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     Date : 19990811

     T-1040-99

ENTRE :

     HUGO BOSS A.G.,

     demanderesse,

     ET

     CHÂTEAU LINGERIE MFG. INC.,

     défenderesse.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Le juge BLAIS

[1]      Il s'agit d'une requête présentée pour le compte de la demanderesse en vue d'obtenir une ordonnance conservatoire provisoire interdisant la destruction ou la modification du stock de BOSS.

[2]      L'intimée prétend que la présente Cour n'a pas compétence pour entendre la requête de la demanderesse étant donné qu'il s'agit purement et simplement d'une tentative de la part de cette dernière pour exercer un droit contractuel qu"elle prétend avoir, et non d"une tentative d'empêcher qu'il soit porté atteinte à ses marques de commerce et à ses dessins faisant l'objet d'un droit d'auteur.

[3]      La demanderesse prétend que, en vertu de l'article 38 de la Loi sur le droit d'auteur, la Cour fédérale a compétence :


38. Recovery of possession of copies, plates. - Subject to subsection (2), the owner of the copyright in a work or other subject matter may

(a) recover possession of all infringing copies of that work or other subject-matter, and of all plates used or intended to by used for the production of infringing copies, and

(b) take proceedings for seizure of those copies or plates before judgement if, under the law of Canada or of the province in whick those proceedings are taking place, a person is entitled to take such proceedings,

as if those copies or plates were the property of the copyright owner.

38. Propriété des planches - Sous réserve du paragraphe (2), le titulaire du droit d'auteur peut, comme s'il en était le propriétaire, recouvrer la possession de tous les exemplaires contrefaits d'oeuvres ou de tout autre objet de ce droit d'auteur et de toutes les planches qui ont servi ou sont destinées à servir à la confection de ces exemplaires, ou engager à leur égard des procédures de saisie avant jugement si une loi fédérale ou une loi de la province où sont engagées les procédures le lui permet..

(2) Powers of court. - On application by

(a) a person from whom the copyright owner has recovered possession of copies or plates referred to in subsection (1),

(b) a person against whom proceedings for seizure before judgment of copies or plates referred to in subsection (1) have been taken, or

(c) any other person who has an interest in those copies or plates,

a court may order that those copies or plates be destroyed, or may make any order that it considers appropriate in the circumstances

38(2). Pouvoir du tribunal - Un tribunal peut, sur demande de la personne qui avait la possession des exemplaires et planches visés au paragraphe (1), de la personne contre qui des procédures de saisie avant jugement ont été engagées en vertu du paragraphe (1) ou de toute autre personne ayant un intérêt dans ceux-ci, ordonner la destruction de ces exemplaires ou planches ou rendre toute autre ordonnance qu'il estime indiquée.

(3) Notice to interested persons ...


38(3). Autres personnes intéressées ...


(4) Circumstances court to consider ...

38(4). Facteurs ...

(5) Limitation ...

38(5). Limite ...

[4]      La requête de la demanderesse n'est pas, comme le prétend l'intimée :

         [traduction] simplement une tentative pour sanctionner un droit contractuel qu'elle prétend avoir en vertu d'un accord de licence conclu avec l'intimée en vue d'acheter à prix très réduit le stock HUGO BOSS dont l'intimée est propriétaire et qu'elle a en sa possession.

[5]      À mon avis, le droit de la demanderesse d'acheter le stock est beaucoup plus qu'un simple droit contractuel, mais plutôt un droit accessoire se rattachant au stock, directement lié à la marque de commerce.

