Date : 20210617
Dossier : IMM‑2304‑20
Référence : 2021 CF 630
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 17 juin 2021
En présence de monsieur le juge Bell
ENTRE :
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SUKHJIT KAUR SOMAL
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Au terme de l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, tenue le 16 juin 2021, j’ai expliqué que j’accueillais la demande et que mes motifs suivraient. Voici mes motifs.
[2] Mme Somal, âgée de 31 ans, est une citoyenne de l’Inde. Le 20 juin 2019, au titre de l’article 87.3 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], elle a présenté une demande de permis de travail à l’extérieur du Canada. En remplissant le formulaire IMM‑1295, elle a coché « oui »
à la question 2(b), ainsi formulée : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? »
Mme Somal a indiqué qu’elle s’était vu refuser un visa en 2016 par les États‑Unis (le refus par les États‑Unis). Le 20 juin 2019, sa demande a été rejetée pour des motifs n’ayant rien à voir avec une fausse déclaration. Une deuxième demande, présentée en 2019, a été rejetée parce que Mme Somal avait, par inadvertance, omis de payer les frais de traitement.
[3] Le 19 décembre 2019, Mme Somal a présenté une troisième demande de permis de travail pour entrer au Canada. Une fois de plus, elle a coché « oui »
à la question 2(b) du formulaire IMM‑1295. Cette fois‑ci, elle a précisé, dans la boîte de commentaires, qu’elle s’était vu refuser deux (2) demandes de permis de travail au Canada en 2019. Elle a omis de déclarer le refus par les États‑Unis. Je souligne ici que Mme Somal a sollicité l’aide du même consultant en immigration pour ses trois (3) demandes.
[4] Le 21 janvier 2020, Mme Somal a reçu une lettre d’équité procédurale. L’agent chargé d’examiner sa troisième demande soutenait qu’elle n’avait pas fourni une réponse complète à la question 2(b) du formulaire IMM‑1295. Il était expliqué dans la lettre que, bien qu’elle eût déclaré que ses deux (2) demandes de visa canadien précédentes avaient été refusées, elle n’avait pas déclaré les demandes de visa refusées par d’autres pays ou territoires. L’agent faisait apparemment référence au refus par les États‑Unis, qui avait déjà été déclaré.
[5] Le 20 janvier 2020, le consultant en immigration de Mme Somal a répondu à la lettre d’équité procédurale en affirmant notamment que le défaut de déclarer le refus par les États‑Unis était une erreur d’écriture involontaire. Le consultant a souligné que Mme Somal avait déclaré ce refus dans sa demande présentée le 20 juin 2019. Toutefois, au moment de préparer la deuxième demande, ce renseignement avait été supprimé par inadvertance et l’erreur avait été reproduite dans la troisième demande.
[6] Cette réponse n’a pas convaincu l’agent. Ce dernier a donc déclaré Mme Somal interdite de territoire au Canada, en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, et ce, pour une période de cinq ans, en application de l’alinéa 40(2)a) de la LIPR.
[7] Mme Somal demande, au titre du paragraphe 72(1) de la LIPR, le contrôle judiciaire de la décision rendue le 29 juin 2020 concluant qu’elle a fait une fausse déclaration.
II.
Dispositions applicables
[8] Les dispositions législatives applicables sont les alinéas 40(1)a) et 40(2)a) de la LIPR :
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III.
Norme de contrôle
[9] Les parties conviennent que la Cour devrait effectuer le contrôle de la décision de l’agent selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65). Mme Somal soutient que les motifs ne satisfont pas aux critères de transparence, de justification et d’intelligibilité.
IV.
Analyse
[10] La preuve d’une fausse déclaration doit être convaincante. Dans la décision Seraj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 38, au paragraphe 1, le juge Shore déclare : « Les conclusions quant à l’existence de fausses déclarations ne doivent pas être tirées à la légère. Ces conclusions doivent être appuyées par des éléments de preuve convaincants, selon lesquels un demandeur a fait une fausse déclaration; cette conclusion expose le demandeur à d’importantes conséquences pendant une longue période, en plus de voir sa demande rejetée. »
Plus un élément de preuve qui n’est pas mentionné est important, plus il est probable qu’un tribunal en vienne à la conclusion que le décideur a tiré une conclusion de fait sans tenir compte de la preuve (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, au para 17).
[11] Je conclus que la décision de l’agent quant à la fausse déclaration est déraisonnable pour divers motifs. Il semble que l’agent n’ait pas pleinement pris en considération les documents présentés par Mme Somal. L’agent déclare, de façon générale, avoir [traduction] « examiné la demande, les documents à l’appui et les notes »
. Cependant, il ne fait pas mention de l’explication de Mme Somal concernant l’omission de déclarer le refus par les États‑Unis, ni de la lettre du consultant en immigration. En outre, la déclaration antérieure du refus par les États‑Unis, moins de six (6) mois plus tôt, démontre, à mon avis, qu’il ne s’agissait pas d’une tentative de tromper les autorités canadiennes. Bien que l’agent puisse avoir une opinion différente de la mienne à ce sujet, il aurait dû, à tout le moins, faire mention de la déclaration antérieure et expliquer pourquoi, dans ce contexte, la fausse déclaration n’était pas le fruit d’une simple erreur d’inattention.
[12] En plus de mes observations énoncées au paragraphe 10, je souligne que, dans ses observations déposées le 19 décembre 2019 auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à Delhi, le consultant en immigration a écrit :
[traduction]
« Nous présentons de nouveau une demande de permis de travail ouvert pour Sukhjit Kaur Somal. Son mari, Hartej Singh Sidhu, travaille actuellement au Canada en tant que surveillant d’exploitation agricole (niveau de compétences B) (confirmation d’emploi et talons de paye ci‑joints). Nous avons déjà présenté deux demandes, lesquelles ont été refusées pour les raisons suivantes :La première demande de Mme Somal a été refusée parce que ses documents financiers ne suffisaient pas à appuyer sa demande. Nous avons présenté une nouvelle demande accompagnée de documents financiers suffisants.
Pour cette deuxième demande, en raison d’une erreur humaine, nous avons omis de payer les frais de titulaire d’un permis de travail ouvert d’un montant de 100 $.
Nous présentons maintenant une nouvelle demande accompagnée des mêmes documents et nous paierons les frais de permis de travail et les frais de titulaire d’un permis de travail ouvert. Mme Somal dispose de fonds suffisants pour venir au Canada et subvenir à ses besoins durant les premiers mois. Par la suite, elle travaillera et subviendra à ses besoins avec son mari.
Nous avons commis une erreur et nous vous demandons humblement de traiter rapidement sa demande. Son mari et elle souhaitent pouvoir célébrer Noël et le jour de l’An ensemble. Ils attendent d’être réunis depuis très longtemps.
Veuillez accepter sa demande de permis de travail et, si vous avez besoin de renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à communiquer avec nous. »
[13] Le fait qu’il soit explicitement fait mention de la première demande dans la troisième démontre clairement qu’il n’y a eu aucune tentative de tromper les autorités canadiennes. Si le consultant en immigration avait eu l’intention de faire une fausse déclaration au nom de Mme Somal, il n’aurait certainement pas mentionné la demande dans laquelle le refus des États‑Unis a été déclaré.
V.
Conclusion
[14] J’accueille la demande de contrôle judiciaire de la conclusion relative à la fausse déclaration et je renvoie l’affaire à un autre agent des visas pour réexamen. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé à la Cour de certifier une question aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale et le dossier n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑2304‑20
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour réexamen, le tout sans dépens. Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.
« B. Richard Bell »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier :
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IMM‑2304‑20
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INTITULÉ :
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SUKHJIT KAUR SOMAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (Colombie‑Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 16 juin 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE BELL
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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Le 17 juin 2021
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COMPARUTIONS :
Richard Kurland
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Pour la demanderesse
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Jessica Ko
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kurland, Tobe
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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Pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR
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