Date : 20050629
Dossier : IMM-5553-04
Toronto (Ontario), le 29 juin 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN
ENTRE :
DELORIS WILLIAMS,
ROBERTA AMY ANN PALMER
(aussi connue sous le nom de ROBERTA AMY-ANN PALMER)
et RODEL JHEALANI PALMER
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience et mis ensuite par écrit pour plus de précision et de clarté)
[1] La demanderesse principale, Mme Deloris Williams, et ses enfants sont des citoyens de la Jamaïque. Mme Williams s'est enfuie de ce pays parce que son mari la battait. Elle fonde sa demande sur la persécution et sur les traitements cruels et inusités auxquels elle serait exposée en Jamaïque en tant que victime de violence conjugale.
[2] La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande au motif :
a) que la demanderesse n'était pas crédible;
b) qu'elle n'avait pas prouvé que l'État ne protégeait pas les victimes de violence conjugale en Jamaïque.
[3] Il est admis que la norme de contrôle qui s'applique aux conclusions relatives à la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable (Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2004] A.C.F. no 17), alors que c'est celle de la décision raisonnable simpliciter qui s'applique à la question de la protection de l'État (Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 232).
[4] La Commission a donné deux exemples pour expliquer pourquoi elle estimait que la demanderesse n'était pas crédible : il était invraisemblable que celle-ci n'ait pas demandé la protection de la police après que son mari eut été accusé la première fois qu'elle l'avait fait et il était invraisemblable que son mari n'ait pas su qu'elle était enceinte de huit mois lorsqu'elle a quitté la Jamaïque. Aucun de ces exemples n'est cependant étayé par le dossier du tribunal.
[5] La demanderesse a indiqué dans son témoignage qu'elle avait dénoncé son mari à une occasion auparavant après que ce dernier l'eut violemment battue. Son mari a alors été accusé, traduit en justice et réprimandé avant d'être relâché. Elle a mentionné qu'elle avait été battue avant de le dénoncer, après l'avoir dénoncé mais avant l'audience ainsi qu'après l'audience. Il est donc loin d'être invraisemblable qu'elle n'ait pas voulu refaire les mêmes démarches, compte tenu du peu de succès qu'elle avait obtenu la première fois et de la violence qui a suivi (dossier du tribunal, aux p. 259, 261 et 263).
[6] Pour ce qui est de sa grossesse, la demanderesse n'a jamais dit dans son témoignage que son mari ignorait qu'elle était enceinte. En fait, elle a répondu ce qui suit aux questions du président de l'audience sur ce sujet :
[traduction]
Le président de l'audience : Votre mari sait-il que vous avez une fille?
La revendicatrice : Je ne sais pas.
Le président de l'audience : Lui avez-vous parlé depuis que vous êtes au Canada?
La revendicatrice : Non.
(dossier du tribunal, aux p. 270 et 271)
[7] Après avoir passé en revue les réformes réalisées en Jamaïque, la Commission a conclu que le gouvernement de ce pays prend des mesures sérieuses pour lutter contre la violence policière. La protection n'est peut-être pas parfaite, mais elle existe.
[8] Or, en l'espèce, il n'est pas question de violence policière, mais de violence conjugale et du fait que les autorités n'appliquent pas la loi à cet égard.
[9] La Commission disposait peut-être d'éléments de preuve suffisants pour étayer ses conclusions concernant le manque de crédibilité de la demanderesse et la possibilité d'obtenir la protection de l'État, mais elle ne les a pas mentionnés dans sa décision. Les motifs données pour expliquer sa conclusion relative au manque de crédibilité ne résiste pas à un examen poussé et ceux concernant la protection de l'État tiennent compte d'un facteur qui n'est pas pertinent en l'espèce.
[10] Par conséquent, les conclusions de la Commission ne sont pas raisonnables et sa décision doit être annulée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie.
« K. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5553-04
INTITULÉ : DELORIS WILLIAMS, ROBERTA AMY ANN (aussi connue sous le nom de ROBERTA AMY-ANN PALMER)
et RODEL JHEALANI PALMER
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 JUIN 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE VON FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 29 JUIN 2005
COMPARUTIONS :
Hilary Evans Cameron POUR LES DEMANDEURS
Tamrat Gebeyehu POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
VanderVennen Leher POUR LES DEMANDEURS
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada