Dossier : IMM-2384-20
Référence : 2021 CF 781
Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2021
En présence de monsieur le juge Southcott
ENTRE :
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SIMON CHAHASI KICHAMU
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
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La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 22 avril 2020 par laquelle l’agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a rejeté la demande de permis de travail du demandeur au motif qu’il n’a pas qualité pour demander ce type de document depuis le Canada.
[2]
Comme je l’expliquerai davantage plus loin, la demande est rejetée parce que le demandeur n’a invoqué aucun motif permettant à la Cour de conclure que l’agent a déraisonnablement conclu qu’il n’avait pas le droit de présenter une demande de permis de travail depuis le Canada.
II.
Contexte
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Le demandeur, Simon Chahasi Kichamu, est citoyen du Kenya. Il possède un visa de visiteur pour entrées multiples valide pour dix ans qui lui permet de voyager au Canada pour des séjours de six mois, autant de fois qu’il le veut. Le visa expire en 2026. Il a utilisé ce visa pour visiter sa sœur au Canada à plusieurs reprises depuis 2016. Il est entré au Canada à l’aide de ce visa le 18 février 2019, et on lui a permis de rester pour une durée de six mois, à savoir jusqu’au 18 août 2019.
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Au cours de sa visite en 2019, le demandeur s’est vu offrir un emploi à titre de surveillant des services de nettoyage et d’entretien par l’entreprise Aztec Maintenance Ltd., sous réserve de l’approbation d’une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT]. Dans une lettre du 23 octobre 2019, Aztec Maintenance Ltd. a reçu une EIMT favorable. La lettre indiquait que, puisque l’EIMT expirerait le 23 avril 2020, le demandeur devrait soumettre son permis de travail ou sa demande de résidence permanente à IRCC avant cette date.
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Pendant qu’il attendait les résultats de l’EIMT, le demandeur a sollicité une fiche du visiteur. Cependant, cette demande a été rejetée le 17 novembre 2019.
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Entre-temps, le 14 novembre 2019, le demandeur s’est rendu au poste frontalier canado-américain de Douglas où il a demandé un permis de travail. Sa demande a été rejetée, mais on lui a permis de rentrer au Canada à titre de visiteur. En janvier 2020, il a présenté une demande de permis de travail en ligne auprès du Centre de traitement des demandes [le CTD] d’IRCC à Edmonton, en Alberta.
[7]
Cette demande de permis de travail a été rejetée dans la décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce. L’agent a énoncé ce qui suit dans la lettre de décision du 22 avril 2020 :
[traduction]
Vous ne faites pas partie des personnes qui peuvent demander ce type de document depuis le Canada aux termes de la loi en matière d’immigration. Une demande de ce type doit être présentée dans un bureau canadien des visas à l’étranger.
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La lettre de décision expliquait également que le statut du demandeur à titre de visiteur au Canada était valide jusqu’au 14 mai 2020.
[9]
Dans les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] le 22 avril 2010, l’agent expose des motifs supplémentaires à l’appui de sa décision. Les notes décrivent les antécédents récents du demandeur en matière d’immigration, y compris le fait qu’on lui a permis de rentrer au Canada en tant que visiteur le 14 novembre 2019. Selon les notes du SMGC, rien dans le système n’indiquait que, lorsqu’il s’est présenté au point d’entrée, le demandeur avait été autorisé à demeurer au Canada à titre de visiteur pour une période inférieure à six mois. Dans les notes du SMGC, l’agent explique ensuite que le demandeur sollicitait une EIMT sur le fondement d’un permis de travail, mais qu’il [traduction]« ne fait pas partie des personnes qui peuvent demander ce type de document depuis le Canada aux termes de la loi en matière d’immigration »
et qu’[traduction]« une demande de ce type doit être présentée dans un bureau canadien des visas à l’étranger »
. Les notes du SMGC précisent ensuite que la demande est rejetée.
III.
Questions en litige et norme de contrôle
[10]
Dans son mémoire, le demandeur décrit les questions soulevées par la présente demande de contrôle judiciaire de la façon suivante :
La décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail du demandeur était-elle raisonnable?
L’agent a-t-il commis une erreur de droit en appliquant de façon erronée les dispositions de l’article 199 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‑227) [le Règlement]?
[11]
La norme de contrôle qui est présumée s’appliquer à la décision de l’agent sur le fond est celle de la décision raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 10). J’examinerai la question de savoir si la décision était raisonnable à la lumière des arguments du demandeur relatifs à l’article 199 du Règlement.
[12]
Les arguments du demandeur soulèvent aussi une question d’équité procédurale sur laquelle je me pencherai plus loin dans les présents motifs. Cette question est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (voir, p. ex., Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35).
IV.
Analyse
[13]
Le demandeur fait valoir que l’agent a commis une erreur en concluant qu’il devait soumettre sa demande de permis de travail à un agent des visas canadien à l’étranger. Dans son mémoire, il fonde cet argument sur l’alinéa 199d) du Règlement, qui prévoit ce qui suit :
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Dans son mémoire, le demandeur soutient qu’il détenait un permis de séjour temporaire [un PST] au moment où il a sollicité son permis de travail, et qu’il avait donc le droit de faire une demande de permis de travail depuis le Canada en vertu de l’alinéa 199d). Le défendeur soutient que l’argument du demandeur repose sur une mauvaise compréhension de la nature de son statut d’immigrant. Selon le défendeur, le demandeur détenait un visa de résident temporaire et non un PST. Par conséquent, l’alinéa 199d) ne s’appliquait pas à sa situation et, conformément à l’article 197 du Règlement et comme l’a conclu l’agent, il devait faire une demande de permis de travail à l’extérieur du Canada. L’article 197 énonce ce qui suit :
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À l’instruction de la demande en l’espèce, j’ai compris que le demandeur reconnaissait qu’il ne détenait pas de PST. Quoi qu’il en soit, la preuve ne permet pas de conclure que le demandeur se qualifiait en vue d’obtenir un PST ou qu’un PST lui avait été délivré. Le défendeur soutient à juste titre qu’un PST est un document pouvant être délivré de manière discrétionnaire aux termes du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, qui prévoit ce qui suit :
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Compte tenu de la norme de contrôle applicable, je ne vois aucune raison de conclure que l’agent a agi déraisonnablement en n’appliquant pas l’alinéa 199d) à la situation du demandeur.
[17]
À l’instruction de la demande, le demandeur a fait valoir que, bien que l’alinéa 199d) autorise une personne à demander et à recevoir un permis de travail depuis le Canada, il est loisible à quelqu’un qui ne satisfait pas aux conditions énoncées à l’alinéa 199d) de demander un permis de travail depuis le Canada, de quitter le pays, puis de se voir délivrer son permis au point d’entrée à son retour au pays. Cependant, le demandeur n’a pas été en mesure de citer une disposition législative à l’appui de cet argument.
[18]
En réponse à cet argument, le défendeur a fait valoir que le demandeur avait peut‑être à l’esprit la procédure permettant à une personne qui se trouve physiquement au Canada de présenter une demande de permis de travail à un agent canadien des visas à l’étranger. Cependant, le défendeur a insisté sur le fait que ce n’est pas le cas du demandeur en l’espèce, puisque le dossier montre qu’il a soumis sa demande auprès du CTD d’IRCC à Edmonton, en Alberta.
[19]
Dans sa réponse à l’audience, le demandeur a soutenu que, selon la lettre et les notes du SMGC, l’agent ne semble pas avoir effectué une analyse comme celle qu’a présentée le défendeur. Il soutient également que la procédure à laquelle le défendeur fait référence ne repose sur aucune disposition législative explicite.
[20]
Bien que je retienne ces observations du demandeur, celles‑ci ne lui sont d’aucune utilité pour contester le caractère raisonnable de la décision de l’agent. Le défendeur a présenté cette analyse pour expliquer la procédure évoquée par le demandeur selon laquelle une personne se trouvant au Canada peut demander un permis de travail, puis quitter le pays et se voir délivrer le permis à un point d’entrée au moment de son retour. Cependant, il incombe au demandeur d’établir que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle. Étant donné que le demandeur n’a pas été en mesure de trouver un fondement législatif au droit de présenter une demande de permis de travail depuis le Canada qui aurait, selon lui, dû lui être accordé, son argument ne soulève aucune erreur susceptible de contrôle.
[21]
En réponse, le demandeur a aussi fait valoir que l’agent, après avoir reçu sa demande de permis de travail au CTD à Edmonton, aurait dû, plutôt que de rejeter la demande, la lui renvoyer en lui expliquant qu’il n’était pas admissible à présenter sa demande dans un CTD au Canada. Le demandeur soutient que le fait de rejeter la demande, alors qu’elle aurait simplement pu lui être renvoyée, était déraisonnable et injuste.
[22]
Les observations du demandeur n’indiquent pas clairement si, en affirmant que la décision de l’agent était injuste, le demandeur cherchait à invoquer des principes d’équité procédurale, qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Quoi qu’il en soit, que l’on applique la norme de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable, le demandeur n’a invoqué aucune décision à l’appui de sa proposition selon laquelle l’agent aurait dû examiner la demande de la manière dont il le suggérait. L’agent avait le droit de rejeter une demande qui, à la lumière du statut d’immigrant du demandeur, ne satisfaisait pas aux exigences prévues par la loi.
[23]
En conclusion, puisque le demandeur n’a invoqué aucun motif permettant de conclure que la décision de l’agent est déraisonnable, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-2384-20
LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.
« Richard F. Southcott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mylène Boudreau
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2384-20
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INTITULÉ :
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SIMON CHAHASI KICHAMU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À Vancouver (cOLOMBIE-bRITANNIQUE)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 28 JUIN 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SOUTHCOTT
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 22 JUILLET 2021
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COMPARUTIONS :
Malvin J. Harding
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POUR LE DEMANDEUR
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Brett J. Nash
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats
Surrey (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR
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