OTTAWA (ONTARIO), LE 18 MAI 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH
ENTRE :
ERBIN SALOMON ROSALES SALGUERO
CARMEN DE LEON DE ROSALES
ROBIN ERBIN ELI ROSALES DE LEON
MANOLO EVIN SALOMON ROSALES DE LEON
MAYNOR ESTUARDO ROSALES DE LEON
GLENDI ROSANA GARCIA HERNANDEZ
et
APRIL ROXANA ROSALES
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Les demandeurs sont les membres d'une famille guatémaltèque qui craint d'être persécutée par l'armée du Guatemala à cause des activités syndicales de M. Rosales. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'a pas cru que la famille avait été persécutée de la façon alléguée à cause des invraisemblances de la version des faits donnée par M. Rosales. La Commission a de plus jugé que le délai de 16 ans avant la présentation de la demande d'asile et les visites fréquentes de la famille au Guatemala ne correspondaient pas à la crainte subjective de persécution ressentie par les membres de cette famille.
[2] Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, soutenant que la Commission a commis des erreurs en relation avec plusieurs de ses conclusions constatant l'existence d'invraisemblances. Les demandeurs soutiennent de plus que la Commission a erré en omettant d'examiner adéquatement l'explication qu'ils ont fournie du retard à demander l'asile, de même que leur explication de leurs visites fréquentes au Guatemala.
Se réclamer à nouveau de la protection de leur pays
[3] Les demandeurs adultes ont quitté le Guatemala en 1984. Après avoir passé six mois au Mexique, ils sont allés aux États-Unis et, finalement, au Canada. Le couple est retourné au Guatemala en 1988, en 1993, deux fois en 1994, puis en 1996.
[4] Selon la Commission, ce comportement était incompatible avec une crainte subjective de persécution de la part des demandeurs.
[5] Les demandeurs soutiennent que la Commission a erré en omettant de tenir compte adéquatement de leurs explications de leurs visites fréquentes au Guatemala. Je ne suis pas d'accord. Dans ses motifs, la Commission a déclaré que les demandeurs adultes étaient retournés au Guatemala afin d'amener leurs enfants aux États-Unis et pour [traduction] « d'autres raisons familiales » . Même si la Commission n'a pas mentionné précisément la prétention des demandeurs selon laquelle ils sont retournés au Guatemala à une occasion, en 1994, pour vérifier la situation sur le terrain après la conclusion d'un accord de paix peu de temps auparavant, au vu de toutes les circonstances de l'espèce, je n'estime pas que la Commission a omis de tenir compte de cette explication.
[6] Selon la Commission, ce comportement était incompatible avec la prétention des demandeurs selon laquelle ils estimaient que leur vie était menacée au Guatemala. Je n'ai pas de raison de modifier la conclusion de la Commission à cet égard.
Retard
[7] Comme il a été mentionné ci-dessus, les demandeurs ont quitté le Guatemala en 1984. Ils ont vécu six mois au Mexique, puis ont déménagé aux États-Unis, où ils ont vécu de 1985 à 2001, année où ils sont venus au Canada.
[8] Selon la Commission, puisque les demandeurs n'ont pas cherché asile aux États-Unis et qu'ils sont retournés souvent au Guatemala, leur prétention d'entretenir la crainte subjective de persécution dans ce pays est contredite.
[9] Les demandeurs ont décrit les diverses mesures qu'ils avaient prises pour régulariser leur situation aux États-Unis. Des conseillers juridiques américains auraient dit aux demandeurs que ces derniers ne réussiraient pas dans leurs démarches s'ils demandaient l'asile dans ce pays. Par conséquent, les demandeurs ont obtenu des permis de travail dans le cadre d'une amnistie accordée aux travailleurs agricoles. Ces permis ont été renouvelés à plusieurs reprises pendant la période où les demandeurs vivaient aux États-Unis.
[10] Selon les demandeurs, la Commission a erré en ne tenant pas compte adéquatement de leur explication du fait qu'ils n'avaient pas demandé l'asile aux États-Unis. Encore une fois, les motifs de la Commission ne permettent pas de confirmer cette assertion. En effet, la Commission mentionne précisément dans sa décision l'explication que les demandeurs ont donnée du défaut de chercher asile aux États-Unis et indique les raisons pour lesquelles elle n'accepte pas cette explication.
[11] Les demandeurs soutiennent aussi que la Commission a erré en appliquant le mauvais critère en relation avec la question du retard. Soulignant le fait que la Commission a étudié les termes « devoir » et « obligation » dans sa discussion de la question, les demandeurs estiment que la Commission a erré en droit en donnant l'impression d'avoir imposé aux demandeurs l'exigence de demander l'asile dans un pays tiers sûr. À l'appui de cette assertion, les demandeurs citent les jugements de la Cour dans Mendez c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2005] A.C.F. n ° 152 et Gavryushenko c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] A.C.F. n ° 1209.
[12] Il faut d'abord souligner que, tout en reconnaissant que l'omission de demander l'asile dans un tiers pays sûr ne saurait constituer un facteur déterminant dans une décision concernant une demande d'asile au Canada, la Cour, dans Mendez, mentionne qu'elle « [...] a statué à maintes reprises qu'un bref séjour dans un tiers pays sûr en cours de route n'est pas nécessairement considéré comme un séjour suffisamment important pour obliger le revendicateur à faire une déclaration là-bas avant de se rendre au Canada » . (Non souligné dans l'original.)
[13] En l'espèce, il ne s'agit pas d'un bref séjour dans un tiers pays sûr, en cours de route vers le Canada, mais d'une résidence d'une durée de 16 ans aux États-Unis. À mon avis, la Commission a eu entièrement raison de considérer l'omission des demandeurs de demander l'asile aux États-Unis comme une preuve circonstancielle péremptoire de leur état d'esprit.
[14] De plus, un examen de l'ensemble des motifs de la Commission montre que cette dernière n'a pas jugé déterminante la question du retard. C'était plutôt l'un des facteurs que la Commission a pris en compte pour tirer la conclusion que les demandeurs ne ressentaient pas de crainte subjective de persécution au Guatemala. À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur à cet égard : voir Tudela-Flores c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2005] A.C.F. n ° 571.
Conclusions de la Commission sur la question de la vraisemblance
[15] La Commission a jugé invraisemblable la plus grande partie de la version des faits de M. Rosales selon laquelle il est ciblé par l'armée du Guatemala. J'ai examiné le dossier, y compris la transcription de l'instance, et, même si je n'aurais pas nécessairement tiré la même conclusion que la Commission sur chacun des points, je ne suis pas convaincue que la majorité des conclusions de la Commission quant à la question de la vraisemblance étaient manifestement déraisonnables.
[16] Cependant, j'estime que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve médicale qui aurait pu corroborer l'assertion de M. Rosales selon laquelle il a été victime d'un tir d'arme à feu en 1983. De la même façon, la Commission aurait dû consulter le certificat de décès du cousin de M. Rosales.
[17] Cela dit, je n'estime pas que ces erreurs, en elles-mêmes, étaient suffisamment graves pour vicier l'ensemble de la décision.
Conclusion
[18] Pour ces motifs, la demande est rejetée.
Certification
[19] Aucune des parties n'a proposé de question en vue d'une certification et aucune ne s'est présentée en l'espèce.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.
____ « Anne Mactavish » ________
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4402-04
INTITULÉ : ERBIN SALOMON ROSALES SALGUERO
CARMEN DE LEON DE ROSALES
ROBIN ERBIN ELI ROSALES DE LEON
MANOLO EVIN SALOMON ROSALES DE LEON
MAYNOR ESTUARDO ROSALES DE LEON
GLENDI ROSANA GARCIA HERNANDEZ et
APRIL ROXANA ROSALES
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 12 MAI 2005
ET ORDONNANCE : LA JUGE MACTAVISH
DATE DES MOTIFS : LE 18 MAI 2005
Douglas Lehrer POUR LES DEMANDEURS
Angela Marinos POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
VanderVennen Lehrer
Toronto (Ontario) POUR LES DEMANDEURS
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR