Date : 19990531
Dossier : IMM-4676-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 31 MAI 1999.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
ENTRE :
HOU XIAHONG,
demanderesse,
et
LE MINISTRE,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée pour qu'un autre agent des visas statue sur celle-ci.
William P. McKeown
JUGE
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
Date : 19990531
Dossier : IMM-4676-98
ENTRE :
HOU XIAHONG,
demanderesse,
et
LE MINISTRE,
défendeur.
MOTIFS D'ORDONNANCE
LE JUGE McKEOWN
[1] La demanderesse, une citoyenne de la Chine, cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 5 août 1998, dans laquelle une agente des visas a rejeté la demande qu'elle avait déposée en vue d'obtenir le droit de s'établir au Canada.
[2] Voici les deux questions en litige : 1) la demanderesse a-t-elle été privée de l'équité procédurale à l'entrevue et, en particulier, a-t-elle une crainte raisonnable de partialité de la part de l'agente des visas?; 2) l'agente des visas a-t-elle tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait?
[3] L'agent des visas ne doit pas se comporter de façon à faire naître une crainte raisonnable de partialité de sa part. Le critère applicable a été énoncé dans l'arrêt Newfoundland Telephone Company c. Newfoundland (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, à la p. 636, et il consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur.
[4] Quand la demanderesse a indiqué qu'elle avait fait de la traduction dans le cadre de son travail, l'agente des visas a dit, d'un ton sarcastique selon la demanderesse : [TRADUCTION] « Wow. Il me semble que vous savez tout faire » . L'agente des visas a également refusé de répondre aux questions de la demanderesse, qui voulait savoir quels documents supplémentaires elle devait présenter, et elle a fait la remarque suivante : [TRADUDTION] « vous avez fréquenté l'Université Queen's. Vous êtes une femme intelligente... vous savez » . Elle a également dit : [TRADUCTION] « C'est moi qui pose les questions, pas vous » . Quand la demanderesse s'est excusée, l'agente des visas a dit : [TRADUCTION] « Je ne suis pas venue ici pour entendre vos excuses » . L'agente des visas n'a jamais nié avoir fait ces remarques à la demanderesse.
[5] L'agente des visas a déclaré dans son affidavit, cinq mois après l'entrevue :
[TRADUCTION] L'entrevue a duré une heure et quinze minutes. Pendant l'entrevue, je me suis efforcée d'être équitable et consciencieuse à l'égard de la demanderesse. L'entrevue a été menée de façon respectueuse et professionnelle. L'entrevue n'a été empreinte ni d'hostilité, ni de sarcasme. Pendant l'entrevue, la demanderesse n'a pas dit qu'elle se sentait mal à l'aise pour quelque raison que ce soit, y compris le ton que j'avais adopté, la façon dont je menais l'entrevue, ou les questions que je posais.
[6] Il est intéressant de souligner que dans les notes du CAIPS, qui ont été écrites peu de temps après l'entrevue, l'agente des visas a dit :
[TRADUCTION] Le ton de l'entrevue et la manière dont elle s'est déroulée n'avaient rien de remarquable.
[7] Il est clair qu'à l'entrevue, la demanderesse a frustré l'agente des visas, celle-ci n'ayant pu obtenir de réponses directes à plusieurs de ses questions. Cela ne justifiait pas les remarques désobligeantes de l'agente des visas. La question que je dois trancher est de savoir si l'agente s'est tout simplement comportée de façon déplorable ou si la demanderesse avait des motifs raisonnables de craindre que celle-ci n'était pas impartiale. Le juge Gibson a dit dans la décision Khakoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 103 F.T.R. 284 (C.F. 1re inst.), aux pp. 290 et 291 :
L'avocat de l'intimé admet que l'agent des visas s'est montrée insistante lorsqu'elle a interrogé les requérants et qu'elle a pu devenir agacée devant les réponses qu'elle recevait, mais il n'a pas reconnu l'usage de la terminologie reflétée dans les notes précitées. Je ne vois aucun motif me permettant de conclure que les requérants éprouvaient une crainte raisonnable de partialité en raison du ton et du contenu de leur entrevue, le 5 janvier 1995. Si l'agent des visas a réellement employé le vocabulaire qu'on lui reproche, c'est malheureux. Cependant, même si l'on présume que ce fut le cas, je ne suis pas convaincu que cela justifierait une crainte raisonnable de partialité.
En l'espèce, je crains que l'agente des visas ait manqué de jugement et je suis convaincu que ses remarques constituait un fondement raisonnable permettant de croire qu'elle n'était pas impartiale. Les propos de l'agente des visas étaient hostiles ou sarcastiques : ils ne peuvent être interprétés autrement. À mon avis, une personne raisonnable estimerait que ses remarques donnent raisonnablement à croire qu'elle n'était pas impartiale.
[8] Compte tenu des conclusions que j'ai tirées concernant l'existence d'une crainte raisonnable de partialité et de la nécessité de renvoyer l'affaire pour qu'un autre agent des visas statue de nouveau sur celle-ci, je n'estime pas qu'il serait utile d'examiner les autres questions soulevées par la demanderesse.
[9] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée pour qu'un autre agent des visas statue sur celle-ci.
William P. McKeown
JUGE
OTTAWA (Ontario)
Le 31 mai 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-4676-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : HOU XIAHONG
- c. -
LE MINISTRE
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 MAI 1999
MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
EN DATE DU : 31 MAI 1999
ONT COMPARU :
Cary Chiu POUR LA DEMANDERESSE
Darell Kloeze POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Maclaren Corlett POUR LA DEMANDERESSE
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada