Date : 20031121
Dossier : T-768-03
Référence : 2003 CF 1376
Toronto (Ontario), le 21 novembre 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI
ENTRE :
KEYVAN NOURHAGHIGHI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le demandeur, Keyvan Nourhaghighi, a introduit cette requête, instruite le 3 novembre 2003, en vue d'obtenir que :
a) Lorne McClenaghan soit requis d'exposer les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au tribunal;
b) Lorne McClenaghan soit requis de subir un examen psychiatrique;
c) le dossier de requête du défendeur déposé par Lorne McClenaghan le 10 octobre 2003 soit radié pour cause d'irrégularités et d'abus de procédure; et
d) les dépens soient accordés au demandeur.
Les faits
[2] Lorne McClenaghan, avocat du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a comparu dans diverses procédures interlocutoires intéressant la présente affaire, qui consiste en une demande déposée par M. Nourhaghighi le 13 mai 2003 pour que soit rendue une ordonnance enjoignant au ministre de donner suite à sa demande de citoyenneté canadienne.
[3] Le 2 septembre 2003, avant l'instruction de sa demande, M. Nourhaghighi obtenait sa citoyenneté canadienne. Le défendeur a ensuite introduit une requête, déposée le 10 octobre 2003, pour que la demande de M. Nourhaghighi soit rejetée au motif que, vu les circonstances, la demande et la réparation demandée étaient dépourvues d'intérêt pratique. C'est cette requête que M. Nourhaghighi voudrait aujourd'hui faire radier du dossier de la Cour, outre la réparation complémentaire qu'il demande et qui est indiquée ci-dessus.
[4] À l'instruction de la requête le 3 novembre 2003, la Cour a entendu les conclusions de M. Nourhaghighi, dans lesquelles il faisait état de ses préoccupations concernant la date de l'instruction de sa demande principale. M. Nourhaghighi a en effet demandé, dans une autre requête, que sa demande soit instruite promptement. Ladite requête a été examinée par le protonotaire Lafrenière, qui informait M. Nourhaghighi, le 20 octobre 2003, que sa demande serait instruite à Toronto à la date la plus rapprochée possible.
[5] Cette date est le 17 février 2004, et la Cour en a informé les parties le 3 novembre 2003. M. Nourhaghighi préférerait une date antérieure, et il insiste pour qu'une date antérieure soit fixée, mais la date du 17 février est la date la plus rapprochée possible, et elle sera fixée par ordonnance ci-après. S'agissant des divers chefs de redressement que voudrait obtenir M. Nourhaghighi dans la présente requête, je les examinerai chacun séparément.
a) Que Lorne McClenaghan expose les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au tribunal
[6] L'article 467 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit une procédure en deux étapes avant que soit rendue une ordonnance déclarant une personne coupable d'outrage au tribunal au sens de l'article 466.
[7] D'abord, celui qui demande l'ordonnance doit établir un commencement de preuve de l'outrage au tribunal, après quoi une ordonnance sera rendue enjoignant à l'auteur présumé de l'outrage de se justifier et de comparaître pour répondre aux accusations. L'existence d'un commencement de preuve de l'outrage dépendra de la preuve par affidavit produite par celui qui demande l'ordonnance appelant l'auteur présumé à se justifier, ainsi que le prévoit l'article 467 des Règles de la Cour fédérale (1998).
[8] La procédure d'outrage est assimilable à une procédure criminelle ou quasi criminelle. Celui qui allègue l'outrage doit prouver l'outrage hors de tout doute raisonnable (Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217; Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor, (2000) 186 F.T.R. 241).
[9] En l'espèce, M. Nourhaghighi a déposé son dossier de requête, qui renferme trois affidavits décrivant la conduite de Me McClenaghan qui, selon lui, constitue un outrage au tribunal. La conduite reprochée se rapporte à la manière dont M. Nourhaghighi a été traité par Me McClenaghan en tant que partie à la présente instance (par exemple, M. Nourhaghighi reproche à Me McClenaghan de s'être tenu du mauvais côté de la salle d'audience et de ne pas l'avoir salué). M. Nourhaghighi se plaint aussi de la manière dont Me McClenaghan s'est présenté dans la salle d'audience et de la manière dont il a préparé les pièces déposées au tribunal.
Voici le texte de l'article 466 des Règles :
Sous réserve de la règle 467, est coupable d'outrage au tribunal quiconque : |
Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who |
a) étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l'instance; |
(a) at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding; |
b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour; |
(b) disobeys a process or order of the Court; |
c) agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour; |
(c) acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court; |
d) étant un fonctionnaire de la Cour, n'accomplit pas ses fonctions; |
(d) is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or |
e) étant un shérif ou un huissier, n'exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès-verbal d'exécution, ou enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine. |
(e) is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty. |
[10] Les documents de requête déposés par M. Nourhaghighi n'établissent nullement un commencement de preuve d'outrage de la part de Me McClenaghan. Ce sont plutôt les accusations portées par M. Nourhaghighi qui sont déplacées, car elles constituent une attaque personnelle au vitriol, lancée contre l'intégrité et le professionnalisme de l'avocat du ministre. Cette partie du redressement demandé par M. Nourhaghighi est rejetée.
b) Que Lorne McClenaghan soit requis de subir un examen psychiatrique
[11] La loi n'autorise nullement la Cour à ordonner que l'avocat d'une partie subisse un examen psychiatrique. En toute hypothèse, les moyens qu'invoque M. Nourhaghighi pour demander une telle ordonnance ne sont rien moins qu'injurieux. Au cours de la procédure qui s'est déroulée devant moi, Me McClenaghan a agi avec professionnalisme et a montré, à la Cour et à M. Nourhaghighi, à la fois de la courtoisie et du respect.
c) Que le dossier de requête du défendeur déposé le 10 octobre 2003 soit radié pour cause d'irrégularités et d'abus de procédure
[12] Comme je l'indique plus haut, la requête déposée par le défendeur le 10 octobre 2003 vise à faire rejeter la demande du demandeur, au motif que l'ordonnance ou la réparation que voudrait le demandeur est dépourvue d'intérêt pratique. Au lieu de produire une réponse à la requête et de contester la requête au fond, M. Nourhaghighi a de nouveau lancé une attaque personnelle contre l'avocat du défendeur. La présente requête de M. Nourhaghighi vise à faire radier la requête du défendeur pour irrégularités, inobservation des Règles de la Cour fédérale (1998) et abus de procédure.
[13] Après examen des pièces de la requête du défendeur, je n'y trouve rien d'inconvenant ou d'irrégulier qui puisse me convaincre d'ordonner qu'elles soient retranchées du dossier de la Cour ou exclues de l'instruction. Manifestement, le demandeur n'aime pas la stratégie employée dans le litige par le défendeur, mais il n'y a rien de contraire aux Règles, ni rien qui puisse constituer un outrage, dans le redressement qui est recherché par le défendeur, ou dans la manière dont la requête a été introduite par l'avocat du défendeur.
d) Dépens
[14] Au vu de ce qui précède, le demandeur n'est pas fondé à obtenir les dépens de cette requête.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête du demandeur est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur, quelle que soit l'issue de la cause.
2. La demande déposée par le demandeur le 13 mai 2003 sera instruite par la Cour fédérale, Édifice Canada Life, 330, avenue University, dans la ville de Toronto (Ontario), le mardi 17 février 2004 à 9 h 30, dès qu'il aura été disposé de la requête du défendeur en date du 10 octobre 2003.
_ Martha Milczynski _
Protonotaire
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-768-03
INTITULÉ : KEYVAN NOURHAGHIGHI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 3 NOVEMBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI
DATE DES MOTIFS : LE 21 NOVEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Keyvan Nourhaghighi POUR LE DEMANDEUR, EN SON PROPRE NOM
David Tyndale POUR LE DÉFENDEUR
Lorne McClenaghan
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Keyvan Nourhaghighi POUR LE DEMANDEUR,
Toronto (Ontario) EN SON PROPRE NOM
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE
Date : 20031121
Dossier : T-768-03
ENTRE :
KEYVAN NOURHAGHIGHI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE