Date : 20010425
Dossier : IMM-1943-01
Référence neutre : 2001 CFPI 388
ENTRE :
LUCILLE RAMONA SMITH
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La demanderesse est une citoyenne de la Barbade qui vit au Canada depuis l986. Cependant, elle ne s'est pas conformée à une mesure d'expulsion datée du 15 décembre 1992.
[2] Dans son affidavit, elle a déclaré avoir présenté le 27 septembre 1999 une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et y avoir joint une lettre de son avocat datée du même jour. Dans cette lettre, on peut lire : [TRADUCTION] « À cause des conseils juridiques non professionnels qu'elle a reçus et sans qu'elle soit elle-même fautive, Lucille Smith n'a pas été informée des obligations auxquelles elle devait se conformer et elle ne s'est pas présentée aux entrevues prévues après le rejet de sa revendication du statut de réfugié. Par conséquent, elle n'était pas au courant de la mesure d'expulsion prononcée contre elle. » Une mesure d'expulsion avait été prononcée contre la demanderesse le 15 décembre 1992. Le même jour, elle avait signé un formulaire d'acceptation des conditions relatives à la mesure d'expulsion établissant qu'elle [TRADUCTION] « obt[iendrait] une confirmation écrite que chaque changement d'adresse domiciliaire au Canada [avait] été enregistré au préalable auprès d'un agent d'immigration au Centre d'Immigration Canada situé au 250, avenue Davisville, Toronto (Ontario) » .
[3] Le défendeur a tenté en 1994 de renvoyer la demanderesse du Canada, mais n'ayant pu la retracer il a dû lancer contre elle un mandat d'arrêt qui a été exécuté le 20 février 1999.
[4] La demanderesse a trois enfants en bas âge nés en 1997, 1999 et 2000. Elle a de plus un enfant né en 1990 de son premier mariage. Elle a présenté deux demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire qui ont été rejetées par des décisions rendues en 1991 et en 1992 ainsi qu'une revendication du statut de réfugié qui a été rejetée en 1987.
[5] En septembre 1999, elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Aucune décision n'a été rendue à l'égard de cette demande. Toutefois, la demanderesse est la principale responsable du retard dans le traitement de sa demande. Elle devait fournir de l'information relativement aux dates de ses emplois et aux noms et adresses de ses employeurs. À l'exception des renseignements inscrits sur sa première demande, elle n'a fourni aucun autre des renseignements demandés à ce sujet et ce jusqu'en 2001 après que la date d'expulsion eut été fixée. En conséquence, le défendeur n'est pas responsable du retard à rendre une décision fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.
[6] Dans une lettre datée du 2 avril 2001, l'agent chargé du dossier a refusé de surseoir à l'exécution du renvoi. La lettre n'énonçait aucune raison motivant ce refus.
[7] La demanderesse allègue qu'il existe une question grave en l'espèce parce que l'agent n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants. Je souscris à l'opinion du juge Nadon dans la cause Simoes c. M.C.I., dossier de la Cour IMM-2664-00 et IMM-2775-00 (C.F. 1re inst.), en date du 16 juin 2000, dans laquelle il déclare au paragraphe 11 :
[...] l'arrêt Baker n'oblige pas l'agent chargé du renvoi à effectuer un examen approfondi de l'intérêt des enfants, et notamment du fait que les enfants sont Canadiens. Cela relève clairement du mandat d'un agent qui examine les raisons d'ordre humanitaire. « Inclure » pareil mandat au stade du renvoi donnerait en fait lieu à la présentation d'une demande préalable à la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, ce qui n'est pas, à mon avis, ce que la loi exige. L'article 48 de la Loi sur l'immigration prévoit ce qui suit : « Sous réserve des articles 49 et 50, la mesure de renvoi est exécutée dès que les circonstances le permettent » . Les articles 49 et 50 traitent des cas de sursis à l'exécution prévus par la loi : par exemple, lorsque le demandeur a interjeté appel et qu'aucune décision n'a encore été rendue, ou lorsque d'autres procédures ont été engagées.
[8] De plus, il déclare au paragraphe 14 de la décision Simoes, précitée :
En ce qui concerne les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire mettant en cause des enfants canadiens, je ne puis souscrire à l'avis exprimé par la demanderesse -- à savoir, que l'agent chargé du renvoi doit reporter le renvoi d'un parent dont les enfants sont canadiens en attendant le règlement de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qu'ils ont présentée.
[9] De toute façon, il n'y a pas de préjudice irréparable. Je suis d'accord avec l'opinion du juge MacKay dans Villareal c. Canada (M.C.I.),[1999] A.C.F. no 1754 (1re inst.) (QL) lorsqu'il déclare :
7. On soutient, pour le compte de la demanderesse, que la présente affaire soulève une question grave vu que la situation extraordinaire dans laquelle se trouve son enfant, qui est citoyen canadien, n'a pas encore été appréciée. Je ne suis pas convaincu que l'affaire soulève une question grave à ce stade-ci. Une telle appréciation doit être faite par les personnes que sa demande humanitaire intéresse et non par notre Cour.
8. De toute façon, même si la présente affaire soulevait une question grave dont notre Cour devait tenir compte, je ne suis pas convaincu, dans les circonstances, que la demanderesse, voire son enfant, subiraient un préjudice irréparable s'il n'était pas sursis maintenant à l'exécution de la mesure de renvoi. Le préjudice irréparable doit être un préjudice qui sera causé avant que la demande humanitaire ne soit tranchée. Il incombe toujours au ministre défendeur d'examiner cette demande. Les représentants du ministre doivent veiller à ce que la demande soit traitée de manière équitable et que, dans le cadre du processus, il soit convenablement tenu compte de la situation particulière de l'enfant, qui est un citoyen canadien. Dans le cas où cela nécessiterait une entrevue avec la demanderesse, une telle entrevue pourrait être tenue, que la demanderesse se trouve au Canada ou à l'étranger, par téléphone ou encore par l'entremise de représentants du Canada aux Philippines. Bien entendu, si la demande est accueillie, le ministre devra faciliter le retour de la demanderesse au Canada.
9. Dans le cas où la demanderesse est renvoyée du Canada et doit demeurée à l'étranger jusqu'à ce que sa demande humanitaire soit tranchée, elle pourra décider que son fils doit l'accompagner ou encore qu'il doit demeurer avec les membres de sa famille qui se trouvent au Canada. Je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances, la demanderesse ou son fils subira un préjudice irréparable dans le court délai auquel il est raisonnable de s'attendre avant que sa demande humanitaire ne soit tranchée.
[10] Dans l'affaire dont je suis saisi, le mari de la demanderesse, père des trois enfants en bas âge, est citoyen canadien et n'est pas obligé de quitter le pays. Tel que déclaré dans la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, les beaux-parents sont [TRADUCTION] « disposés à prendre soin des enfants pendant que Lucille Smith travaille » . Compte tenu des circonstances, il appert que les grands-parents paternels des enfants pourraient aider le mari de la demanderesse à s'occuper des enfants si la mesure d'expulsion était exécutée. À cet égard, le retour de la demanderesse à la Barbade ne causerait pas de préjudice irréparable. Si la séparation des époux se prolongeait, c'est la demanderesse elle-même qui, par son défaut de répondre aux demandes d'information du service de l'Immigration relativement à ses emplois, en serait responsable.
[11] Les causes Melo c. M.C.I., Dossier de la Cour IMM-742-00 (C.F. 1re inst.), en date du 13 juin 2000, et Valencia c. M.C.I., Dossier de la Cour IMM-3047-00 (C.F. 1re inst.), en date du 6 juillet 2000, se distinguent de la présente affaire parce qu'elles concernaient des résidents permanents. En l'espèce, la demanderesse n'est pas une résidente permanente mais elle a prolongé sans autorisation la durée de séjour prévue à son visa de visiteur. Je constate que par le passé, elle n'a pas fourni de changement d'adresse tel que l'exigent les conditions de la mesure d'expulsion dont elle faisait l'objet. La demanderesse n'a pas réussi à fournir de preuve crédible au soutien de sa demande.
ORDONNANCE
[12] La demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est rejetée.
« W. P. McKeown »
J.C.F.C.
Toronto (Ontario)
Le 25 avril 2001
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-1943-01
INTITULÉ DE LA CAUSE : LUCILLE RAMONA SMITH
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 23 AVRIL 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
EN DATE DU : MERCREDI 25 AVRIL 2001
ONT COMPARU : David A. Bruner
Pour la demanderesse
Stephen H. Gold
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Hoppe, Bruner
Avocats
25, rue Isabella
Toronto (Ontario)
M4Y 1M7
Pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20010425
Dossier :IMM-1943-01
Entre :
LUCILLE RAMONA SMITH
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE