IMM-789-96
ENTRE
KANT SARMA LAL,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
Je requiers que la version révisée, avec notes de bas de page, des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le mercredi 10 septembre 1997, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.
OTTAWA (Ontario),
le 17 septembre 1997
B. Reed
Juge
Traduction certifiée conforme : |
C. Delon, LL.L. |
IMM-789-96
ENTRE
KANT SARMA LAL,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(version révisée des motifs prononcés oralement
à l'audience le 10 septembre 1997)
LE JUGE REED
Je ne doute aucunement que la décision doit être infirmée pour le motif qu'elle est abusive ou fondée sur des conclusions de fait tirées sans qu'il ait été tenu compte des éléments dont disposait le décideur. Le requérant a été déclaré coupable de deux chefs d'agression armée et d'un chef de voies de faits simples. Dans tous les cas, la victime était la femme du requérant. Les infractions ont été commises au cours d'une période de trois semaines. La peine infligée en dit long. Le juge a imposé deux mois de prison pour chaque infraction, les peines devant être purgées en même temps, pendant la fin de semaine. Si je me souviens bien, les propres lignes directrices du Ministère prévoient que les personnes qui font des recommandations, lorsque quelqu'un constitue un danger pour le public, doivent tenir compte tant de la peine imposée par le juge que des remarques que ce dernier a faites en prononçant la sentence. Il me semble qu'on a accordé peu d'importance ou peu d'attention à la peine peu sévère qui a été infligée dans ce cas-ci.
Deuxièmement, le dossier ne renferme presque aucun élément de preuve qui tend à montrer que ce monsieur constitue, à l'heure actuelle ou dans l'avenir, un danger pour le public. Le seul élément de preuve se rapporte au fait que la femme du requérant a raconté que son mari était derrière elle avec une expression vilaine sur le visage lorsqu'elle entrait dans l'église qu'ils fréquentaient tous les deux. La femme ne savait pas où son mari était allé, ou elle ne l'avait pas vu par la suite. La personne qui a recommandé au ministre d'émettre un avis selon lequel le requérant constitue un danger pour le public s'est fondée sur cet élément de preuve. Je répète que cela doit être abusif1.
De plus, il y a eu manquement aux principes de justice naturelle lorsqu'on a fait savoir au requérant qu'il serait tenu compte du rapport présentenciel, puis qu'on n'a versé que la première page de ce rapport dans le dossier. Je crois que le requérant a le droit de prendre au pied de la lettre la déclaration qui lui a été faite dans la lettre où on le notifiait qu'il serait tenu compte du rapport. Je ne crois pas que le requérant soit tenu de s'assurer que le dossier du ministre renferme en fait ce qu'on lui avait dit qu'il renfermerait. De plus, comme je l'ai dit lorsque Me Taylor a présenté sa plaidoirie, il est à mon avis incroyable que ce dossier comprenne une déclaration écrite que la femme a faite au moment où le requérant a été accusé des infractions2 et dans laquelle figure un énoncé de faits se rapportant à des accusations dont le requérant n'a jamais été déclaré coupable, mais qu'il ne comprenne pas le rapport présentenciel. Cela est étrange.
Pour les motifs susmentionnés, il est fait droit à la demande.
Traduction certifiée conforme : |
C. Delon, LL.L. |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-789-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : KANT SARMA LAL c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L'AUDIENCE: LE 10 SEPTEMBRE 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Reed en date du 17 septembre 1997 |
ONT COMPARU :
CHARLES E.D. GROOS POUR LE REQUÉRANT
LEIGH TAYLOR POUR L'INTIMÉ
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
CHARLES GROOS POUR LE REQUÉRANT
VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
M. George Thomson POUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada
__________________11. Voici ce que l'agent de réexamen a écrit :
[TRADUCTION] [...] ce qui est fort troublant dans ce cas-ci, c'est le fait que le sujet minimise clairement la portée de ses actes et que, bien qu'il ait été déclaré coupable d'infractions violentes et qu'indépendamment du cours sur le rôle parental qu'il a suivi afin d'avoir accès à son fils (la Cour lui a accordé l'accès supervisé de son fils), il n'a pas assisté et n'a pas montré qu'il était prêt à assister à des séances de counselling sur les mauvais traitements et la violence conjugale. Dans la déclaration de la victime, on décrit clairement une personne fort agressive, ce qui est apparemment étayé par le fait que la Cour a conclu à sa culpabilité. Le témoignage de la femme, selon lequel elle était continuellement harcelée, et le rapport subséquent qui a été présenté au substitut du procureur général semblent étayer le fait que le requérant continue à être un danger. Je souscris à la décision de CIC selon laquelle le sujet présente un risque élevé de récidive similaire et je souscris à la demande qui a été faite pour que le ministre exprime l'avis selon lequel cette personne constitue un danger pour le public conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration. [Non souligné dans l'original]
La déclaration que l'agent de réexamen appelle une déclaration de la victime est la déclaration que la femme a faite à la police en tant que témoin au moment où les accusations ont été portées. L'agent de réexamen a désigné cette déclaration d'une façon erronée. Dans une déclaration solennelle qui a été versée au dossier dont disposait l'agent examinateur, le requérant dit ceci :
[TRADUCTION]
Je me rends compte que si j'ai eu des problèmes avec ma femme par le passé, c'était en bonne partie de ma faute et j'ai reconnu ma responsabilité à l'égard de ces problèmes. J'essaie de faire de mon mieux pour m'adapter à la société canadienne. Je jure sous serment que je n'aurai plus de problèmes d'ordre criminel. J'ai été déclaré coupable d'agression armée sur la personne de ma femme, mais je nie encore cette allégation, sans que cela justifie de quelque façon que ce soit le fait que je l'ai agressée. Je viens d'une culture différente dans laquelle la relation entre un homme et sa femme est différente de celle qui existe ici. Depuis que je suis au Canada et depuis l'incident mettant ma femme en cause, je suis arrivé à comprendre clairement que la violence ne règle jamais les problèmes que les gens peuvent avoir entre eux. J'ai longuement parlé de la question des agressions que j'ai commises sur la personne de ma femme avec le pasteur de mon église, qui m'a donné les conseils spirituels nécessaires pour me permettre de conclure que j'ai eu terriblement tort d'agresser ma femme. Si j'avais la possibilité de dire à ma femme jusqu'à quel point je regrette mes actes, je le ferais, mais étant donné que je puis avoir de contacts avec elle, je ne le ferai pas.
[Non souligné dans l'original]
De plus, les agents d'immigration ont reçu des lettres de l'employeur du requérant, de son pasteur, d'amis et de 52 membres de son église attestant de sa réputation et disant d'une façon ou d'une autre qu'il ne constituait pas un danger pour sa famille ou pour le public.
L'ordonnance civile d'interdiction enjoignant au requérant de ne pas communiquer avec sa femme était une ordonnance ex parte qui a été rendue le 11 février 1993 et ce dernier n'a jamais demandé qu'elle soit infirmée.
La preuve sur laquelle on s'est fondé pour conclure que le requérant harcelait sa femme et qu'il constituait donc un danger pour le public est le compte rendu suivant que la femme a fait le 17 septembre 1995 :
[TRADUCTION]
Vers 11 h, je montais les marches de l'église située au 739, est 33e avenue, avec mon bébé. J'ai regardé derrière moi et j'ai vu mon mari qui se dirigeait vers moi. Il avait une très vilaine expression sur le visage. Je suis entrée dans l'église en courant et je me suis assise sur les marches du balcon, puis je suis montée au balcon. Je suis ensuite allée à la garderie parce que le bébé pleurait. J'avais très peur. Je ne l'ai pas revu et je ne sais pas où il est allé.
[Non souligné dans l'original]
22. Les agents d'immigration ont appelé à tort cette déclaration une déclaration de la victime.