Date : 20031110
Dossier : T-2083-01
Référence : 2003 CF 1323
OTTAWA (ONTARIO), le 10 novembre 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL
ENTRE :
DANNY GARY SCHUT
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
I. NATURE DE LA DEMANDE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision n ° 6156-33-47-559 (la décision) rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, et communiquée au demandeur le 30 octobre 2001.
[2] Par la décision, le demandeur se voyait refuser une pension parce que :
A. le Tribunal n'était pas convaincu que le trouble de stress aigu dont était atteint le demandeur était consécutif ou rattaché directement au service militaire en temps de paix, aux termes du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6;
B. les états suivants n'ouvraient pas droit à pension parce que les exigences de l'alinéa 21(5)a) de la Loi sur les pensions n'étaient pas satisfaites :
a. traumatisme crânien avec fractures polyfragmentaires du crâne entraînant une encéphalocèle (opérée);
b. perte de vision causée par une atteinte au nerf optique et une lésion au chiasma optique;
c. mandibule fracturée entraînant une ostéomyélite de la mâchoire;
d. diabète insipide;
e. méningite;
f. lésion à la racine nerveuse C-6;
g. perte de dents;
h. pertes de l'audition.
[3] Le demandeur sollicite les mesures de réparation suivantes :
A. une ordonnance annulant la décision du Tribunal;
B. une ordonnance renvoyant l'affaire à un comité différemment constitué du Tribunal pour qu'il procède à un nouvel examen et rende une décision conforme aux directives que la Cour donnera;
C. les autres mesures de réparation jugées appropriées par la Cour.
II. LE CONTEXTE
[4] Le demandeur a débuté sa carrière en janvier 1977, à titre de technicien en recherche et sauvetage. Membre du 442e Escadron de transport et de sauvetage, il était en garnison à la BFC Comox. Pendant son congé de Noël de 1979, le demandeur a appris que le Lee Wang Zin, un navire panaméen, avait chaviré au large des côtes en raison de vagues de 12 mètres, et que certains membres de l'équipage se trouvaient toujours dans l'épave. Le demandeur a téléphoné à deux reprises à l'adjudant Copeland, son supérieur, le 26 décembre 1979 pour offrir ses services. L'adjudant a accepté l'offre et le demandeur est retourné à la base le 27 décembre 1979.
[5] Le demandeur se rendait à la base pour s'assurer que son équipement personnel pour opérations était en bon ordre et prêt à être utilisé pour la mission du lendemain matin. De retour vers chez lui après avoir inspecté et préparé son équipement, le demandeur a discuté de la mission avec un collègue, pendant environ trois heures et demie, à l'hôtel Westerley. Le demandeur déclare avoir alors bu deux bières. Empruntant l'automobile du demandeur, les deux hommes ont quitté l'hôtel vers 23 h 30 le 27 décembre 1979.
[6] L'agent Lapp de la GRC a commencé à suivre le demandeur puis a allumé ses feux clignotants parce que, selon ses estimations, ce dernier roulait au centre d'une rue en ville à une vitesse atteignant 130 km/h. Le demandeur déclare ne se rappeler de rien après que les feux ont été allumés. Il a fini par perdre le contrôle de son automobile, qui a frappé un arbre et pylône avant de s'arrêter. Le demandeur a été grièvement blessé, et on l'a inculpé sous trois chefs de conduite dangereuse. Le soldat Neil Fredheim, le seul autre passager dans l'automobile du demandeur et qui était avec ce dernier à l'hôtel Westerley, a également subi de graves blessures.
[7] En raison en partie de ses incapacités, le demandeur a été libéré de la force régulière en février 1981. Il a ensuite demandé à Anciens Combattants Canada de lui verser des prestations de pension. Le demandeur a initialement allégué comme fondement de sa demande à la Commission canadienne des pensions qu'il était de service au moment de l'accident et que celui-ci est survenu, non parce qu'il tentait d'échapper à la police, mais parce qu'il était affreusement inquiet en raison de la mission de sauvetage du lendemain. Aucune preuve n'a toutefois été soumise à la Commission relativement à cette dernière prétention.
[8] La demande du demandeur a été rejetée le 6 avril 1992. Le demandeur a fait appel de cette décision auprès du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18.
[9] Le demandeur a soutenu en appel que l'accident était relié à son service ou, subsidiairement, qu'il était consécutif ou rattaché directement au service militaire. Au début de l'audience, le 23 septembre 1997, l'avocat du demandeur a également commencé à présenter une preuve portant que la cause de l'accident était le trouble de stress aigu (TSA) dont souffrait le demandeur. Le comité a toutefois laissé entendre à l'avocat qu'il vaudrait mieux présenter une telle preuve par le biais d'une autre demande adressée à Anciens Combattants Canada. Après avoir consulté le demandeur, l'avocat a abandonné les prétentions fondées sur le TSA.
[10] L'appel du demandeur, se fondant uniquement sur le fait qu'il était de service et sur la question du service militaire, a été rejeté par décision non datée. Le demandeur a interjeté appel de cette décision auprès d'un comité d'appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal). Dans l'intervalle, une seconde demande présentée à la Commission canadienne des pensions, se fondant sur une preuve de TSA évoquée par les Drs Fraser et Nozick, a été rejetée après une audience tenue le 27 février 1998. On a instruit en 1998 et 1999 l'appel du demandeur à l'encontre de cette deuxième décision.
[11] En ce qui concerne l'appel devant le Tribunal portant sur la première demande, audience a été tenue le 11 février 1999 à Charlottetown et à Ottawa, par vidéoconférence. Par une décision non datée - les deux parties s'entendent sur le fait qu'elle a été rendue le 15 mars 1999 -, le comité d'appel a rejeté l'appel de la première décision.
[12] Le demandeur décrit comme suit le processus administratif qui s'est déroulé à ce jour :
[traduction]
5. Le demandeur n'a pas, comme il est déclaré dans la décision sous examen, présenté deux demandes ou revendications distinctes (décision, mémoire, pages 5 et 6). Le demandeur a déposé en décembre 1990 une demande où il soutenait a) que l'état ouvrant droit à pension c'était les blessures corporelles causées par l'accident d'automobile du 27 décembre 1979, et b) que l'accident est survenu alors que le demandeur « avait flanché sous le stress, à savoir le trouble de l'angoisse ou du stress aigu » . À l'audience devant le comité de révision, le 23 septembre 1997, celui-ci a interprété la demande dont il était saisi comme ne visant pas le trouble d'angoisse aiguë ou de stress aigu et n'avait pas l'intention d'examiner une telle revendication. Le comité était d'avis qu'une demande distincte devait être présentée relativement à ce trouble. Par conséquent, le comité n'a instruit que la demande fondée sur les blessures corporelles et a statué que celles-ci n'étaient pas consécutives ou rattachées au service militaire. Cette décision et celle du 11 février 1999 du comité d'appel la confirmant ont fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant le juge Muldoon (dossier de la Cour, n ° T-672-99).
6. Par suite de la décision du comité de révision d'écarter la revendication fondée sur le trouble d'angoisse ou de stress aigu le 23 septembre 1997, le demandeur a présenté au ministère le 3 octobre 1997 une demande fondée sur le TSA (qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire). Après rejet de la demande par le ministère le 15 janvier 1998, le comité de révision du Tribunal a instruit l'affaire pendant trois séances distinctes : le 27 janvier 1998 et le 18 juin 1998 (devant MM. J. Galipeau et R. Robichaud) et le 8 février 1999 (devant M. R. Robichaud). Le comité d'appel, constitué uniquement de M. Robichaud, a rendu sa décision le 9 mars 2000; la demande de prestations de pension était rejetée parce que la preuve n'avait pas démontré l'existence du trouble de stress aigu allégué.
7. La décision du comité de révision a été portée en appel devant le comité d'appel. Avant l'instruction par le comité d'appel, le juge Muldoon a rendu son jugement relativement à la demande de contrôle judiciaire de la première décision. Le comité d'appel était saisi du jugement du juge Muldoon lorsqu'il a instruit l'appel et rendu sa décision.
[13] Par suite d'une audience tenue le 28 février 2001, le Tribunal a confirmé la décision de refuser au demandeur des prestations d'invalidité et a conclu en ces termes :
[traduction]
Il n'y a pas dans la preuve le minimum de fondement permettant au tribunal de conclure que, lors de l'accident du 27 décembre 1979, l'appelant souffrait de trouble de stress aigu et de dissociation en raison de son service militaire, tel qu'il est prévu au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions.
Le comité ne peut conclure en l'existence d'un lien de causalité entre le service militaire comme Tech SAR de l'appelant et son accident d'automobile et les incapacités qui en ont résulté [...].
[14] Le 23 novembre 2001, le demandeur a introduit la présente demande de contrôle judiciaire visant la décision du Tribunal relative à sa deuxième demande de prestations de pension.
III. QUESTIONS EN LITIGE
[15] Le demandeur soulève diverses questions, qu'on peut résumer comme suit :
Le Tribunal a-t-il enfreint un principe de justice naturelle en imposant au demandeur un fardeau de preuve inapproprié?
Le Tribunal a-t-il tiré des conclusions de fait erronées de façon abusive ou sans tenir compte des éléments dont il disposait relativement
a. aux événements et aux faits sur le fondement desquels on pourrait inférer que le demandeur souffrait de TSA lorsque l'accident est survenu le soir du 27 décembre 1979;
b. à la crédibilité du demandeur et du Dr Fraser;
c. à la conclusion, sur le fondement des avis médicaux pertinents et admissibles, portant que le demandeur ne souffrait pas de TSA au moment de l'accident?
Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en tirant des conclusions de fait contraires aux articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), aux articles 2 et 5 de la Loi sur les pensions et au paragraphe 5(3) de la Politique d'interprétation du ministère
a. en ne préférant pas les témoignages oraux ou écrits sous serment aux déclarations non solennelles obtenues par le ministère en l'espèce;
b. en tirant des conclusions quant à la crédibilité de témoins sans avoir eu l'occasion de les observer alors qu'ils témoignaient;
c. en refusant de tenir compte de la conclusion de la cour criminelle et de la Cour fédérale portant que l'accident du 27 décembre 1979 n'était pas imputable au demandeur?
IV. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[16] Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6 :
Règle d'interprétation
2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.
[...] |
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Construction
2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.
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[...]Ministre
5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale ou de leurs règlements, le ministre a tout pouvoir de décision en ce qui touche l'attribution, l'augmentation, la diminution, la suspension ou l'annulation de toute pension ou autre paiement prévu par la présente loi ainsi que le recouvrement de tout versement excédentaire. |
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Powers of the Minister
5. (1) Subject to this Act and any other Act of Parliament and to the regulations made under this or any other Act of Parliament, the Minister has full power to decide on all matters and questions relating to the award, increase, decrease, suspension or cancellation of any pension or other payment under this Act and to the recovery of any overpayment that may have been made. |
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Pouvoir équivalent
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, conférer au ministre un pouvoir équivalent au sujet des pensions ou autres paiements autorisés au titre de toute autre loi ou par lui-même. |
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Additional duties
(2) The Governor in Council may, by order, confer on the Minister duties like those under subsection (1) in respect of pensions or other payments authorized by any other Act of Parliament or by the Governor in Council. |
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5(3) Décisions
(3) Lorsqu'il prend une décision, le ministre : |
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5(3) Benefit of doubt
(3) In making a decision under this Act, the Minister shall |
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a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur ou au pensionné; |
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(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to the Minister every reasonable inference in favour of the applicant or pensioner; |
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b) accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence; |
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(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister by the applicant or pensioner that the Minister considers to be credible in the circumstances; and |
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c) tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
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(c) resolve in favour of the applicant or pensioner any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or pensioner has established a case. |
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21. (1) Pour le service accompli pendant la Première Guerre mondiale ou la Seconde Guerre mondiale, sauf dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve, le service accompli pendant la guerre de Corée, le service accompli à titre de membre du contingent spécial et le service spécial : |
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21. (1) In respect of service rendered during World War I, service rendered during World War II other than in the non-permanent active militia or the reserve army, service as a member of the special force, service in the Korean War, and service in a special duty area as a member of the Canadian Forces, |
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a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - survenue au cours du service militaire ou attribuable à celui-ci;
[...] |
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(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that was attributable to or was incurred during such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;
[...] |
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d) un demandeur ne peut être privé d'une pension à l'égard d'une invalidité qui résulte d'une blessure ou maladie ou de son aggravation contractée au cours du service militaire, ou à l'égard du décès d'un membre des forces causé par cette blessure ou maladie ou son aggravation, uniquement du fait que nulle invalidité importante ou affection entraînant une importante incapacité n'est réputée avoir existé au moment de la libération de ce membre des forces;
[...] |
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(d) an applicant shall not be denied a pension in respect of disability resulting from injury or disease or aggravation thereof incurred during military service or in respect of the death of a member of the forces resulting from that injury or disease or the aggravation thereof solely on the grounds that no substantial disability or disabling condition is considered to have existed at the time of discharge of that member;
[...] |
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(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix : a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire; |
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(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time, |
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(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;Présomption
(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie - ou son aggravation - est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours : |
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Presumption
(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of |
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a) d'exercices d'éducation physique ou d'une activité sportive auxquels le membre des forces participait, lorsqu'ils étaient autorisés ou organisés par une autorité militaire, ou exécutés dans l'intérêt du service quoique non autorisés ni organisés par une autorité militaire; |
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(a) any physical training or any sports activity in which the member was participating that was authorized or organized by a military authority, or performed in the interests of the service although not authorized or organized by a military authority; |
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b) d'une activité accessoire ou se rattachant directement à une activité visée à l'alinéa a), y compris le transport du membre des forces par quelque moyen que ce soit entre le lieu où il exerçait normalement ses fonctions et le lieu de cette activité; |
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(b) any activity incidental to or directly connected with an activity described in paragraph (a), including the transportation of the member by any means between the place the member normally performed duties and the place of that activity; |
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c) soit du transport du membre des forces, à l'occasion de ses fonctions, dans un bâtiment, véhicule ou aéronef militaire ou par quelque autre moyen de transport autorisé par une autorité militaire, soit d'un acte fait ou d'une mesure prise par le membre des forces ou une autre personne lorsque cet acte ou cette mesure était accessoire ou se rattachait directement à ce transport; |
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(c) the transportation of the member, in the course of duties, in a military vessel, vehicle or aircraft or by any means of transportation authorized by a military authority, or any act done or action taken by the member or any other person that was incidental to or directly connected with that transportation; |
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d) du transport du membre des forces au cours d'une permission par quelque moyen autorisé par une autorité militaire, autre qu'un moyen de transport public, entre le lieu où il exerçait normalement ses fonctions et soit le lieu où il devait passer son congé, soit un lieu où un moyen de transport public était disponible; |
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(d) the transportation of the member while on authorized leave by any means authorized by a military authority, other than public transportation, between the place the member normally performed duties and the place at which the member was to take leave or a place at which public transportation was available; |
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e) du service dans une zone où la fréquence des cas de la maladie contractée par le membre des forces ou qui a aggravé une maladie ou blessure dont souffrait déjà le membre des forces, constituait un risque pour la santé des personnes se trouvant dans cette zone; |
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(e) service in an area in which the prevalence of the disease contracted by the member, or that aggravated an existing disease or injury of the member, constituted a health hazard to persons in that area; |
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f) d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces; |
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(f) any military operation, training or administration, either as a result of a specific order or established military custom or practice, whether or not failure to perform the act that resulted in the disease or injury or aggravation thereof would have resulted in disciplinary action against the member; and |
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g) de l'exercice, par le membre des forces, de fonctions qui ont exposé celui-ci à des risques découlant de l'environnement qui auraient raisonnablement pu causer la maladie ou la blessure ou son aggravation.
[...] |
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(g) the performance by the member of any duties that exposed the member to an environmental hazard that might reasonably have caused the disease or injury or the aggravation thereof.
[...]
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[17] Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), 1995, ch. 18 :
Définitions
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. « Bureau » "Bureau"
« Bureau » Le Bureau de services juridiques des pensions prorogé par l'article 6.1 de la Loi sur le ministère des Anciens Combattants.
« ministre » "Minister" « ministre » Le ministre des Anciens Combattants ou le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l'application de la présente loi.
« Tribunal » "Board" « Tribunal » Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) constitué par l'article 4. 1995, ch. 18, art. 2; 2000, ch. 34, art. 94(F) et 95(F). |
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Definitions
2. In this Act,
"Board" « Tribunal » "Board" means the Veterans Review and Appeal Board established by section 4;
"Bureau" means the Bureau of Pensions Advocates continued by section 6.1 of the Department of Veterans Affairs Act; "member" Version anglaise seulement "member" means a permanent or temporary member of the Board; "Minister" « ministre » "Minister" means the Minister of Veterans Affairs or such other member of the Queen's Privy Council for Canada as may be designated by the Governor in Council as the Minister for the purposes of this Act; "prescribed" Version anglaise seulement "prescribed" means prescribed by the regulations. 1995, c. 18, s. 2; 2000, c. 34, ss. 94(F), 95(F). |
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Principe général
3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.
[...] |
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Construction
3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled. [...] |
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Appel
25. Le demandeur qui n'est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal. |
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Appeal
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25. An applicant who is dissatisfied with a decision made under section 21 or 23 may appeal the decision to the Board.APPEL
Compétence exclusive
26. Le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur tout appel interjeté en vertu de l'article 25, ou sous le régime de la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou de toute autre loi fédérale, ainsi que sur toute question connexe.
[...] |
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APPEALS
Exclusive jurisdiction
26. The Board has full and exclusive jurisdiction to hear, determine and deal with all appeals that may be made to the Board under section 25 or under the War Veterans Allowance Act or any other Act of Parliament, and all matters related to those appeals.
[...] |
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Pouvoirs
29. (1) Le comité d'appel peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision portée en appel, soit la renvoyer pour réexamen, complément d'enquête ou nouvelle audition à la personne ou au comité de révision qui l'a rendue, soit encore déférer à cette personne ou à ce comité toute question non examinée par eux.
[...] |
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Disposition of appeals
29. (1) An appeal panel may
(a) affirm, vary or reverse the decision being appealed;
(b) refer any matter back to the person or review panel that made the decision being appealed for reconsideration, re-hearing or further investigation; or
(c) refer any matter not dealt with in the decision back to that person or review panel for a decision.
[...] |
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Règles régissant la preuve
39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve : |
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Rules of evidence
39. In all proceedings under this Act, the Board shall |
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a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; |
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(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; |
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b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence; |
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(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and |
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c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
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(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case. |
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[18] Voici les dispositions pertinentes de la Politique d'interprétation du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :
A. LOI
Le paragraphe 5(3) de la Loi sur les pensions se lit comme suit :
5(3) Lorsqu'il prend une décision, le ministre_ :
a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur ou au pensionné;
b) accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;
c) tranche en sa faveur tout incertitude quant au bien-fondé de la demande.
B. POLITIQUE
Le rôle de l'arbitre est de mener une enquête approfondie quant au bien-fondé d'une demande de compensation. Il s'agit de rassembler les renseignements pertinents, d'évaluer les éléments de preuve et de rendre des décisions concernant les demandes de compensation. Dans l'exercice de ses fonctions, l'arbitre doit suivre les principes énumérés au paragraphe 5(3). On doit donner à ces principes, ainsi qu'aux autres dispositions de la loi, une interprétation libérale.
Cet énoncé de politique a pour objectif de donner une interprétation des alinéas b), a) et c) séparément, et d'indiquer que ceux-ci doivent être normalement lus dans cet ordre. Dans tout dossier, l'arbitre devra agir comme suit : premièrement, se prononcer sur la recevabilité d'éléments de preuve; deuxièmement, tirer les conséquences en faveur du demandeur ou du pensionné en se fondant sur cette preuve et sur toutes les circonstances de l'affaire; et, troisièmement, trancher toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.
On doit se rappeler, cependant, qu'en pratique, il peut être difficile de vouloir systématiquement appliquer ces dispositions dans l'ordre indiqué. Les décisions des arbitres doivent refléter l'objectif sous-tendant l'inclusion de cette disposition dans la Loi sur les pensions c'est-à-dire donner au demandeur le bénéfice du doute concernant tous les aspects de l'affaire.
Cet énoncé de politique ne dispense nullement de la recherche de la preuve. Il doit être invoqué lorsque les éléments contradictoires d'un dossier sont en parfait équilibre et qu'il est impossible de rendre une décision dans un sens ou dans l'autre, la probabilité du fait à prouver étant précisément de 50%. Un demandeur n'est pas tenu de prouver de façon concluante le bien-fondé de sa demande mais doit verser au dossier suffisamment d'éléments de preuve pour soulever un doute raisonnable sur la justesse de ses prétentions.
Il n'y a pas équilibre des éléments de preuve si l'arbitre, après avoir apprécié les éléments favorables et défavorables au demandeur, en arrive à la conviction qu'une conclusion est plus probable que l'autre. Dans ce genre de situation, l'arbitre doit accepter comme un fait avéré la conclusion la plus probable.
Dans la plupart des décisions, il incombe à l'arbitre non seulement d'appliquer le paragraphe 5(3) mais aussi de déclarer dans la décision le fait qu'il (elle) applique cette disposition.
1. 5(3)b) - L'acceptation des éléments de preuve vraisemblables et non contredits présentés par le demandeur
En vertu de l'alinéa b), l'arbitre doit accepter des éléments de preuve qui sont non seulement pertinents mais aussi vraisemblables et non contredits. Le but de cet alinéa est d'écarter les problèmes de pure procédure en matière de preuve.
Vraisemblables
Le sens littéral du mot « vraisemblable » est « croyable » . Des éléments de preuve ne sont pas croyables lorsqu'il existe d'autres faits déjà prouvés qui ne concordent pas avec eux, ou lorsqu'une personne raisonnable utilisant son bon sens doit conclure que les renseignements fournis par ces éléments de preuve sont impossibles ou faux.
La question de la vraisemblance d'un élément de preuve se pose habituellement dans le contexte de renseignements fournis par le demandeur ou pensionné qui exigent une connaissance personnelle des circonstances invoquées à l'appui des prétentions du demandeur ou du pensionné mais pas l'expertise d'un spécialiste. Par exemple, une demanderesse peut affirmer avoir subi une fracture à la jambe alors qu'elle était en service en Somalie. Si la preuve documentaire montre qu'elle n'a jamais été en Somalie, les affirmations de la demanderesse ne pourraient être considérées comme crédibles.
C'est la preuve elle-même qui doit être crédible. La crédibilité de la personne versant des éléments de preuve au dossier n'est pas un facteur pertinent dans le contexte de cette disposition. Même une personne généralement peu digne de foi peut verser au dossier des éléments de preuve crédibles, tout comme on peut voir une personne généralement digne de foi verser au dossier des éléments de preuve non crédibles.
Non contredits
Lorsqu'un demandeur fait état d'une preuve non contredite, il n'existe aucun autre élément de preuve contraire. Par exemple, il y a des dossiers de réclamation dont les déclarations du demandeur constituent le seul élément de preuve. L'absence de tout autre élément de preuve dans les archives et le fait que le demandeur n'ait rien signalé postérieurement à son départ ne contredisent en aucune manière ses déclarations. Cependant, l'absence de tels éléments peut susciter des doutes quant à crédibilité de ses prétentions.
Par contre, des éléments de preuve vraisemblables en eux-mêmes peuvent néanmoins se voir rejetés si une opinion contradictoire bénéficie d'un large consensus. Par exemple, dans le domaine médical, il est fréquent qu'une opinion, de par sa nature, n'impose pas une conclusion ferme. Par conséquent, on rejettera une opinion médicale si elle est contraire aux principes généralement acceptés par les spécialistes reconnus. Bien qu'on puisse qualifier ce genre de preuve de vraisemblable (sa fausseté n'ayant pas été prouvée), on ne peut dire qu'elle n'est pas contredite. Cette démarche n'est pas d'application généralisée. Tout particulièrement, elle ne s'appliquera ni dans les domaines médicaux où il existe d'importantes écoles de pensée minoritaires ni lorsque l'état des connaissances médicales n'est pas bien fixé.
Par contre, une opinion médicale, exprimée par un spécialiste reconnu qui a traité ou examiné le demandeur, doit normalement être acceptée, à moins que celle-ci soit implicitement ou explicitement fondée uniquement sur les dossiers médicaux obtenus du demandeur (autrement dit, elle n'est pas fondée sur un examen personnel du spécialiste), ou encore si elle est entièrement conjecturale.
L'examen personnel d'un demandeur n'est pas pertinent lorsqu'un dossier ne soulève qu'un problème médical pur et simple (est-ce que X peut causer Y). L'examen personnel devient pertinent lorsque le problème médical prend un aspect plus subjectif (est-ce que X a pu causer Y chez l'ancien combattant) ou concerne l'état de l'ancien combattant (quel est le degré d'incapacité de l'ancien combattant, ou est-ce que X a pu causer l'état de santé de l'ancien combattant).
2. 5(3)a) - Tirer des conclusions en faveur du demandeur
Cette partie concerne les modes de preuve d'un fait. Le demandeur n'a pas véritablement prouvé un fait mais a réuni suffisamment d'éléments de preuve dont on peut déduire l'existence de ce fait.
L'arbitre doit tirer des conclusions en faveur du demandeur sur la base des documents acceptés en preuve et de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Quand il tire des conclusions, cela signifie qu'il fait des déductions en se fondant sur les commencements de preuve ou éléments de preuve documentaire qui ont été portés à son attention.
En ce qui concerne les litiges relatifs aux pensions, voici ce que signifie tirer une conclusion favorable dans la plupart des cas : s'il existe un effet, et un ensemble de faits qui sont une cause possible de cet effet, et qu'il n'existe aucun élément pouvant indiquer une conclusion différente, il incombe alors à l'arbitre de conclure que cet ensemble de faits est la cause de cet effet. Par exemple, un ancien combattant prétend être atteint d'osto-arthrite au genou; les archives montrent que l'ancien combattant était tombé d'un camion et s'était blessé au genou en 1945; une opinion médicale corroborant les prétentions de l'ancien combattant est versée au dossier et il n'existe aucun autre fait tendant à la réfuter; alors on doit raisonner en faveur de l'ancien combattant et en déduire que l'état de l'ancien combattant est dû au moins en partie à sa chute survenue en 1945.
Il est souvent nécessaire de tirer des conclusions favorables au demandeur lorsqu'on a établi que les dossiers ont été perdus ou détruits, ou n'ont pas été dressés en raison des conditions de guerre; par exemple, on constatera l'absence de preuves documentaires couvrant l'incarcération des prisonniers de guerre.
V. LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE
[19] Le demandeur soutient que le Tribunal a tiré des conclusions de fait erronées quant à savoir si le demandeur souffrait de TSA lors de l'accident le soir du 27 décembre 1979, quant à la crédibilité du demandeur et du Dr Fraser et en inférant, sur le fondement des avis médicaux pertinents et admissibles, que le demandeur ne souffrait pas de TSA au moment de l'accident. Le demandeur soutient également que le Tribunal a commis une erreur de droit en tirant des conclusions de fait enfreignant les dispositions sur la retenue judiciaire de la Loi sur les pensions et de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
[20] Il convient de citer au long le résumé suivant énoncé par le juge Evans dans McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647 (C.F. 1re inst.), compte tenu de la gamme de questions qu'il faut examiner en l'espèce :
16. L'avocat du demandeur a prétendu que, comme aucun fait principal n'était contesté en l'espèce, le litige était centré sur des questions de droit. En vertu de l'alinéa 18.1(4)c) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, la Cour a le pouvoir d'annuler une décision d'un tribunal fédéral, tel que le Tribunal, s'il a commis une erreur de droit en rendant sa décision. En conséquence, il incombe à la Cour de déterminer elle-même si la blessure du demandeur est « consécutive » ou « rattachée directement » au service militaire, et si elle conclut que c'est le cas, elle devrait annuler la décision du Tribunal au motif que celle-ci est erronée en droit.
17. L'avocat du procureur général a soutenu par ailleurs que la Cour devait faire preuve d'une certaine retenue judiciaire à l'égard de la façon dont le Tribunal a interprété et appliqué la Loi sur les pensions, en particulier si l'on tient compte de la disposition législative selon laquelle les décisions du Tribunal sont « définitives et exécutoires » (Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), article 31), et que le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur toute question connexe à un appel (article 26). En conséquence, il a prétendu que la décision du Tribunal n'était mal fondée en droit que si elle était manifestement déraisonnable : National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.
18. L'avocat du demandeur a paru soutenir que la compétence de la Cour d'annuler la décision d'un tribunal administratif fédéral au motif que celui-ci a commis une erreur de droit lui donne le pouvoir de contrôler judiciairement toute décision du tribunal qui se rapporte à une question de droit en lui appliquant la norme de la décision correcte. Avec égards, cet argument est mal fondé en droit. En fait, il est tout à fait contraire à l'analyse pragmatique ou fonctionnelle que la Cour suprême du Canada a établie depuis le milieu des années 1980 afin de déterminer la norme de contrôle que le législateur devrait être considéré avoir prescrite implicitement quand l'interprétation qu'un tribunal spécialisé donne à sa loi constitutive ou l'application qu'il en fait est contestée dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire.
19. La recherche de l'intention du législateur dans ce contexte consiste au fond à dégager une façon rationnelle de répartir entre le tribunal spécialisé et la cour de révision la responsabilité de prendre des décisions. Une évaluation quant à savoir qui du tribunal ou de la cour de révision est le plus en mesure de décider des questions en litige constitue un élément important de cette recherche : Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756.
[...]
44. À mon avis, les questions litigieuses en l'espèce sont des questions d' « application » . Le recours du demandeur se fonde essentiellement sur l'importance insuffisante accordée par le Tribunal au fait qu'au cours d'une longue journée de travail, l'adjm McTague a été obligé de sortir pour souper parce qu'il n'y avait pas de services de restaurant sur la base, ce que l'armée a reconnu quand elle a accepté de lui rembourser son souper. Accorder une importance appropriée aux faits pertinents constitue un exercice de jugement pour lequel le Tribunal est au moins aussi bien préparé qu'une cour de révision. Une norme de contrôle fondée sur la retenue judiciaire est donc indiquée vu la nature des questions litigieuses en l'espèce.
45. L'allégation du demandeur selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit parce qu'il ne lui a pas accordé le bénéfice du doute et qu'il n'a pas interprété la loi d'une façon large et libérale devrait être prise en compte lorsqu'il s'agira de déterminer si la décision du Tribunal ne satisfait pas à la norme relative au caractère raisonnable de la décision.
46. Enfin, je devrais noter que la Cour a bien établi que la norme de la décision manifestement déraisonnable, qui est moins exigeante, est applicable lorsque la question litigieuse concerne l'évaluation ou l'interprétation par le Tribunal d'éléments de preuve médicaux souvent contradictoires ou peu concluants et la conclusion qu'il en a tiré quant à savoir si l'invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire : MacDonald c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. n ° 346 (1re inst.) (QL); Weare c. Canada (Procureur général) (1998), 153 F.T.R. 75 (C.F. 1re inst.) [page 667]; Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.); Henderson c. Canada (Procureur général) (1998), 144 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.).
47. De telles décisions touchant les faits se situent au coeur même de la compétence spécialisée du Tribunal. Compte tenu de considérations de rentabilité et de compétence institutionnelle relative, les conclusions de fait doivent faire l'objet de la plus grande retenue judiciaire.
48. L'importance des facteurs examinés précédemment dans le cadre de l'analyse pragmatique ou fonctionnelle indique qu'en l'espèce, on devrait considérer que le législateur a prescrit une norme de contrôle fondée sur la retenue judiciaire. Toutefois, ces facteurs ne montrent pas que la norme fondée sur la plus grande retenue judiciaire devrait être appliquée. La norme de contrôle de la décision « manifestement déraisonnable » semble de plus en plus réservée aux décisions des organismes administratifs qui sont protégés par des clauses limitatives rigides et qui ont beaucoup plus de responsabilités de réglementation que le Tribunal qui n'exerce que des fonctions juridictionnelles. Il s'agit également de la norme appropriée, comme je l'ai indiqué précédemment, quand la question litigieuse concerne des conclusions quant à des faits essentiels, y compris des conclusions tirées des éléments de preuve.
Cette analyse du juge Evans me servira de guide quant aux normes de contrôle à appliquer pour les diverses questions soulevées en l'espèce.
VI. ANALYSE
Le Tribunal a-t-il enfreint un principe de justice naturelle en imposant au demandeur un fardeau de preuve inapproprié?
[21] Le demandeur soutient que le fardeau de preuve lui incombant en vue de démontrer le bien-fondé de sa demande devant le ministre est le même que celui applicable devant le comité de révision et le Tribunal. Par conséquent, tout règlement, politique, règle ou loi qui s'applique au ministre à toute étape du processus de demande s'applique également au comité de révision et au Tribunal. En outre, la procédure de révision et d'appel fait partie intégrante - ou est la continuation - du processus de demande de prestations engagé devant le ministre, bien que le Tribunal soit un organisme indépendant. Le demandeur soutient que, pour ce motif, il n'a pas le fardeau de démontrer, aux étapes de la révision et de l'appel, que la décision du ministre est erronée à tout égard général ou particulier. Il lui incombe plutôt de démontrer que, compte tenu de la preuve initiale qu'il a présentée au ministre et de la preuve additionnelle qu'il a produite aux étapes de la révision et de l'appel, il a établi son droit à une pension en vertu de la Loi sur les pensions. Les règles d'interprétation, à l'article 2 de la Loi sur les pensions et à l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ainsi que les règles en matière d'appréciation de la preuve, au paragraphe 5(3) de la Loi sur les pensions et à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), sont identiques pour ce motif. C'est également pour cette raison que la procédure devant le Tribunal n'est pas de type contradictoire.
[22] Selon le demandeur, tant la Loi sur les pensions que la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) créent un régime législatif unique en matière de pensions. On s'y écarte sensiblement de la procédure et du fardeau de preuve pour établir l'admissibilité applicables devant un tribunal administratif courant.
[23] Le requérant ne tente pas d'obtenir un privilège ou un permis sous le régime de la Loi sur les pensions. Il vise à faire donner effet « à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides » . C'est pour ce motif que l'article 2 de la Loi sur les pensions prescrit que les dispositions de la Loi « s'interprètent d'une façon libérale » .
[24] Le demandeur soutient que le traitement d'une demande par le ministre et par le Tribunal ne donne pas lieu à une décision sur un privilège mais plutôt sur un « droit » .
[25] Le demandeur soutient que la Loi sur les pensions ne prescrit pas qu'il présente une preuve péremptoire de son droit d'être indemnisé. Pour ce motif, lorsque que la preuve présentée ne satisfait pas au fardeau de preuve mais suffit pour qu'on infère de manière raisonnable qu'une blessure est survenue alors que le demandeur s'adonnait à des activités accessoires à l'emploi, le Tribunal est également tenu de tirer des conclusions favorables au demandeur.
[26] Le défendeur soutient pour sa part qu'en l'espèce, le Tribunal a appliqué correctement les dispositions législatives pertinentes. Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) établissent des lignes directrices favorables à une interprétation large et téléologique pour les demandes de pension des anciens combattants. L'article 39 prescrit que, lorsqu'une preuve crédible est présentée, le Tribunal a l'obligation de l'apprécier et d'en tenir compte de la façon la plus favorable possible au demandeur.
Wood c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n ° 52 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 22 et 23
[27] Les présomptions créées par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ne déchargent pas le demandeur, toutefois, de l'obligation de prouver que sa maladie est consécutive ou rattachée au service militaire. Le demandeur doit prouver par prépondérance des probabilités, la preuve étant examinée sous l'angle le plus favorable possible, que son invalidité est reliée au service militaire.
Wood, précitée, au paragraphe 24
[28] Il ne découle pas de l'article 39, en outre, que le Tribunal doit prêter foi automatiquement à toutes les prétentions, quelles qu'elles soient, d'un demandeur. Il faut plutôt prêter foi à la preuve si elle est crédible, raisonnable et non contredite.
MacDonald c. Canada, (Procureur général), [1999] A.C.F. n ° 346 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 22
[29] En l'espèce, le Tribunal a déclaré explicitement qu'il a examiné avec attention l'ensemble de la preuve et des avis médicaux dont il avait été saisi et a tiré toutes ses conclusions dans le respect des obligations énoncées à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le défendeur soutient ainsi que le demandeur n'a présenté aucune preuve forte portant que le Tribunal n'a pas dûment tenu compte de la preuve en respectant la présomption en sa faveur prévue par la loi.
[30] La conclusion selon laquelle le demandeur ne souffrait pas de TSA est pleinement étayée par la preuve dont le Tribunal était saisi. À ce titre, le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau lui incombant de prouver qu'il était atteint d'une incapacité se rattachant au service militaire.
[31] Dans MacDonald, précitée, le juge Cullen a traité comme suit de cette question :
22. Il est de jurisprudence constante qu'un tribunal n'est pas tenu de formuler une conclusion explicite par écrit sur chaque élément qui l'amène à sa conclusion ultime; de fait, il existe une présomption selon laquelle le tribunal a examiné tous les documents qui lui ont été soumis : Henderson c. Canada (Procureur général) (1998), 144 F.T.R. 71 (1re inst.). Toutefois, cette présomption est tempérée par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui dispose que si le Tribunal est saisi de nouveaux éléments de preuve vraisemblables dans le cadre d'une demande de révision, il doit examiner et apprécier la preuve et tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur. Cela ne veut pas dire que le Tribunal doit automatiquement accepter les prétentions d'un ancien combattant; il doit plutôt accepter la preuve si elle est vraisemblable et non contredite.
[32] Le juge MacKay a formulé une conclusion semblable dans Wood, précitée :
24. Toutefois, les articles 3 et 39 de la Loi ne libèrent pas le demandeur de l'obligation d'établir que la douleur qu'il éprouve au bas du dos est consécutive ou se rattache au service militaire (Cundell c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. n ° 38 (C.F. 1re inst.)). Le demandeur doit néanmoins établir selon la prépondérance des probabilités, la preuve étant examinée sous l'angle le plus favorable possible, que son invalidité se rattache au service. Cette norme civile doit être interprétée avec la disposition habilitante figurant à l'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-7, qui se lit comme suit :
21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :
a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire;
[33] La décision du juge Teitelbaum traitant de l'article 3 et du paragraphe 10(5) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), dans Tonner c. Canada (Ministre des Anciens combattants), [1995] A.C.F. n ° 550 (C.F. 1re inst.), peut également être invoquée au soutien de l'argument du défendeur :
29. Il ressort clairement de la lecture de l'article 3 et du paragraphe 10(5) que le Tribunal, lorsqu'il examine la preuve dont il dispose, doit trancher en faveur du requérant toute incertitude « compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays » . En examinant la preuve, le Tribunal tire les conclusions les plus favorables possible au requérant, accepte tout élément de preuve non contredit qui lui semble vraisemblable ou digne de foi en l'occurrence et tranche en faveur de l'appelant toute incertitude.
30. La lecture de la décision du Tribunal me convainc qu'il a fait exactement ce que la LTAAC lui demande de faire.
31. La lecture de l'article 3 et du paragraphe 10(5) ne m'amène pas à interpréter les dispositions en question comme voulant dire que, quel que soit l'argument invoqué par un ancien combattant, cet argument doit automatiquement être accepté par les membres du TAAC. La preuve doit être vraisemblable ou digne de foi et elle doit être raisonnable.
[...]
35. Il ne m'appartient pas, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, de substituer ma décision à celle du Tribunal, mais uniquement d'examiner la preuve, de façon à déterminer si le Tribunal a appliqué le critère approprié, à savoir s'il a interprété et évalué la preuve dans son ensemble, et de trancher toute incertitude en faveur de l'ancien combattant ou en l'espèce, de la requérante.
[34] Dans sa décision en l'espèce, le Tribunal mentionne, à la page 20, qu'il est au fait du fardeau de preuve approprié ainsi que de la jurisprudence traitant de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :
[traduction]
Le Tribunal n'a ménagé aucun effort pour s'assurer d'apprécier la preuve équitablement et de tirer toutes ses conclusions en conformité avec l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le comité a examiné les arguments relatifs au fardeau de preuve en vertu de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), et relève que cet article requiert que le Tribunal tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à l'appelant, qu'il accepte tout élément de preuve non contredit qui lui semble vraisemblable et qu'il tranche en faveur de l'appelant toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.
Il ne découle pas de l'article 39 que le comité doit automatiquement prêter foi à toute allégation, quelle qu'elle soit, de l'appelant. L'article ne libère pas l'appelant du fardeau qui est le sien de présenter les éléments de preuve requis à l'appui de la demande. La Cour fédérale a déclaré dans nombre de décisions que la preuve doit être crédible et raisonnablement susceptible d'étayer la demande.
[35] Lorsqu'il s'est agi d'appliquer le droit aux faits dont il était saisi, le Tribunal s'est montré très sensible dans sa décision (à la page 20) à la nature fondamentale de la tâche qui lui incombait :
[traduction]
La principale question en litige en l'espèce concernant de la fiabilité des divers avis médicaux au dossier et de la force probante à leur reconnaître, le présent comité a apprécié ces avis en tenant compte de l'ensemble de la preuve au dossier et de l'obligation imposée au Tribunal par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
[36] Le Tribunal a ensuite procédé à une analyse et une appréciation méticuleuses et motivées des divers avis médicaux en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles et a conclu (page 30) que « [traduction] eu égard aux faits et à la situation d'espèce, [...] la preuve ne permet pas de prêter foi de manière raisonnable » aux allégations du demandeur selon lesquelles il était atteint d'un TSA consécutif ou rattaché directement à son service militaire.
[37] On peut ne pas être d'accord, bien sûr, avec les conclusions du Tribunal et avec son appréciation de la preuve, mais celui-ci n'a commis aucune erreur révisable en imposant au demandeur un fardeau de preuve inapproprié. Le demandeur soutient que tout ce qu'il avait à faire en l'espèce c'était de soulever un doute quant au fait que son comportement ayant entraîné ses blessures pouvait être attribuable à un TSA lié à son service militaire. Il ajoute que, cela fait, l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) requiert de trancher l'incertitude en sa faveur.
[38] La jurisprudence laisse toutefois entendre que les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ne libèrent pas le demandeur du fardeau qui est le sien de démontrer, par prépondérance des probabilités et en examinant la preuve sous l'angle le plus favorable possible, que son incapacité est liée au service.
[39] En l'espèce, le demandeur n'a pas réussi à convaincre le Tribunal que ses prétentions étaient crédibles, raisonnables et non contredites. Le Tribunal n'était pas convaincu, même compte tenu des articles 3 et 39, du bien-fondé de la demande de pension du demandeur.
[40] Le Tribunal n'a pas commis, à cet égard, d'erreur susceptible de révision.
Le Tribunal a-t-il tiré des conclusions de fait erronées de façon abusive ou sans tenir compte des éléments dont il disposait relativement
a. aux événements et aux faits sur le fondement desquels on pourrait inférer que le demandeur souffrait de TSA lorsque l'accident est survenu le soir du 27 décembre 1979?
[41] Dans MacDonald, précitée, le juge Cullen a statué, aux paragraphes 29 et 30, que le Tribunal avait commis une erreur en omettant de rejeter une preuve en fournissant des motifs au sujet de sa vraisemblance :
Il est mentionné dans la jurisprudence que le Tribunal doit accepter les éléments de preuve médicaux non contredits qui lui semblent vraisemblables dans les circonstances; toutefois, il peut rejeter ces éléments de preuve s'il est saisi d'une preuve contraire ou s'il fournit des motifs touchant la vraisemblance : Re Hornby (1993), 63 F.T.R. 188 (1re inst.); King c. Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (1997), 138 F.T.R. 15 (1re inst.) [...]
Le Tribunal a commis une erreur en omettant soit d'accepter la nouvelle preuve dont il a été saisi, soit de rejeter cette preuve en fournissant des motifs au sujet de sa vraisemblance.
[42] En l'espèce, le demandeur fait valoir « [traduction] de nombreux faits et éléments de preuve qui ont été présentés au Tribunal et qui permettent de conclure en l'existence d'un TSA » . Après examen de ces « faits » , je conclus que bon nombre ne sont pas entièrement pertinents, et qu'aucun n'a un caractère suffisamment déterminant pour qu'il soit justifié de conclure qu'une erreur révisable entache la décision du Tribunal. Celui-ci énonce d'ailleurs bien clairement les motifs de son rejet des faits et éléments de preuve invoqués par le demandeur.
b. à la crédibilité du demandeur et du Dr Fraser?
[43] Le demandeur se fonde fortement sur le témoignage du Dr Fraser pour étayer sa prétention selon laquelle, avant son accident d'automobile, il souffrait de TSA et de dissociation mentale. Le demandeur en souffrait, selon le témoignage du Dr Fraser, parce que la mission de sauvetage prévue constituait un facteur de stress traumatique. Selon le Dr Fraser, c'était la peur de la mort du demandeur face à la mission imminente qui a entraîné l'accident du 27 décembre 1979. Le Tribunal renvoie à la transcription du témoignage du Dr Fraser, à la page 21 de la décision :
[traduction]
Je suis d'avis que nous avions affaire à un sauveteur en vacances très, comme on dirait, avide de prendre part à cette mission avec ses compagnons. Lorsqu'il a vu qu'ils échouaient, il a jugé qu'il devait le faire. J'estime qu'il connaissait les dangers en cause, étant au fait que ses amis n'avaient pas fait le saut. Je crois qu'il estimait pouvoir le faire. Et je crois à ce stade que tout son comportement a changé à compter du moment où il a pris cette décision et que, à partir de là et jusqu'au moment de l'accident, son état mental était modifié, correspondant à ce que je qualifierais de trouble de stress aigu [...]
[...]
[...] Je ne peux vérifier d'aucune manière ce qu'il m'a dit, et j'ai formulé mes remarques sur la foi de son récit. J'ai assurément ressenti qu'il estimait sa vie en danger. Il avait le sentiment qu'il avait de fortes chances de mourir en tentant de sauver les rescapés du naufrage, tout en étant très engagé intérieurement à accomplir son devoir. C'était ce qu'on attendait de lui. Il satisfait donc assurément au premier critère, que nous appelons le critère A, du fait de la réelle possibilité de sa propre mort et de celle d'autres personnes [...]
(Conforme à la transcription; non souligné dans l'original)
[44] Le Tribunal a rejeté l'avis médical du Dr Fraser, au motif qu'il était entaché des faiblesses suivantes :
[traduction]
a. Le Dr Fraser n'a pas eu l'occasion « de procéder à une analyse objective et indépendante des faits » . Les faits lui ont été racontés par le demandeur et la fiabilité ainsi que l'exactitude de ce récit sont douteux puisque le demandeur avait du mal à se rappeler des événements « étant donné son évanouissement ou sa "perte de connaissance" ainsi que son état de confusion et d'amnésie par suite de l'accident » .
b. « [L]a ferme conviction [du demandeur] qu'il était alors atteint du SSPT a influé sur la conclusion finale du Dr Fraser » . « Dr Fraser [...] confirme les théories de l'appelant au sujet de son accident d'automobile » et « l'avis entérine les diagnostics établis avant que le Dr Fraser ait eu l'occasion d'examiner le cas » [Non souligné dans l'original]
Décision du Tribunal, mémoire, page 24
c. Dans l'avis du Dr Fraser, on ne « mentionne pas avoir observé la méthode diagnostique recommandée dans le critère DSM-IV » .
d. Dr Fraser n'avait « qu'une connaissance superficielle de certains faits se rapportant à la mission » .
Décision du Tribunal, mémoire, page 25
e. Le comité n'est pas convaincu que « l'avis [...] s'est attaqué à la question clé du facteur de stress traumatique « lié à un événement dont on a une expérience personnelle et directe » .
Décision du Tribunal, mémoire, page 26
[45] Le Tribunal estimait, en outre, qu'il n'était pas possible de concilier l'avis du Dr Fraser avec le reste de la preuve :
[traduction]
Bien que la preuve au sujet des actions et des paroles de l'appelant le 27 décembre 1979, examinée dans son ensemble, laisse croire en une certaine nervosité ou angoisse, cela ne semble pas cadrer avec le niveau d'angoisse, de perturbation mentale et de distraction attribué par le Dr Fraser à l'appelant près de dix-huit ans après le fait. L'état mental juste avant l'accident ainsi imputé a été l'un des principaux fondements de la théorie du Dr Fraser voulant qu'à compter du moment où l'appelant s'est porté volontaire pour la mission, « son état mental était modifié » . Le Tribunal conclut toutefois que le reste de la preuve n'étaye pas l'opinion du Dr Fraser à ce sujet. En outre, bien qu'il puisse être raisonnable pour le comité de croire que l'appelant était angoissé ou nerveux dans l'attente de la difficile mission de sauvetage du lendemain, cela n'amène pas automatiquement à conclure que l'appelant souffrait de TSA. Il n'y a aucune preuve médicale quant au fait que la peur, l'angoisse ou la nervosité ne sont ressenties que lorsqu'il y a TSA ou SSPT.
Même en prêtant foi aux souvenirs quant à l'état de nervosité du demandeur, le comité conclut que cela ne suffit pas pour démontrer valablement que le demandeur était atteint de TSA, une maladie psychiatrique à étiologie spécifique.
[46] Le demandeur soulève plusieurs objections face au traitement et au rejet en bout de ligne par le Tribunal de l'avis du Dr Fraser. Aucune de ces objections ne me convainc de conclure que le Tribunal a commis une erreur révisable. Il est assurément toujours possible, répétons-le, de contester des conclusions de cette nature. Mais être en désaccord ne constitue pas, en soi, un motif de contrôle judiciaire.
[47] Il ressort de la décision qu'on a tenu compte avec pondération du témoignage du Dr Fraser, et en donnant des motifs. Le Tribunal s'est inquiété à juste titre du caractère rétrospectif du diagnostic et il a relevé des incohérences entre le témoignage du Dr Fraser et certains faits connus, comme l'état de la mission de sauvetage.
c. à la conclusion, sur le fondement des avis médicaux pertinents et admissibles, portant que le demandeur ne souffrait pas de TSA au moment de l'accident?
[48] Selon le demandeur, le Tribunal a tiré des conclusions non étayées par la preuve relativement à l'état pathologique du demandeur. Le demandeur fait valoir particulièrement ce qui suit dans ses observations écrites :
[traduction]
85. Bien que le comité d'appel (contrairement au comité de révision) ait conclu, sur la foi de la preuve (décision du Tribunal mémoire, pages 23 et 24), que le demandeur était nerveux et angoissé, il a néanmoins conclu que « les sentiments de nervosité et d'angoisse étaient normaux ou conformes à ce qu'on attendrait chez une personne se préparant mentalement à vivre une situation dangereuse le lendemain » .
Décision du Tribunal, mémoire, page 24
86. On a tiré cette conclusion sans qu'elle soit le moindrement étayée par les avis médicaux présentés au Tribunal, notamment ceux des Drs Lange et Deziel. Le Tribunal s'est en effet érigé en expert quant aux sentiments de nervosité et d'angoisse « normaux ou conformes à ce qu'on attendrait » d'un côté, et « anormaux » de l'autre. Cette conclusion s'est fondée sur les activités et conversations « courantes » du demandeur avant l'accident. Pourtant, aucun avis médical n'a été présenté au Tribunal quant à savoir quelles activités et conversations on pourrait considérer « courantes » et quelles autres « inhabituelles » . C'est dans ce contexte que le comité d'appel a examiné le témoignage du Dr Fraser.
[49] Il ne faut pas oublier cependant le contexte général dans lequel s'inscrivent ces remarques tirées de la décision du Tribunal. Même si celui-ci tire des conclusions médicales dont il n'est pas spécifiquement traité dans les avis médicaux eux-mêmes, son argument central c'est que l'avis du Dr Fraser ne peut être concilié avec les autres éléments de preuve présentés et ne peut servir de fondement valable aux prétentions du demandeur :
[traduction]
Quoiqu'il soit raisonnable pour le comité de reconnaître que l'appelant a pu être nerveux ou angoissé, le témoignage antérieur du soldat Fredheim quant à ses activités et conversations avec l'appelant avant et après l'accident est également crédible et a été fait alors que le souvenir en était encore frais; ce témoignage est donc aussi digne de foi que la déclaration postérieure de 1992. Le comité relève que la déclaration antérieure de M. Fredheim est également conforme à la déclaration fournie par le caporal B. Lapp, le seul autre témoin de l'accident lui-même. Le comité en conclut que sont fiables les souvenirs de janvier 1980 de M. Fredheim relativement aux événements du 27 décembre 1979.
Le comité conclut, sur la foi du témoignage antérieur, que les activités et conversations de l'appelant avant l'accident étaient courantes et que l'appelant avait présents à l'esprit son travail ainsi que ses autres sujets d'intérêt et d'inquiétude. La preuve révèle également la complète présence d'esprit de l'appelant, ce dernier ayant pu, peu après être retourné chez lui en provenance de Prince George, rencontrer son ami, puis conduire son automobile accompagné de ce dernier jusqu'à la base, où il a vérifié son équipement et s'en est dit satisfait à cet ami, pour ensuite se rendre dans quelques lieux de loisir. La conversation entre l'appelant et le soldat Fredheim était également d'ordre courant. Elle a principalement porté sur la préparation en vue de la mission, sur un voyage de ski et l'espoir de l'appelant qu'il lui permettrait d'améliorer ses relations avec son épouse et sur la satisfaction procurée à l'appelant par le bon fonctionnement de sa voiture sport.
[50] Le Tribunal avait l'obligation de tenir compte de tous les éléments de preuve dont il disposait. Il a respecté cette obligation et a conclu que l'avis du Dr Fraser, eu égard à tous les autres éléments de preuve disponibles, ne permettait pas d'établir le bien-fondé de la demande. Aucune erreur révisable n'a été commise à cet égard.
3. Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en tirant des conclusions de fait contraires aux articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), aux articles 2 et 5 de la Loi sur les pensions et au paragraphe 5(3) de la Politique d'interprétation du ministère
a. en ne préférant pas les témoignages oraux ou écrits sous serment aux déclarations non solennelles obtenues par le ministère en l'espèce?
[51] Le demandeur soutient qu'il y a lieu d'accorder davantage de poids aux témoignages oraux faits devant le Tribunal qu'à des témoignages sans serment. Le demandeur soutient qu'à plusieurs reprises en l'espèce, le comité d'appel a préféré des témoignages sans serment et n'a pas posé de questions aux témoins qui expliquaient ou précisaient, lorsqu'ils témoignaient sous serment, des déclarations non solennelles antérieures. Le défendeur fait valoir à cet égard un argument de poids, soit que les assertions du demandeur sur ce point sont, à tout le moins, exagérées.
[52] Le juge Rothstein a examiné une question semblable dans Canada (Procureur général) c. Lambie, [1995] 1 C.F. 680 (C.F. 1re inst.). Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision du tribunal de révision des droits de la personne de permettre au défendeur, M. Lambie, de citer deux nouveaux témoins en appel, par suite du rejet de sa plainte portant que les Forces armées canadiennes avaient fait de la discrimination à son endroit en ne le faisant pas monter au grade de commandant de base en raison de son état matrimonial. M. Lambie vivait en union libre dans l'attente de son divorce.
[53] Le juge Rothstein a renvoyé à la décision de la Cour suprême R. c. Palmer, [1980] 1 R.C.S. 759, et a statué qu'on n'y trouve aucune mention du fait qu'un tribunal ne doit fonder sa décision en matière de crédibilité que sur des affidavits et déclarations sous serment. Le tribunal des droits de la personne peut accepter de l'information obtenue autrement que par affidavits ou sous serment. Un tribunal de révision ne commet pas d'erreur en décidant de recevoir de nouveaux éléments de preuve sous forme de déclaration sans serment ou de résumé de témoignage anticipé, dans la mesure où il conclut que l'information est crédible, c'est-à-dire qu'il est raisonnable d'y prêter foi. Des éléments de preuve vagues et résumés de façon très succincte peuvent ne pas suffire au tribunal pour établir s'ils sont ou non crédibles.
[54] Le Tribunal n'a pas commis d'erreur révisable à cet égard. Il a apprécié avec attention tous les éléments de preuve dont il disposait et en a soupesé les forces et les lacunes.
b. en tirant des conclusions quant à la crédibilité des témoins sans avoir eu l'occasion de les observer alors qu'ils témoignaient?
[55] Le demandeur soutient que le Tribunal ne peut se prononcer sur la crédibilité des témoins, déclarant ce qui suit dans ses observations écrites :
[traduction]
105. Le demandeur soutient que la conclusion défavorable au demandeur, particulièrement celle concernant le Dr Fraser, a trait à la crédibilité d'un témoin. Le comité d'appel n'étant pas l'instance devant qui le demandeur et Dr Fraser ont témoigné, il ne peut tirer de conclusions en matière de crédibilité. Le comité de révision ayant, quant à lui, entendu la preuve testimoniale, il était le mieux placé pour juger de la crédibilité; or, il n'a tiré aucune conclusion défavorable au demandeur ou au Dr Fraser. Le comité d'appel est par conséquent lié par le silence en matière de crédibilité du comité de révision.
[56] Le demandeur cite la décision Stein c. Kathy K., [1976] 2 R.C.S. 802, de la Cour suprême du Canada, au soutien de son argument. Je suis malheureusement d'avis toutefois que cette décision n'étaye pas l'argumentation du demandeur. On déclare en effet dans Stein, que, bien que les conclusions de fait tirées en première instance ne soient pas immuables, une cour d'appel ne doit pas les modifier à moins qu'il puisse être démontré que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante ayant eu une incidence sur son appréciation des faits. On a également statué dans Stein que, bien que la cour d'appel soit tenue de réexaminer la preuve pour vérifier si une telle erreur a ou non été commise, elle n'a pas pour rôle de substituer son évaluation quant à la prépondérance des probabilités aux conclusions tirées par le juge président. Il est clair que Stein traitait des conclusions de fait et non des conclusions quant à la crédibilité, et n'est pas nécessairement applicable en contexte administratif. La juge en chef McLachlin a émis des commentaires sur la jurisprudence de la Cour suprême issue de Stein dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] A.C.S. n ° 18, au paragraphe 33 : « le fondement conceptuel du contrôle des décisions administratives diffère fondamentalement de celui des appels de décisions judiciaires » . On peut également distinguer la présente affaire de Stein, du fait que cette décision traite de modification de conclusions antérieures, tandis qu'il s'agit en l'espèce de remplacement du silence du Tribunal par de nouvelles conclusions.
[57] Le demandeur a choisi de qualifier de conclusion quant à la crédibilité la prise en compte du témoignage du Dr Fraser par le Tribunal. Mais celui-ci devait nécessairement mettre en balance des éléments de preuve contradictoires et les apprécier. Cela fait partie intégrante de son mandat. Le Tribunal n'a pas commis d'erreur à cet égard.
c. en refusant de tenir compte de la conclusion de la cour criminelle et de la Cour fédérale portant que l'accident du 27 décembre 1979 n'était pas imputable au demandeur?
[58] On peut résumer, grâce au paragraphe suivant tiré de ses observations écrites, l'argumentation sur ce point du demandeur :
[traduction]
106. [...] l'acquittement du demandeur par la Cour criminelle et le jugement du 4 avril 2000 du juge Muldoon lient en l'espèce le comité de révision et le comité d'appel quant aux conclusions de fait. Ni l'un ni l'autre comité ne peut donc conclure que le demandeur était dans son état normal lors de l'accident et qu'il est à blâmer pour les blessures qu'il a subies, ou qu'il en est responsable. La doctrine de la chose jugée doit recevoir application.
[59] Le défendeur réplique comme suit à ces prétentions :
[traduction]
55. Nous nions catégoriquement, en réplique, qu'on peut déduire de la décision du juge Muldoon la conclusion que le demandeur était véritablement atteint de TSA à la date en cause. Le juge Muldoon a déclaré expressément que le demandeur devrait obtenir la décision d'un comité relativement à la question du TSA. À ce titre, on ne peut faire valoir comme argument qu'est de l'ordre de la chose jugée la question de savoir si le demandeur souffre ou non de TSA. Le juge Muldoon a ainsi déclaré :
Un autre motif justifie la Cour de ne pas examiner la question du t.s.a. En effet, l'avocat n'a pas demandé au tribunal d'appel de se prononcer sur la question du t.s.a. ni sur le témoignage des Drs Fraser et Nozick. Il a été question de l'un de ces médecins ou du t.s.a. pour la dernière fois à l'audience du premier tribunal de révision le 23 septembre 1997. La question du t.s.a. a toutefois été abandonnée lors de cette audience, comme on le constate à la lecture de la page 6 des motifs du tribunal de révision [...].
L'examen des observations sur le t.s.a. à ce stade transformerait la demande de contrôle judiciaire en appel de la décision du tribunal d'appel, ce que la Cour a dit qu'elle n'était pas disposée à faire; Naredo et Arduengo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1997] 3 C.F. 468 (C.F. 1re inst.). De plus, il faut souligner qu'un deuxième tribunal de révision est présentement saisi de la question du t.s.a.. Il serait donc présomptueux de la part de la Cour de tirer une conclusion à son égard.
Schut c. Canada (Procureur général), [2000] C.F.P.I. n ° 424 (C.F. 1re inst.)
[60] Il est bien vrai que, dans sa décision, le juge Muldoon dit clairement estimer que les comportements du demandeur lors de l'accident « échappaient totalement à sa volonté » et que, son état, « il n'avait aucun moyen de le contrôler » (au paragraphe 29) :
Il s'agissait d'un état de forte panique et de terreur qui l'empêchait de détacher son esprit du danger extrême, presque assurément mortel, que présentaient les tâches (duty) qu'il savait qu'il exécuterait le lendemain; en fait, en se conformant à la norme voulant qu'il inspecte son équipement, il avait déjà commencé à accomplir ces tâches (duty), puisque cette inspection était directement rattachée à son service militaire.
[61] Il est également vrai, toutefois, que le juge Muldoon ne tire aucune conclusion relativement au TSA dans sa décision et qu'il déclare ainsi, au paragraphe 33, « [...] il faut souligner qu'un deuxième tribunal de révision est présentement saisi de la question du t.s.a. Il serait donc présomptueux de la part de la Cour de tirer une conclusion à son égard » .
[62] On ne peut déduire d'un simple acquittement au pénal la conclusion que le demandeur souffrait de TSA au moment de l'accident. La décision n'est entachée d'aucune erreur révisable sur ce point.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Les dépens sont adjugés au défendeur.
_ James Russell _
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2083-01
INTITULÉ : DANNY GARY SCHUT
demandeur
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 MAI 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE RUSSELL
DATE DE L'ORDONNANCE : LE LUNDI 10 NOVEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Emilio S. Binavince POUR LE DEMANDEUR
Michael Roach POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Emilio S. Binavince POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)