Ottawa (Ontario), le 3 mai 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 7 juin 2005 par laquelle sa requête fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, qui lui permettrait de demander, au Canada, le statut de résident permanent, a été rejetée.
I. Contexte
[2] Le demandeur a la citoyenneté allemande et sri-lankaise. Ses deux parents et deux de ses frères vivent au Canada et sont citoyens canadiens. Il a deux autres frères qui vivent à l’étranger.
[3] Les deux parents du demandeurs souffrent de diabète, d’hypertension, de problèmes cardiaques et d’autres affections médicales. Ils ont besoin d’un certain niveau d’assistance. Tous ces éléments de preuve, y compris les renseignements médicaux à jour concernant l’état de santé des parents (lettre du médecin datée du 27 janvier 2005), ont été soumis à l’agent.
[4] Le demandeur a soutenu qu’aucun de ses frères ne pouvait prendre soin des parents à cause des problèmes de santé de leur épouse respective. Cette allégation était étayée par une déclaration solennelle de l’un des frères, attestant la totalité des circonstances qui les empêchaient tous deux de prendre soin de leurs parents. Il n’y avait pas de preuve du contraire.
[5] En rejetant la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, l’agent a tiré deux conclusions clés :
· l’absence de renseignements à jour confirmant les circonstances actuelles de chacune de [traduction] « ces personnes »;
· [traduction] « je ne suis pas convaincu que la présence du sujet soit encore nécessaire ».
II. Analyse
[6] Les parties conviennent que la norme de contrôle à appliquer dans le cas d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire dans son ensemble est celle de la décision raisonnable simpliciter. Il est possible qu’en ce qui concerne certaines conclusions de fait, la norme applicable soit celle de la décision manifestement déraisonnable. La présente affaire ne repose pas sur la norme de contrôle applicable.
[7] La première conclusion, qui a trait aux preuves médicales à jour, semble reposer sur la mention qui est faite de « ces personnes ». En termes simples, est-il question des parents ou de l’état de santé des épouses des frères? Dans le contexte de l’affaire, il semble que les mots « ces personnes » fassent référence aux parents. Dans ce cas, la conclusion est manifestement erronée car il y avait des preuves médicales à jour. Toutefois, une affaire de cette importance ne dépend pas de l’analyse de ces seuls mots.
[8] Même si les mots « ces personnes » désignent les épouses des frères (auquel cas la conclusion est correcte), l’agent conclut ensuite que la présence du demandeur n’est plus « encore nécessaire » pour aider les parents. Cette conclusion témoigne qu’il a fallu que cette présence soit nécessaire à un certain moment.
[9] Au vu des preuves médicales et de la déclaration solennelle du frère, l’agent n’explique pas comment il a pu arriver à cette conclusion. Si les preuves ont été rejetées, il n’y a rien qui explique pourquoi. La conclusion va à l’encontre des preuves et, en tant que conclusion de fait, elle est manifestement déraisonnable.
[10] Le défendeur rappelle avec raison à la Cour que, comme il est dit dans l’arrêt Davoudifar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 431 (QL); 2006 CF 316, l’agent est mieux placé que la Cour pour apprécier les faits. Cependant, cette dernière doit être en mesure de voir de quelle façon l’agent a procédé et comment il est arrivé à une conclusion particulière.
[11] Dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 55, la Cour suprême du Canada résume comme suit le concept de la norme de contrôle dite du « raisonnable » :
La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, au par. 79).
[12] Dans ces circonstances, je ne puis relever aucune méthode d’analyse qui mènerait raisonnablement à la conclusion que l’agent a tirée. Il se peut fort bien qu’elle existe, mais elle n’a pas été suffisamment explicitée.
[13] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accordée, la décision de Citoyenneté et Immigration Canada annulée et l’affaire renvoyée pour réexamen.
[14] Il n’y a pas de question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de Citoyenneté et Immigration Canada est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen.
2. Il n’y a pas de question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3709-05
INTITULÉ DE LA CAUSE : EASPARAN RATHESWARA
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 mai 2006
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : Le juge Phelan
DATE DES MOTIFS : Le 3 mai 2006
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman
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Brad Gotkin
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WALDMAN & ASSOCIATES Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR |