Ottawa (Ontario), le 3 février 2006
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
ARTEM DJUKIC faisant affaires sous le nom de
SOKO IMMIGRATION CONSULTING SERVICE
et
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
INTRODUCTION
[1] Sa Majesté la Reine (la défenderesse) a déposé un avis de requête conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), visant à obtenir une ordonnance afin que la déclaration soit radiée, que l'action entamée par Artem Djukic, faisant affaires sous le nom de Soko Immigration Consulting Service (le demandeur), soit rejetée et que les dépens de la requête lui soient accordés. L'avis de requête a été déposé sous le régime de l'article 369 des Règles afin que la requête soit jugée sur la base des documents écrits déposés, sans que comparaissent les avocats des parties.
CONTEXTE
[2] La requête de la défenderesse est fondée sur l'omission du demandeur de produire son affidavit de documents, comme l'exigeaient les directives données par la Cour le 13 octobre 2004 et le 20 juillet 2005. La directive du 13 octobre 2004 ordonnait au demandeur de produire son affidavit de documents au plus tard le 18 avril 2005. L'échéance a été reportée au 30 novembre 2005, en vertu de la directive donnée le 20 juillet 2005.
[3] Il semble que le demandeur ne se soit pas conformé à la directive du 20 juillet 2005. Selon le dossier de requête déposé par le demandeur en réponse à la présente requête de la défenderesse, le demandeur a changé d'avocat le ou vers le 21 novembre 2005. Le demandeur a déposé l'affidavit de Mark A. Klaiman, un membre du cabinet d'avocats Klaiman Edmonds. M. Klaiman y affirme que le cabinet Klaiman Edmonds représente maintenant le demandeur.
[4] M. Klaiman y affirme aussi qu'il a trouvé, alors qu'il examinait [traduction] « plusieurs documents » , une copie de la directive de la Cour exigeant que le demandeur produise son affidavit de documents au plus tard le 30 novembre 2005. Jointe à cet affidavit se trouve une copie d'une lettre datée du 21 novembre 2005, écrite par M. Klaiman, envoyée à Mme Marianne Zoric, avocate au ministère de la Justice Canada et avocate de la défenderesse. M. Klaiman affirme dans cette lettre qu'il ne sera pas en mesure de produire l'affidavit de documents avant le 30 novembre 2005 et demande que l'avocate de la défenderesse consente à proroger le délai jusqu'au 31 mars 2006. M. Klaiman prétend que des [traduction] « circonstances personnelles » se rapportant à l'ancien avocat du demandeur ont contribué à retarder la production de l'affidavit de documents.
[5] M. Klaiman mentionne également un avis de changement d'avocat qu'il a envoyé à l'avocate de la défenderesse, conformément aux Règles.
[6] Dans sa réponse au dossier de réponse du demandeur, la défenderesse s'oppose à ce que le demandeur s'appuie sur un affidavit déposé par son avocat et, à cet égard, invoque l'article 82 des Règles. L'article 82 est rédigé comme suit :
82. Sauf avec l'autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l'auteur d'un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit. |
82. Except with leave of the Court, a solicitor shall not both depose to an affidavit and present argument to the Court based on that affidavit. |
[7] La défenderesse souligne également que M. Klaiman avait déjà représenté le demandeur dans le cadre d'une procédure devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario, en 1999, ainsi que devant la Cour d'appel de l'Ontario, où l'action avait été radiée pour défaut de compétence. La défenderesse soutient qu'il est improbable, voire déraisonnable, que le demandeur prétende que son ancien avocat ait été incapable de se conformer à l'exigence de produire l'affidavit de documents dans le délai spécifié par la directive du 20 juillet 2005.
[8] En outre, la défenderesse avance que le demandeur a d'abord déposé sa déclaration à la Cour en 2000, que cette déclaration a été radiée et que la déclaration relative à la présente action a été déposée en 2001. La défenderesse soutient que le demandeur a eu suffisamment de temps pour achever son affidavit de documents.
ANALYSE ET DISPOSITIF
[9] La preuve au dossier montre que le demandeur a tardé à se conformer aux exigences des Règles, c'est-à-dire à achever son affidavit de documents et à faire avancer la cause en vue de l'instruction. Cet état de fait ressort clairement du dossier de gestion de l'instance qui a été déposé le 7 septembre 2004 à la suite d'une conférence téléphonique avec les avocats des parties qui a eu lieu le même jour. Ce dossier de gestion de l'instance comporte ce qui suit :
[traduction]
Une conférence téléphonique a eu lieu le mardi 7 septembre 2004 avec les avocats des deux parties afin de discuter de l'état de la présente action et des progrès accomplis depuis le 19 janvier 2004. Dans une lettre datée du 19 janvier 2004, les avocats ont indiqué que certaines démarches préalables à l'instruction seraient entreprises, y compris l'échange d'affidavits de documents.
L'avocate de la défenderesse a indiqué qu'elle n'était pas pleinement satisfaite de l'affidavit de documents produit à ce jour par le demandeur. Les parties ont convenu de tenter de régler la question de l'affidavit de documents et l'avocate de la défenderesse s'occupera d'examiner les documents du demandeur avant le 23 septembre 2004.
Les avocats ont convenu qu'ils tenteraient de régler la question du caractère suffisant de l'affidavit de documents du demandeur. En conséquence, j'enjoins à la défenderesse de nous informer par écrit, avant le 7 octobre 2004, si l'affidavit de documents du demandeur est satisfaisant.
La date limite pour terminer les interrogatoires préalables a été changée et est maintenant fixée à la fin de janvier 2005.
[10] Il est inacceptable qu'environ seize mois plus tard l'affidavit de documents n'ait toujours pas été produit. Toutefois, je ne suis pas convaincue que la réparation extrême consistant à radier la déclaration et à rejeter la présente action constitue, à l'heure actuelle, la réparation appropriée.
[11] Je suis d'accord avec la défenderesse pour affirmer que les documents déposés en réponse par le demandeur ne l'ont pas été en bonne et due forme. L'avocat du demandeur n'aurait pas dû déposer son affidavit en l'intégrant au dossier de réponse du demandeur. Rien n'a été avancé pour expliquer le fait que le demandeur n'ait pas fourni d'affidavit de réponse. Le demandeur est sûrement en mesure d'expliquer, en son nom, le retard dans la production de l'affidavit de documents exigé.
[12] Je ne suis pas prête à accueillir la requête de la défenderesse. À la place, j'établis le calendrier suivant, de façon péremptoire :
i) l'affidavit de documents du demandeur doit être produit et signifié à la défenderesse au plus tard le 31 mars 2006;
ii) un affidavit de signification à cet effet doit être déposé à la Cour au plus tard le 6 avril 2006;
iii) les interrogatoires préalables doivent être terminés au plus tard le 30 juin 2006.
[13] En ce qui concerne la condition iii) ci-dessus, je prends en compte que la directive du 20 juillet 2005 prévoyait un délai de trois mois entre la production de l'affidavit de documents du demandeur et la clôture des interrogatoires préalables.
[14] D'après l'examen que je fais du dossier, le demandeur a obtenu un temps considérable pour se préparer à l'instruction de la présente action. Il avait déjà reçu en 2003 un avis d'examen de l'état de l'instance, conformément aux Règles.
[15] La défenderesse sollicite les dépens de la présente requête. Même si cette dernière n'a pas été accueillie, je tiens compte du fait que les documents de réponse du demandeur ne respectaient pas les Règles. Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère l'article 400, j'accorde à la défenderesse des dépens d'un montant de 500 $, payables d'ici quatorze (14) jours, quelle que soit l'issue de la cause.
ORDONNANCE
La requête est rejetée avec dépens d'un montant de 500 $ en faveur de la défenderesse, payables d'ici quatorze jours, quelle que soit l'issue de la cause.
Le calendrier suivant est établi, de façon péremptoire :
i) l'affidavit de documents du demandeur doit être produit et signifié à la défenderesse au plus tard le 31 mars 2006;
ii) un affidavit de signification à cet effet doit être déposé à la Cour au plus tard le 6 avril 2006;
iii) les interrogatoires préalables doivent être terminés au plus tard le 30 juin 2006.
Traduction certifiée conforme
Elisabeth Ross
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-45-01
INTITULÉ : ARTEM DJUKIC faisant affaires sous le nom de SOKO IMMIGRATION CONSULTING SERVICES
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 369 DES RÈGLES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 3 FÉVRIER 2006
PRÉTENTIONS :
Mark A. Klaiman POUR LE DEMANDEUR
Marianne Zoric POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Klaiman Edmonds
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r. POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada