Date : 20210325
Dossier : IMM‑182‑20
Référence : 2021 CF 261
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 25 mars 2021
En présence de madame la juge Simpson
ENTRE :
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RONKE VICTORIA SHODUNKE
AARON OLAWALE SHODUNKE OLADIPUPO SEANDELL SHODUNKE
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
(Rendus oralement à l’audience par vidéoconférence
à Ottawa (Ontario) le 12 janvier 2021)
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 10 décembre 2019 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a confirmé le rejet de la demande d’asile des demandeurs par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission.
I.
Contexte
[2]
Les demandeurs sont une mère et deux enfants mineurs, tous citoyens du Nigeria. La mère est la demanderesse principale. La demanderesse principale est mariée, et son mari continue de vivre au Nigeria. Ses parents et ses frères et sœurs y vivent aussi.
[3]
Avant de venir au Canada et avant que ses difficultés commencent, la demanderesse principale vivait avec sa famille à Lagos. Elle prévoyait d’y ouvrir un salon de beauté et un spa. Elle est titulaire d’un certificat d’un centre de formation en esthétique. Elle a également travaillé à son compte, se rendant à Dubaï pour acheter des marchandises qu’elle vendait au Nigeria. Elle est titulaire d’un grade de bachelière.
[4]
La demanderesse principale est chrétienne et son mari est musulman. Lorsqu’elle s’est mariée, la demanderesse principale ne s’est pas convertie à l’islam. Malheureusement, la famille du mari n’a pas accepté la situation. En particulier, la mère du mari [la belle‑mère] était farouchement opposée au refus de la demanderesse principale de se convertir.
[5]
Après le mariage, la belle‑mère s’est installée chez le couple, sans leur permission. Elle a par la suite fait venir une jeune femme musulmane pour qu’elle vive chez le couple et devienne la nouvelle épouse de son fils. Le 18 mars 2018, la belle‑mère et d’autres membres de la famille ont agressé physiquement la demanderesse principale. Cette dernière s’est rendue à la police locale, qui a refusé de l’aider.
[6]
Poussés à agir en raison de l’agression, la demanderesse principale et les deux demandeurs mineurs ont quitté le Nigeria pour se rendre à New York. Ils ont passé la nuit dans un hôtel, puis se sont rendus à la frontière canadienne. Ils sont arrivés au Canada le 30 mars 2018 et ont présenté une demande d’asile.
[7]
La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile des demandeurs concluant qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Port Harcourt. De plus, la SPR a conclu que le défaut des demandeurs de demander l’asile aux États‑Unis était problématique et a remis en question la crédibilité de la demanderesse.
II.
La décision de la SAR
[8]
Devant la SAR, la PRI était la question déterminante. Le commissaire de la SAR a conclu qu’il n’y aurait pas de possibilité sérieuse de persécution, étant donné l’absence de preuve claire et convaincante de la capacité ou du désir de la famille du mari de trouver les demandeurs à Port Harcourt. La demanderesse principale n’a fourni aucune explication sur la manière dont, concrètement, sa belle‑mère serait capable de la retrouver à Port Harcourt.
[9]
De l’avis du commissaire de la SAR, les difficultés que les demandeurs pourraient devoir surmonter pour se réinstaller n’atteignaient pas un niveau que l’on peut qualifier de déraisonnable. Le niveau d’éducation supérieur à la moyenne de la demanderesse principale, ainsi que le fait que Port Harcourt est une ville à prédominance chrétienne dans une région chrétienne, appuyaient le potentiel de réinstallation. Le commissaire de la SAR a également noté que rien n’indiquait que le mari de la demanderesse principale n’irait pas la rejoindre.
III.
Les nouveaux éléments de preuve
[10]
La demanderesse principale a présenté de nouveaux éléments de preuve à la SAR, que celle‑ci a refusés, soit parce que leur contenu ne comportait pas de nouveaux renseignements, soit parce qu’ils ne portaient pas sur la question déterminante – la PRI. J’ai examiné les nouveaux éléments de preuve et j’estime qu’à l’exception d’un rapport de police, les conclusions de la SAR étaient raisonnables.
[11]
Le commissaire de la SAR a refusé d’accepter le rapport de police, estimant qu’il n’était pas pertinent. Dans le rapport circonstancié, le mari s’est plaint que sa mère avait orchestré une attaque contre lui à Ibadan. Il s’agit d’une ville située à environ 140 km de Lagos. Le mari s’y était installé pour prendre ses distances de la « nouvelle femme »
que sa mère avait fait venir chez lui. Il prenait également ses distances par rapport aux menaces de mort proférées par sa mère.
[12]
Bien qu’il ne soit pas dit clairement que le mari se cachait à Ibadan, le rapport de police donne cette impression lorsqu’il fait référence aux menaces de mort. Par conséquent, cet élément de preuve était à la fois nouveau et potentiellement pertinent, car il peut montrer la capacité de la mère de trouver son fils en dehors de Lagos. Par conséquent, il aurait dû être pris en considération par le commissaire de la SAR.
[13]
Pour ce motif, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
[14]
À la lumière de la conclusion qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres questions.
IV.
Certification
[15]
Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑182‑20
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour nouvel examen. Le nouvel examen comprendra notamment l’examen du rapport de police qui a été rempli par le mari de la demanderesse en date du 26 février 2019.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑182‑20
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INTITULÉ :
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RONKE VICTORIA SHODUNKE, AARON OLAWALE SHODUNKE ET OLADIPUPO SEANDELL SHODUNKE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE DEPUIS Ottawa (ONTARIO) (LA COUR) ET TORONTO (Ontario) (LES PARTIES)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 12 JanVIER 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE SIMPSON
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DATE DES MOTIFS :
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LE 25 MARS 2021
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COMPARUTIONS :
Adam Wawrzkiewicz
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pour les demandeurs
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Margherita Braccio
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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pour les demandeurs
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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