[6]      L'article 16 de l'accord de licence conclu entre les parties prévoit ce qui suit :

     [traduction]
     16. Conséquences de la résiliation de l'accord
16.1      Malgré toute expiration ou résiliation du présent accord, sauf de la manière expressément prévue aux présentes, l'expiration ou la résiliation du présent accord ne libère les parties d"aucune responsabilité ou obligation antérieure à la date d'expiration ou de résiliation.
     Au moment de l'expiration ou de la résiliation régulière du présent accord, l'une ou l'autre partie n'aura, en aucune circonstance, le droit de réclamer une compensation ou une indemnité i) pour ses pertes de clientèle ou d'achalandage, ii) fondée sur l'enrichissement sans cause de l'autre partie ou iii) à l'égard de tout dommage qu'elle subit par suite de l'extinction de ses droits aux termes des présentes, et elle y renonce par la présente. Malgré ce qui précède, une partie qui est visée par une résiliation faite autrement qu'en conformité avec les conditions du présent accord ou une résiliation non fondée en droit a le droit de recouvrer de l'autre partie tous les dommages directs résultant de cette résiliation.
16.2      À la date de résiliation du présent accord, tous les droits du titulaire de licence d'utiliser les marques de commerce ou tous autres droits appartenant à Hugo Boss expireront. Le titulaire de licence cessera aussi de mentionner Hugo Boss, ses marques de commerce et sa relation antérieure avec Hugo Boss en qualité de titulaire de licence de cette dernière.
     De plus, le titulaire de licence doit, au plus tard à la date de résiliation du présent accord, entreprendre les procédures de radiation ou de retrait de tous les enregistrements à titre d'" utilisateur inscrit " à ses propres frais ou - à la demande ou aux frais de Hugo Boss - les transférer, dans la mesure légalement permise, à des tiers désignés par Hugo Boss. Le titulaire de licence accorde par la présente à Hugo Boss une procuration lui permettant de prendre ces mesures au nom et pour le compte du titulaire de licence.
16.3      Malgré les dispositions des paragraphes 16.1 et 16.2 du présent accord, Hugo Boss a le droit de choisir :
     -      d'acheter à 50% du prix de vente net moyen, mais non moins favorable que le prix de vente net offert à tout tiers au cours des six derniers mois, la totalité ou une partie du stock existant de produits faisant l'objet de la licence, ou
     -      de permettre au titulaire de licence de distribuer le reste des produits faisant l'objet d'une licence autre que le stock de modèles qui a été annulé plus de six mois avant la résiliation de l'accord (" stock désuet "); il est prévu que le titulaire de licence peut vendre, au plus, un montant de trois mois déterminé selon le volume de ventes moyen des six mois précédant la résiliation de l'accord (après déduction de ce montant du montant de stock que Hugo Boss a acheté aux termes du choix susmentionné) - dans les six mois suivant la résiliation de l'accord aux conditions antérieures et par l'intermédiaire des réseaux de distribution antérieurement utilisés et convenus mutuellement. Le titulaire de licence rend compte de ces ventes et verse les droits de licence calculés à Hugo Boss au plus tard dans les sept mois suivant la résiliation de l'accord.
"      Si le titulaire de licence résilie le présent accord conformément à ses conditions, Hugo Boss ne peut exercer ledit droit d'achat du stock qu'après que le titulaire de licence a donné le choix de vendre 3 (trois) mois de stock de la manière décrite ci-dessus.
"      Hugo Boss ne prendra aucune mesure volontaire pour nuire à ce droit de vente du titulaire de licence.
"      Tout stock, y compris le stock désuet, restant en possession du titulaire de licence après cette période de six mois (le " stock invendu ") sera vendu, au gré de Hugo Boss, à Hugo Boss ou à un tiers désigné par cette dernière à des conditions mutuellement convenues avec Hugo Boss. Le versement de droits de licence ne s"appliquera pas à ces ventes. Si Hugo Boss n"exerce aucune des options à l'égard du stock invendu et si une entente mutuelle relative à la disposition ne peut être conclue, le stock invendu doit être dégriffé à la satisfaction de Hugo Boss, à défaut de quoi il doit être détruit.
"      Pour permettre à Hugo Boss d'exercer son choix, le titulaire de licence doit sans délai l'informer sur le stock existant de produits faisant l'objet d'une licence et du prix de vente net moyen facturé au cours des six derniers mois, ventilé par modèle et par couleur. Sur réception des renseignements au sujet du stock, Hugo Boss décidera dans les quatre semaines de la manière dont elle exercera son choix, à défaut de quoi elle sera réputée avoir choisi de permettre au titulaire de licence de distribuer cet inventaire conformément au premier paragraphe du présent article.

[7]      L'article 16.3 protège les droits de l'intimée car, lorsque la licence est résiliée, l'intimée ne peut vendre sur le marché le stock HUGO BOSS tel quel, mais elle a plutôt l"obligation de le revendre à la demanderesse, au choix de cette dernière. Les deux parties sont informées de ces conditions à la signature de l'accord.

[8]      Il appartient au juge présidant l"instance de décider si ce contrat commercial entre les parties a été résilié en avril 1999 ou en juin 1999 et si le paragraphe 16.3 de l"accord devrait s'appliquer.

[9]      Je suis convaincu que la Cour a compétence pour entendre la présente requête.

[10]      Pour rendre une décision concernant les mesures de redressement sollicitées par la demanderesse, la Cour doit examiner les trois volets du critère établi par la jurisprudence.

     QUESTION SÉRIEUSE

[11]      La demanderesse a convaincu la Cour qu'il y a une question sérieuse à juger et je ne commenterai pas davantage ce volet.

     PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[12]      La demanderesse a tenté sans succès de prouver qu'elle subira un préjudice irréparable si la Cour ne rend pas une ordonnance provisoire conservatoire. Je suis convaincu que c'est plutôt l'intimée qui risque de subir un préjudice important si la Cour rend l'ordonnance conservatoire. En fait, la valeur estimative du stock de vêtements HUGO BOSS actuellement entre les mains de l'intimée représente 1,3 million de dollars sur le marché et, dans son contre-interrogatoire, M. Kenneth Khoury, directeur des finances de Château Lingerie Mfg. Inc., a dit :

         [Traduction] Toutefois, le fait que nous avons de l'argent investi dans ce stock Hugo Boss, manifestement lorsque vous prenez de l'expansion, vous avez besoin de financement et l'argent qui est bloqué dans ce stock Hugo Boss est important et nuit à la croissance dans ces autres domaines. Il s'agit d'argent bloqué.

[13]      Je ne suis donc pas convaincu que la demanderesse subira un préjudice irréparable.


     PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[14]      L'intimée doit supporter le stock BOSS pendant un certain temps et il s'agit déjà d'un fardeau qui est beaucoup plus lourd pour l'intimée que pour la demanderesse. La prépondérance des inconvénients favorise donc l'intimée.

[15]      La Cour est convaincue aussi que l'intimée a prouvé sa bonne foi et qu'elle n'a aucune intention de mettre ces vêtements sur le marché avec le dessin HUGO BOSS, et qu'elle envisage même de détruire ce stock ou de le vendre après qu'il a été dégriffé.

[16]      Il est clair dans mon esprit que, peu importe les dommages subis par l'une quelconque des deux parties, elles devraient être indemnisées au moyen d'une somme d'argent et qu'une ordonnance conservatoire provisoire n'est pas la bonne solution dans les circonstances car celle-ci ne peut qu"amoindrir la valeur marchande des vêtements.

[17]      Pour ces motifs, la requête est rejetée avec dépens.


MONTRÉAL (QUÉBEC)

LE 11 AOÛT 1999

     Pierre Blais


     Juge

Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 19990811


T-1040-99




ENTRE :

     HUGO BOSS A.G.,

     demanderesse,

     ET

     CHÂTEAU LINGERIE MFG. INC.,

     défenderesse.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     ET ORDONNANCE



COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DE DOSSIER :T-1040-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :HUGO BOSS A.G.,
     demanderesse,
                     ET
                     CHÂTEAU LINGERIE MFG. INC.,
     défenderesse.
LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :9 août 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE RENDUS PAR MONSIEUR LE JUGE BLAIS
EN DATE DU :11 août 1999
ONT COMPARU :
M. Christopher J. Pibus      pour la demanderesse
M. Thierry Delisle      pour l'intimée
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
GOWLING, STRATY & HENDERSON
Toronto (Ontario)      pour la demanderesse
TUTINO, POTECHIN
Montréal (Québec)      pour l'intimée
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