Date : 20030526
Dossier : T-878-02
Référence : 2003 CFPI 651
Ottawa (Ontario), le 26 mai 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
demandeur
et
CHUN-HUI YU
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Yu est un citoyen de Taïwan. Ses parents et sa soeur ont déménagé au Canada en 1997 alors qu'il étudiait aux États-Unis. Pendant les quatre années qui ont suivi, il a passé le plus clair de son temps à l'extérieur du Canada, étudiant à l'université à Boston, rendant visite à un grand-père malade à Taïwan et allant voir sa petite amie au Japon. Il a séjourné à l'occasion au Canada. En juillet 2001, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Sa demande a été accueillie. Le ministre a interjeté appel de cette décision.
I. Question litigieuse
[2] Il n'y a qu'une seule question litigieuse en l'espèce : M. Yu a-t-il satisfait à l'exigence de résidence énoncée à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C 1985, ch. C-29? Il s'agit pour le demandeur d'avoir résidé trois ans en tout au Canada dans les quatre ans qui ont précédé sa demande. Le terme « résidence » n'est pas défini et a été interprété de diverses façons par la Cour.
[3] Comme je l'ai expliqué dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, rendue aujourd'hui, lorsque le demandeur n'a pas établi qu'il a de fait résidé au Canada pendant trois ans, le juge de la citoyenneté doit se demander si le demandeur a néanmoins prouvé qu'il a établi un lien solide avec le Canada, au point que ses périodes d'absence temporaire peuvent être comptées dans le calcul des trois ans de résidence requis. Ce test, que j'ai appelé « test qualitatif » , découle de la jurisprudence de la Cour : In re la Loi sur la citoyenneté et in re Antonios E. Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.); Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.).
[4] Dans le cas de M. Yu, son lien avec le Canada semble très ténu. En tout, au cours des quatre années qui ont précédé sa demande, il a passé un peu plus de trois mois au Canada, répartis en une série de courtes visites. En fait, dans sa demande de résidence, il a qualifié ses séjours au Canada de « visites » à sa famille ou de « vacances » plutôt que de temps passé « chez lui » . Malgré tout, le juge de la citoyenneté a conclu que l'exigence de résidence prévue par la Loi avait été satisfaite. Il n'a pas motivé sa décision.
[5] Il est permis de croire qu'il est possible de maintenir un lien solide avec son pays de résidence par l'entremise de sa famille. Mais, à mon avis, pour ce faire, il faudrait au départ que le lien soit solidement établi.
[6] Je ne vois aucun élément de preuve d'un tel lien dans le dossier de M. Yu. Seulement deux de ses visites au Canada ont duré plus d'une semaine, et elles n'ont eu lieu qu'à l'automne 2000 (48 jours) et qu'à l'été 2001 (29 jours). Il est possible qu'il ait alors formé un lien valable quelconque avec le Canada, mais ces visites ont eu lieu trop tard au cours de la période pertinente pour étayer une allégation selon laquelle il a résidé trois ans au Canada.
[7] Ayant examiné le dossier, je ne vois aucun élément de preuve indiquant que M. Yu a établi sa résidence au Canada. Je ne vois donc rien qui permette de créditer à M. Yu le temps qu'il a passé à l'extérieur du Canada dans le calcul des trois ans de résidence requis par la Loi. Par conséquent, je dois accueillir le présent appel.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. L'appel est accueilli.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-878-02
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
c.
CHUN-HUI YU
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 AVRIL 2003
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 26 MAI 2003
COMPARUTIONS :
Kevin Lunney POUR LE DEMANDEUR
Richard J. Worsfold POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Basman Smith LLP POUR LE DÉFENDEUR
Avocats
Toronto (Ontario)