Date : 20010419
Dossier : IMM-3668-00
Ottawa (Ontario), le 19 avril 2001
En présence de : M. le juge Pinard
Entre :
XIAO DONG LIANG
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 26 juin 2000, qui porte que le demandeur doit être exclu de la définition de « réfugié au sens de la Convention » qui se trouve au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est annulée et la question est renvoyée pour nouvel examen par une formation différente.
YVON PINARD
JUGE
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date : 20010419
Dossier : IMM-3668-00
Référence neutre : 2001 CFPI 341
Entre :
XIAO DONG LIANG
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 26 juin 2000, qui porte que le demandeur doit être exclu de la définition de « réfugié au sens de la Convention » qui se trouve au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi), suite à la conclusion de la formation qu'elle avait des motifs sérieux de conclure que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun en Chine
[2] Le demandeur a 36 ans. Il prétend être un citoyen de la Chine et il fonde sa revendication sur une crainte fondée de persécution du fait de ses opinions politiques imputées. Il est arrivé au Canada en mai 1998 au moyen d'un passeport de la Dominique, qu'il aurait acheté dans le cadre du programme dominicain pour les investisseurs.
[3] Le demandeur a été arrêté par la police locale le 23 octobre 1998, alors qu'il se trouvait au Canada, en vertu d'un mandat international délivré par les autorités chinoises, où il est indiqué que le demandeur est recherché pour conspiration pour commettre un meurtre. S'il est renvoyé en Chine, il est passible de la peine de mort.
[4] Le demandeur, qui plaide l'innocence, a fait l'objet d'une mesure d'expulsion conditionnelle le 28 mai 1999, mesure délivrée par un arbitre d'immigration en vertu du sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi. Il avait revendiqué le statut de réfugié un mois auparavant. Son audience a été fixée au 7 avril 2000. Au début de l'audience, le défendeur a soutenu que la preuve présentée à la Commission était telle qu'elle n'avait aucun autre choix que celui d'exclure le demandeur en vertu de la section F(b) de l'article premier. Le demandeur a fait savoir qu'il n'était pas prêt à répondre aux arguments du défendeur et il a demandé de pouvoir présenter des observations écrites. La Commission a décidé que ses présentations écrites devaient traiter de l'argument du défendeur portant sur l'exclusion. Le demandeur n'a pas témoigné.
[5] Le demandeur a présenté des prétentions écrites, avec une déclaration sous serment qui contient la preuve suivante : une preuve médico-légale qui laisse clairement entendre que les documents en provenance des autorités chinoises sont des faux, et une lettre d'un expert en affaires chinoises qui indique que le gouvernement chinois peut porter de fausses accusations dans des buts politiques. Les deux témoins n'ont pas été interrogés.
[6] Le défendeur a soulevé la question de la nationalité dans le cadre de l'exclusion en vertu de la Section E de l'article premier, en réponse aux arguments du demandeur au sujet de la Section F(b) de l'article premier. Dans sa réponse additionnelle, le demandeur s'est objecté à ce que l'on examine la question de la citoyenneté en se fondant uniquement sur les prétentions écrites.
[7] La Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Voici les conclusions pertinentes de la Commission :
- Le rapport médico-légal passe en revue des documents écrits en caractères chinois. L'auteur déclare que les opinions exprimées sont conservatrices et témoigne de son expérience limitée en évaluation de formes chinoises. En conséquence, la Commission a préféré la preuve présentée dans l'avis du Bureau chinois de d'Interpol, qui est rédigé en anglais.
- Quant à la lettre du professeur, une opinion sur la vraisemblance n'est pas une opinion de probabilité. Par conséquent, la Commission n'a accordé aucune valeur à cette lettre dans la mesure où elle s'applique à la présente revendication.
- La Commission a conclu qu'elle ne disposait pas d'éléments de preuves qui lui permettraient de conclure que le demandeur est citoyen d'un autre pays que la Dominique.
- La Commission a conclu que l'arrêt Pushpanathan c. Canada (M.C.I.), [1998] 1 R.C.S. 982, n'avait pas modifié le critère relatif à la norme de preuve auquel le défendeur doit se soumettre, qui veut qu'il y ait « des motifs sérieux de conclure » . La preuve soumise satisfaisait à ce critère et la Commission a conclu que le demandeur était exclu en vertu de la Section F(b) de l'article premier.
[8] Je conclus que la Commission a commis au moins trois erreurs :
1. Dans sa décision, la Commission déclare que « les éléments de preuve comprennent le témoignage oral du revendicateur, son formulaire de renseignements personnels (FRP) et des éléments d'information déposés par le conseil du revendicateur et l'agent chargé de la revendication (ACR) » (je souligne). Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, le demandeur n'a pas témoigné.
2. La Commission semble avoir exigé que le contenu de la déclaration sous serment du demandeur soit corroboré :
Le revendicateur a fait sa déclaration sous serment et le tribunal ne dispose pas d'éléments de preuve fiable pour prouver ou corroborer la teneur de la déclaration.
Je partage l'avis de l'avocat du demandeur qui porte que lorsque la Commission a décidé de rejeter la crédibilité d'une personne en se fondant uniquement sur l'absence de corroboration, elle doit motiver sa décision. Il est clair qu'en l'instance la Commission a choisi de privilégier la preuve documentaire du défendeur par rapport à la déclaration sous serment du demandeur. Il n'est toutefois pas clair que la Commission ait posé comme principe que la déclaration sous serment doit être corroborée, ce qui serait manifestement erroné. Dans ces circonstances, je conclus que la Commission a commis une erreur en ne s'exprimant pas dans ses motifs en « termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236, 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).
3. Nonobstant sa directive permettant qu'on dépose des prétentions écrites sur la question de l'exclusion et le fait que l'avocat du demandeur s'est objecté à l'examen de la question de la citoyenneté sur prétentions écrites seulement, la Commission a traité de la question de la citoyenneté et pris sa décision à ce sujet sans autre audition. Selon moi, la Commission avait créé une attente raisonnable chez le demandeur quant à la portée des prétentions écrites et de sa décision définitive, ce qui l'obligeait de limiter sa décision à l'article 1F(b). En traitant de la question de la citoyenneté la Commission a violé le droit du demandeur à l'équité procédurale.
[9] Selon moi, les erreurs que je viens d'énoncer sont assez importantes pour vicier la décision dans son ensemble et pour justifier l'intervention de notre Cour, sans qu'il y ait lieu d'examiner d'autres arguments.
[10] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et la question est renvoyée pour nouvel examen par une formation différente. Étant donné ces motifs, la certification de la question proposée ne s'impose plus.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 19 avril 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-3668-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Xiao Dong Liang c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 5 avril 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : M. le juge Pinard
EN DATE DU : 19 avril 2001
ONT COMPARU
M. Lorne Waldman pour le demandeur
Mme Negar Hashemi pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
M. Lorne Waldman
Toronto (Ontario) pour le demandeur
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur