Date : 20030204
Dossier : T-2019-02
Référence neutre : 2003 CFPI 124
ENTRE :
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
demandeur
- et -
MARIE THÉRIAULT-SABOURIN
défenderesse
[1] Le 9 décembre 2002, une ordonnance de protection a été rendue, suivant le paragraphe 225.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), contre la défenderesse Marie Thériault-Sabourin qui présente maintenant, suivant le paragraphe 225.2(8), une demande de révision afin que cette ordonnance soit annulée ou modifiée. Afin de faciliter la lecture, je désignerai la requérante sous le nom de défenderesse.
[2] La dette fiscale de la défenderesse s'élève à la somme de 353 170,53 $ et résulte d'une cotisation établie par le demandeur aux termes de l'article 160 de la Loi, le 6 décembre 2002, relativement à des transferts avec lien de dépendance. La défenderesse a déposé un avis d'opposition daté du 19 décembre 2002.
[3] La défenderesse est l'épouse de Léo Sabourin qui était le seul actionnaire et administrateur de l'entreprise LJS Accounting Services (LJS), une entreprise spécialisée dans la tenue de la comptabilité, la préparation de déclarations de revenu et la planification fiscale pour des particuliers, des fiducies familiales et des sociétés. M. Sabourin exploitait LJS en tant que propriétaire unique de 1990 à 1997 lorsqu'il a transféré les actifs et l'achalandage de l'entreprise à une société à dénomination numérique. De 1997 à 1999, le propriétaire unique a continué à administrer une partie des activités de l'entreprise. La défenderesse a participé à l'exploitation de LJS à titre de directrice de l'administration, des ressources humaines et de l'informatique. En 1998 et 1999, la défenderesse a travaillé en sous-traitance pour l'entreprise et en 2000 elle est devenue une salariée de l'entreprise.
[4] En mai 2000, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a commencé à vérifier des dossiers de M. Sabourin, de la défenderesse et de l'entreprise. Le 22 août 2000, les dossiers de M. Sabourin et de l'entreprise ont été transmis à la Direction des enquêtes de l'ADRC afin qu'une enquête spéciale soit tenue dans le cadre du programme des enquêtes criminelles. En février 2001, dans le contexte de l'enquête et aux termes d'un mandat, l'ADRC a saisi des documents de LJS. La défenderesse prétend qu'en raison de la saisie de documents, il a été impossible pour LJS d'exploiter l'entreprise et que par conséquent LJS a été obligée de cesser ses activités. LJS a cessé ses activités en février 2001.
[5] Des nouvelles cotisations ont été établies à M. Sabourin et à l'entreprise aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, et de la Loi. Les nouvelles cotisations de TPS établies à M. Sabourin et à l'entreprise s'élevaient à la somme de 134 156,08 $, comprenant les pénalités et les intérêts. Le 3 mai 2002, de nouvelles cotisations ont été établies à M. Sabourin, personnellement, pour les années d'imposition de 1993 et de 1996 à 1999. Une cotisation a été établie pour l'année 2000. La dette fiscale totale s'élevait à la somme de 679 891,65 $. M. Sabourin a déposé des avis d'opposition relativement aux nouvelles cotisations et à la cotisation pour l'année 2000.
[6] Le 17 avril 2002, Léo Sabourin a fait une proposition à ses créanciers suivant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3. Le 7 mai 2002, lors de l'assemblée des créanciers, sa proposition a été refusée et Léo Sabourin a été déclaré failli à cette date. M. Sabourin fait actuellement l'objet d'une enquête pour évitement fiscal aux termes de la Loi et il est au courant de cette enquête.
[7] Au cours des années d'imposition pertinentes, M. Sabourin a, selon les prétentions du demandeur, fait plusieurs transactions avec lien de dépendance avec la défenderesse, comprenant le transfert de ses droits dans leur résidence principale en janvier 1997. Depuis, la défenderesse a vendu cette résidence et a acquis une propriété située au 1651 Marronier Court, dans la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, sur laquelle une maison a été construite au coût de 637 000,00 $. Le 15 octobre 2002, la défenderesse a conclu une entente d'achat et vente à l'égard du 1651 Marronier Court. L'entente semble prévoir que le prix d'achat est de 550 000 $. La défenderesse affirme dans son affidavit qu'elle a en outre conclu une entente d'achat et vente pour une maison située au 1410 Inge Crescent, pour le prix de 305 000 $.
[8] Le 6 décembre 2002, selon ce qui a été précédemment mentionné, une cotisation de 357 170,53 $ a été établie, suivant l'article 160, à l'égard de diverses transactions avec lien de dépendance. Le 9 décembre 2002, le demandeur a obtenu, ex parte, l'autorisation de prendre immédiatement les mesures décrites aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi (l'ordonnance de protection) contre la défenderesse à l'égard de la cotisation établie suivant l'article 160. Les affidavits des agents d'enquête et des agents de perception de l'ADRC ont été déposés au soutien de la demande présentée par le ministre en première instance et ont aussi été déposés dans le cours de la présente requête. L'ordonnance de protection a donné lieu à l'enregistrement par l'ARDC d'un bref de saisie-exécution contre la résidence située au 1651 Marronier Court. L'ADRC a de plus transmis à l'employeur de la défenderesse et aux diverses institutions financières où la défenderesse traite des affaires, des demandes formelles de paiements. Comme on pouvait s'y attendre, l'avocat de l'acheteur de la résidence située au 1651 Marronier Court a réclamé qu'une mainlevée du bref de saisie-exécution soit effectuée avant la signature de la transaction. À un certain moment, la signature de la transaction avait été reportée au 22 janvier 2003 et je présume qu'il y a eu d'autres reports. Des négociations dans le but de trouver une solution acceptable ont eu lieu sans succès entre le demandeur et la défenderesse.
[9] Le ministre ne peut, suivant l'article 225.1 de la Loi, dans les cas où un contribuable s'est opposé à la cotisation établie suivant la Loi, prendre des mesures de recouvrement décrites aux paragraphes 225.1(1)a) à g). L'effet de cette restriction est d'empêcher le ministre de prendre une mesure de recouvrement à l'égard d'un compte jusqu'à ce que l'opposition ou l'appel de la cotisation ait été tranché ou jusqu'à ce que le délai pour présenter un avis d'opposition ou un appel soit expiré. Le paragraphe 225.2(2) constitue une exception à l'interdiction prévue à l'article 225.1. Un juge doit autoriser le ministre à procéder au recouvrement dans les cas où, dans une demande ex parte présentée par le ministre, il est d'avis qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le recouvrement de tout, ou d'une partie, du montant de la cotisation établie à l'égard d'un contribuable serait compromis si un délai pour le recouvrement du montant était accordé. Le contribuable peut tenter d'obtenir une révision de l'autorisation suivant le paragraphe 225.2(8) et le juge qui entend la demande doit statuer sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l'autorisation et rendre toute ordonnance qu'il juge indiquée.
[10] Les autres dispositions pertinentes de la Loi sont l'article 160, qui prévoit que l'auteur du transfert et le bénéficiaire sont solidairement responsables du paiement de l'impôt de l'auteur du transfert pour les transferts décrits dans les articles 74 à 75.1, et le paragraphe 152(8), qui traite de la validité de la cotisation de l'article 160. Le paragraphe 152(8) prévoit qu'une cotisation est réputée valide et exécutoire sous réserve des modifications ou d'une annulation lors d'une opposition ou d'un appel. Cette dernière disposition est particulièrement importante à l'égard de la présente instance parce qu'en l'espèce il n'a pas été statué sur le bien-fondé des cotisations. La Cour n'a pas compétence pour traiter des cotisations et elle est liée par la validité réputée prévue au paragraphe 152(8) : Canada (Ministre du Revenu national) c. MacIver (1999), 172 F.T.R. 273.
[11] L'affidavit de la défenderesse déposé au soutien de la requête touche principalement le bien-fondé de la cotisation établie suivant l'article 160. La défenderesse prétend que le ministre n'a pas réussi à établir qu'il existait des motifs raisonnables lors de l'audience ex parte ou, de façon subsidiaire, prétend que les éléments de preuve contenus au dossier de requête incidente, joints aux transcriptions des contre-interrogatoires, soulèvent maintenant des doutes à l'égard de la prétention du ministre selon laquelle il existait des motifs raisonnables. La défenderesse soumet que même si les doutes soulevés ne sont pas confirmés, l'ordonnance, dans sa teneur actuelle, n'est pas appropriée.
[12] À l'égard des « motifs raisonnables » , la défenderesse prétend que la norme est élevée parce qu'il ne s'agit pas d'une norme prévue par la loi, mais d'une norme constitutionnelle. Il appartient au ministre, selon la défenderesse, de démontrer que la défenderesse a dilapidé, liquidé ou transféré des actifs dans le but d'éviter que le ministre puisse avoir accès à ses liquidités. Le comportement et la conduite de l'époux de la défenderesse ne sont pas pertinents. La question à se poser à l'égard de la défenderesse est celle de savoir si elle manifeste l'intention d'éviter le paiement de l'impôt. La défenderesse prétend qu'il s'agit d'un exercice de nature prospective et que la future impossibilité de recouvrement est l'élément essentiel. Le produit de la vente de la résidence située sur Marronier Court constituera un actif que le ministre pourra en fin de compte percevoir. La défenderesse, contrairement à son époux, est solvable et a suffisamment d'actifs pour payer les montants des cotisations. Rien ne démontre, selon la défenderesse, une incapacité de payer.
[13] Le droit applicable à une révision d'une ordonnance de protection a été résumé par M. le juge Lemieux dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c. Services M.L. Marengère Inc. (1999), 176 F.T.R. 1 :
62. Les dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant le recouvrement de protection ont été édictées en 1988; elles précisent les dispositions qui existaient antérieurement en ce sens qu'elles prévoient l'autorisation et la supervision de cette cour. Cette cour a clairement établi les principes juridiques applicables à l'examen d'une ordonnance de protection ex parte qui est effectué en vertu du paragraphe 225.2(8), comme le montrent les jugements Danielson c. Canada (Sous-procureur général), [1987] 1 C.F. 335 (1re inst.), 1853-9049 Québec Inc. c. la Reine, [1987] 1 C.T.C. 137 (1re inst.), Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., [1989] 2 C.T.C. 291 (1re inst.) et Sa Majesté la Reine c. Robert Duncan, [1992] 1 C.F. 713 (1re inst.).
63. __Les principes ci-après énoncés ressortent de la jurisprudence :
(1) La disposition concernant le recouvrement de protection porte sur la question de savoir si le délai qui découle normalement du processus d'appel compromet le recouvrement. Il ressort du libellé de la disposition qu'il est nécessaire de montrer qu'en raison du délai que comporte l'appel, le contribuable sera moins capable de verser le montant de la cotisation. En d'autres termes, il ne s'agit pas de déterminer si le recouvrement lui-même est compromis, mais plutôt s'il est en fait compromis en raison du délai à la suite duquel il sera vraisemblablement effectué.
(2) En ce qui concerne le fardeau de la preuve, la personne qui présente une requête en vertu du paragraphe 225.2(8) a le fardeau initial de prouver qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) n'a pas été respecté, c'est-à-dire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. Toutefois, la Couronne a le fardeau ultime de justifier l'ordonnance de recouvrement de protection accordée sur une base ex parte.
(3) La preuve doit démontrer que, selon toute probabilité, il est plus probable qu'autrement que l'octroi d'un délai compromette le recouvrement. Il ne s'agit pas de savoir si la preuve démontre au-delà de tout doute raisonnable que le délai accordé au contribuable compromettrait le recouvrement du montant en question.
(4) Le ministre peut certainement agir non seulement dans les cas de fraude ou dans les situations qui s'y apparentent, mais aussi dans les cas où le contribuable risque de dilapider, liquider ou autrement transférer son patrimoine pour se soustraire au fisc : bref, pour parer à toute situation où les actifs d'un contribuable peuvent, à cause de l'écoulement du délai, fondre comme neige au soleil. Toutefois, le simple soupçon ou la simple crainte que l'octroi d'un délai puisse compromettre le recouvrement n'est pas suffisant en soi. Comme le juge Rouleau l'a dit dans la décision 1853-9049 Québec Inc., supra, il s'agit de savoir si le ministre a des motifs raisonnables de croire que le contribuable dilapiderait, liquiderait ou transférerait autrement son patrimoine, de façon à compromettre le recouvrement du montant qui est dû. Le ministre doit démontrer que les actifs du contribuable peuvent entre temps être liquidés ou faire l'objet d'une saisie de la part d'autres créanciers et ainsi lui échapper.
(5) Une ordonnance de recouvrement ex parte est un recours exceptionnel. Revenu Canada doit faire preuve d'une extrême bonne foi et faire une divulgation franche et complète. Sur ce point, le juge Joyal a fait les remarques suivantes dans la décision Peter Laframboise c. La Reine, [1986] 3 C.F. 521, à la page 528 :
L'argument des avocats du contribuable pourrait être défendable si les éléments de preuve dont je dispose se limitaient à ce seul affidavit. Mais, comme les procureurs de la Couronne me l'ont rappelé, j'ai le droit de prendre connaissance de tous les éléments que renferment les autres affidavits. Ceux-ci pourraient aussi faire l'objet d'une savante analyse quant aux motivations profondes du déposant, mais je trouve que, dans l'ensemble, les éléments essentiels que renferment ces affidavits ainsi que la preuve qu'ils apportent satisfont aux critères établis et sont suffisamment étayés pour justifier les mesures prises par le Ministre.
Dans la décision Duncan, supra, après avoir cité les remarques que le juge Joyal avaient faites dans la décision Laframboise, supra, le juge en chef adjoint Jérome a dit que le ministre doit faire une divulgation suffisante (raisonnable).
[14] J'ajouterais aux principes énoncés par le juge Lemieux, les opinions suivantes :
(a) La vente des actifs par elle-même ne justifie pas une ordonnance de protection : voir l'arrêt Canada (Ministre du Revenu national) c. Landru (1993), 1 C.T.C. 93 (C.A. Sask.).
(b) L'incapacité du contribuable de payer au moment de l'ordonnance le montant de la cotisation n'est pas en soi concluante ou déterminante : voir la décision Danielson, précitée.
(c) La nature même de la cotisation peut soulever un doute raisonnable selon lequel la contribuable ne se serait pas occupée de ses affaires d'une façon qu'on pourrait qualifier d'orthodoxe et pourrait par conséquent contribuer à soulever des motifs raisonnables de croire qu'un délai compromettrait le recouvrement du montant de la cotisation : voir les décisions Canada (Ministre du Revenu national) c. Laframboise, [1986] 3 C.F. 521 (1re inst.) et Canada (Ministre du Revenu national) c. Rouleau, [1995] 2 C.T.C. 42 (C.F. 1re inst.).
[15] La position adoptée par le ministre, lors de l'audience ex parte, était que la défenderesse et son époux avaient participé à un stratagème pour frauder le fisc de montants auxquels il avait droit. Au cours des années, Léo Sabourin s'est départi d'actifs en les transférant à la défenderesse tout en conservant dans ces actifs un droit à titre de bénéficiaire. Bien que M. Sabourin ait été l'âme dirigeante de ce stratagème, la défenderesse y a largement participé et elle y a eu un rôle de premier plan.
[16] Le ministre soumet que la Cour a rendu une ordonnance de protection dans une affaire dans laquelle une contribuable était inscrite en tant que propriétaire d'un bien acquis à même les fonds qui lui avaient été transférés par son époux. Les chances du ministre de recouvrer la dette due à l'ADRC seraient par conséquent compromises si le produit de la vente n'était pas intercepté. Le demandeur prétend que l'ordonnance de protection constitue la seule possibilité de recouvrement pour le ministre. La faillite de M. Sabourin le protège. Le seul autre actif important est sur le point d'être vendu et si le ministre n'agit pas suivant l'article 160, l'ADRC pourrait ne jamais procéder au recouvrement. Le délai, affirme le demandeur, compromettra la possibilité de recouvrement pour le ministre.
[17] Je partage l'opinion de la défenderesse selon laquelle la question essentielle touche l'avenir. Cependant, il est impossible pour la Cour, ou même pour la défenderesse, de prédire l'avenir. Il est raisonnable d'examiner la façon dont les parties ont agi par le passé lorsqu'on examine leurs positions pour savoir ce qui pourrait survenir du montant dû au ministre.
[18] Il est raisonnable de conclure que la défenderesse avait une certaine connaissance des irrégularités. Elle a participé aux affaires de LJS et elle a eu connaissance des transferts et y a participé. Bien que la prétention selon laquelle la défenderesse a consciemment falsifié les livres et les dossiers de LJS ne soit qu'une hypothèse, il existe de la preuve selon laquelle la défenderesse a fourni des renseignements financiers inexacts à des institutions financières à plus d'une reprise. En juin 2001, au moment où elle a présenté une demande pour un nouveau financement, la défenderesse a déclaré que son époux avait un revenu brut annuel de 300 000 $ et a fourni à titre de confirmation une copie de la déclaration de revenu T1 de M. Sabourin pour l'année 1999 qui mentionnait que le revenu net était de 182 498 $. Les feuillets T4 de M. Sabourin pour l'année 1999 mentionnaient que le revenu net était de 24 734 $. En septembre 2002, la défenderesse a procédé à un autre enregistrement contre la propriété située sur Marronier Court comme garantie pour des fonds qui devaient prétendument être injectés dans LJS, qui avait cessé ses activités six mois plus tôt. Les revenus de la défenderesse et de son époux ne pouvaient pas leur assurer leur mode de vie qui comportait une résidence évaluée à plus de 600 000 $ et une voiture d'une valeur de 50 000 $ pour la défenderesse. La défenderesse, si elle ne le savait pas, fermait sciemment les yeux. De plus, tous les documents d'emprunt d'argent comportaient la signature de M. Sabourin à titre de cosignataire ou de caution.
[19] Il y avait en outre un dépôt d'une certaine somme de 77 600 $ dans un compte d'épargne détenu en fidéicommis pour la fille de la défenderesse. Cette question sera traitée plus longuement par la suite. Pour le moment, il n'est pas contesté que ce dépôt existe et le juge qui a rendu l'ordonnance de protection disposait d'un élément de preuve à cet égard. Finalement, il y a la question des frais non récupérables associés à la vente d'une résidence et à l'achat d'une autre. Il y aura les frais de courtage immobilier, les honoraires des avocats, les droits de transfert, les frais de déménagement et la réduction de la valeur nette réelle de la résidence. Le ministre ne pourra pas récupérer ces montants.
[20] Le juge qui a rendu l'ordonnance de protection disposait de tous ces renseignements. Le ministre a divulgué ces éléments de preuve et, à mon avis, a établi qu'il existait des motifs raisonnables qui justifiaient que l'ordonnance soit rendue. La défenderesse n'a pas nié les prétentions du demandeur (sauf celle touchant la prétendue erreur à l'égard du compte en fidéicommis pour la fille de la défenderesse) et ne m'a par conséquent pas convaincue que le ministre n'a pas satisfait au critère de divulgation de motifs raisonnables lors de l'audience ex parte.
[21] L'avocat de la défenderesse a mis beaucoup d'accent sur le fait que la défenderesse, lors du contre-interrogatoire, a déclaré que le dépôt de 77 600 $ au compte en fidéicommis de sa fille avait été fait par erreur. La défenderesse a déclaré qu'après avoir constaté l'erreur, elle a transféré la somme à son compte bancaire. Cette déclaration est en partie exacte. Il y a eu un transfert de 43 000 $ au compte de la défenderesse le 18 juin 2001. Il appert que cinq chèques ont été émis à la suite de ce transfert dont un de 35 000 $ pour « avocat » . Il y a eu d'autres transferts, un de 6 500 $ le 27 juin et un de 2 500 $ le 3 juillet. Le solde de 25 000 $ a apparemment été utilisé ou sera utilisé pour payer diverses obligations financières. Il demeure que l'argent était protégé jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de le faire et accessible lorsque requis.
[22] La question la plus difficile est celle de l'achat projeté, par la défenderesse, de la résidence située au 1410 Inge Crescent pour une somme de 305 000 $. La défenderesse déclare que la société President's Choice Financial lui a autorisé un prêt hypothécaire pour une somme maximale de 208 750 $. L'avocat de la défenderesse a longuement allégué que le bref de saisie-exécution enregistré par le ministre pouvait simplement être enregistré contre la nouvelle résidence et que le montant dû au ministre ne serait pas plus mal protégé. Le ministre a une autre opinion sur le sujet. Il soutient que le montant qu'il pourra recouvrer sera réduit en raison des coûts associés à la vente d'une résidence et à l'achat d'une autre. Rien ne prouve le contraire. Une fois de plus, je mets en évidence le fait que, sauf pour la somme de 77 600 $ déposée dans le compte en fidéicommis, les éléments de preuve soumis par la défenderesse ne contredisent aucun des motifs invoqués par le ministre au soutien de l'ordonnance de protection. De plus, la défenderesse n'a fait, dans son affidavit, aucune des affirmations faites par son avocat dans son argumentation. Bien que l'avocat ait allégué avec conviction que la défenderesse n'avait pas l'intention de faire de l'évitement fiscal, la défenderesse n'a pas fait de déclaration à cet égard. Les observations de l'avocat ne constituent pas des éléments de preuve. La défenderesse pouvait, pour réfuter la preuve présentée par le ministre et sa position à l'égard des motifs raisonnables, fournir des éléments de preuve à l'égard des affirmations faites par l'avocat. Selon l'ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincue que l'ordonnance de protection devrait être annulée ou modifiée.
[23] Sur le fondement de la documentation dont dispose la Cour, il appert que, lors de l'audience ex parte, le ministre avait des motifs raisonnables de croire que la contribuable transférerait un actif afin d'être moins en mesure de payer le montant de la cotisation et afin, par conséquent, de compromettre le montant dû au ministre. En répondant affirmativement à la question de savoir s'il existait des motifs raisonnables, le juge ne pouvait faire autrement que d'accueillir la demande : voir l'arrêt Canada c. Goldbeck, [1990] 2 C.T.C. 438 (C.A.). Pour les motifs énoncés, l'ordonnance de protection est confirmée.
« Carolyn A. Layden-Stevenson »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 4 février 2003
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2019-02
INTITULÉ : Le ministre du Revenu national
c. Marie Thériault-Sabourin
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 3 février 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Layden-Stevenson
DATE DES MOTIFS : Le 4 février 2003
COMPARUTIONS :
Carole Benoît POUR LE DEMANDEUR
Joanna Hill
Emilio Binavince POUR LA DÉFENDERESSE
Sandrine Guénette
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Binavince Smith POUR LA DÉFENDERESSE
Ottawa (Ontario)
Date : 20030204
Dossier : T-2019-02
Ottawa (Ontario), le 4 février 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
demandeur
- et -
MARIE THÉRIAULT-SABOURIN
défenderesse
ORDONNANCE
L'ordonnance de protection est confirmée.
« Carolyn A. Layden-Stevenson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.