description de la profession d' « hydrologiste (2112-122) » , qui se trouve sous la rubrique « géologues et scientifiques assimilés » , est rédigée comme suit :

Les professions de géologues et de travailleurs assimilés exigent normalement :
-      un baccalauréat ès sciences ou en géologie, complété par une expérience pratique de deux ans ou plus;
-      une maîtrise, en général, pour les situations dans la recherche appliquée dans un groupe de recherche industriel ou gouvernemental, ou pour des postes d'enseignants au titre d'assistants de laboratoire dans une université, un collège communautaire ou CEGEP;
-      un doctorat pour des situations plus importantes en recherche fondamentale7.

[12]      Le Guide de la CCDP indique que la préparation professionnelle spécifique englobe les genres de formations suivants : formation universitaire ou collégiale, formation professionnelle, apprentissage, formation en usine, formation en cours d'emploi et autre formation8.

[13]      Le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur en faisant de l'exigence en matière de formation une exigence « absolue » aux termes de la CCDP. Comme la CCDP utilise les termes « exigent normalement » , l'appréciation devrait être plus souple.

[14]      À mon avis, les mots « exigent normalement » indiquent que, à moins de circonstances convaincantes ou spéciales, il s'agit d'une exigence à remplir.

[15]      En l'espèce, il relevait sans aucun doute du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas de décider, après l'entrevue qu'elle a fait passer au demandeur, qu'il n'y avait aucun élément spécial suppléant à l'insuffisance de la formation régulière du demandeur.

[16]      Je suis donc convaincue que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur de droit et qu'elle a appliqué les critères appropriés pour déterminer si le demandeur satisfaisait aux exigences en matière de formation que prévoient les deux systèmes de classification pour la profession d'hydrologiste.

     b)      Appréciation de l'épouse du demandeur principal

[17]      Les critères de sélection applicables à la catégorie des immigrants indépendants sont prévus au paragraphe 8(1) du Règlement9 qui est rédigé comme suit :


Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependents, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant. [My emphasis].

Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint. [Non souligné dans l'original.]


[18]      Dans la décision Nanji c. MEI10, la Cour a conclu que c'est le demandeur qui doit choisir qui sera apprécié en tant que demandeur principal : « Contrairement à ce qu'a soutenu le requérant, un agent des visas n'est nullement tenu d'apprécier un requérant et son conjoint. Le paragraphe 8(1) exige plutôt que l'agent des visas apprécie l'une ou l'autre de ces personnes seulement. » 11.

[19]      En l'espèce, le demandeur a décidé d'être apprécié en tant que demandeur principal. En conséquence, l'agente des visas n'avait pas l'obligation juridique d'apprécier son épouse.

[20]      Toutefois, le demandeur soutient que, si un agent des visas assume une responsabilité qu'il n'est pas tenu en droit d'assumer, l'équité procédurale exige qu'il effectue une appréciation complète et non pas une appréciation sommaire. Je suis d'accord.

[21]      Il est clair que la jurisprudence a reconnu que plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer les exigences de l'obligation d'équité procédurale. Un de ces facteurs, tel qu'on l'a noté dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration12, concerne l'importance de la décision pour les personnes visées. En conséquence, eu égard au contenu de l'obligation d'équité, le décideur est tenu, dans les circonstances de l'espèce, d'effectuer une appréciation complète de l'immigrant éventuel.

[22]      En l'espèce, je suis d'avis que dès qu'un agent des visas assume la responsabilité d'apprécier un immigrant éventuel, il contracte l'obligation corollaire relative à l'équité procédurale parce qu'une décision négative de l'agent des visas a une incidence grave sur la vie de l'immigrant éventuel.

[23]      Pour ces motifs, le dossier est renvoyé afin qu'une nouvelle décision soit rendue quant à l'expérience de l'épouse en tant que couturière.

[24]      L'avocate du demandeur a demandé que la question suivante soit certifiée :

     [TRADUCTION]
     Si un agent des visas assume volontairement une responsabilité qu'il n'est pas tenu en droit d'assumer, sa décision doit-elle être conforme à la définition de l'équité procédurale?


[25]      Comme les questions relatives à l'équité procédurale ont fait l'objet de nombreuses décisions, la Cour n'est pas convaincue qu'il s'agit d'une question grave de portée générale. En conséquence, la Cour ne certifiera pas la question.

                         (s.) « Danièle Tremblay-Lamer »

                             Juge


VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

Le 30 mars 2000

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE L'IMMIGRATION

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-1092-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Farokh Zamyadi

                     c.
                     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 27 mars 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge Tremblay-Lamer
DATE DES MOTIFS :          le 30 mars 2000


ONT COMPARU :

Mme Catherine A. Sas          pour le demandeur
Mme Emilia Pech              pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Catherine A. Sas

Avocate

Vancouver (C.-B.)              pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada              pour le défendeur
__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      La demande a d'abord été soumise au Consulat du Canada à Buffalo, New York, et elle a été transmise à Ankara le 29 avril 1997.

3      DORS/78-172, et ses modifications.

4      En vertu de l'article 2.03 des dispositions transitoires du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/97-182, art. 3., l'agent des visas est tenu d'effectuer une appréciation en vertu de la CCDP et, si la demande est refusée, il doit ensuite apprécier le dossier au regard de la CNP.

5      Dossier certifié de la Cour, aux pages 41 et 42.

6      Dossier du défendeur, à la page 6.

7      Classification canadienne descriptive des professions, 1971, dossier du défendeur,      à la page 18.

8      Dossier du défendeur, à la page 27.

9      Précité, note 3.

10      (1993) 66 F.T.R. 158 (C.F. 1re inst.).

11      Ibid., à la page 159.

12      (1999) 177 D.L.R. (4th) 1, aux paragraphes 21 à 25.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.