IMM-665-96
OTTAWA, LE VENDREDI 17 JANVIER 1997
EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT
Entre :
CHUNG WAI PING,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
ORDONNANCE
SUR PRÉSENTATION d'une demande en vue d'obtenir une ordonnance annulant la décision d'une agente des visas en date du 23 janvier 1996 et de faire certifier des questions aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, après avoir lu les documents déposés, après avoir entendu les avocats de toutes les parties à Toronto (Ontario) le 30 octobre 1996 et le 25 novembre 1996, et pour les motifs rendus ce jour,
LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.
«James A. Jerome»
Juge en chef adjoint
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
IMM-665-96
Entre :
CHUNG WAI PING,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME
Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir une ordonnance annulant la décision d'une agente des visas en date du 23 janvier 1996, dans laquelle on a refusé à la requérante une demande de résidence permanente au Canada, et en vue de faire certifier des questions aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration. L'affaire a été entendue à Toronto (Ontario) le 30 octobre 1996 et le 25 novembre 1996. À la fin des plaidoiries, j'ai réservé mon jugement et indiqué que mes motifs seraient communiqués ultérieurement par écrit.
Au moment de l'entrevue de la requérante avec l'agente des visas à Buffalo (New York), la requérante de quarante-cinq ans travaillait à la Banque de Hong Kong depuis vingt‑six ans. Elle a exprimé le désir de poursuivre une carrière équivalente au Canada, c'est-à-dire celle de «commis de banque polyvalent». Le frère et le père de la requérante sont des résidents permanents au Canada, mais la requérante ne leur a jamais rendu visite ici. Elle a déclaré qu'elle était certaine de pouvoir se trouver un emploi au Canada parce que des collègues dans son domaine avaient immigré ici et avaient obtenu des postes à la Banque de Hong Kong du Canada. Toutefois, elle n'a communiqué avec aucun de ses collègues ou employeur éventuel au sujet de la possibilité d'obtenir un emploi au Canada.
La requérante fait valoir que l'agente des visas a «tenu doublement compte» des facteurs de l'emploi réservé et de l'âge en les réévaluant sous la «personnalité», qu'elle n'a pas pris en compte l'argent dont disposait la requérante en évaluant sa personnalité, et qu'elle a à tort délégué la tâche d'évaluer la personnalité de la requérante à d'autres agents et aux médias.
Dans son affidavit déposé dans le cadre de la présente demande, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :
[TRADUCTION]
18. [...] J'ai indiqué à Mme Ping que, même si elle a de l'expérience et si elle est certaine de pouvoir se trouver un emploi, et comme elle n'a fait aucune démarche pour savoir s'il y avait des emplois disponibles dans son domaine, ses recherches à ce niveau pourraient être plus difficiles qu'elle ne le croyait, compte tenu surtout de la situation économique défavorable. Par exemple, je lui ai fait observer qu'elle pourrait entrer en concurrence avec de jeunes diplômés qui viennent d'entrer sur le marché du travail, et dont la candidature pourra être plus intéressante pour l'employeur parce que l'éventualité du versement d'une pension est plus éloignée dans l'avenir.
19. Le fait que la requérante n'ait pris aucune mesure pour se familiariser avec le Canada ou pour se trouver un emploi m'indique qu'elle manque d'initiative, de faculté d'adaptation, de motivation et d'ingéniosité. Les motifs de Mme Ping pour immigrer au Canada ne se fondent pas sur son désir de s'établir elle-même avec son mari au Canada, mais plutôt sur le désir de quitter Hong Kong à l'approche du changement de gouvernement prévu pour 1997.
L'intimé fait valoir que l'agente des visas a accordé à la requérante cinq points au titre de la personnalité en se fondant sur les motifs de son immigration au Canada, son manque de connaissance du Canada, les fonds dont elle disposerait à son arrivée au Canada, ses plans à son arrivée ici, le fait qu'elle n'a fait aucune démarche pour s'assurer de la disponibilité d'un emploi au Canada, et l'absence d'une offre officielle ou non d'aide de la part de ses amis au Canada.
Sous la personnalité, un agent des visas peut évaluer quatre facteurs, c'est-à-dire la faculté d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative et l'ingéniosité d'un requérant, pour déterminer les possibilités qu'a celui-ci de s'établir avec succès au Canada. Je suis convaincu que l'agente des visas n'a pas «doublement pris en compte» certains facteurs puisque l'analyse effectuée au titre de la personnalité a surtout porté sur les quatre facteurs susmentionnés et non pas sur des évaluations déjà faites au regard de l'âge et de l'emploi réservé. Je conclus que le fait que la requérante possède environ 760 000 $ canadiens a été pris en compte par l'agente pour déterminer si la requérante avait les moyens de subvenir à ses besoins pendant un certain temps et que cela pourrait révéler une certaine ingéniosité de la part de la requérante. Toutefois, la requérante n'a pas démontré pourquoi le fait d'être en possession de cet argent, par lui-même, mérite une note plus élevé au facteur de la personnalité.
Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas n'a pas effectué l'évaluation qu'on lui demandait de faire, ni qu'elle a manqué à son obligation d'agir équitablement envers la requérante. Dans les circonstances, je ne trouve aucun fondement qui justifie mon intervention dans la décision de l'agente des visas et pour cette raison, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Les décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale en matière d'immigration peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale si au moment du jugement une question a été certifiée par la Section de première instance. La requérante me demande de certifier les questions suivantes :
1.Un agent d'immigration peut-il réexaminer les facteurs 1 à 8 du Règlement sur l'immigration dans son appréciation du facteur 9 de ce même Règlement?
2.Les économies mentionnées par une personne qui demande la résidence permanente sont-elles visées par les mots «esprit d'initiative, motivation, esprit d'adaptation, ingéniosité et autres qualités semblables» mentionnés au facteur 9 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration?
Le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration régit la certification des questions en vue d'un appel :
83(1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application - règlements ou règles - ne peut être porté en appel devant la Cour d'appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.
Ainsi donc, seules les «questions graves de portée générale» peuvent être certifiées. Un libellé semblable a fait l'objet d'une interprétation par le juge Catzman de la Haute Cour de justice de l'Ontario dans la décision Rankin v. McLeod, Young, Weir Ltd. et al. (1986), 57 O.R. (2d) 569. Le juge Catzman a conclu que la règle 62.02(5)b) des Règles de procédure civile de l'Ontario [TRADUCTION] «traitent de questions de grande portée ou d'application générale qui justifient un règlement par une instance judiciaire supérieure» (supra, à la page 575). La Cour d'appel fédérale s'est appuyée sur ce raisonnement et a ajouté que la question à certifier doit trancher définitivement l'appel (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4).
Je ne crois pas qu'il soit justifié de certifier les questions proposées par la requérante. Ces questions ont trait à des points qui ont été judiciairement réglés et qui n'exigent pas un règlement par une instance judiciaire supérieure. Le juge Simpson dans la décision Stefan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (14 août 1996), IMM‑669‑95 (C.F. 1re inst.), aux pages 3 et 4, indique ceci :
Ce qu'il faut voir dans une analyse de la personnalité, c'est une appréciation axée sur les quatre facteurs, et non sur le degré de compétence déjà noté dans d'autres parties de l'appréciation.
Si cet objectif est atteint, alors l'arrêt Zeng [Zeng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 167 (C.A.F.)] ne s'applique pas, et le fait que des sujets examinés ailleurs dans l'appréciation soient de nouveau pris en considération, sous un angle différent englobant lesdits facteurs, ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.
Dans la décision Hemani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (26 novembre 1996), IMM-2854-95 (C.F. 1re inst.), à la page 3, le juge Gibson indique ceci, pour ce qui a trait à l'attribution par l'agent des visas de certains points au titre de la «personnalité» :
Dans Mangat c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [(1991), 13 Imm. L.R. (2d) 184 (C.F. 1re inst.)], le juge Strayer écrit, à propos du critère de la personnalité dont l'agent des visas doit tenir compte dans une affaire semblable à la présente cause :
Les critères énumérés sur ce point sont essentiellement ceux qui sont nécessaires pour «réussir dans la vie» d'un point de vue économique, et je pense qu'il faut considérer que le renvoi à la fin de ces critères aux «autres qualités semblables» signifie des critères de même nature.
[...] il ressort que l'agent des visas s'est intéressé à la capacité du requérant de «réussir dans la vie» d'un point de vue économique en évaluant sa personnalité. Rien ne me permet de conclure qu'en procédant ainsi, l'agent des visas a «comptabilisé des points en double», a tenu compte d'une preuve non pertinente ou a laissé de côté une preuve pertinente.
J'estime que l'analyse qui précède a réglé les questions proposées par la requérante aux fins de la certification. Je conclus donc que cette demande ne soulève aucune question grave de portée générale dont la certification serait justifiée.
OTTAWA
le 17 janvier 1997 «James A. Jerome»
Juge en chef adjoint
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
N° DU GREFFE :IMM-665-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :CHUNG WAI PING -ET- M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :le 30 octobre 1996 et le 25 novembre 1996
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME
DATE :le 17 janvier 1997
ONT COMPARU :
M. M. Max ChaudharyPOUR LA REQUÉRANTE
North York (Ontario)
Mme Kathryn HucalPOUR L'INTIMÉ
Toronto (Ontario)
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat et procureurPOUR LA REQUÉRANTE
M. George ThomsonPOUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada