Date : 20000113
Dossier : T-1812-99
ENTRE :
MODERN HOUSEWARE IMPORTS INC.,
demanderesse
et
INTERNATIONAL SOURCES LTD.,
INTER-BEST HOUSEWARES INC.,
GREG RITA AND STEPHEN MARACLE,
défendeurs
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE
[1] La présente instance se rapporte à des allégations de violation d"une marque de commerce et du droit d"auteur concernant un emballage utilisé pour des tampons récureurs par des personnes qui auraient censément été des employées de la demanderesse. Ces motifs découlent de la requête que la demanderesse a présentée en vue d"obtenir des précisions et de faire radier certains paragraphes de la défense.
[2] À la suite de l"audition de la requête, j"ai refusé de radier les paragraphes 29 et 30 de la défense, qui portent sur l"avis de demande et sur la renonciation unilatérale des défendeurs, mais j"ai reporté ma décision en ce qui concerne le reste de la requête. J"examinerai d"abord les motifs pour lesquels les paragraphes 29 et 30 doivent être maintenus.
ANALYSE
Avis de demande et mesures prises par les défendeurs
[3] Au paragraphe 29 de la défense, il est allégué que la demanderesse n"a pas avisé les défendeurs à l"égard de l"introduction de la présente action. La demanderesse souligne que non seulement il n"est pas nécessaire de signifier un avis, mais aussi que l"absence d"avis ne constitue pas un moyen de défense. Cela étant, le paragraphe 29 ne serait donc pas pertinent.
[4] Au paragraphe 30, les défendeurs énoncent les mesures inconditionnelles qu"ils ont prises lorsqu"ils se sont rendu compte qu"une demande avait été présentée contre eux; ils ont notamment cessé sans délai de vendre les tampons récureurs, ils ont retiré les emballages en cause, ils ont fait savoir qu"ils n"utiliseraient plus les emballages dans l"avenir et ils ont affirmé qu"ils n"avaient pas de matériaux servant à la fabrication des emballages.
[5] La demanderesse soutient encore une fois que ces activités ne constituent pas un moyen de défense, qu"elles visent à une tentative de règlement dont la communication est contraire à la règle 422 et que ce moyen de défense aura uniquement pour effet de retarder l"instruction.
[6] Les défendeurs disent que les paragraphes 29 et 30 constituent une réponse, puisqu"il est énoncé dans la déclaration que les défendeurs ont violée et continuent à violer les droits de la demanderesse, qu"il existe un risque réel de violation à l"égard des autres produits et emballages de la demanderesse, que les défendeurs menacent de poursuivre leurs activités à moins qu"on ne les empêche de le faire et qu"à cette fin, la demanderesse sollicite une injonction et des dommages-intérêts punitifs.
[7] Le paragraphe 29 de la défense, compte tenu en particulier des réparations sollicitées et des événements décrits au paragraphe 30, montre que, s"ils avaient reçu sans délai un avis de la violation, les défendeurs auraient fort probablement mis fin à leurs activités. Cela vise certes à répondre à certaines réparations sollicitées par la demanderesse et fournit un point de vue différent au sujet des faits.
[8] J"ai examiné le paragraphe 30; j"ai tenu compte du fait qu"il constitue une réponse ainsi que son fondement, soit la lettre que l"avocat des défendeurs a envoyée sans faire de réserve à l"avocat de la demanderesse le 15 octobre 1999. Après avoir nié les allégations de faute, l"avocat affirme notamment que, pour des motifs d"ordre purement commercial, les défendeurs ont pris des mesures en vue de cesser immédiatement de vendre les tampons récureurs et de retirer du circuit de distribution tous les emballages en cause, qu"ils n"utiliseront plus les emballages dans l"avenir et qu"ils n"ont pas à leur disposition de matériaux servant à la fabrication des emballages. Ces assertions ne sont pas faites dans le contexte d"un règlement, car les concessions sont absolues et inconditionnelles et ne sont pas faites en échange de mesures prises par la demanderesse. L"auteur de la lettre offre ensuite un engagement écrit selon lequel les défendeurs n"utiliseront plus les emballages dans l"avenir et affirme que le volume des ventes était négligeable. Dans sa lettre, l"avocat affirme croire que la demanderesse se désistera, mais que si la demanderesse décide de poursuivre l"affaire, la lettre sera portée à l"attention de la Cour en ce qui concerne les questions de responsabilité et de réparation, y compris les dépens.
[9] Le critère qui s"applique à l"égard de la radiation d"un acte de procédure, ou d"une partie d"un acte de procédure, est difficile à satisfaire. Si j"étais convaincu que le paragraphe 30 de la défense pouvait uniquement servir à limiter le montant des dépens, je serais porté à le radier pour le motif que, même s"il pouvait être invoqué en temps et lieu dans l"instance, cela ne se produirait que plus tard, dans le contexte de l"adjudication des dépens. Toutefois, le paragraphe 30 n"énonce pas simplement un argument au sujet des dépens. Un point de vue différent y est énoncé au sujet des faits : les défendeurs affirment qu"au lieu de continuer à commettre une violation ou à risquer de commettre une violation, de sorte qu"il faudrait obtenir une injonction en vue de faire cesser ces activités, ils ont mis fin à leurs activités d"une façon inconditionnelle et de leur propre gré.
[10] L"avocat de la demanderesse invoque un argument intéressant selon lequel la lettre par laquelle la demanderesse était informée qu"il n"y aurait plus de possibilité de violation, le cas échéant, fait partie de négociations en vue d"un règlement et que, cela étant, elle est prohibée par la Règle 422, qui interdit qu"une offre de règlement ou une offre de contribution soit communiquée à la Cour, sauf dans le contexte de la gestion de l"instance, tant que les questions relatives à la responsabilité et à la réparation à accorder, sauf les dépens, n"ont pas été tranchées.
[11] Pour retenir la proposition de la demanderesse, je dois omettre de tenir compte du fait que la lettre de l"avocat a été rédigée sans faire de réserve et reconnaître que l"offre d"une déclaration sous serment fait partie des négociations en vue d"un règlement. L"avocat de la demanderesse soutient que toutes les lettres de règlement sont rédigées sous toutes réserves, et ce, quelle que soit la mention qui y est faite, et qu"elles n"ont donc pas à être produites dans un litige; il cite ici le jugement Compagnie de média du Canada c. Canada (1992), 48 F.T.R. 68. Dans cette affaire-là, Sa Majesté avait demandé à Monsieur le juge Cullen de radier certaines parties de la déclaration dans lesquelles il était fait mention, à tort, de négociations confidentielles menées en vue d"un règlement pré-contentieux. Monsieur le juge Cullen a souligné qu"en général, les communications par lesquelles on tentait d"en arriver à un règlement sont confidentielles et que la présence ou l"absence des mots " sous toutes réserves " ou de termes similaires, n"est pas concluante, car une fois la confidentialité établie, elle s"étend à toutes les négociations et non uniquement aux communications faites expressément " sous toutes réserves " (page 71). Monsieur le juge Cullen a ensuite fait les remarques suivantes :
Dans l"ensemble, les communications en question portent toutes les marques d"un processus de négociation et indiquent objectivement que les parties avaient l"intention de régler l"affaire sans entamer de poursuites judiciaires. [...] ce qui m"incline à croire que les deux parties envisageaient raisonnablement un règlement [...] [et que] le processus possède tous les attributs d"une négociation, avec les compromis mutuels qu"elle entraîne. |
[page 72] |
[12] L"idée selon laquelle les communications échangées dans le cadre de négociations en vue d"un règlement sont confidentielles n"est pas nouvelle puisqu"elle est fondée sur l"idée selon laquelle il faut encourager les parties à négocier un règlement avant d"avoir recours aux tribunaux et que si ces communications n"étaient pas confidentielles et pouvaient par la suite causer de l"embarras à une partie dans un litige, cela nuirait à la conclusion d"un règlement : voir Compagnie de média du Canada , à la page 71. Toutefois, cette idée de la confidentialité automatique des communications effectuées dans le cadre de négociations en vue d"un règlement ne s"étend pas à une lettre dans laquelle il est clairement mentionné qu"elle est faite sans aucune réserve. Le client peut toujours renoncer à la confidentialité. Dans la lettre qu"il a envoyée à l"avocat de la demanderesse, l"avocat des défendeurs donne au moins implicitement à entendre que ses clients lui ont demandé de renoncer à la confidentialité. En outre, la lettre ne comporte pas les marques ou les attributs d"un processus de négociation, les défendeurs énonçant plutôt les mesures qu"ils ont prises unilatéralement, peut-être dans l"espoir que la demanderesse ne poursuive pas l"affaire; il reste néanmoins que les défendeurs ont pris des mesures d"une façon inconditionnelle. La lettre du 15 octobre 1999 a été rédigée deux jours après que la déclaration eut été délivrée et, comme le montre la défense, elle a été divulguée de la façon appropriée et touche la question de la responsabilité et des réparations. Le paragraphe 30 sera donc maintenu.
[13] L"avocat des défendeurs a fait savoir qu"il avait l"intention de modifier la défense de façon à y faire mention d"une lettre datée du 8 décembre 1999 envoyée sans faire de réserve, confirmant les mesures prises par les défendeurs et informant en outre la demanderesse qu"un profit brut de
1 186,77 $ avait été tiré de la vente des tampons récureurs en cause; l"avocat offrait ensuite d"une façon inconditionnelle de fournir à l"appui des données relatives aux ventes. L"avocat des défendeurs demande de nouveau à l"avocat de la demanderesse d"obtenir des instructions de sa cliente au sujet du règlement de l"instance. On ne m"a référé à aucune lettre que l"avocat de la demanderesse aurait envoyée à l"avocat des défendeurs en réponse à la lettre du 15 octobre ou à celle du 8 décembre 1999. La lettre du 8 décembre ne fait probablement pas partie de négociations en vue d"un règlement. Il semblerait également qu"elle puisse se rapporter à une défense modifiée fondée sur la règle 179 en vertu de laquelle une partie peut alléguer un fait qui se produit après l"introduction de l"action. La modification de la défense n"a fait l"objet d"aucune requête : les défendeurs devront au besoin présenter une requête en temps opportun.
Précisions relatives à la limitation
[14] La demanderesse soutient qu"il faudrait apporter des précisions à la simple plaidoirie dans laquelle les défendeurs affirment qu"elle a omis de prendre des mesures raisonnables en vue de limiter les pertes ou les dommages.
[15] Il est de diverses façons possible d"éviter une perte en prenant des mesures raisonnables. Dans ce cas-ci, cela pourrait comprendre le fait pour la demanderesse de tirer parti du fait que les défendeurs l"ont informée qu"ils avaient retiré les emballages en cause ou encore le fait de tirer parti de l"engagement de ne pas poursuivre les activités contestées et de l"offre de rendre compte du profit brut, d"un montant de 1 186,77 $. Cependant, en ce moment, les défendeurs n"ont pas la moindre idée des mesures que la demanderesse a prises et des mesures qu"elle n"a pas prises. Pourtant, il est facile de comprendre que les défendeurs veulent continuer à avoir la possibilité de bénéficier d"une communication préalable et d"une instruction.
[16] Habituellement, on ne saurait répondre à une demande visant à l"obtention de précisions en disant que la partie qui demande les précisions devrait avoir connaissance de certaines questions. Toutefois, cela ne s"applique en général qu"aux cas dans lesquels les deux parties ont dans une certaine mesure connaissance d"un aspect donné d"une demande. Je songe ici à des décisions telles que la décision Munsingwear, Inc. c. Promafil Canada Ltée (1995), 61 C.P.R. (3d) 158, rendue par le juge en chef adjoint Jerome qui, à la page 160, s"est fondé sur une remarque de Monsieur le juge Walsh, à savoir : " Il est également incorrect de présumer que les connaissances du demandeur coexistent nécessairement avec celles que peut avoir la défenderesse et donc que celle-ci n"a pas besoin de donner d"autres détails qui lui servent à fonder sa réclamation d"invalidité [...] " (Bror With c. Ruko of Canada Ltd. (1977) 31 C.P.R. (2d) 3, à la page 5).
[17] Subsidiairement, il existe certains arrêts à l"appui de la thèse selon laquelle, lorsque la partie qui demande les précisions est elle-même mieux placée pour avoir les renseignements, il ne sera pas ordonné de fournir des précisions. Je songe ici par exemple à la décision Linden Fabricating and Engineering (Prince George) Ltd. c. Équipement-Hydraulique Boréal Inc. (1995), 57 C.P.R. (3d) 89 (C.F. 1re inst.), qui portait sur la demande que la défenderesse avait faite en vue d"obtenir des précisions au sujet de l"allégation selon laquelle elle avait vendu des marchandises qui étaient visées par un brevet. En faisant cette allégation, la demanderesse était au courant d"une vente, mais elle n"était au courant d"aucune autre vente.
[18] Le protonotaire Quinn, de la Cour du Banc de la Reine de l"Alberta, a examiné la question des précisions relatives à la limitation des dommages dans la décision Ozoray v. Alberta [1983] A.J. no 417, décision par ailleurs apparemment inédite du 30 septembre 1983, dans laquelle la demande visant à l"obtention de précisions a été rejetée :
[TRADUCTION] |
Le demandeur sollicite également des précisions au sujet de la façon dont il a omis de limiter les dommages. Le demandeur sait ce qu"il a fait et ce qu"il n"a pas fait, et il n"a pas à se fonder sur des précisions fournies par le défendeur. Le défendeur n"est pas tenu de fournir pareilles précisions. |
Ce refus n"est pas incompatible avec l"idée selon laquelle, lorsque les deux parties connaissent les renseignements en question, il se peut néanmoins qu"une partie doive sur demande donner sa version. Je ferai ici un rapprochement en citant un passage de l"édition de 1997 du White Book (The Supreme Court Practice) , à la page 319 :
[TRADUCTION] |
(9) Impossibilité de fournir des précisions -- La partie à qui des précisions sont demandées déclare souvent qu"elle ne peut pas fournir des renseignements plus complets, ou qu"elle ne peut pas en fournir sans effectuer des recherches approfondies ou une enquête exhaustive. Pareilles objections, si elles sont exactes, donnent souvent lieu à une ordonnance portant que la partie doit fournir sans délai les précisions qu"elle est en mesure de donner à l"heure actuelle, tout en ayant la possibilité de fournir des précisions additionnelles dans un délai imparti une fois que la communication préalable et les examens auront été effectués (Marshall c. Inter-Oceanic, etc., Co. (1885) 1 T.L.R. 394; Williams c. Ramsdale (1886) 36 W.R. 125; Harbord c. Monk (1878) 38 L.T. 411). |
Cette approche, en ce qui concerne les précisions différées, peut être raisonnable et utile.
[19] En l"espèce, les défendeurs affirment qu"ils n"ont pas de renseignements. Pourtant, si l"affaire est instruite, les défendeurs auront peut-être alors une idée des mesures que la demanderesse a omis de prendre en vue d"éviter de subir une perte. La demanderesse ne devrait pas être ainsi prise au piège à l"instruction. Les défendeurs donneront donc des précisions au sujet du fait que la demanderesse a omis de limiter ou d"éviter une perte dans les 30 jours qui suivront la communication préalable, et notamment l"exécution des engagements.
Plaidoirie fondée sur l"absence de connaissance et sur le refus spécifique
[20] Le reste de la requête visant à l"obtention de précisions porte sur des plaidoiries stéréotypées présentées par les défendeurs, selon lesquelles ils n"ont pas connaissance de divers faits allégués, et nient en particulier les allégations, puis exigent que la demanderesse fournisse une preuve stricte à cet égard. Les défendeurs embellissent dans certains cas cette plaidoirie élémentaire en reprenant le libellé de l"allégation de la demanderesse sous la forme d"une dénégation spécifique additionnelle. Ainsi, au paragraphe 28 de la déclaration, la demanderesse allègue que l"emballage d"une lavette particulière en tissu éponge est une oeuvre artistique et littéraire qu"un auteur désigné a exécutée pendant qu"il travaillait pour une de ses filiales. Au paragraphe 23 de la défense, les défendeurs répondent qu"ils [TRADUCTION] " n"avaient pas connaissance des faits allégués, et en particulier [qu"]ils nient les allégations, et [que] de toute façon, ils nient que l"emballage de la lavette en tissu éponge constitue une oeuvre artistique et littéraire originale ". De même, dans divers paragraphes de la déclaration, la demanderesse énonce les faits se rapportant à l"exécution des oeuvres artistiques et littéraires, soit l"emballage de divers tampons récureurs, et conclut à l"existence d"un droit d"auteur, ce à quoi les défendeurs répondent, au paragraphe 25, qu"ils [TRADUCTION] " [...] nient expressément que l"emballage du tampon récureur, l"emballage du tampon récureur en nylon ou l"emballage de la lavette en tissu éponge sont des oeuvres sur lesquelles peut exister un droit d"auteur au Canada en vertu de la Loi sur le droit d"auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, tel qu"il est allégué ou de quelque autre façon ". En effet, l"existence d"un droit d"auteur et la possession des droits d"auteurs afférents à l"emballage des tampons récureurs sont en litige.
[21] La demanderesse sollicite des précisions au sujet du fait qu"il est nié que les divers emballages constituent des oeuvres artistiques et littéraires originales, en affirmant que ces dénégations sont vagues. La demanderesse signale ensuite la règle 183, qui prévoit que lorsqu"une partie, soit dans ce cas-ci les défendeurs, entend se fonder sur des faits différents de ceux de la partie adverse, ces faits contradictoires doivent être plaidés. Il est établi que dans un acte de procédure, il faut énoncer tous les motifs factuels de contestation qui, s"ils ne sont pas soulevés, pourraient prendre l"autre partie par surprise.
[22] La thèse fondamentale sur laquelle les défendeurs se fondent pour s"opposer à la demande de précisions est qu"une dénégation, " [...] même sous une forme affirmative, tant et aussi longtemps qu"elle constitue en substance une dénégation de l"allégation de l"autre partie, ne donne aucun droit à une demande de précision [...] " : Chingee c. Chingee (1998) 144 F.T.R. 156, aux pages 159 et 160, où la décision Weinberger v. Inglis [1918] 1 Ch. 133, à la page 138, est citée. Bien sûr, une dénégation, même formulée de façon négative, peut être un argument négatif équivalent à une affirmation et donc exiger des précisions (loc. cit.). Si l"on devait retenir cette analyse, les paragraphes 20 et 22 de la défense, dans lesquels la possession du droit d"auteur est niée, pourraient être maintenus.
[23] Les paragraphes 19, 21, 23 et 25, dans lesquels est niée l"existence d"un droit d"auteur, exigent une analyse plus poussée. Les énoncés qui y figurent sont à certains égards des dénégations en ce sens qu"ils reprennent simplement ce que la demanderesse a plaidé, mais sous une forme négative. Pourtant, si les dénégations soulèvent une question de droit, sans être étayées par des faits, il devrait être ordonné de fournir des précisions : voir par exemple Norac Systems International Inc. c. Massload Technologies Inc. (1997) 115 F.T.R. 289, à la page 300. Toutefois, dans l"affaire Norac Systems , la plaidoirie en question était complexe; elle faisait entrer en ligne de compte la règle énoncée dans la décision Curtis v. Platt (1863) 35 L.J. Ch. 852, soit une règle plutôt complexe en vertu de laquelle une interprétation stricte était donnée aux améliorations mécaniques apportées à un mécanisme existant. Dans l"affaire Norac Systems , le fait que la règle n"était pas identifiée et que les faits qui assujettissaient la revendication à cette règle n"étaient pas énoncés préoccupaient Monsieur le juge Nadon. En l"espèce, les défendeurs affirment avoir tout simplement nié la conclusion de droit tirée par la demanderesse : ils n"ont pas plaidé une question de droit nouvelle et distincte qui exige que des précisions soient fournies.
[24] La demanderesse cite également les présomptions établies dans la Loi sur le droit d"auteur au sujet de l"existence et de la possession du droit d"auteur, en soutenant que ces présomptions ont été niées dans la défense, sans toutefois que des précisions soient fournies. L"avocat de la demanderesse cite ici la décision Glaxo Canada Inc. c. Apotex Inc. (1995) 58 C.P.R. (3d) 1, et la décision Apotex Inc. c. Glaxo Canada Inc. (1996) 64 C.P.R. (3d) 191, telle qu"elle a été infirmée en appel, à titre d"exemples de plaidoiries affirmatives visant à contester les présomptions, lesquelles renfermaient des précisions acceptables.
[25] La demanderesse se fonde également sur la décision ITT Hartford Life Insurance c. American International Assurance Life Company (1998), 131 F.T.R. 121, dans laquelle est donné un exemple de plaidoirie affirmative visant à contester l"existence du droit d"auteur, mais ne renfermant pas de précisions et n"effectuant pas une modification acceptable. Selon cette plaidoirie affirmative, l"oeuvre littéraire n"était pas originale, mais consistait plutôt " [...] en un emballage banal de termes usuels qui n"exige presque aucun talent " (page 124). Dans la version modifiée acceptable, il était fait mention du fait que le libellé en cause figurait dans des polices d"assurance faisant partie du domaine public, de sorte que l"auteur n"avait contribué que de façon négligeable par son talent, son jugement ou son travail à la rédaction des nouvelles clauses.
[26] Le point pertinent soulevé par la demanderesse est que la Loi sur le droit d"auteur, qui est directement ou indirectement invoquée dans un certain nombre de paragraphes de la déclaration et qui fait l"objet d"une dénégation dans les paragraphes contestés de la défense, établit des présomptions au sujet de l"existence et de la possession des droits d"auteur en question et qu"une simple dénégation ne suffit pas pour annuler ces présomptions.
[27] Je commencerai cette partie de l"analyse en citant un passage de Hughes on Copyright and Industrial Design , ouvrage en feuilles mobiles publié par Butterworths. Les auteurs soulignent que l"enregistrement d"un droit d"auteur confère divers avantages, notamment la présomption relative à l"existence et à la possession du droit d"auteur :
[TRADUCTION] |
Le certificat d"enregistrement prouve qu"il existe un droit d"auteur sur l"oeuvre et que la personne inscrite est propriétaire de pareil droit d"auteur. La production d"un certificat, en l"absence d"une preuve contraire, prouve prima facie qu"il existe un droit d"auteur et que les personnes inscrites en sont propriétaires. Cela ne veut pas pour autant dire que le certificat d"enregistrement est inviolable, mais la personne qui le conteste doit présenter des éléments de preuve crédibles pour réfuter la présomption. La personne qui conteste l"enregistrement ne doit pas plaider une simple dénégation, mais elle doit alléguer des faits qui montrent le fondement sur lequel l"enregistrement est contesté. |
[Page 515 du no 38, mars 1998] |
Tout ce passage est pertinent, et en particulier la dernière proposition, selon laquelle on ne saurait contester l"enregistrement au moyen d"une simple dénégation, mais qu"il faut également faire des allégations de fait indiquant ce sur quoi est fondée la contestation de l"enregistrement. Hughes on Copyright se fonde sur divers jugements à l"appui de cette proposition, notamment sur les jugements Circle Film Enterprises et Blue Crest Music, qui sont mentionnés dans la décision Samsonite que j"examinerai maintenant.
[28] Dans la décision Samsonite Canada Inc. c. Costco Wholesale Corporation (1993), 48 C.P.R. (3d) 5, Monsieur le juge Noël (tel était alors son titre) a souligné que la présomption de possession fondée sur l"enregistrement d"un droit d"auteur doit l"emporter à moins qu"il ne soit établi que quelqu"un d"autre a possession du droit d"auteur : Samsonite , aux pages 11 et 12, où sont cités les jugements Circle Film Enterprises Inc. v. C.B.C. [1959] S.C.R. 602 et Blue Crest Music Inc. v. Canusa Records Inc. (1975), 17 C.P.R. (2d) 149 (C.F. 1re inst.). À la page 12, Monsieur le juge Noël souligne qu"" [i]l est loisible à la défenderesse de contester cette présomption au moyen de ses plaidoiries, pourvu qu"elle soit à même d"alléguer des faits qui, s"ils sont prouvés, peuvent avoir pour effet de réfuter la présomption de propriété. " Le juge souligne ensuite que, selon le paragraphe contesté de la défense, la demanderesse n"était pas le premier propriétaire des droits d"auteur et que ceux-ci n"ont pas été acquis au moyen d"une cession. Toutefois, même si elle était considérée comme étant prouvée, dans le contexte de la règle autorisant la radiation, cette plaidoirie ne l"emportait pas sur la présomption de possession découlant du certificat d"enregistrement, car cette présomption constitue une preuve prima facie de la possession et vaut envers tous, notamment envers le premier propriétaire :
En l"espèce, le paragraphe 10 de la défense allègue des faits qui indiquent que la demanderesse n"était pas la première titulaire des droits d"auteur litigieux, ce qui laisse entendre qu"ils ont été acquis par voie de cession, mais conclut en disant que la demanderesse n"a pas acquis les droits d"auteur au moyen d"une cession légale. L"allégation que la demanderesse n"était pas la première titulaire des droits d"auteur litigieux, laquelle doit être considérée comme étant prouvée dans le contexte de la Règle 419, n"atteint pas la présomption de propriété qui découle du certificat d"enregistrement. Cette présomption vaut preuve prima facie du droit de propriété sur l"oeuvre vis-à-vis de tous, particulièrement vis-à-vis du premier titulaire. |
Monsieur le juge Noël conclut que même si les faits énoncés dans le paragraphe contesté de la défense étaient prouvés, cela ne pourrait avoir pour effet d"annuler la présomption de possession et que cet énoncé précis de la défense devrait donc être radié. Toutefois, cela ne réglait pas pour autant l"affaire, car dans le paragraphe en cause, on ajoutait que la demanderesse n"avait pas acquis les droits d"auteur au moyen d"une cession légale : si cette allégation reposait sur des faits importants connus de la défenderesse, cela constituait une plaidoirie appropriée. En fait, dans la décision Samsonite , la conclusion selon laquelle il n"y avait pas eu de cession valable était de la nature d"une conjecture et elle était dénuée de fondement, car il s"agissait d"une simple conclusion qui n"était pas étayée par les faits nécessaires pour permettre à la défenderesse de passer outre au certificat d"enregistrement en vue de réfuter la présomption de possession. Par conséquent, l"énoncé en question a été radié au complet, avec autorisation de le modifier.
[29] Dans la décision Glaxo Canada Inc c. Apotex Inc. (supra), le juge de première instance mentionne la décision Samsonite. La décision Glaxo, qui est dans une large mesure fondée sur la décision Samsonite, est utile en ce sens que le juge y énonce les paragraphes d"une défense qui était en litige. Toutefois, en ce qui concerne le résultat final, il faut suivre l"arrêt Apotex Inc. c. Glaxo Canada Inc. (supra) de la Cour d"appel, dans lequel Monsieur le juge Strayer a fait remarquer que les allégations par lesquelles la défenderesse contestait le droit d"auteur et sa possession, lesquelles étaient énoncées d"une façon tout à fait claire et complète, pouvaient l"emporter sur la preuve de possession.
[30] En l"espèce, compte tenu des présomptions relatives à l"existence et à la possession d"un droit d"auteur établies par l"article 34.1 de la Loi sur le droit d"auteur, L.R.C. (1985) ch. C-42, et des précisions données à ce sujet dans les décisions Samsonite et Glaxo, les dénégations plutôt rudimentaires de l"existence et de la possession du droit d"auteur sont inadéquates et n"aident pas les défendeurs. Les défendeurs disposeront donc d"un délai de 21 jours pour fournir des précisions appropriées au sujet des paragraphes 19 à 23 ainsi que du paragraphe 25 de la défense, à défaut de quoi ces paragraphes seront réputés avoir été radiés.
[31] Je remercie les avocats, qui ont présenté des arguments complets. Étant donné que le succès est partagé, les dépens suivront l"issue de la cause.
John A. Hargrave
Protonotaire
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 13 janvier 2000
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU DOSSIER : T-1812-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : MODERN HOUSEWARE IMPORTS INC. c. INTERNATIONAL SOURCES LTD., INTER-BEST HOUSEWARES INC., GREG RITA ET STEPHEN MARACLE |
DATE DE L"AUDIENCE : le 10 janvier 2000 |
LIEU DE L"AUDIENCE : Vancouver (C.-B.) |
MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE EN DATE DU 13 JANVIER 2000.
ONT COMPARU :
Paul Smith pour la demanderesse |
Bradley J. Freedman pour les défendeurs |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Paul Smith Intellectual pour la demanderesse |
Property Law
Vancouver (C.-B.)
Ladner Downs pour les défendeurs |
Vancouver (C.-B.)