Date : 20011031
Dossier : IMM-4798-01
Référence neutre : 2001 CFPI 1177
Toronto (Ontario), le mercredi 31 octobre 2001
EN PRÉSENCE DE: M. le juge O'Keefe
ENTRE :
ALETHEA BROWN
NADINE MCDONALD
demanderesses
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée par Alethea Brown et Nadine McDonald (les demanderesses) en vue d'obtenir une ordonnance sursoyant à leur renvoi en Jamaïque. Le renvoi est prévu pour le 1er novembre 2001.
[2] Selon l'affidavit de l'agente chargée du renvoi, voici une chronologie des événements concernant les demanderesses :
a) La demanderesse principale, Alethea Brown, est arrivée au Canada le 27 juin 1995 à titre de visiteur et son statut devait expirer le 27 décembre 1995.
b) La demanderesse principale n'a pas demandé une prolongation de son visa de visiteur et elle est demeurée au Canada depuis qu'elle est entrée pour la première fois.
c) La demanderesse principale semble avoir travaillé à Toronto sans autorisation du 8 septembre 1995 jusqu'en mars 1996 approximativement.
d) La demanderesse principale a été arrêtée et détenue le 17 juin 1997, par suite d'une enquête. Elle a été libérée le 28 juin 1997, contre paiement d'un cautionnement comptant de 2 000 $ et un bon de garantie d'exécution de 2 000 $ assorti de conditions, notamment la condition de se présenter une fois par semaine au Centre d'immigration.
e) La demanderesse Nadine McDonald, qui est la fille de la demanderesse principale, semble être entrée au Canada en provenance des États-Unis aux environs de janvier 1997, sans avoir attiré l'attention des autorités au point d'entrée de Niagara Falls. Elle était en auto et une autre personne dans la voiture l'a désignée sous une fausse identité.
f) La demanderesse principale a présenté une revendication du statut de réfugié le ou vers le 25 septembre 1997, revendication qui a été refusée le 24 avril 1998. Elle n'a jamais contesté cette décision.
g) La demanderesse principale a présenté une demande de DNRSRC le ou vers le 10 mai 1998, demande qui a été refusée le 28 janvier 1999. Elle n'a jamais contesté cette décision.
h) La demanderesse principale a présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire le ou vers le 15 mars 1999, à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants.
i) Le ou vers le 21 avril 1999, un superviseur du CELGT a décidé de ne pas prendre de mesure de renvoi contre la demanderesse principale afin qu'une décision puisse être prise concernant sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et parce que sa fille Nadine a elle aussi présenté une revendication du statut de réfugié qui n'avait pas encore fait l'objet d'une décision.
j) La demanderesse principale a ensuite apparemment épousé Leicester Francis le ou vers le 24 juillet 1999 et elle a eu dans les liens de ce mariage une enfant du nom de Sydaejha Francis, née le 14 décembre 1999.
k) La demanderesse principale a été convoquée deux fois en entrevue par un agent d'immigration, la première fois le 2 février 2000, pour examiner les questions générales concernant sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, entrevue à laquelle ses deux filles et son conjoint étaient présents, et une deuxième fois le 29 février 2000, en présence de son époux, pour déterminer l'authenticité du mariage.
l) La demanderesse principale ne s'est pas présentée comme elle devait le faire en vertu des conditions de sa garantie d'exécution le 4 avril et le 5 mai 2000. Elle n'a pas été arrêtée par suite de ses défaillances. Il semble qu'on lui ait donné une autre chance quand elle s'est présentée le mois suivant en expliquant pourquoi elle ne s'était pas présentée les deux fois précédentes.
m) La demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire a été refusée le 16 juin 2000.
n) La demanderesse principale a contesté la décision négative concernant sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire en signifiant et déposant une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire le 18 juillet 2000. La demande a été refusée le 8 février 2001.
o) Le 2 mai 2001, j'ai envoyé une lettre de rendez-vous à la demanderesse principale pour qu'elle se présente à une entrevue en vue de son renvoi le 10 mai 2001. Les demanderesses se sont présentées à l'entrevue mais Nadine, dont le passeport avait expiré, n'avait pas les documents pertinents pour obtenir un titre de transport vers la Jamaïque. La demanderesse principale ne m'a jamais dit ce qu'elle entendait faire de son enfant née au Canada et de sa nièce canadienne. Je lui ai dit qu'elle devrait prendre une décision à ce sujet et me la faire connaître pour que je puisse prendre les arrangements pour elles. J'ai ensuite ajourné l'entrevue jusqu'au 17 mai 2001.
p) À cette date, j'ai expliqué à la demanderesse principale que j'allais prendre des mesures pour son renvoi et celui de Nadine et qu'elles seraient avisées quatre semaines avant l'exécution des mesures de renvoi. Elle ne m'a pas dit de prendre des arrangements de voyage pour les deux enfants nés au Canada. La demanderesse principale a demandé que je donne à sa fille Nadine la chance de terminer son année scolaire. J'ai accepté et je lui ai dit que je fixerais le renvoi après la fin de l'année scolaire.
q) La demanderesse principale a présenté une deuxième demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire le ou vers le 24 août 2001 et cette demande a été transmise au CIC de Scarborough le ou vers le 17 septembre 2001.
r) La demanderesse principale a vécu de l'aide sociale de février 1998 à janvier 2001. Ensuite, en juin et juillet 2001, et de nouveau de septembre 2001 jusqu'à maintenant.
[3] La demanderesse Nadine McDonald est actuellement en onzième année à l'école et la demanderesse Jheanelle Allen, la nièce d'Alethea Brown, est en sixième année. La demanderesse Alethea Brown a obtenu la garde de sa nièce, Jheanelle Allen, le 22 mars 1999, après le décès de sa soeur.
[4] Jheanelle Allen et l'autre enfant de la demanderesse Alethea Brown, Sydaejha Francis, qui a presque deux ans, sont nées au Canada.
[5] Nadine McDonald est née en Jamaïque.
Question en litige
[6] Devrait-on surseoir à la mesure de renvoi?
Analyse et décision
[7] Il est maintenant accepté qu'un agent d'exécution de la loi dispose de certains pouvoirs discrétionnaires et peut, dans certaines situations, surseoir au renvoi des demandeurs (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. N ° 295 (C.F.P.I.)).
[8] Pour obtenir un sursis, les demandeurs doivent satisfaire aux conditions énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396, [1975] 1 All E.R. 504 (H.L.) [Le renvoi 3 est annexé au jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :
« Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance. »
Les demanderesses doivent satisfaire aux trois volets de ce critère.
[9] Une question sérieuse à instruire
Quand elle a pris sa décision de ne pas différer le renvoi des demanderesses, l'agente chargée du renvoi a fait référence à la prise en compte des intérêts des enfants nées au Canada par l'agent qui a refusé la première demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. À cette époque, il semble que la nièce de la demanderesse Alethea Brown vivait aux États-Unis avec la soeur de celle-ci. La nièce vit maintenant avec la demanderesse Alethea Brown. Étant donné que les circonstances concernant le lieu de résidence de la nièce de la demanderesse a changé, je suis d'avis qu'il y a une question sérieuse à instruire. Cette question sérieuse consiste à déterminer si l'on a examiné de façon approprié les intérêts des enfants nées au Canada.
[10] Le préjudice irréparable
En l'espèce, nous avons une mère demanderesse, sa fille de 18 ans, sa nièce de 12 ans dont elle a la garde et sa fillette de deux ans qui vivent toutes ensemble au Canada. Les deux enfants les plus âgées sont au beau milieu de l'année scolaire. Si les membres de la famille n'accompagnent pas la mère demanderesse en Jamaïque, il semble qu'elles seraient probablement confiées à des foyers d'accueil. À mon avis, les faits de l'espèce indiquent qu'un préjudice irréparable serait causé aux demanderesses et aux enfants nées au Canada si les demanderesses étaient renvoyées du Canada à l'heure actuelle.
[11] Prépondérance des inconvénients
Les demanderesses ont demandé qu'il y ait sursis à la mesure de renvoi jusqu'à ce que le défendeur ait pris une décision concernant la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Même si le ministre a l'obligation d'exécuter les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) ch. I-2, je suis d'avis qu'il peut le faire en l'espèce si une décision négative est rendue concernant la demande en suspens. La prépondérance des inconvénients favorise les demanderesses.
[12] La Cour ordonne par les présentes qu'il y ait sursis à l'exécution de la mesure de renvoi rendue contre les demanderesses jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire déposée le 23 août 2001.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. qu'il y ait sursis à l'exécution de la mesure de renvoi rendue contre les demanderesses jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire déposée le 23 août 2001.
« John A. O'Keefe »
Juge
Toronto (Ontario)
le 31 octobre 2001
Traduction certifiée conforme :
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4798-01
INTITULÉ : ALETHEA BROWN
NADINE MCDONALD
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 29 OCTOBRE 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE
DATE : LE MERCREDI 31 OCTOBRE 2001
COMPARUTIONS : Marjorie Hiley
POUR LES DEMANDERESSES
Diane Dagenais
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Marjorie Hiley
Avocate
Service d'aide juridique de Flemingdon
49 The Donway West
Bureau 205
Toronto (Ontario)
M3C 3M9
POUR LES DEMANDERESSES
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DÉFENDEUR
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20011031
Dossier : IMM-4798-01
ENTRE :
ALETHEA BROWN
NADINE MCDONALD
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
Date : 20011101
Dossier : IMM-4798-01
ENTRE :
ALETHEA BROWN
NADINE MCDONALD
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
CERTIFICAT D'ORDONNANCE
JE CERTIFIE PAR LES PRÉSENTES que la Cour (le juge O'Keefe) a ordonné ce qui suit le 31 octobre 2001 à la fin des motifs de l'ordonnance et ordonnance :
« 1. qu'il y ait sursis à l'exécution de la mesure de renvoi rendue contre les demanderesses jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire déposée le 23 août 2001. »
Greffier
CERTIFIÉ À TORONTO (Ontario) le 1er novembre 2001.