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                                                                                                                                            Date : 20021023

                                                                                                                                Dossier : IMM-5218-01

                                                                                                                                                                       

                                                                                                             Référence neutre : 2002 CFPI 1108

Toronto (Ontario), le mercredi 23 octobre 2002

EN PRÉSENCE de Monsieur le juge Campbell

ENTRE :

TIMOTHY EDOCHIE OKAFOR

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, rendue en date du 9 octobre 2001, selon laquelle le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Le demandeur, un citoyen du Nigéria, prétend être une personne qui craignait avec raison d'être persécutée du fait de sa religion, le christianisme, et du fait des opinions politiques qu'on lui imputait. Il prétend qu'après qu'il eut prononcé une conférence intitulée [TRADUCTION] « Moralité et dévotion : Les étudiants et les sectes secrètes sur les campus » , conférence au cours de laquelle il exprimait son opposition aux activités des sectes dans les universités nigérianes, il s'est fait accoster et a reçu des menaces. Cet incident l'a amené à s'enfuir du Nigéria et à entrer au Canada en tant que réfugié.

[3]                 La SSR a conclu, alors qu'elle estimait que le demandeur était digne de foi et qu'elle croyait qu'il avait prononcé la conférence, qu'il ne serait probablement persécuté et que sa crainte ne serait fondée que si l'État était incapable ou refusait d'assurer la protection de ses citoyens. La SSR n'était cependant pas convaincue que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention parce que la protection de l'État était à la disposition du demandeur au Nigéria et que cette protection était adéquate.

[4]                 Selon l'arrêt de la Cour suprême du Canada, Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2 R.C.S. 689, il y a lieu, en l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, de présumer que l'État est capable de protéger ses citoyens. Par conséquent, un revendicateur doit fournir « une preuve claire et convaincante » de l'incapacité de l'État à protéger les citoyens. L'incapacité d'un État à protéger un revendicateur peut être établie lorsque le revendicateur a vraiment sollicité la protection de l'État par le passé et qu'il n'a pas obtenu la protection demandée.


[5]                 La question en l'espèce est celle de savoir si la SSR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a évalué la preuve, c'est-à-dire une erreur telle que la décision rendue serait manifestement déraisonnable.

[6]                 Lorsqu'elle a tiré sa conclusion, la SSR s'est largement fondée sur la preuve documentaire qui énonçait les efforts faits par les autorités nigérianes afin de lutter contre les sectes dans les universités et l'amélioration de l'efficacité de ces efforts. La SSR a en outre mentionné des éléments de preuve qui détaillaient les efforts faits dans le but de réformer et de renforcer les forces policières au Nigéria. La SSR a ainsi conclu que les services de l'État, bien qu'imparfaits, étaient adéquats pour répondre aux besoins du demandeur.

[7]                 À l'égard de la preuve, la SSR a affirmé ce qui suit :

En outre, même si le conseil présente des preuves documentaires indiquant qu'il se produit des affrontements et de la violence entre les sectes sur les campus universitaires du Nigéria, ces preuves montrent également que la police fait enquête sur ces incidents de violence.

De plus, même si le fléau des sectes universitaires se maintient, selon le président-directeur général d'Alliances pour l'Afrique, le gouvernement nigérian [TRADUCTION] « a déclaré une guerre totale » aux sectes universitaires.

Tout en ne minimisant pas les problèmes auxquels fait face le Nigéria pour ce qui est des sectes universitaires, le tribunal garde à l'esprit le critère énoncé dans l'arrêt Villafranca et conclut que le revendicateur n'a pas présenté de preuve claire et convaincante de l'incapacité du Nigéria à le protéger. [Non souligné dans l'original.]

   

[8]                 La SSR, en tirant ces conclusions, a déclaré à propos que les conditions générales de la protection de l'État au Nigéria se sont améliorées. Toutefois, à mon avis, la SSR a, selon l'ensemble de la preuve dont elle disposait, commis une erreur importante quant à la question de savoir si la protection de l'État était adéquate dans le contexte universitaire. Notamment, je partage l'opinion du demandeur selon laquelle la déclaration précédemment mentionnée, savoir : « le gouvernement nigérian [TRADUCTION] " a déclaré une guerre totale " aux sectes universitaires » , qui devrait signifier que l'État assure la protection de ceux qui sont persécutés par les sectes universitaires, est sérieusement prise hors contexte. En fait, l'opinion de l'expert de laquelle la citation est extraite est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

Elle a affirmé que le gouvernement avait déclaré « une guerre totale » aux sectes universitaires et que le président Obasanjo avait accordé à la question une très grande importance. Cependant, à son avis, les autorités gouvernementales, malgré la volonté qu'elles expriment maintenant, sont incapables de protéger les étudiants. Elle a affirmé que les étudiants risquaient d'être exposés aux sectes dans toutes les institutions d'enseignement supérieur, notamment dans les vieilles institutions.

(Dossier du tribunal, à la page 84.) [Non souligné dans l'original.]

[9]                 C'est pourquoi, à mon avis, l'erreur rend la décision manifestement déraisonnable.


                                           ORDONNANCE

Par conséquent, la décision de la SSR est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire en tenant compte des directives qui suivent :

1) le tribunal doit statuer à nouveau sur l'affaire en tenant pour acquis que le demandeur est digne de foi;

2) la seule question à trancher par le tribunal lorsqu'il statuera à nouveau sur l'affaire est celle qui consiste à établir si l'État assure la protection de ses citoyens et à cet égard la preuve qui doit être prise en compte est celle contenue au dossier faisant l'objet du présent contrôle judiciaire et toute autre preuve, comprenant des éléments de preuve plus récents, qui sera présentée par le demandeur ou par le défendeur.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L


            COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats inscrits au dossier

                                                         

DOSSIER :                                            IMM-5218-01

INTITULÉ :                                           TIMOTHY EDOCHIE OKAFOR

                                                                                                  demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE LUNDI 21 OCTOBRE 2002   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                        LE MERCREDI 23 OCTOBRE 2002

COMPARUTIONS : Kingsley Jesuorobo

Pour le demandeur

Tamrat Gebeyehu

Pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo

968, avenue Wilson, 3e étage

                                      North York (Ontario) M3K 1E7

Pour le demandeur                        

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                               

             Date : 20021023

    Dossier : IMM-5218-01

ENTRE :

TIMOTHY EDOCHIE OKAFOR

                   demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                   défendeur

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                   

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