Date : 20040928
Dossier : IMM-1253-04
Référence : 2004 CF 1330
Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF
ENTRE :
GUO XIN HUANG
demandeur
et
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE LUTFY
[1] Le demandeur conteste la décision par laquelle l'agent d'immigration a refusé de lui permettre de présenter sa demande de résidence permanente à partir du Canada en lui accordant une exemption fondée sur des considérations humanitaires en application de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. En rejetant la présente demande de contrôle judiciaire, je me suis fondée sur deux principes fondamentaux énoncés dans l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125.
[2] Premièrement, c'est à bon droit que l'agent d'immigration a tenu compte des circonstances ayant entouré l'entrée du demandeur au Canada, en plus des autres facteurs invoqués en sa faveur. Cela ressort clairement de l'arrêt Legault :
[19] [...] Le ministre, qui est responsable de l'application de la politique et de la Loi, est très certainement autorisé à refuser la dispense que demande une personne qui a établi l'existence de raisons d'ordre humanitaire, s'il est d'avis, par exemple, que les circonstances de l'entrée ou du séjour au Canada de cette personne la discréditent ou créent un précédent susceptible d'encourager l'entrée illégale au Canada. En ce sens, il est loisible au ministre de prendre en considération le fait que les raisons d'ordre humanitaire dont une personne se réclame soient le fruit de ses propres agissements.
L'agent d'immigration n'a pas commis d'erreur en soulignant que le système de points aurait donné au demandeur d'excellentes chances d'avoir gain de cause s'il avait présenté sa demande de résidence permanente à partir de l'étranger. Selon ce qu'affirme l'agent d'immigration, le demandeur, un demandeur débouté du statut de réfugié, [traduction] « [...] a décidé de ne pas présenter sa demande légalement, et a plutôt choisi de soudoyer les fonctionnaires en Chine afin que ceux-ci l'autorisent à se rendre à l'étranger » .
[3] Encore une fois, comme on l'a affirmé dans l'arrêt Legault, c'est à l'agent d'immigration et non pas aux tribunaux d'apprécier la preuve dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 25 :
[11] [...] la pondération des facteurs pertinents demeure l'apanage du ministre ou de son délégué. [...] [I]l appartient à cet agent d'attribuer [...] le poids approprié dans les circonstances de l'espèce. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.
[4] En l'espèce, l'agent d'immigration a compris que le demandeur pratiquait la médecine chinoise traditionnelle et qu'il enseignait au Collègue canadien de médecine orientale à Vancouver. Cela ressort clairement de ses notes. Il est erroné d'affirmer que l'agent d'immigration n'a pas tenu compte de ces facteurs.
[5] En outre, l'agent d'immigration a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que le retour du demandeur en Chine serait préjudiciable à des patients canadiens ou au fonctionnement du Collège. Cette conclusion n'est pas incompatible avec sa note suivant laquelle il y avait peu de médecins praticiens au Canada dans le domaine d'expertise du demandeur. Il était loisible à l'agent d'immigration de tirer cette conclusion de fait eu égard au contenu des lettres de trois des patients du demandeur et d'une lettre de la clinique où il travaillait. Ces lettres décrivaient des problèmes qu'avait déjà réglés le demandeur et ne faisaient aucun commentaire quant au préjudice que pouvaient subir les patients de la clinique du fait du départ du demandeur. Parler de [traduction] « préjudice » plutôt que de « difficultés inhabituelles, injustes ou indues » , dans les circonstances de l'espèce, ne constitue ni l'application d'un mauvais critère ni une erreur susceptible de contrôle.
[6] Suivant l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, la Cour fédérale peut intervenir lorsqu'un tribunal « [...] a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose » . Cette norme de contrôle équivaut à la norme de la décision manifestement déraisonnable : Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 39, au paragraphe 14.
[7] La présente affaire est purement factuelle. La contestation de la décision de l'agent d'immigration repose uniquement ou essentiellement sur les conclusions de fait tirées par celui-ci. La norme de la décision manifestement déraisonnable peut donc constituer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer en l'espèce.
[8] Les deux avocats ont utilisé l'interprétation plus conventionnelle donnée à l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et ont soutenu que la norme de la décision raisonnable simpliciter devrait s'appliquer dans le cadre d'un contrôle d'une décision défavorable rendue sur une demande fondée sur des considérations humanitaires. La question de la norme de contrôle n'a pas été pleinement débattue. Quoi qu'il en soit, j'ai conclu, après avoir effectué un « examen assez poussé » , que la décision de l'agent d'immigration n'était pas déraisonnable, et encore moins manifestement déraisonnable.
[9] Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question grave à certifier et aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Allan Lutfy »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1253-04
INTITULÉ : GUO XIN HUANG
c.
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 16 SEPTEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF
DATE DES MOTIFS : LE 28 SEPTEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Shane Molyneaux POUR LE DEMANDEUR
R. Keith Reimer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Elgin, Cannon and Associates POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
V6Z 1S2
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
V6Z 2S9