Dossier : T-1170-18
Référence : 2021 CF 452
Ottawa (Ontario), le 17 mai 2021
En présence de l'honorable monsieur le juge Bell
ENTRE :
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MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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Intimé - demandeur
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-et-
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ANDREI OCTAV MOISE
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Requérant - défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de la requête
[1]
Cette requête porte sur une demande de réviser l’autorisation ordonnée par l’honorable juge Diner datée du 19 juin 2018. Par voie de requête ex parte, le juge Diner a autorisé le Ministre du Revenu National (le « Ministre »
) à exécuter immédiatement à l’égard du défendeur-requérant, Andrei Octav Moise (« monsieur Moise »
), toutes, chacune ou plusieurs des mesures de recouvrement énumérées aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « LIR »
). Monsieur Moise s’est prévalu du droit prévu à l’alinéa 225.2(8) de la LIR de rechercher, au moyen d’une requête, l’annulation de l’ordonnance rendue ex parte.
II.
Faits pertinents
[2]
Le 7 juin 2018, l’Agence du revenu du Canada (« l’ARC »
) a émis des avis de nouvelle cotisation à l’encontre de monsieur Moise pour les années d’imposition 2006 à 2011 et 2013 à 2014. La même journée, l’ARC a également émis des avis de nouvelle cotisation contre les sociétés, Paxum Inc. et OA Internet Services ltée (« OA »
), dont monsieur Moise était le seul actionnaire et administrateur.
[3]
Les affidavits de Manon Lacas, la vérificatrice qui a émis les cotisations en date du 13 juin 2018 et celui de Julie Papineau, agente de recouvrement, en date du 14 juin 2018 alléguaient les faits suivants :
Monsieur Moise vivait en Roumanie depuis 2014 ;
La Cour supérieure du Québec, dans la décision no 500-17-075030-125, a rejeté la contestation de monsieur Moise des mesures de recouvrement entreprises par l’Agence du revenu du Québec (
« l’ARQ »
), puisqu’elle était d’avis que les doutes du vérificateur que monsieur Moise puisse dilapider des actifs« étaient réels et sérieux »
;Monsieur Moise, à titre d’administrateur des sociétés Paxum Inc. et OA, a transféré près de 9 000 000 $ à l’étranger entre 2006 et 2014. Monsieur Moise a fait plusieurs déclarations inexactes à la vérificatrice, Manon Lacas, lors de la vérification ou il a simplement omis de fournir les informations demandées par cette dernière ; et
Au moment des mesures de recouvrement, monsieur Moise possédait, conjointement avec son épouse, Ileana Herling, dans un compte de la Banque Royale du Canada (
« RBC »
) une somme de 32 099,56 $. À la connaissance de l’ARC, cette somme n’avait pas été saisie par l’ARQ et pouvait donc, à tout moment, être rapidement transférée à l’étranger.
[4]
Le 15 juin 2018, le Ministre a déposé un dossier de demande afin d’obtenir une autorisation d’exécution immédiate des montants déterminés par les avis de cotisation. Le 19 juin 2018, l’honorable juge Diner a autorisé le Ministre à procéder à des mesures de recouvrement immédiates. Le 21 juin 2018, madame Julie Papineau a transmis une saisie administrative au compte susmentionné de la RBC. Le 19 juillet 2018, monsieur Moise a déposé devant cette Cour un avis de requête en contestation de l’ordonnance du juge Diner.
III.
Dispositions pertinentes
[5]
Les dispositions pertinentes sont les paragraphes 225.2(2) et 225.2(8) de la LIR. Ils se lisent comme suit :
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IV.
Questions en litige
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Je suis d’avis qu’il y a une seule question à être résolue devant cette Cour : est-ce que monsieur Moise a rencontré son fardeau initial d’établir des motifs raisonnables de douter que l’octroi d’un délai compromettrait le recouvrement par le Ministre de sa créance ?
V.
Positions des parties
A.
Requérant-Défendeur
[7]
Monsieur Moise prétend que l’ARC a attribué aux trois (3) contribuables, notamment, lui-même, OA et Paxum Inc., des revenus substantiels prétendument non déclarés en lien aux activités de OA et Paxum Inc., en raison de ventes de suppléments naturels. Monsieur Moise prétend que lui-même, OA et Paxum Inc. n’ont jamais vendu ces produits et que les avis de cotisation sont sans fondement. D’ailleurs, les revenus imposés auxdits contribuables selon les avis de cotisation ne proviennent pas d’une source de revenus de ceux-ci et par conséquent ne peuvent pas être liés à une distribution des dividendes ou de fonds. De plus, il déclare que ces biens ont déjà été grevés par une hypothèque de l’ARC lorsque le Ministre a obtenu l’ordonnance du juge Diner, et que son épouse détient la moitié indivise des biens. En outre, monsieur Moise déclare que l’immeuble est une résidence de la famille, faisant partie du patrimoine familial. Il soumet que des mesures d’exécution entreprises à l’égard de sa résidence familiale causeraient un préjudice sérieux et irréparable.
B.
Intimé-Demandeur
[8]
Le Ministre soumet que le fardeau de la preuve d’une personne qui présente une requête en vertu du para. 225.2(8) de la LIR appartient d’abord au contribuable de prouver qu’il existe des motifs raisonnables de douter que le critère prévu au para. 225.2(2) de la LIR n’a pas été respecté (Canada (Revenu national) c. Reddy, 2008 CF 208 au para. 7).
[9]
Le Ministre prétend que monsieur Moise, basé sur les motifs énoncés dans sa requête et les explications données lors de son contre-interrogatoire ne satisfait pas ce critère. Le Ministre prétend que cette Cour « n’a pas compétence pour traiter des cotisations et elle est liée par la validité réputée prévue au para. 152(8) »
de la LIR (Canada (Ministre du revenu national) c. Thériault-Sabourin, 2003 CFPI 124 au para. 10).
[10]
En réponse à l’argument de monsieur Moise que ses biens étaient déjà grevés par une hypothèque de l’ARQ et que son épouse détenait la moitié indivise de ces biens au moment où le juge Diner a autorisé l’exécution immédiate contre ses biens, le Ministre indique que la somme de 32 099,58 $ que monsieur Moise détenait conjointement avec son épouse n’avait pas été saisie par l’ARQ dans le cadre de leurs mesures de recouvrement.
[11]
En réponse aux prétentions de monsieur Moise qu’il n’avait pas l’intention de dilapider ses biens et qu’il n’a pas l’intention de contrevenir aux obligations qui lui sont imposées par la LIR, le Ministre prétend que ce n’est pas pertinent pour remplir son fardeau, car la Cour doit prendre en compte l’effet ou le résultat des mesures prises à l’égard de ses actifs de manière objective (Services M.L. Marengère Inc. (Re), 1999 CanLII 9004 (CF) au para. 72).
[12]
Le Ministre note que monsieur Moise a fait des déclarations dans son affidavit qui son contraire aux déclarations faites dans un affidavit daté du 18 décembre 2007 dans une matière antérieure basée aux États-Unis. De plus, le Ministre observe que monsieur Moise ne conteste pas les allégations essentielles de la requête du Ministre qui ont menées à l’ordonnance du juge Diner. Aussi, il a admis en interrogatoire les points suivants : il réside actuellement en Roumanie, et ce depuis 2014 ; OA n’a plus de boîte postale au Canada depuis au moins deux (2) ans ; il confirme avoir signé un affidavit dans le cadre d’une poursuite logée en 2007 aux États-Unis et que l’affidavit signé comportait une erreur importante au fait qu’OA vendait des produits Vimax ; et il admet avoir transféré des sommes importantes à l’étranger de Paxum Inc. à Paxum Bélize.
VI.
Analyse
[13]
Lorsqu’une autorisation est accordée conformément au paragraphe 225.2(2) de la LIR, le contribuable peut demander à un juge de la Cour de réviser l’autorisation en vertu du paragraphe 225.2(8) de la LIR. Lorsque la Cour est saisie d’une telle demande, le ministre a l’obligation ultime de justifier la décision, cependant, il en revient au contribuable, d’un premier temps, de prouver qu’il y a des motifs raisonnables de douter que le critère au paragraphe 225.2(2) a été respecté (Canada c. Proulx, 2011 CF 1231 (CanLII) au para. 17 [Proulx]).
[14]
Tel qu’élaboré dans l’affaire Proulx au paragraphe 18, la révision de l’ordonnance en application du paragraphe 225.2(8) de la LIR requière au minimum l’application du critère en deux (2) volets:
Le requérant a la charge initiale de rassembler des preuves pour établir qu’il existe des motifs raisonnables de douter que le critère exigé par le paragraphe 225.2(2) de la LIR a été respecté; et
Le Ministre a le fardeau ultime de justifier l’ordonnance de recouvrement de protection accordée sur une base ex parte.
[15]
Le premier volet du critère à appliquer à la révision prévue par le paragraphe 225.2(8) de la LIR consiste à demander si monsieur Moise a réussi, au moyen d’affidavit et/ou contre-interrogatoire des témoins du Ministre, à démontrer raisonnablement que la preuve soumise à l’origine au juge Diner ne satisfaisait pas au critère fixé par le paragraphe 225.2(2).
[16]
La preuve que monsieur Moise a déposée devant cette Cour comprend les deux (2) pièces qui sont en annexe à son affidavit en date du 11 novembre 2019. La première pièce démontre qu’il est le seul actionnaire et administrateur de Paxum Inc. et d’OA. La deuxième pièce constitue des contrats des affiliés d’OA. En outre, comme l’indique le Ministre dans ses prétentions écrites, l’exécution immédiate en question est contre monsieur Moise et non contre les sociétés Paxum Inc. et OA. Ainsi, cette preuve n’est pas pertinente à ce litige. D’ailleurs, il n’y a pas de preuve que monsieur Moise a contre-interrogé les témoins du Ministre.
[17]
Le Ministre a présenté trois (3) affidavits avec plusieurs pièces en annexe, incluant la transcription sur l’interrogatoire de l’affidavit de monsieur Moise qui a eu lieu le 5 août 2020, y compris les pièces consultées lors de l’interrogatoire. En autres, la preuve démontre ce qui suit :
- Monsieur Moise est marié à madame Ileana Herling et ensemble ils ont trois (3) enfants mineurs. Ils sont copropriétaires indivis des deux (2) seuls actifs immobiliers restant au couple, soit la résidence sise au 72, Champlain à Roxboro et d’un terrain vacant à Brossard.
Monsieur Moise est l’unique administrateur et actionnaire de la société Paxum Inc. et d’OA. Monsieur Moise, à titre d’administrateur des sociétés Paxum Inc. et d’OA, a transféré près de 9 000 000$ à l’étranger entre 2006 et 2014.
Monsieur Moise vit actuellement en Roumanie.
Monsieur Moise a fait des déclarations inexactes à la vérificatrice Manon Lacas lors de la vérification ou il a simplement omis de fournir les informations demandées par cette dernière.
- Au moment des mesures de recouvrement, monsieur Moise et son épouse madame Herling possédaient une somme de 32 099, 56 $ dans un compte bancaire de la RBC.
[18]
De plus, la preuve démontre que monsieur Moise a fait des déclarations dans son affidavit du 11 novembre 2019 qui est contraire à des déclarations dans un affidavit antérieur, particulièrement, l’affidavit dans la matière basée aux États-Unis en 2007.
[19]
Étant donné qu’il n’y a aucune preuve devant cette Cour pour démontrer que le Ministre n’a pas satisfait le critère au paragraphe 225.2(2) de la LIR, je suis d’avis que monsieur Moise n’a pas rencontré son obligation initiale. À la lumière de ma conclusion, ce n’est pas nécessaire de considérer le deuxième volet du test dans Proulx.
VII.
Conclusion
[20]
La demande d’annulation de l’ordonnance datée du 19 juin 2018 est rejetée.
[21]
À l’audience, j’ai demandé aux parties de tenter de s’entendre sur un montant de dépens. Le 2 février 2021, le Ministre a déposé une lettre pour informer la Cour que les parties se sont entendues à un montant de 4 350$ de dépens. Étant donné que la demande d’annulation de l’ordonnance datée du 19 juin 2018 est rejetée, j’accorde les dépens à l’intimé-demandeur.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande d’annulation de l’ordonnance datée du 19 juin 2018 est rejetée, et le montant de 4 350,00 $ soit adjugés comme dépens payable par M. Moise à l’intimé-demandeur.
« B. Richard Bell »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1170-18
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INTITULÉ :
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MINISTRE DU REVENU NATIONAL c ANDREI OCTAV MOISE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 28 janvier 2021
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
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LE JUGE BELL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 17 mai 2021
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COMPARUTIONS :
Me Louis Sébastien
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Pour le dEMANDEUR-REQUÉRANT
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Me Bogdan Draghia
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Pour le DÉFENDEUR-INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
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Pour le dEMANDEUR-REQUÉRANT
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Draghia Avocats
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Pour le DÉFENDEUR-INTIMÉ
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