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Date : 20210610


Dossier : T-2166-18

Référence : 2021 CF 589

[TRADUCTION FRANÇAISE]

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

SHANNON VARLEY ET SANDRA LUKOWICH

demanderesses

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

I. Survol

[1] Les présents motifs font suite à l’ordonnance rendue de vive voix par la Cour le 7 juin 2021, confirmant qu’une ordonnance formelle, datée du 7 juin 2021 et prenant effet à cette date, sera rendue pour autoriser la présente instance comme recours collectif. L’ordonnance officielle est en cours de traduction, et elle fera l’objet de quelques modifications mineures quant aux dates et d’autres éléments de forme.

II. Le contexte

[2] Les demanderesses ont déposé une requête sur consentement en vue de faire autoriser l’instance comme recours collectif aux termes de l’article 334.16 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Cette disposition est impérative et dispose que le juge « autorise » une instance comme recours collectif si certaines conditions sont réunies.

[3] Fait important, le recours collectif envisagé vise à inclure les Autochtones qui n’étaient pas visés par le recours collectif et le règlement concernant la rafle des années 1960 (voir Riddle c Canada, 2018 CF 641/Brown v Canada, 2018 ONSC 3429 [Brown] [la rafle des années 1960]).

III. Le consentement

[4] Le consentement du défendeur, le Canada, est important pour la Cour. Comme l’a dit le juge Barnes dans la décision Buote Estate c Canada, 2014 CF 773, un tel consentement rend moins nécessaire une approche rigoureuse, et des commentaires similaires figurent aussi dans des affaires d’autorisation et de règlement sur consentement. Il ne dispense toutefois pas la Cour de l’obligation de veiller au respect des exigences prescrites par les Règles.

[5] Compte tenu des jugements rendus dans les affaires relatives à la rafle des années 1960, on peut difficilement imaginer que le Canada adoptera sans raison valable une approche fortement antagoniste dans la présente affaire.

IV. L’existence d’une cause d’action valable

[6] En ce qui concerne cet élément de l’analyse aux fins de l’autorisation, le critère est peu exigeant. La question que la Cour doit se poser, dans les termes les plus simples, est celle de savoir s’il est manifeste et évident que le recours est voué à l’échec (Wenham c Canada, 2018 CAF 199 [Wenham]). Même sans le consentement du Canada, cette exigence est remplie. Outre son obligation de diligence, il est reconnu que le Canada —la Couronne fédérale — a une obligation de fiduciaire qui découle de ses rapports de fiduciaire.

[7] La déclaration comporte tous les éléments nécessaires et suffisants aux fins de la présente requête.

V. L’existence d’un groupe identifiable

[8] La définition du groupe proposé était semblable à celle dans l’affaire Brown, mais plus large et objectivement circonscrite.

[9] Bien que le groupe vise les Indiens non inscrits [INI] et les Métis, et qu’il ait été mentionné dans la requête en conduite de l’instance, il est plus exact de définir les groupes par rapport à l’expression « tous les peuples autochtones ». Afin d’éviter tout doute quant à la définition et aux membres du groupe, l’expression « tous les peuples autochtones » renverra à l’expression telle qu’utilisée dans l’arrêt Daniels c Canada, 2016 CSC 12.

VI. L’existence de points communs de droit ou de fait communs

[10] S’agissant des faits communs, il faudra démontrer que le Canada n’a pas pris de mesures pour empêcher qu’un membre du groupe soit arraché à sa famille : un fait fondamental commun à tous les membres du groupe.

[11] Voici les questions communes :

  • a) Le Canada avait-il une obligation de fiduciaire de prendre des mesures raisonnables pour éviter que tous les Autochtones, à l’exception des Indiens (tels que définis dans la Loi sur les Indiens) et des Inuits, qui ont été confiés à des parents adoptifs ou à des familles d’accueil non autochtones, ne perdent leur identité autochtone?

  • b) Si la réponse à la question a) est affirmative, le Canada a-t-il manqué à cette obligation?

  • c) Le Canada avait-il une obligation de diligence prévue par la commonlawde prendre des mesures raisonnables afin d’éviter que tous les Autochtones, à l’exception des Indiens (tels que définis dans la Loi sur les Indiens) et des Inuits, qui ont été confiés à des parents adoptifs ou à des familles d’accueil non autochtones, ne perdent leur identité autochtone?

  • d) Si la réponse à la question c) est affirmative, le Canada a-t-il manqué à cette obligation?

  • e) Si la réponse à la question b) ou d) est affirmative, la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale de tout oupartie des dommages subis par les membres du groupe lors de l’étape de l’instruction consacrée aux points communs?

  • f) Si la réponse à la question b) ou d) est affirmative, l’octroi de dommages-intérêts punitifs est-il justifié?

  • g) Si la réponse à la question f) est affirmative, quel est le montant des dommages-intérêts punitifs à accorder?

[12] Ces questions sont des éléments communs soulevés dans les réclamations des membres du groupe. Il s’agit de questions de nature semblable à celles qui ont été certifiées dans les décisions Cloud v Canada (Attorney general), [2004] OJ No 4924 (C.A.), Brown v Canada (Attorney general), 2010 ONSC 3095, et Anderson v Canada (Attorney general), 2016 NLTD (G) 167.

[13] La Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes au sujet de la nature commune des questions dans l’arrêt Wenham :

  • Il faut aborder le sujet de la communauté en fonction de l’objet;
  • Il n’est pas essentiel que les membres du groupe soient dans une situation identique par rapport à la partie adverse;
  • Il n’est pas nécessaire que les questions communes prédominent sur les questions non communes;
  • Les demandes doivent partager un élément commun important.

Au vu de l’acte de procédure, les exigences relatives à la question commune sont remplies.

VII. La meilleure procédure

[14] La présente affaire satisfait à l’exigence du meilleur moyen prescrit par la Cour suprême dans l’arrêt Hollick c Toronto (Ville), 2001 CSC 68 aux para 28-30.

[15] Il a été démontré dans la décision sur la rafle des années 1960, qu’un recours collectif peut être un moyen juste, efficace et pratique. Ce recours a également été jugé préférable à tout autre moyen raisonnablement offert.

[16] Cela est particulièrement vrai dans le cas d’un recours collectif devant un tribunal fédéral, où un seul tribunal a la compétence à l’échelle nationale de statuer sur une question nationale. Tout point individuel pourra faire l’objet d’une ordonnance dans le contexte du recours collectif, comme cela a été fait jusqu’à présent dans des affaires connexes.

VIII. Les représentantes demanderesses – représentation adéquate

[17] En l’espèce, les représentantes demanderesses proposées représentent aussi les Métis et les INI. Bien qu’un représentant demandeur ne doive pas nécessairement être un modèle type du groupe, en l’espèce, le fait d’avoir des représentantes des deux groupes autochtones est de bon augure en ce qui concerne une représentation véritable de ces deux groupes.

IX. Le chevauchement des recours

[18] Des demandes se chevauchant ont été déposées devant des cours supérieures provinciales. À ce jour, aucune de ces demandes n’a été autorisée, bien que certaines remontent à plusieurs années, et qu’aucune démarche n’ait été entreprise par le cabinet d’avocats du groupe proposé dans ces affaires (Merchant Law Group).

[19] Compte tenu de la nature de la demande en l’espèce, une présomption en faveur d’un recours collectif national s’applique. Aucun points n’est unique ou propre à une province ou à plusieurs provinces.

[20] Les enseignements tirés des affaires de la rafle des années 1960 et de la décision relative aux externats indiens (McLean c Canada, 2019 CF 1076) confirment qu’un recours collectif fédéral est particulièrement approprié.

[21] La Cour a tenu compte du Protocole judiciaire visant les actions collectives de l’ABC et a conclu que la présente affaire peut faire l’objet d’un recours collectif devant une cour fédérale.

X. Conclusion

[22] La présente action est autorisée comme recours collectif. Par conséquent, une ordonnance sera rendue en ce sens. Une ordonnance formelle plus complète, avec des avis, est en cours de rédaction définitive et de traduction, et sera rendue prochainement.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 10 juin 2021

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2166-18

 

INTITULÉ :

SHANNON VARLEY ET SANDRA LUKOWICH c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 JUIN 2021

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Celeste Poltak

Jamie Shilton

Linda Rothstein

Andrew Lokan

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Catharine Moore

Travis Henderson

Heather Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Koskie Minsky LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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