Date : 20000615
Dossier : T-699-00
ENTRE :
P.S. PART SOURCE INC.
Demanderesse
- et -
CANADIAN TIRE CORPORATION, LIMITED
Défenderesse |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge LEMIEUX
A. Contexte
[1] La défenderesse Canadian Tire Corporation, Limited interjette appel de l'ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière le 29 mai 2000 sans énoncé de motifs, rejetant sa requête du 24 mai 2000 présentée en vertu de la règle 81 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) en vue de retrancher le paragraphe 9 de l'affidavit de Phillip Bish, président de P.S. Part Source Inc., en date du 11 avril 2000, à l'appui d'une demande de radiation fondée sur l'article 57 de la Loi sur les marques de commerce. La défenderesse prétend que ce paragraphe est un ouï-dire et qu'il va à l'encontre de la règle 81 qui exige que les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle.
[2] Le paragraphe 9 de l'affidavit de M. Bish est ainsi formulé :
[TRADUCTION] Dans les quelques semaines qui ont suivi l'annonce faite par la défenderesse à l'automne 1999, la demanderesse a reçu à ce propos un minimum de 60 à 70 demandes de renseignements de la part de ses clients. Il s'agissait de clients qui croyaient, contrairement au fait, que la nouvelle entreprise annoncée par Canadian Tire Corporation faisait partie de l'entreprise de la demanderesse, ou qu'elle y était associée. Par exemple, certains clients ont demandé quelles pièces ils pourraient maintenant se procurer dans les nouveaux magasins. Certains ont dit avoir vu l'annonce, avoir cherché Partsource dans l'annuaire de téléphone et nous avoir appelé pour obtenir des renseignements au sujet des pièces qu'ils pourraient se procurer. |
[3] M. Bish n'a pas été contre-interrogé sur son affidavit avant la présentation de la requête de la défenderesse.
[4] Le critère pour l'appel de la décision d'un protonotaire est établi dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd, [1993] 2 C.F. 425, à la page 463, où le juge d'appel MacGuigan a dit que, dans le cas de l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire, on ne doit pas intervenir sauf si l'ordonnance est manifestement erronée, notamment si elle est fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits, ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.
B. Discussion
[5] Dans l'arrêt R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915, le juge en chef Lamer, citant une décision du Conseil privé, a retenu l'énoncé suivant sur la preuve par ouï-dire :
La preuve d'une déclaration faite à un témoin par une personne qui n'est pas elle-même appelée à témoigner peut être ou ne pas être du ouï-dire. Cette preuve constitue du ouï-dire et est inadmissible lorsqu'elle vise à établir la véracité du contenu de la déclaration. Elle ne constitue pas du ouï-dire et est admissible lorsqu'elle vise à établir non pas que la déclaration est exacte mais qu'elle a été faite. Le fait que la déclaration a été faite, indépendamment de son exactitude, est dans bien des cas pertinent lorsqu'il s'agit d'examiner l'état d'esprit et la conduite ultérieure du témoin ou d'une autre personne en présence de laquelle la déclaration a été faite. |
[6] Le juge en chef a poursuivi en examinant les principes qui sous-tendent la règle du ouï-dire, ses exceptions et le rejet de la conception de la preuve par ouï-dire fondée sur des catégories d'exception exprimé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531. Il a fait référence à l'énoncé fait dans cet arrêt par le juge McLachlin, tel était alors son titre, énoncé selon lequel les principes qui devraient régir la création d'exceptions et l'admission de la preuve sont la nécessité de cette preuve pour établir un fait litigieux et sa fiabilité.
[7] Pour plusieurs motifs, je ne vois pas de raison de modifier l'ordonnance du protonotaire.
[8] En premier lieu, il n'est pas dit que le paragraphe en l'espèce contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant ; les déclarations qui s'y trouvent peuvent constituer ou pas du ouï-dire. Cela dépend du but dans lequel elles sont présentées. Si elles sont présentées simplement pour prouver que les déclarations ont été faites, le ouï-dire n'est pas en cause.
[9] En second lieu, décider maintenant de l'admissibilité empêche le juge présidant l'instruction d'examiner le paragraphe 9 dans l'ensemble de son contexte et de voir si la nouvelle conception de la preuve par ouï-dire fondée sur des principes s'applique et quel poids doit être donné à cette preuve. Le juge Gibson a adopté cette position dans l'affaire Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1997), 75 C.P.R. (3d) 312, et j'y souscris.
[10] En troisième lieu, c'est un principe reconnu qu'un tribunal ne prendra généralement pas de décision a priori sur la question de l'admissibilité ; il faut un cas évident, ce qui n'est pas la situation en l'espèce.
[11] Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
« François Lemieux »
J.C.F.C.
Toronto (Ontario)
Le 15 juin 2000
Traduction certifiée conforme
Nicole Michaud, LL.L
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Noms des avocats et avocats inscrits au dossier
DOSSIER : T-699-00 |
INTITULÉ : P.S. PART SOURCE INC. |
- et -
CANADIAN TIRE CORPORATION, LIMITED |
DATE DE L'AUDITION: LE LUNDI 12 JUIN 2000 |
LIEU DE L'AUDITION: TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE: LE JUGE LEMIEUX |
DATE: LE JEUDI 15 JUIN 2000
ONT COMPARU: Mark L. Robbins |
Pour la demanderesse |
John S. McKeown
Pour la défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Oyen Wiggs Green & Mutula |
Avocats |
480-601 West Cordova Street |
Vancouver (Colombie-Britannique) |
V6B 1G1 |
Pour la demanderesse |
Cassels Brock & Blackwell LLP |
Avocats |
Scotia Plaza
2100-40 King Street West |
Toronto (Ontario)
M5H 3C2
Pour la défenderesse |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date: 20000615
Dossier : T-699-00
ENTRE :
P.S. PART SOURCE INC. |
Demanderesse
- et -
CANADIAN TIRE CORPORATION, LIMITED |
Défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE |
Date: 20000615
Dossier: T-699-00
Toronto (Ontario), le jeudi 15 juin 2000
EN PRÉSENCE DE : Le juge Lemieux
ENTRE:
P.S. PART SOURCE INC.
Demanderesse
- et -
CANADIAN TIRE CORPORATION, LIMITED
Défenderesse
ORDONNANCE
Pour les motifs énoncés, l'appel est rejeté avec dépens.
« François Lemieux »
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Nicole Michaud, LL.L