Date : 20031216
Dossier : IMM-5541-01
Référence : 2003 CF 1474
Toronto (Ontario), le 16 décembre 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
ZHENG YU XU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Zheng Yu Xu (le demandeur) demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas Ayesha Rekhi (l'agente des visas) a rejeté, en date du 7 novembre 2001, sa demande de résidence permanente au Canada.
[2] Le demandeur, un citoyen de la République populaire de Chine, a présenté sa demande de résidence permanente au Canada en qualité d'investisseur au Consulat général du Canada à Hong Kong, le 31 mars 1999 ou vers cette date. Il a déclaré un avoir net de 826 675 $CAN, comprenant notamment des dépôts en banque de 257 474 $CAN. Il a indiqué qu'il avait été vice-président de la Chitai Qingchunbao Pharmaceutical Co. Ltd. Il a aussi fait le placement requis dans le Prince Edward Island Government Economic Development (IV) Fund Inc.
[3] Le représentant autorisé du demandeur a reçu une lettre datée du 29 mai 1999 lui demandant de fournir des documents additionnels. Deux documents étaient marqués d'un « X » : 1) des formulaires de demande de résidence permanente complets et 2) l'original des certificats de bonne conduite délivrés par la police. Le demandeur a compris qu'il devait fournir uniquement ces documents, malgré le fait que d'autres documents étaient inscrits sur la liste tapée à la machine et transmise par le Consulat général. Les notes versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) indiquaient que le Consulat avait reçu les deux documents marqués d'un « X » .
[4] Le 30 septembre 1999, une [traduction] « lettre annonçant la tenue d'une entrevue » a été envoyée au demandeur pour lui faire savoir qu'une entrevue aurait lieu et que son dossier était traité en conséquence.
[5] Le 10 septembre 2001, une [traduction] « lettre de convocation à une entrevue » a été envoyée au demandeur pour lui faire savoir que son entrevue avait été fixée au 6 novembre 2001. Cette lettre a été retournée au Consulat, l'adresse étant incorrecte. Le 11 octobre 2001, le Consulat canadien avait avisé le représentant autorisé du demandeur que l'entrevue de celui-ci aurait lieu le 6 novembre 2001, au moyen d'une note manuscrite inscrite sur la partie « Réponse » d'une [traduction] « demande de renseignements » que le représentant autorisé avait fait parvenir au Consulat le 21 août 2001 afin de lui communiquer sa nouvelle adresse et de savoir où en était le dossier du demandeur.
[6] La [traduction] « lettre de convocation à une entrevue » a été envoyée au représentant autorisé du demandeur le 23 octobre 2001. Cette lettre indiquait que le demandeur devait produire, le jour de l'entrevue, [traduction] « tout document demandé dans une lettre précédente ET/OU tout document indiqué sur la(les) liste(s) ci-jointe(s) pour que nous puissions les examiner avant l'entrevue » .
[7] Le demandeur était accompagné de son épouse et de son fils à l'entrevue du 6 novembre 2001. Une liste des documents qui devaient être fournis à l'agent chargé de l'entrevue lui a été remise à son arrivée. Un interprète a participé à l'entrevue et le demandeur a confirmé qu'il le comprenait bien.
[8] Dans une lettre datée du 7 novembre 2001, l'agente des visas a rejeté la demande du demandeur au motif que ce dernier ne satisfaisait pas aux conditions préalables à l'immigration imposées aux investisseurs. Selon elle, le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise et qu'il avait gagné par ses propres efforts l'avoir net requis. L'agente des visas a aussi considéré que le demandeur n'avait pas établi la source d'une grande partie de son avoir net.
[9] La question déterminante dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si l'agente des visas a manqué à son obligation d'équité procédurale à l'égard du demandeur en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses doutes concernant son admissibilité, en particulier en ce qui concerne le caractère suffisant des documents qu'il a fournis. Le demandeur prétend que l'agente des visas a manqué à cette obligation. De son côté, le défendeur soutient que l'agente des visas s'est conformée à l'obligation d'équité procédurale applicable et qu'il appartient exclusivement au demandeur de régler tout problème touchant ses documents à l'appui.
[10] Il est bien établi que la décision prise par un agent des visas en vertu d'un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi ne peut être modifiée à la suite d'un contrôle judiciaire que si le décideur l'a rendue sans tenir compte des éléments de preuve pertinents, s'il s'est fondé sur des considérations inappropriées et étrangères ou s'il a manqué à l'équité procédurale. Je me réfère à cet égard à l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (22 mai 1996, A-172-93, C.A.F.), où la Cour a appliqué le critère suivant tiré de l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :
... Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.
[11] Il est également bien établi en droit qu'il incombe à un immigrant éventuel de démontrer que son admission au Canada respecte les dispositions législatives applicables. C'est la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, telle que modifiée, qui était en vigueur lorsque le demandeur a présenté sa demande. L'article 8 de cette loi, qui est maintenant abrogé, prévoyait ce qui suit :
8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements. (2) Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête. |
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8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person. (2) Every person seeking to come into Canada shall be presumed to be an immigrant until that person satisfies the immigration officer examining him or the adjudicator presiding at his inquiry that he is not an immigrant.
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[12] Dans la décision Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 262, le juge Evans (tel était alors son titre) a fait les commentaires suivants au sujet d'une personne qui demande l'admission au Canada en qualité de membre de la catégorie des immigrants indépendants, mais le principe s'applique aussi en l'espèce :
Il est bien établi qu'un demandeur de visa a l'entière responsabilité de présenter à l'agent des visas toute la documentation qui pourrait permettre à ce dernier de rendre une décision favorable. Les agents des visas n'ont par conséquent aucune obligation générale en droit de demander des détails ou des renseignements additionnels avant de rejeter une demande de visa au motif que la documentation soumise ne suffisait pas à les convaincre que le demandeur répondait aux critères de sélection pertinents.
[13] Le problème en l'espèce vient du fait qu'à cause des défectuosités, ambiguïtés et erreurs contenues dans le dossier certifié du tribunal il faut se demander si les représentants et employés du défendeur au Consulat général du Canada à Hong Kong ont suffisamment informé le demandeur, ce qui suffit à jeter un doute sur le degré d'équité procédurale auquel ce dernier a eu droit. Par exemple, la trousse relative à l'entrevue qui aurait été envoyée au demandeur le 10 septembre 2001 ou vers cette date ne figure pas dans le dossier du tribunal. La lettre convoquant le demandeur à une entrevue le 6 novembre 2001 fait référence à une liste de documents qui doivent être fournis. Cette lettre parle de ces documents dans les termes suivants :
[traduction] De plus, vous devez nous fournir à - 11 h - le jour de votre entrevue tout document demandé dans une lettre précédente ET/OU tout document indiqué sur la(les) liste(s) ci-jointe(s) pour que nous puissions les examiner avant l'entrevue. [Non souligné dans l'original]
[14] Or, aucun document n'était [traduction] « indiqué » sur la liste jointe dans laquelle l'original de certains documents était demandé. Le demandeur n'a pas apporté de documents originaux à l'entrevue et, lorsqu'il a offert de les obtenir, à l'exception de ses talons de chèque de paye et d'une note interne de la société nommant les administrateurs de celle-ci, l'agente des visas a refusé. Selon la transcription de son contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agente des visas doutait de la véracité des autres documents qui pourraient être produits par le demandeur. Elle a dit :
[traduction] A. Lorsque le demandeur a déclaré pendant l'entrevue - je devrais dire vers la fin de l'entrevue, qu'il pourrait obtenir tous les documents que je voulais, je lui ai dit que cela me paraissait problématique étant donné qu'au cours de l'entrevue je lui ai demandé, par exemple, s'il possédait d'autres documents à l'appui concernant son revenu, par exemple, et qu'il m'a répondu qu'il m'avait donné tout ce qu'il avait ou pouvait obtenir.
J'ai dit au demandeur que, compte tenu de ces déclarations, de notre expérience et de celle de notre bureau avec la Chine, et de la facilité avec laquelle des documents peuvent être fabriqués, il n'était plus nécessaire de fournir des documents additionnels.
[15] Finalement, les notes du STIDI consignées par l'agente des visas indiquent que l'entrevue s'est déroulée le 7 novembre 2001 alors qu'elle a eu lieu le 6 novembre 2001. Comme c'est le cas des autres facteurs indiqués ci-dessus, cette mauvaise transcription de la date de l'entrevue n'est pas importante en soi, mais cette erreur, ajoutée aux défauts décrits précédemment, soulève des questions au sujet de l'équité à laquelle le demandeur a eu droit. Compte tenu de l'effet cumulatif de ces problèmes. je conclus que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et l'affaire renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci rende une décision conforme au droit. L'affaire ne soulève aucune question à des fins de certification.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci rende une décision conforme au droit. L'affaire ne soulève aucune question à des fins de certification.
_ E. Heneghan _
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5541-01
INTITULÉ : ZHENG YU XU
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 15 DÉCEMBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 16 DÉCEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Cecil Rotenberg, c.r. POUR LE DEMANDEUR
Brad Gotkin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cecil Rotenberg, c.r. POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Don Mills (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20031216
Dossier : IMM-5541-01
ENTRE :
ZHENG YU XU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE