Date : 20041101
Dossier : IMM-1619-04
Référence : 2004 CF 1539
ENTRE :
RAJA EHSAN MAHMOOD
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] Lorsque j'ai accueilli la demande de contrôle judiciaire à l'audience dans la présente affaire, j'ai dit que j'allais rédiger des motifs écrits. Les voici.
[2] M. Mahmood est un citoyen du Pakistan qui est partisan de l'indépendance du Cachemire. Il a été harcelé par des opposants à l'indépendance et, après qu'il a prononcé un discours en faveur d'un Cachemire indépendant, des agents du service de renseignements se sont rendus chez lui et l'ont averti qu'il devait s'abstenir de participer à de telles activités. En janvier 2002, la police a fait une descente dans sa maison. Il s'est caché et est ensuite venu au Canada.
[3] Son témoignage a été jugé non crédible à la fois dans l'ensemble et en ce qui a trait à son identité.
[4] Pour confirmer son identité, le demandeur a présenté une photocopie des deux premières pages de son passeport. Le commissaire a conclu que lorsqu'il a demandé à M. Mahmood le passeport original, celui-ci lui a répondu que le document avait été saisi par Immigration Canada. Il s'agit d'une conclusion de fait manifestement déraisonnable. Le passeport du demandeur a été perdu ou saisi avant sont départ du Pakistan. Il est désormais admis que cette conclusion du commissaire est entachée d'erreur.
[5] Il y avait d'autres pièces d'identité que le commissaire n'a pas mentionnées. Le dossier révèle que leur authenticité était douteuse. Toutefois, le commissaire n'a formulé aucun commentaire à leur sujet, et il n'est pas du ressort de la Cour de décider ce qu'il aurait pu conclure s'il en avait tenu compte.
[6] Le commissaire a ensuite dit que la question déterminante était la crédibilité. Cependant, il a confondu les notes prises au point d'entrée avec les notes de l'entrevue. M. Mahmood a été critiqué pour avoir dit qu'il était venu au Canada uniquement en visite. C'était son seul but lors de son premier séjour au Canada, et il est effectivement parti après le séjour en question.
[7] M. Mahmood s'est également rendu au Royaume-Uni et aux États-Unis entre septembre 2000 et mars 2001. On a dit qu'il n'avait pas de crainte subjective de persécution parce qu'il n'avait pas demandé l'asile à ce moment-là. Ce que M. Mahmood a dit, et le dossier est parfaitement clair à ce sujet, c'est que les arrestations dont il a fait l'objet en 1995 et en 1998 au Pakistan faisaient partie intégrante de la vie politique dans ce pays, et qu'il ne s'était pas senti persécuté. Bien qu'il ait été battu en 1999, cette agression n'était pas elle non plus suffisante pour lui faire craindre la persécution. Ce n'est qu'après qu'un mandat d'arrêt a été décerné contre lui après son retour au Pakistan du Royaume-Uni et des États-Unis qu'il s'est senti persécuté et s'est enfui.
[8] On lui a également reproché d'avoir omis de mentionner dans son FRP qu'il avait été arrêté en 1995 et en 1998. M. Mahmood a expliqué cette omission en disant qu'il avait été induit en erreur par l'interprète. Qui plus est, le dossier révèle qu'il avait été interrogé plus tôt par des agents d'immigration et qu'il avait mentionné les deux arrestations.
[9] Comme je l'ai dit à l'audience, je crois que cette affaire est l'inverse de l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Dan-Ash (1988), 93 N.R. 33; [1988] A.C.F. no 571. Le juge Hugessen a dit ce qui suit au nom de la Cour d'appel :
À moins que l'on ne soit prêt à considérer comme possible (et à accepter) que la Commission a fait preuve d'une crédulité sans bornes, il doit exister une limite au-delà de laquelle les contradictions d'un témoin amèneront le juge des faits le plus généreux à rejeter son témoignage. Il nous est tout simplement impossible de dire que cette limite n'aurait pas été atteinte en l'espèce si la Commission avait correctement appliqué le droit. Dans ces conditions, la décision ne peut être maintenue.
[10] De même, il doit exister une limite au-delà de laquelle les erreurs d'un commissaire amèneront le tribunal de révision le plus généreux à rejeter ses conclusions touchant la preuve en raison de leur caractère manifestement déraisonnable. Il m'est simplement impossible de prétendre que cette limite n'ait pas été franchie en l'espèce. La décision ne peut être maintenue.
_ Sean Harrington _
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 1er novembre 2004
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1619-04
INTITULÉ : RAJA EHSAN MAHMOOD
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 28 OCTOBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 1ER NOVEMBRE 2004
COMPARUTIONS:
Jeffrey Nadler POUR LE DEMANDEUR
Diane Lemery POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Jeffrey Nadler POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada