Date : 20020408
Dossier : IMM-5847-01
Référence neutre : 2002 CFPI 388
ENTRE :
LOVELL WILLIAMS
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DATÉS DU 25 MARS 2002
[1] Il s'agit d'une requête déposée par le demandeur en vue d'obtenir une ordonnance sursoyant de façon provisoire à son renvoi à la Grenade jusqu'à ce que la Cour puisse entendre et statuer sur la présente demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.
[2] Le demandeur est un citoyen de la Grenade, qui a obtenu le droit d'établissement au Canada vers 1986. Sa mère et son frère sont citoyens canadiens. Son autre frère est résident permanent au Canada.
[3] Le demandeur n'est pas retourné à la Grenade depuis 1986 et n'a aucuns liens dans ce pays.
[4] Entre 1996 et 2001, le demandeur a été déclaré coupable ou a plaidé coupable relativement à un nombre considérable d'infractions criminelles. Sa dernière déclaration de culpabilité en octobre 2001 se rapporte à une infraction de possession de stupéfiants.
[5] Le demandeur s'est marié le 30 mai 2001.
[6] On a ordonné que le demandeur soit expulsé du Canada le 18 janvier 2000. Le demandeur a interjeté appel de cette ordonnance devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
[7] La Section d'appel a envoyé au demandeur un avis l'informant qu'il devait comparaître le 14 avril 2000 pour que soit fixée une date d'audience, mais on a jugé que le demandeur s'était désisté de son appel parce qu'il n'a pas comparu. Le demandeur déclare dans son affidavit qu'il n'a pas reçu l'avis de comparution. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a informé Karina Stepanov du ministère de la Justice que sa pratique habituelle était d'envoyer par la poste au demandeur un avis de comparution et que si cet avis ne lui était pas retourné sans avoir été livré, elle présumait qu'il avait été reçu. L'avis de comparution ne lui a pas été retourné en l'espèce. Mme Stepanov a témoigné sur ce fait dans son affidavit.
[8] Le demandeur a sollicité la reprise de l'audition de son appel, mais sa demande a été rejetée le 7 décembre 2001. Le 20 décembre 2001, le demandeur a déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'égard de cette décision défavorable et sa demande est toujours en instance.
[9] Depuis mai 2001, le demandeur et son épouse, Karen Marks, qui est citoyenne canadienne, ont une fille.
[10] Le 13 mars 2002, le demandeur a été avisé qu'il devait quitter le Canada le 26 mars 2002 à 8 h 20.
La question litigieuse
[11] La Cour doit-elle rendre une ordonnance sursoyant au renvoi du demandeur du Canada?
Analyse et décision
[12] Il est maintenant reconnu que l'agent de renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certains cas, surseoir au renvoi du demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).
[13] Pour obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396 [note en bas de page 3]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée:
[TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.
Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère.
[14] La question sérieuse
Je suis convaincu que le demandeur a soulevé une question sérieuse. Cette question est de savoir si la Section d'appel a exercé convenablement le large pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 32(3) des Règles de la section d'appel de l'immigration lorsqu'elle a examiné la demande du demandeur pour obtenir la réouverture de l'appel dont désistement. Il y a eu désistement d'appel parce que le demandeur n'a pas comparu à l'audience au motif, a-t-il dit, qu'il n'aurait pas reçu d'avis de celle-ci.
[15] Le préjudice irréparable
Le demandeur est arrivé au Canada vers 1986 alors qu'il était âgé de 8 ou 9 ans, et il vit au Canada depuis ce temps. Il ne connaît personne à la Grenade. Le demandeur et son épouse ont une fille née au Canada le 13 mai 2001. À mon avis, compte tenu des faits de l'espèce, le demandeur subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé à la Grenade avant qu'il soit statué sur sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.
[16] La prépondérance des inconvénients
Bien qu'il ait le devoir d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le ministre peut s'acquitter de cette tâche après que la Cour a statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur si ce dernier n'a pas gain de cause. La prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur.
[17] La Cour accueille la requête visant l'obtention d'une ordonnance de sursis provisoire au renvoi du demandeur à la Grenade jusqu'à ce que la Cour puisse entendre et statuer sur la présente demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.
« John A. O'Keefe »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 8 avril 2002
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5847-01
INTITULÉ : Lovell Williams c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 25 mars 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE
DATE DES MOTIFS : Le 8 avril 2002
COMPARUTIONS:
M. Michael Korman POUR LE DEMANDEUR
M. Jeremiah A. Eastman POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Otis & Korman POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada