Date : 20210423
Dossiers : T-1282-19
T-1725-19
Référence : 2021 CF 360
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 23 avril 2021
En présence de madame la juge Strickland
Dossier : T-1282-19
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ENTRE :
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WILLIAM GORDON GLENDALE EN SA QUALITÉ DE CHEF DU CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW ET DE MEMBRE DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES ET MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW
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demandeurs
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et
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BILL PETERS, NORMAN GLENDALE ET ROBERT DUNCAN
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défendeurs
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Dossier : T-1725-19
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ET ENTRE :
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BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN, EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW
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demandeurs
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et
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WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Je suis saisie de deux demandes de contrôle judiciaire connexes. Les demandes, qui portent toutes deux sur la question de savoir quelle entité ou quelles personnes sont habilitées à gouverner la Première Nation des Da’Naxda’Xw [PND], sont présentées conformément aux articles 18 et 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [Loi sur les Cours fédérales]. Elles concernent les mêmes parties et ont beaucoup de questions communes. Par conséquent, conformément à l’ordonnance rendue par le juge responsable de la gestion de l’instance le 20 décembre 2019, les mêmes dates d’audience ont été prévues pour une instruction commune des deux demandes, qui ont été débattues devant moi pendant trois jours.
T-1282-19
[2]
Les demandeurs dans le dossier T-1282-19 sont William Gordon Glendale [Gordon Glendale], en sa qualité de chef du conseil de bande de la PND et de membre du conseil des chefs héréditaires [CCH], Michael Jacobson-Weston et Anne Glendale en leur qualité de conseillers du conseil de bande de la PND [ensemble, le conseil de bande de Glendale]. Ils soutiennent être habilités à gouverner la PND. Ils demandent le contrôle judiciaire du pouvoir que les défendeurs, Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan [MM. Peters et Duncan], prétendent avoir de tenir des réunions et de prendre des décisions, y compris des résolutions du conseil de bande, au nom de la PND, et du pouvoir de MM. Peters et Duncan de destituer Gordon Glendale comme membre du CCH. Le conseil de bande de Glendale demande la réparation suivante, énoncée dans son avis de demande :
[TRADUCTION]
1. Une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto portant que Gordon Glendale est le chef et que Michael Jacobson‑Weston et Annie Glendale sont des conseillers du conseil de bande de la PND;
2. Et sur ce fondement,
a) un jugement déclaratoire portant que les défendeurs, Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan, n’ont pas le pouvoir légitime d’agir à titre d’organe directeur de la bande;
b) un jugement déclaratoire portant que le CCH, quelle que soit sa composition, n’a pas le pouvoir légitime d’agir à titre d’organe directeur de la bande;
c) une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant toutes les décisions prises par les défendeurs alors qu’ils prétendaient composer l’organe directeur légitime de la Première nation des Da’naxda’xw;
3. De plus, une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto concernant la composition légitime du CCH, portant que William (Gordon) Glendale est un membre indispensable;
4. Sur ce fondement, une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant
a) la décision de destituer le chef Gordon Glendale à titre de membre du CCH;
b) toutes les décisions prises par le CCH à la suite de la destitution du chef Gordon Glendale.
5. Conformément à l’article 302 des Règles de la Cour fédérale, l’autorisation de la Cour, pour qu’elle ordonne :
a) Conformément à l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, en attendant la décision définitive, une mesure provisoire sous la forme d’une injonction, que la GRC aura le pouvoir de faire respecter, interdisant aux défendeurs d’exercer des pouvoirs au nom de la Première Nation des Da’naxda’xw, et autorisant les demandeurs à reprendre la gouvernance de la Nation selon les modalités établies par l’ordonnance de la Cour datée du 26 mai 2017;
6. Les dépens relatifs et accessoires à la présente demande;
7. Toute autre réparation que la Cour jugera convenable et appropriée dans les circonstances.
T-1725-19
[3]
Après que le conseil de bande de Glendale eut déposé la demande de contrôle judiciaire décrite ci‑dessus, Bill Peters et Robert Duncan, en leur qualité de membres du CCH, ont déposé une demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1725-19, nommant William Gordon Glendale, Michael Jacobson-Weston et Annie Glendale comme défendeurs. Dans leur avis de demande, MM. Peters et Duncan demandent la réparation suivante :
[traduction]
1. Une ordonnance de la nature d’un bref d’un quo warranto portant que :
a) l’ancien conseil de bande de la Première Nation des Da’naxda’xw (« PND »), composé des défendeurs, ou de l’un d’eux, n’est pas habilité à agir en tant qu’organe directeur de la Première Nation des Da’naxda’xw;
b) le conseil des chefs héréditaires de la Première Nation des Da’naxda’xw (« conseil des chefs »), quelle que soit sa composition, est l’organe directeur légitime de la Première Nation des Da’naxda’xw;
2. Une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant toutes les décisions et résolutions du conseil de bande prises par l’ancien conseil de bande après le 1er août 2017;
3. L’autorisation de la Cour, pour qu’elle ordonne, conformément aux articles 105 et 302 des Règles des Cours fédérales, que la présente instance et celle relative au dossier no T-1282-19 de la Cour fédérale soient regroupées ou entendues ensemble;
4. L’autorisation de la Cour pour qu’elle ordonne, conformément à l’article 302 des Règles des Cours fédérales et à l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, les mesures provisoires suivantes en attendant la décision définitive relativement à la présente demande :
a) Une injonction interlocutoire interdisant à l’ancien conseil de bande ou à toute personne qui reçoit des instructions de sa part ou à toute personne qui le soutient ou qui connaît la présente injonction de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement :
i. s’agissant de l’ancien conseil de bande, d’être le conseil de bande de la PND tant que l’honorable Cour n’aura pas statué sur la question soulevée dans la présente instance;
ii. d’exercer les pouvoirs ou les activités du conseil de bande tant que la Cour n’aura pas statué sur les questions soulevées dans la présente instance;
iii. d’entraver illégalement l’exercice par le conseil de bande de ses pouvoirs légitimes ou de sa capacité d’exercer les activités et de s’occuper des affaires de la PND jusqu’à ce que la Cour statue sur les questions soulevées dans la présente instance;
b) Une ordonnance autorisant le conseil des chefs à s’acquitter de ses obligations et responsabilités gouvernementales légitimes envers la PND jusqu’à ce que la Cour statue sur les questions soulevées dans la présente instance.
c) Une ordonnance enjoignant à l’ancien conseil de bande de divulguer, dans les sept jours suivant la date de la présente ordonnance, l’ensemble des décisions, résolutions ou autres prétendus exercices du pouvoirs du conseil de bande que l’ancien conseil de bande a prises, adoptées ou auxquels il s’est livré depuis le 5 juillet 2019 et à produire toute documentation relative à ces sujets au conseil des chefs.
d) Une ordonnance enjoignant à l’ancien conseil de bande de rendre pleinement compte, dans les sept jours suivant la date de la présente ordonnance, de tous les fonds et/ou avantages et/ou sommes reçus par l’ancien conseil de bande ou en son nom à l’égard de la PND ou versés ou transférés par l’ancien conseil de bande depuis le 5 juillet 2019.
e) Une ordonnance enjoignant à l’ancien conseil de bande de transférer immédiatement à la PND tout ou partie des fonds ou toute autre contrepartie reçus à l’intention de la PND.
f) Une ordonnance enjoignant à l’ancien conseil de bande de divulguer et de transférer au conseil des chefs, dans les sept jours suivant la date de la présente ordonnance, tous les documents en sa possession, sous son pouvoir ou sous son contrôle relativement à la gouvernance de la PND.
5. Les dépens relatifs à la présente requête sur une base avocat‑client, payables immédiatement;
6. Toute autre ordonnance que la Cour peut estimer juste dans les circonstances.
[4]
Ces demandes ont un historique procédural très long. Il y a eu notamment une requête présentée par MM. Peters et Duncan en vue de retirer le cabinet d’avocats JFK Law à titre d’avocat du conseil de bande de Glendale. Cette requête a été rejetée par la protonotaire Ring dans une ordonnance datée du 30 octobre 2019. Le 6 février 2020, le juge Favel a confirmé la décision de la protonotaire dont MM. Peters et Duncan avaient interjeté appel (2020 CF 208). Dans une ordonnance datée du 6 décembre 2019, le juge Favel a rejeté les requêtes en injonction introduites respectivement par le conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan (2019 CF 1568).
[5]
De plus, au début de 2020, le conseil de bande de Glendale a déposé une requête par laquelle il sollicitait des décisions concernant les contre-interrogatoires de Gordon Glendale et de Molly Dawson. Le conseil de bande de Glendale souhaitait faire confirmer les objections de l’avocat aux questions posées à M. Glendale et à Mme Dawson au cours des contre-interrogatoires sur leurs affidavits respectifs et obliger Robert Duncan à répondre à certaines questions visées par des objections lors de son contre-interrogatoire. Il a aussi présenté une requête visant à faire radier l’affidavit de Bill Peters souscrit le 24 octobre 2019. Dans une ordonnance en date du 16 février 2021, la protonotaire Ring a rendu des décisions concernant les objections faites lors des contre-interrogatoires et a ajourné, avec le consentement des parties, l’examen de la requête en radiation jusqu’à l’audition de la demande T-1282-19. Cette requête est traitée ci-dessous comme question préliminaire.
[6]
Les parties ont également déposé plus de vingt-cinq affidavits à l’appui de leurs demandes respectives, certains déposants ayant souscrit plusieurs affidavits. Elles ont procédé à des contre-interrogatoires de certains déposants, et le dossier de preuve conjoint contient huit transcriptions de contre-interrogatoires. Les mémoires des faits et du droit respectifs des parties, ainsi que les arguments oraux qui m’ont été présentés, traitent de la preuve de façon très détaillée, analysent de près les mots utilisés et formulent de nombreuses observations sur l’interprétation, la demande et les conclusions qui devraient en découler. Bien que j’aie lu et examiné tous les documents et les observations des parties, les motifs qui suivent ne feront pas état de tous les éléments de preuve mentionnés par les parties ni de tous les arguments soulevés à l’appui de leurs observations respectives. Je ne traiterai que des observations et des éléments de preuve qui, à mon avis, sont les plus pertinents pour résoudre les problèmes relatifs aux demandes de contrôles judiciaires dont je suis saisie.
Contexte
[7]
La PND est une bande au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 [la Loi sur les Indiens]. Il s’agit d’une petite collectivité comptant environ 226 membres. Seuls environ 19 membres vivent dans ce qu’on appelle le « village », qui est situé dans une réserve sur le territoire traditionnel de la PND, près d’Alert Bay, sur l’île de Vancouver. Environ 200 membres vivent hors de la réserve. La collectivité de la PND est composée de Namimas, ou clans, chacun dirigé par un chef de famille. Certains chefs de famille sont également reconnus par la PND comme chefs héréditaires. Les principales familles sont les Glendale, Duncan, Jacobson, Gillespies (Peters) et Nolies.
[8]
Vers 1954, le conseil de bande de la PND a été choisi conformément au système électoral prévu à l’article 74 de la Loi sur les Indiens. Toutefois, entre 1972 et 1987, la PND a adopté une structure de gouvernance fondée sur sa coutume non écrite. Depuis 1987, la PND est dirigée par un conseil de bande composé d’un chef héréditaire et de deux conseillers. Il n’est pas contesté que la PND n’a jamais eu de code de gouvernance ou de code électoral écrit. Le dossier dont je suis saisie comprend une résolution du conseil de bande en date du 24 août 1987 qui a été rédigée pour informer ce qui s’appelle maintenant Services aux Autochtones Canada [SAC] de la tenue d’une élection coutumière en 1987 :
[traduction]
QUE les [Da’naxda’xw] reviennent à l’ancienne coutume d’avoir un chef héréditaire. Ainsi, nous nommons William M. Glendale, bande no 44, pour prendre la place qui lui revient en tant que chef héréditaire de la tribu [Da’naxda’xw]. Cette coutume se transmet de génération en génération jusqu’à ce que la tribu souhaite la modifier. La tribu aura deux conseillers qui resteront les deux mêmes jusqu’à ce que le chef et la tribu souhaitent les changer.
[9]
À la réunion de 1987, William McKenzie Glendale a été nommé chef, et Anne Glendale et Fred Glendale ont été choisis comme conseillers. William McKenzie Glendale était le père de Gordon Glendale, Anne Glendale est la mère de ce dernier, et Fred Glendale était le fils de William et Anne.
[10]
Il n’y a aucune preuve que le rôle d’Anne Glendale en tant que conseillère ait jamais été contesté par la suite par une élection pour ce poste.
[11]
Après la mort de Fred Glendale en 2013, des élections ont eu lieu et Michael Jacobson‑Weston a été élu conseiller. En avril 2016, la femme du conseiller Jacobson‑Weston est tombée gravement malade et il a [traduction] « pris un peu de recul » pour faire le point sur ses fonctions de conseiller.
[12]
Toujours en 2013, William McKenzie Glendale a nommé son fils, Gordon Glendale, comme héritier de la chefferie héréditaire de la famille Glendale. À la mort du chef William McKenzie Glendale en 2016, Gordon Glendale a assumé le rôle de chef du conseil de bande de Glendale. Selon le témoignage de Gordon Glendale, il a assisté et a été reçu à un certain nombre de potlatchs visant à le faire reconnaître comme chef héréditaire de la PND, et il a été reconnu comme tel lors de réunions communautaires. Le dossier qui m’a été présenté comprend une résolution du conseil de bande datée du 31 mai 2016, signée par Gordon et Anne Glendale, qui indique ce qui suit :
[traduction]
La Première Nation des Danaxda’xw suit le système de chef héréditaire, l’héritier du chef héréditaire William Mackenzie Glendale est William Gordon Glendale. William Gordon Glendale assumera les responsabilités de chef héréditaire de la nation des Da’naxda’xw jusqu’à ce que les membres souhaitent modifier le système de direction.
[13]
Il semble qu’au cours des 30 ans et plus où le conseil de bande de Glendale a gouverné, certains membres de la PND ont exprimé par intermittence leur mécontentement à l’égard du modèle de gouvernance de chef héréditaire et de conseillers.
[14]
Le mécontentement a atteint son paroxysme vers le 6 novembre 2016 lorsque deux membres de la PND, Nicole Hajash et Lou-Ann Neel, ont déposé une demande de contrôle judiciaire (dossier no T-1908-16 de la Cour fédérale), nommant le conseil de bande de Glendale comme défendeur, par laquelle elles contestaient la légalité et le pouvoir du conseil de bande de Glendale et demandaient un chef et un conseil élus [contrôle judiciaire de 2016].
[15]
Le 12 novembre 2016, une réunion du chef Gordon Glendale et de quatre chefs de famille a eu lieu, et les participants ont convenu que le conseil de bande de Glendale convoquerait une réunion de membres le 21 janvier 2017 pour sonder les membres de la PND sur la forme de gouvernance qu’ils souhaitaient avoir.
[16]
Le conseil de bande de Glendale, par l’entremise de l’agent de communication de la PND, a envoyé un avis initial de réunion informant les membres de la PND d’une réunion de tous les membres le 21 janvier 2017. Un deuxième avis a été envoyé le 18 janvier 2017, donnant avis du prochain examen de la gouvernance et des options de direction [examen de la gouvernance]. Étant donné que ce document est important pour les questions dont je suis saisie, je le reproduis ci-après en entier :
[TRADUCTION]
AVIS DE RÉUNION À TOUS LES MEMBRES
Les dirigeants de la Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala examinent actuellement la structure de direction et souhaitent recueillir les commentaires des membres.
Les renseignements suivants visent à vous donner un aperçu de notre système de gouvernance actuel, des raisons pour lesquelles il est examiné, d’autres options de gouvernance et de la façon dont vous pouvez faire entendre votre voix ou donner vos commentaires.
1. Quelle est la structure de direction actuelle de la Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala?
Tout au long de notre histoire, notre Nation a été dirigée par des chefs héréditaires qui occupaient le rang le plus élevé de notre système social. Les chefs héréditaires ont la responsabilité de diriger et de gouverner notre peuple, et de veiller au respect de nos traditions et de nos protocoles. Selon nos lois culturelles strictes, le titre de chef héréditaire est transmis au fils aîné du chef pendant un potlach.
Notre structure de gouvernance traditionnelle a été interrompue en raison de la politique coloniale du Canada qui imposait initialement le régime de chef et de conseil élu prévu par la Loi sur les Indiens. Cependant, par un vote des membres au début des années 1970, notre Nation est revenue à son système héréditaire. Depuis lors, notre Nation est dirigée par un conseil de bande composé d’un chef héréditaire (anciennement le chef William Glendale, maintenant son fils aîné, William Gordon Glendale) et de deux conseillers élus (actuellement Anne Glendale et Michael Jacobson Weston, récemment élu).
2. Pourquoi la structure de direction actuelle est-elle examinée?
Selon notre Code de coutume actuel, notre chef héréditaire et deux conseillers élus seront nos dirigeants, jusqu’à ce que les membres décident de les changer. Récemment, des personnes ont soulevé la question de savoir si la Nation devrait remplacer son chef héréditaire par un chef élu. Les dirigeants actuels ont décidé de solliciter l’avis de la collectivité sur le système afin de s’assurer que les voix des membres soient entendues et que la collectivité continue d’accepter notre processus de sélection des dirigeants.
3. Quel est le processus d’examen?
Une réunion communautaire aura lieu
· Une réunion communautaire aura lieu le 21 janvier à Campbell River au Coast Discovery Inn de 14 h à 18 h.
· Le but de la réunion est de discuter de notre système de direction et de décider de notre forme de direction. Veuillez noter que si les membres ont besoin de plus de temps pour examiner la question et en discuter, nous organiserons une autre réunion avant de prendre une décision.
Facilitateur
· La réunion sera facilitée par un animateur neutre tiers, Richard Dawson. M. Dawson, de la Première nation de Namgis, est très respecté pour son travail en matière de gouvernance des Premières Nations.
Options : Formes de direction
· Trois types de systèmes de direction seront examinés : le code coutumier en vigueur avec un chef héréditaire et deux conseillers élus; le code coutumier actuel avec un conseil des chefs héréditaire appuyé par un conseil des chefs de famille; et un chef élu et deux conseillers élus.
Ordre du jour de la réunion
· Le facilitateur décrira les options de structure de direction.
· Les membres auront l’occasion d’exprimer leur opinion sur la forme de direction qui répondra le mieux aux besoins de la collectivité.
· La question de la structure de direction sera posée et les membres présents auront la dernière occasion de faire connaître leur choix.
Procédure de prise de décision
·Tous les membres inscrits de la bande qui ont 18 ans ou plus dans la réserve ou hors de la réserve.
· Les membres admissibles sont tenus de fournir leur nom complet, leur numéro d’enregistrement de statut et leur date de naissance.
· À la fin de la réunion, une séance d’information sera organisée pour consigner les commentaires de la collectivité sur la forme actuelle de direction.
· Les membres admissibles sont également autorisés à présenter des observations écrites. Veuillez fournir vos observations avant le 27 janvier.
· Les observations écrites doivent être remises au bureau de la bande à l’adresse suivante :
Case postale 330 Alert Bay (C.-B) V0N 1A0
Adresse électronique : molly@danaxdaxw.com ou trish.n@danaxdaxw.com
Télécopieur : 250-974-2706.
Forme de direction déterminée par la majorité des membres
·La structure de direction sera déterminée par la majorité des membres parmi l’une des structures proposées.
· Pour que la décision soit valide, il doit y avoir une participation d’au moins 1/3 des membres admissibles de la collectivité. Si ce quorum n’est pas atteint, la décision sera sollicitée lors d’une réunion fixée à une nouvelle date.
Après la décision
· Les dirigeants actuels acceptent d’être liés par les souhaits de la collectivité et faciliteront tout changement de direction nécessaire si les souhaits de la collectivité diffèrent de la forme actuelle de direction, y compris en collaborant avec la collectivité pour préparer un code écrit de sélection de direction qui tient compte des souhaits de la collectivité.
· Une fois qu’un large consensus communautaire sur la structure souhaitée aura été atteint, une réunion communautaire sera tenue pour discuter de toute question relative à la transition ou au processus.
4.Que demandera-t-on aux membres?
1. Quelle forme de direction préférez-vous?
a. Chef héréditaire et deux conseillers élus
b. Chef héréditaire appuyé par un conseil des chefs de famille
c. Chef élu et conseillers élus
d. J’aimerais que la Nation s’engage dans un processus plus long pour discuter des différentes options.
[17]
Environ 41 membres de la PND ont rapporté le formulaire de soumission des membres à la réunion et il a été décidé de prolonger la période de participation à l’examen de la gouvernance jusqu’au 27 février 2017. En fin de compte, l’avis d’examen de la gouvernance et le formulaire de soumission des membres ont été remis à 114 (sur 150) membres avec droit de vote et 82 réponses ont été reçues, ce qui est généralement considéré comme une participation élevée. Les résultats de l’examen ont clairement favorisé l’option b, Chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille (l’option a obtenu 0 voix; l’option b a obtenu 65 voix; l’option c a obtenu 14 voix; l’option d a obtenu 3 voix). Je note en passant que toutes les parties conviennent que l’option b, dans l’avis d’examen de la gouvernance reproduit ci‑dessus, aurait dû être écrite comme suit : [traduction] « Chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille »
.
[18]
Un [traduction] « Avis communautaire – Résultats des commentaires de la collectivité sur la structure de direction de notre Nation »
a été publié le 22 mars 2017 [résultats de l’examen de la gouvernance]. Il fait état des résultats mentionnés ci-dessus et, dans sa section Prochaines étapes, il indique qu’au terme du processus d’examen de la structure de direction, la majorité des membres avec droit de vote de la PND a dit souhaiter voir un changement dans la structure de gouvernance pour qu’il y ait un conseil des chefs héréditaires appuyé par un conseil des chefs de famille. Par conséquent, le conseil de bande de Glendale a demandé à tous les chefs de famille de communiquer avec Trish Nolie, Molly Dawson ou le bureau de la bande pour organiser une réunion afin de discuter de la façon dont la PND pourrait inciter la collectivité à décider de la façon de mettre en œuvre cette nouvelle structure de direction. L’avis prévoyait qu’une réunion communautaire serait tenue peu de temps après la première réunion afin d’inviter les participants à participer à la transition vers la nouvelle structure et d’élaborer un code de gouvernance.
[19]
Le 25 mai 2017, une conférence de résolution des différends, ou médiation, a été organisée dans le cadre du contrôle judiciaire de 2016. Les parties, leurs avocats ainsi que les membres de la collectivité et les chefs de famille invités, dont Norman Glendale, Billy Peters, Ruby Manilla, Robert Duncan, Molly Dawson, Nick Chowdhury, ont assisté à la médiation. Il en a découlé une ordonnance sur consentement rendue par le protonotaire Lafrenière (maintenant juge de notre Cour) [ordonnance du protonotaire Lafrenière] suivie d’une déclaration commune à l’annexe A de cette ordonnance. L’ordonnance complète du protonotaire Lafrenière est reproduite à l’annexe A des présents motifs. Voici des extraits de l’ordonnance en question :
LA COUR STATUE que :
1. Les chefs héréditaires qui sont disposés et disponibles, soit William (Gordon) Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Giyaka (Billy Peters) (les « chefs héréditaires ») forment un conseil chargé d’élaborer un code de gouvernance pour la Première Nation des Da’Naxda’Xw qui sera présenté aux membres aux fins d’approbation (le Conseil des chefs héréditaires). Ruby Mannila peut être présente pour aider Giyaka, mais Giyaka doit fournir tous les éléments d’information.
2. Le protonotaire Roger R. Lafrenière assume le rôle de facilitateur principal et convoque dès que possible une réunion du Conseil des chefs héréditaires afin de parvenir à une entente sur un budget et un processus d’engagement communautaire, qui entraînera la formulation d’un code de gouvernance.
3. Le Conseil des chefs héréditaires peut, à sa discrétion, inclure d’autres personnes à titre de membres du Conseil des chefs héréditaires.
4. Des fonds raisonnables de la bande sont mis à la disposition du Conseil des chefs héréditaires, notamment pour la recherche et le soutien juridique, et à des experts en gouvernance afin qu’ils participent au processus de formulation du code de gouvernance et de la présentation de celui-ci à la communauté.
5. Le Conseil des chefs héréditaires doit, à moins que le Conseil des chefs héréditaires n’y consente ou que la Cour n’en ordonne autrement, présenter le code de gouvernance proposé à la communauté aux fins d’approbation d’ici le 1er décembre 2017.
6. Gordon Glendale et les conseillers de la Première Nation des Da’Naxda’Xw ne doivent prendre aucune décision ni ne faire aucune dépense qui ne serait pas liée à l’administration courante de la bande, notamment des ententes à long terme, dans l’attente d’un règlement ou de l’audition de la demande.
7. L’audience sur cette affaire est reportée à une date précise en avril 2018, à moins que la Cour n’en ordonne autrement.
[…]
13. À la fin du référendum sur le code de gouvernance de la Première Nation des Da’Naxda’Xw, les demanderesses doivent renoncer à la demande.
Annexe A de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière rendue le 26 mai 2017 dans le dossier de la Cour no T-1908-16
Déclaration commune des parties à la poursuite concernant la gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw
La présente a pour objet de faire le point sur la poursuite intentée en décembre 2016 pour contester l’actuel système de gouvernance de notre Nation. Les parties se sont récemment réunies pour discuter des façons dont les questions de gouvernance soulevées dans la poursuite pourraient être résolues.
Lors de cette réunion, nous nous sommes entendus sur de nombreux principes fondamentaux. Nous avons convenu que nous sommes plus forts en travaillant ensemble qu’en étant divisés. Nous avons convenu que c’est la communauté qui doit décider de la manière dont elle souhaite être gouvernée, et non pas une seule personne ou le conseil actuel. Nous avons convenu que tout processus de participation communautaire aux questions de gouvernance doit être rigoureux et transparent, et doit donner à la communauté le temps et l’information dont elle a besoin pour apporter une contribution éclairée.
Les parties ont convenu que la prochaine étape du processus consiste pour le Conseil des chefs héréditaires, en collaboration avec les familles et la communauté, à élaborer une proposition de gouvernance à présenter à la communauté. Le Conseil des chefs héréditaires aura pour mandat de travailler à l’obtention d’un consensus et d’un appui communautaires à l’égard de tout modèle de gouvernance proposé, processus qui aboutira à un référendum sur un code de gouvernance des Da’naxda’xw.
Les parties conviennent que le leadership du Conseil des chefs héréditaires sur cette question reflète nos coutumes, nos traditions et notre culture et offre la meilleure occasion de faire entendre la voix de l’ensemble des familles.
[20]
Les parties s’entendent ensuite peu sur les faits, hormis pour dire qu’un code de gouvernance n’a jamais été élaboré et présenté aux membres de la PND.
[21]
En octobre 2017, le conseil des chefs héréditaires, ou CCH, établi par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière a commencé à se réunir pour discuter de l’élaboration d’un code de gouvernance.
[22]
Lors des réunions tenues tout au long de 2018, le CCH a discuté du financement du code, des propositions d’un consultant et d’autres questions de la PND. La réunion communautaire prévue a été reportée. Le conseil de bande de Glendale affirme que, puisque le délai pour l’achèvement du code de gouvernance a été prolongé, le chef Glendale a commencé dès l’automne de 2018 à permettre aux autres chefs héréditaires de prendre part à quelques décisions de gouvernance. Bien que cette participation soit conforme au rôle traditionnel des chefs héréditaires, le contrôle et l’exploitation de la PND demeuraient du ressort du conseil de bande de Glendale, qui était toujours l’organe directeur de la PND.
[23]
À l’inverse, MM. Peters et Duncan affirment qu’à compter d’août 2017, le conseil de bande de Glendale a cessé d’agir comme conseil de bande et que le CCH a commencé à gouverner la PND. Ils affirment que Gordon Glendale a appuyé cette transition et y a participé et qu’une résolution du conseil de bande signée par Gordon Glendale confirme que le CCH est l’organe directeur de la PND. De plus, Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston ont démissionné en tant que conseillers pour appuyer la gouvernance par le CCH.
[24]
Le 5 juillet 2019, Robert Duncan, Billy Peters et Norman Glendale ont signé une résolution du conseil de bande suspendant Gordon Glendale du CCH jusqu’à nouvel ordre. La suspension de Gordon Glendale était fondée sur les renseignements fournis par l’administratrice intérimaire de la bande, Ruby Mannila. Celle‑ci a soutenu qu’après avoir assumé ce rôle le 22 mai 2019, elle a trouvé des preuves d’irrégularités financières concernant Gordon Glendale, des membres de sa famille, et l’argent de la PND.
[25]
Le conseil de bande de Glendale soutient que la décision de Robert Duncan, Billy Peters et Norman Glendale de suspendre Gordon Glendale constitue une usurpation du pouvoir du gouvernement légitime de la PND et s’apparente à un coup d’État. Il affirme que la suspension a été faite sans tenir compte des coutumes de la PND, sans donner d’avis à Gordon Glendale, sans préciser les allégations et sans donner à Gordon Glendale la possibilité de répondre aux allégations. En outre, les membres du CCH n’ont pas le pouvoir de suspendre Gordon Glendale du CCH ou de son poste de chef. Selon le conseil de bande de Glendale, les allégations portées contre Gordon Glendale ne sont qu’un prétexte pour la prise illégale du pouvoir, comme l’ont démontré les actions subséquentes des membres du CCH : changement du pouvoir de signature sur les comptes bancaires de la PND, changement de serrures sur les portes des bureaux, déplacement du bureau du conseil de bande, la suspension du personnel administratif de la bande, etc.
[26]
Bien qu’il n’ait pas été invité, Gordon Glendale, accompagné de certains membres de la PND, a assisté à une réunion prévue du CCH à la résidence de M. Peters le 12 juillet 2019. Gordon Glendale prétend que c’est à ce moment qu’il a appris la nature des allégations pesant contre lui, mais qu’on ne lui a pas donné l’occasion d’entendre les détails des allégations ou d’y répondre.
[27]
Par la suite, le conseil de bande de Glendale et le CCH ont envoyé des communications aux membres de la PND et ont pris d’autres mesures visant à consolider leurs positions respectives quant à l’entité qui est habilitée à gouverner la PND. À l’appui du conseil de bande de Glendale, Gordon Glendale a envoyé une lettre datée du 29 juillet 2019 aux membres de la PND, et le conseil de bande de Glendale a adopté une résolution du conseil de bande en date du 30 juillet 2019 pour contester l’autorité du CCH, affirmant que le conseil de bande de Glendale est l’autorité compétente légale, en vue d’annuler les décisions prises par le CCH (y compris la résiliation de la nomination de Ruby Mannila à titre d’administratrice de la bande). Le CCH, composé de Norman Glendale, de Billy Peters et de Robert Duncan, a à son tour signé une résolution du conseil de bande, datée du 26 juillet 2019, portant que la PND [traduction] « est légalement représentée par »
un conseil de chefs héréditaires dont ils sont membres, comme l’a reconnu SAC, et prévoyant des mesures pour la modification du pouvoir de signature des comptes bancaires de la bande et d’autres actions. Il y a aussi au dossier une copie non signée d’une lettre, datée du 2 août 2019, de Norman Glendale, Billy Peters et Robert Duncan. Dans cette lettre, ces derniers se décrivent comme le CCH et affirment que le CCH a été formé à la suite des souhaits de la PND, qu’il [traduction] « a été confirmé par la Cour fédérale du Canada le 27 mai 2017 dans une ordonnance sur consentement »
et qu’il est devenu, le 1er août 2017, le conseil légalement reconnu de la bande en vertu de la Loi sur les Indiens.
[28]
Dans une lettre datée du 20 août 2019, Norman Glendale, l’un des chefs héréditaires nommés au CCH par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, a informé le conseil de bande de Glendale qu’il s’était rendu compte que les quatre membres du CCH n’auraient pas dû changer la direction de la PND sans l’appui des membres. Il a également remis en question la légalité des actions du CCH après la suspension de Gordon Glendale et a déclaré qu’il ne les soutenait plus, mais qu’il appuyait Gordon Glendale comme chef héréditaire de la PND. Il est à noter que Norman Glendale n’a pas déposé d’avis de comparution en réponse à la demande de contrôle judiciaire présentée par le conseil de bande de Glendale et qu’il ne s’est pas joint à MM. Peters et Duncan pour présenter sa demande. Il n’est pas représenté par les avocats de MM. Peters et Duncan et il n’a pas participé aux présentes demandes de contrôle judiciaire.
Question préliminaire (T-1282-19) – Requête en radiation
[29]
Comme je l’ai mentionné précédemment, le conseil de bande de Glendale a déposé une requête en radiation de l’affidavit de M. Billy Peters souscrit le 24 octobre 2019 [affidavit no 1 de M. Peters] au motif qu’il est invalide et irrecevable. Dans son affidavit, M. Peters a indiqué que sa langue maternelle est le kwak’wala et qu’il a une capacité limitée en lecture et en écriture en anglais. Les motifs de la requête sont que, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, M. Peters a déclaré que son affidavit a été traduit par Ruby Mannila, et non par Robert Thomas Charles Williams, qui a produit la formule 80B – Règle 80, Formule de serment ou d’affirmation solennelle – interprète, accompagnant l’affidavit no 1 de M. Peters. Le conseil de bande de Glendale soutient que Mme Mannila a des liens familiaux avec M. Peters, sa successeure désignée comme cheffe héréditaire, et qu’elle est également un témoin important de MM. Peters et Duncan et qu’elle a déposé trois affidavits (jusqu’alors) en son nom propre relativement à ces demandes. Le conseil de bande de Glendale soutient que le témoignage de M. Peters en contre-interrogatoire faisait douter de la crédibilité et de la validité de son affidavit. En outre, Mme Mannila n’est pas une [traduction] « interprète compétente et indépendante »
et elle n’a pas prêté le serment d’interprète, qui sont les deux exigences de l’article 80 des Règles. Le conseil de bande de Glendale soutient que le rôle de Mme Mannila dans la rédaction et la traduction de l’affidavit no 1 de M. Peters témoigne de la collusion entre deux témoins distincts, ce qui contrevient à la fonction de recherche de la vérité du contre‑interrogatoire. Par conséquent, l’affidavit no 1 de M. Peters devrait être radié, avec adjudication des dépens relatifs à l’interrogatoire préalable de M. Peters et à la requête payables au conseil de bande de Glendale conformément aux articles 97 et 400 des Règles.
[30]
Le dossier de réponse à la requête de MM. Peters et Duncan contient quatre affidavits en réponse à la requête en radiation de l’affidavit no 1 de M. Peters. Dans l’affidavit no 4 de Ruby Mannila, celle-ci se décrit comme héritière de la chefferie de sa famille, représentante de son oncle Bill Peters qui est chef héréditaire de la PND et administrateur de bande de la PND. Elle affirme qu’elle n’était pas présente lorsque l’affidavit no 1 de M. Peters a été traduit ou assermenté et qu’elle n’a pas participé à sa rédaction. Il y a aussi un affidavit de Robert Thomas Charles Williams. M. Williams affirme qu’il a accompagné le 24 octobre 2019 Bill Peters au bureau de M. Benjamin Esau, avocat à Port Hardy, en Colombie-Britannique, pour agir comme interprète pour l’établissement de l’affidavit no 1 de M. Peters. M. Williams déclare que, pendant qu’ils étaient avec M. Esau, il a traduit chaque paragraphe de l’affidavit de M. Peters en kwak’wala, et que M. Peters a confirmé qu’il comprenait chaque paragraphe et que son contenu était véridique avant de signer son affidavit. M. Williams affirme que personne d’autre n’était présent lorsqu’il a traduit l’affidavit no 1 de M. Peters. M. Esau a également souscrit un affidavit, daté du 5 février 2021, confirmant qu’il a rencontré M. Peters et M. Williams le 24 octobre 2019 dans son bureau, où il a assisté à la signature de l’affidavit no 1 de M. Peters, et que personne d’autre n’était présent pendant ce processus.
[31]
Un affidavit de Bill Peters, souscrit le 23 mars 2021 [affidavit no 2 de M. Peters], figure également dans le dossier de réponse à la requête. M. Peters y déclare que son premier affidavit a été traduit et souscrit de la façon décrite par M. Williams. Il va aussi plus loin et tente de corriger son témoignage en contre-interrogatoire. M. Peters affirme que la transcription de son contre‑interrogatoire indique qu’il a dit que Ruby Mannila a préparé et traduit pour lui son premier affidavit, mais que sa réponse était erronée. Il déclare également qu’il a 83 ans, qu’il a le diabète et une maladie cardiaque et qu’il a besoin de suffisamment de temps pour se reposer et manger ou que son état de santé affecte sa capacité à communiquer clairement.
[32]
L’avocat de MM. Peters et Duncan soutient que l’affidavit no 1 de M. Peters a été correctement traduit et qu’il est conforme à l’article 80 des Règles. L’avocat poursuit en évoquant les circonstances du témoignage rendu par M. Peter en contre-interrogatoire en faisant valoir que ses affirmations erronées selon lesquelles Ruby Mannila avait traduit et préparé son premier affidavit devraient être attribuées au long interrogatoire préalable d’une personne âgée [traduction] « éprouvant des problèmes de santé »
et qu’il serait donc injuste de radier cet affidavit.
[33]
Je note pour commencer qu’il semble y avoir eu une certaine confusion quant au dépôt du dossier de requête du conseil de bande de Glendale. Si j’ai bien compris, le dossier de requête dont je dispose a été déposé le 8 mars 2021, après que la requête proposée a été ajournée jusqu’à l’audition des présentes demandes par l’ordonnance de la protonotaire Ring en date du 16 février 2021. Toutefois, l’avocat du conseil de bande de Glendale a soutenu à l’audience que, selon lui, le dossier de requête du 8 mars 2021 n’avait pas été accepté pour dépôt. Par conséquent, il était d’avis que la requête de MM. Peters et Duncan présentée en réponse a été déposée tardivement, qu’une permission était nécessaire pour inclure les nouveaux affidavits et que le conseil de bande de Glendale n’avait pas eu la possibilité de contre-interroger les déposants.
[34]
Peu importe que la requête du conseil de bande de Glendale ait été déposée initialement le 26 janvier 2021, ou même qu’elle ait été déposée (par opposition à avoir été présentée de nouveau) le 8 mars 2021, la requête de MM. Peters et Duncan présentée en réponse a été déposée conformément aux exigences du paragraphe 365(1) des Règles et l’autorisation n’était pas requise pour déposer ou inclure des affidavits à l’appui.
[35]
Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que les affidavits de M. Williams et de M. Esau ne sont pas controversés et que le conseil de bande de Glendale n’est pas lésé par l’absence de contre‑interrogatoire. À la lumière de ces affidavits, je suis convaincue que l’affidavit no 1 de M. Peters a été traduit par M. Williams conformément aux exigences de l’article 80 des Règles.
[36]
Toutefois, si j’ai bien compris l’avocat du conseil de bande de Glendale, il est d’avis que cela équivalait simplement à une [traduction] « conformité en théorie »
avec l’article 80 des Règles, ce qui n’est pas suffisant. Je ne suis pas d’accord; les exigences de l’article des Règles ont été pleinement satisfaites.
[37]
L’avocat du conseil de bande de Glendale soutient à juste titre que M. Peters a déclaré en contre‑interrogatoire que Mme Mannila a rédigé l’affidavit no 1 de M. Peters, qui lui a été présenté lorsqu’il a été entièrement rédigé, et qu’elle est la seule à l’avoir traduit pour lui. M. Peters a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir rencontré M. Williams. L’affidavit no 4 de Ruby Mannila indique qu’elle n’était pas présente lorsque l’affidavit no 1 de M. Peters a été traduit ou déclaré sous serment. C’est ce qu’indiquent les affidavits de M. Williams et de M. Esau. Dans la mesure où elle peut, à un autre moment et à d’autres fins, avoir traduit l’affidavit pour M. Peters, rien ne l’interdisait de le faire.
[38]
Plus important encore, Mme Mannila ne prétend pas avoir traduit l’affidavit no 1 de M. Peters aux fins de l’article 80 des Règles. Par conséquent, elle n’a pas besoin de satisfaire à l’exigence de cet article des Règles d’être « un interprète indépendant et compétent »
. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une situation comme celle dans Luu v Wang, 2011 BCSC 1201, citée par le conseil de bande de Glendale, où la Cour suprême de la Colombie-Britannique [la C.S. C.‑B.] a jugé qu’il y avait des raisons légitimes de douter de l’objectivité de l’interprète qui, dans ce cas, était lié au déposant et qui avait également approuvé la traduction de l’affidavit en question conformément aux règles du tribunal. Dans Luu, la C.S. C.‑B. a conclu que le demandeur avait soulevé un doute suffisant quant à la compétence et à la neutralité de l’interprète, de sorte qu’il était approprié d’exiger un nouvel affidavit du déposant. Il ne s’agit pas non plus en l’espèce d’une situation où il n’y avait pas de certificat de traduction comme c’était le cas dans Velinova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 269 aux para 10‑13 [Velinova], décision également invoquée par le conseil de bande de Glendale.
[39]
Mme Manilla affirme également qu’elle n’a pas participé à la rédaction de l’affidavit, ce qui est contredit par le témoignage en contre-interrogatoire de M. Peters. Toutefois, je ne suis pas convaincue que la preuve contradictoire sur ce point équivaut à « la concertation de deux témoins distincts et fait obstacle à la fonction de recherche de la vérité qu’on assigne au contre‑interrogatoire »
, comme l’avocat du conseil de bande de Glendale l’a soutenu, citant Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71 au para 72 [Elhatton]. Dans Elhatton, un « affidavit conjoint »
avait été accepté comme preuve nouvelle par le décideur administratif. La Cour a jugé que les affidavits conjoints sont inconnus de notre système judiciaire et pour de nombreuses bonnes raisons, notamment parce qu’ils dénotent par essence la concertation de deux témoins distincts et font obstacle à la fonction de recherche de la vérité qu’on assigne au contre‑interrogatoire. Je note également que l’avocat du conseil de bande de Glendale n’a pas proposé que les demandes soient ajournées afin que le contre-interrogatoire sur les affidavits déposés en réponse à la requête de radiation puisse être mené.
[40]
Même si chaque partie s’est référée à une grande partie de la jurisprudence dans ses observations respectives ou par la suite, il suffit de dire que je suis d’accord avec les avocats de MM. Peters et Duncan pour dire que les déclarations contradictoires de M. Peters influent sur le poids à accorder à son premier affidavit et à son témoignage en contre-interrogatoire. Toutefois, les circonstances ne justifient pas la radiation de cet affidavit (Sierra Club of Canada c Canada (Ministre des Finances), (1998) 159 FTR 24 (CF 1re inst) aux para 21 et 22; Bande de Sawridge c Canada, [2000] ACF no 192 (CF 1re inst, aux para 5 et 6); Feher c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 335 au para 166).
[41]
Cela dit, je rejette les tentatives, faites dans l’affidavit no 2 de M. Peters et dans les observations des avocats de M. Peters, visant à corriger et à expliquer les déclarations contradictoires de M. Peters en réponse à la requête de radiation. Je ne dispose d’aucune preuve indiquant que la santé de M. Peters a été soulevée comme un obstacle à son témoignage lors de son contre-interrogatoire. Il n’attribue pas non plus explicitement son témoignage contradictoire à sa santé. Je n’accorde aucun poids à l’affidavit no 2 de Bill Peters.
[42]
En conclusion, la requête du conseil de bande de Glendale visant à faire radier l’affidavit no 1 de M. Peters est rejetée. Toutefois, le témoignage contradictoire de M. Peters influe sur le poids à accorder à son affidavit et à son témoignage en contre-interrogatoire dans le cadre des deux demandes dont je suis saisie.
Questions en litige
T-1282-19
[43]
Le conseil de bande de Glendale formule les questions comme suit :
[traduction]
- Le conseil de bande de Glendale demeure-t-il l’autorité compétente légitime de la PND jusqu’à ce que la collectivité approuve un changement de forme de gouvernement?
- Le CCH a-t-il le pouvoir de suspendre indéfiniment le chef héréditaire Gordon?
[44]
MM. Peters et Duncan répondent à ces questions en affirmant que le CCH est l’organe directeur légitime de la PND; que le conseil de bande de Glendale n’est pas habilité à gouverner la PND; et que le CCH avait le pouvoir de suspendre le chef Gordon pour inconduite financière.
T-1725-19
[45]
MM. Peters et Duncan affirment que la question est la suivante :
[traduction]
- Quel groupe est l’organe directeur légitime de la PND, le CCH ou le conseil de bande de Glendale?
[46]
Le conseil de bande de Glendale soutient que les questions sont les suivantes :
[traduction]
- La collectivité de la PND a-t-elle changé sa coutume de gouvernance pour un [traduction]
« conseil des chefs héréditaires […] quelle que soit sa composition »
? - La collectivité de la PND a-t-elle approuvé le choix de Robert Duncan et de Billy Peters comme membres de leur gouvernement légitime?
[47]
À mon avis, les questions soulevées dans les présentes demandes peuvent être formulées comme suit :
- Quelle est la coutume actuelle de la bande en ce qui concerne la gouvernance de la PND?
Y a-t-il eu un changement dans la coutume?
Le CCH a-t-il un pouvoir de direction légitime?
Le conseil de bande de Glendale a-t-il un pouvoir de direction légitime?
- En ce qui concerne le dossier T-1282-19, le CCH a-t-il le pouvoir de suspendre Gordon Glendale?
- Quelles sont les réparations appropriées?
Question 1 : Quelle est la coutume actuelle de la bande en ce qui concerne la gouvernance de la PND?
[48]
La question de savoir si c’est le conseil de bande de Glendale ou le CCH qui a le pouvoir légitime de gouverner la PND sera tranchée au regard de la coutume de la bande de la PND. Dans les présentes demandes, le principal désaccord entre les parties porte sur la question de savoir si les circonstances factuelles établissent que la coutume de la bande et, par conséquent, si le pouvoir de gouverner, a changé. De plus, du point de vue du conseil de bande de Glendale, il s’agit de savoir si MM. Peters et Duncan ont le pouvoir de gouverner même si la coutume de la bande a changé.
a.
Y a-t-il eu un changement dans la coutume?
La position du conseil de bande de Glendale
[49]
Le conseil de bande de Glendale soutient que, selon la primauté du droit, les autorités publiques, y compris les « conseils de bande »
au sens de la Loi sur les Indiens, doivent être autorisées à exercer le pouvoir. Bien que ce pouvoir provienne habituellement de la loi, la PND tire le pouvoir de se gouverner de la coutume fondée sur les traditions et les pratiques de son peuple. En l’absence d’un code de gouvernance écrit, pour que l’on puisse conclure à l’existence d’une pratique coutumière, il faut disposer d’éléments de preuve qui montrent que cette pratique a été « fermement établie, généralisée et suivie de manière uniforme et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontrera un “large consensus” »
(citant Francis c Conseil mohawk de Kanesatake, 2003 CFPI 115 au para 36 [Francis]).
[50]
Le conseil de bande de Glendale soutient que la coutume de la bande qui appuie sa gouvernance repose sur un large consensus, comme le montre le fait qu’elle a été fermement établie, généralisée et suivie de façon uniforme. À l’inverse, la prétention d’un large consensus de MM. Peters et Duncan repose presque entièrement sur l’examen de la gouvernance (que le conseil de bande de Glendale appelle un sondage), mais cet examen ne répond pas aux critères juridiques d’un changement de coutume.
[51]
Le conseil de bande de Glendale soutient que les membres de la PND ne doivent pas seulement accepter la nouvelle coutume, mais ils doivent également savoir qu’ils l’ont acceptée. Un changement de coutume exige plus qu’une simple opposition au conseil de bande existant ou un souhait populaire de changement. Il nécessite un consentement éclairé précis quant au contenu de la coutume et un accord formel pour la modifier (Shirt c Saddle, 2017 CF 364 au para 32 [Shirt]).
[52]
Le conseil de bande de Glendale soutient que l’examen de la gouvernance était un exercice de collecte d’information visant à déterminer s’il y avait, et dans quelle mesure, un intérêt à modifier la gouvernance de la PND. Il ne s’agissait pas d’un référendum sur la coutume de la PND et il n’y a pas eu de changement de gouvernement. Cet examen a plutôt fourni une occasion de changements futurs. Le conseil de bande de Glendale note qu’il ressort de l’examen de la gouvernance, de ses résultats et de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière que les membres de la bande ratifieraient par la suite tout changement officiel de gouvernance découlant de cet examen de la gouvernance. Ces documents ont créé une attente parmi la collectivité qu’ils avaient le droit d’être entendus et de fournir des commentaires sur la mise en œuvre d’un code de gouvernance. Le conseil de bande de Glendale soutient que ces documents démontrent une entente entre la collectivité et ses dirigeants sur un processus de changement et que ce processus n’est pas encore terminé. En attendant, le conseil de bande de Glendale continue de gouverner la PND et demeure son gouvernement légitime conformément à la coutume en vigueur et établie.
[53]
Le conseil de bande de Glendale fait observer que les formes de direction indiquées dans le référendum étaient vagues et indéterminées. Par exemple, dans l’examen de la gouvernance, le conseil des chefs de famille n’était pas défini et aucun mécanisme de reconnaissance des personnes comme membres ni aucun processus de nomination n’était prévu. Une simple notion ou une description générale d’une forme future de gouvernement n’est pas une règle ou une pratique réelle, et le code de gouvernance prévu n’a jamais été créé en l’espèce.
[54]
De plus, le CCH n’a pas de structure établie et n’est pas une forme de gouvernement généralisée. Le CCH est simplement le produit du processus de médiation créé dans le but d’élaborer un code de gouvernance à soumettre à l’approbation de la PND. Il se compose de membres nommés arbitrairement qui étaient présents à la médiation et n’a aucune structure qui puisse être reproduite comme forme de gouvernance durable. Sur ce point, le conseil de bande de Glendale note que le statut de membres du CCH découle de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière. De plus, le conseil des chefs de famille n’en est qu’à un stade conceptuel, et sa composition et sa structure n’ont pas été établies. Le CCH n’est pas non plus suivi de façon constante ou consciencieuse par la collectivité.
[55]
Le conseil de bande de Glendale conteste la prétention selon laquelle il y a eu une prise en charge progressive et convenue de la gouvernance par le CCH et soutient que la collectivité de la PND n’a pas accepté un changement de direction en faveur du CCH. Les comptes rendus des décisions et les résumés publiés des réunions du CCH ne servent qu’à indiquer que le CCH travaillait sur des questions de gouvernance et d’autres questions qui relevaient traditionnellement des dirigeants traditionnels – comme la gestion du territoire et des ressources traditionnelles de la PND. En ce qui concerne les résolutions du conseil de bande adoptées par le CCH, elles font partie de la catégorie des comportements sporadiques ou des pratiques suivies à titre d’essai, et de telles activités n’indiquent pas qu’il y a un large consensus quant à l’autorité du CCH. De telles activités internes ne seraient pas non plus connues de l’ensemble de la collectivité.
[56]
Bien qu’un large consensus communautaire signifie un consensus de la collectivité, et non du chef et du conseil, les réunions du CCH n’ont pas été annoncées ou ouvertes au public et le CCH n’a pas tenu de réunion ni demandé l’approbation des membres. Étant donné que le CCH n’a pas donné aux membres l’occasion d’exprimer leur volonté, il n’y a pas de consensus appuyant le CCH.
[57]
Le conseil de bande de Glendale soutient également que les actes de Gordon Glendale ne peuvent pas équivaloir à un acquiescement de la collectivité, mais que c’est la majorité des membres qui doit reconnaître la coutume. En outre, l’acquiescement ne peut être prouvé sur la base d’accords entre dirigeants. Le conseil de bande de Glendale soutient qu’il n’y a aucune preuve d’acquiescement de la collectivité. MM. Peters et Duncan n’ont fait référence qu’aux communications privées pour appuyer leur prétention quant à la connaissance de la collectivité, mais la collectivité n’était pas au courant des discussions internes ou des décisions du CCH.
La position de MM. Peters et Duncan
[58]
MM. Peters et Duncan reconnaissent qu’en tant que bande indienne agissant selon la coutume, comme ce terme est utilisé dans la Loi sur les Indiens, la PND est régie par la coutume et que le critère du consensus général s’applique pour prouver les structures de gouvernance selon la coutume. Ils soutiennent que la coutume peut être établie de diverses façons et qu’un large consensus d’une coutume peut être établi par un acte unique ou par l’effet cumulatif d’un certain nombre d’événements ou par l’acceptation et l’assentiment généralisés des membres. La question de savoir s’il existe ou non un large consensus est une question de fait.
[59]
Essentiellement, MM. Peters et Duncan affirment que la gouvernance légitime de la PND a été transférée ou assumée par le CCH à la suite de l’examen de la gouvernance et que la gouvernance par le CCH était une pratique largement acceptée.
[60]
Plus précisément, ils soutiennent qu’il existe un large consensus en ce qui concerne le transfert de la gouvernance au CCH. Selon MM. Peters et Duncan, le CCH a assumé le pouvoir à compter approximativement d’août 2017, selon les souhaits de la collectivité exprimés par l’examen de la gouvernance. Ils notent qu’une écrasante majorité des membres de la PND a voté lors de cet examen en faveur d’une transition vers une gouvernance par des chefs héréditaires et un conseil des chefs de famille et qu’un vote majoritaire est une bonne indication d’un large consensus (citant McLeod Lake Indian Band c Chingee, [1998] ACF no 1185 (QL) [McLeod] et Pahtayken c Oakes, 2009 CF 134 [Pahtayken]). Les membres de la PND ont reçu suffisamment de détails et d’avis sur la réunion du 21 janvier 2017 et sur ce qui a été proposé dans le vote, y compris par l’avis du 18 janvier 2017. De plus, la réunion s’est tenue dans un endroit accessible et les membres absents ont eu le temps d’envoyer leur vote. La réunion et le vote ont été facilités par un tiers neutre, les critères d’admissibilité étaient clairs et les membres de la PND se sont vu présenter un ensemble clair de choix. MM. Peters et Duncan notent qu’il y a eu un niveau élevé de participation au vote et ils soutiennent que l’examen de la gouvernance représente un large consensus conformément à McLeod et à Pahtayken.
[61]
En outre, l’acquiescement aux pratiques peut être la preuve d’un large consensus (MM. Peters et Duncan renvoyant à Awashish c Opticiwan, 2007 CF 765 [Awashish] aux para 38‑44 et Francis, au para 64). Gordon Glendale a appuyé et accepté la transition du CCH au pouvoir et y a participé. MM. Peters et Duncan allèguent qu’une résolution du conseil de bande nommant le CCH comme gouvernement de la PND et le fait qu’Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston ont abandonné leurs postes de conseillers pour appuyer la gouvernance par le CCH étaye leur position. Il n’y a pas non plus de preuve que le conseil de bande de Glendale a dirigé activement la bande entre 2017 et 2019. MM. Peters et Duncan insistent sur le fait que le conseil de bande de Glendale n’a contesté l’autorité du CCH qu’après la suspension de Gordon Glendale.
[62]
MM. Peters et Duncan allèguent également que des éléments de preuve contemporains de 2017 à 2019 indiquent que le CCH était le gouvernement intérimaire et que les membres de la PND, ainsi que Gordon Glendale, ont reconnu et accepté cette situation. Ces éléments de preuve comprennent la résolution du conseil de bande nommant le CCH comme organe directeur de la PND, un courriel de Mme Molly Dawson, en sa qualité de gestionnaire de bande adressé à M. Sanderson de SAC confirmant le changement de direction, diverses résolutions du conseil de bande et divers accords de financement signés par le CCH, y compris par Gordon Glendale, et la lettre datée du 29 juillet 2019 de Norman Glendale.
[63]
Ils soutiennent que les membres de la PND ont compris et accepté que le CCH est le conseil des chefs et qu’aucun membre ne s’est opposé à la gouvernance du CCH. En outre, le CCH a agi pour son propre compte et a été accepté par des tiers comme organe directeur de la PND.
[64]
MM. Peters et Duncan soutiennent également que si une coutume est largement acceptée au moment de son adoption, toute controverse subséquente autour de cette coutume ne l’invalide pas (citant Awashish, aux para 38‑44, et Francis, au para 64).
[65]
Selon MM. Peters et Duncan, le conseil de bande de Glendale n’a jamais été et n’est toujours pas appuyé par un large consensus et, de toute façon, il n’a pas actuellement le mandat pour agir.
Analyse
i.
Principes généraux – Coutume de la bande
[66]
Il est utile de commencer l’analyse en faisant d’abord un survol des principes généraux applicables à la coutume des bandes, car cela fournira un cadre analytique à partir duquel les faits relatifs aux questions pourra ensuite être appliqué. J’ai déjà résumé ces principes généraux dans Beardy c Beardy, 2016 CF 383, comme suit :
[91] Comme l’a déclaré le juge Strayer dans la décision Bigstone v Big Eagle, 1992 CarswellNat 721, la coutume d’une bande doit inclure des pratiques liées au choix d’un conseil que les membres de la bande estiment généralement acceptables et qui font donc l’objet d’un large consensus (aux pages 117 et 118; Bone v Sioux, 1996 CarswellNat 150, aux paragraphes 27 et 28; Taypotat, au paragraphe 25).
[92] Dans l’arrêt Francis, le juge Martineau a abordé la question des principes généraux applicables à la coutume de la bande et a souligné que la coutume ne chevauchera pas toujours tout à fait le code électoral.
[93] Le juge Martineau a souligné que la coutume comporte deux éléments. Premièrement, une coutume doit avoir des pratiques, qui peuvent être établies soit par des actes répétitifs, soit au moyen d’une mesure isolée comme l’adoption d’un code électoral (Bande indienne de McLeod Lake c. Chingee (1998), 153 F.T.R. 257 (C.F. 1re inst.) [McLeod]). La coutume doit aussi avoir un élément subjectif, qui renvoie à la manifestation de la volonté des personnes souhaitant l’adoption de règles relatives au mode d’élection des membres d’un conseil de bande d’être liées par une règle ou pratique donnée.
[94] Au sujet du deuxième élément, le juge Martineau a renvoyé à la décision McLeod, déclarant :
[30] Enfin, une des descriptions les plus claires de l’élément subjectif requis pour l’établissement de la coutume d’une bande se trouve dans la décision McLeod, précitée, où Madame le juge Reed s’est exprimée comme suit aux paragraphes 18 et 19 :
La question à laquelle il reste à répondre est de savoir si un « large consensus » est synonyme d’une « décision prise à la majorité des voix des membres de la bande présents à une assemblée générale convoquée avec préavis ». J’estime que cela peut être le cas ou non, selon un certain nombre de facteurs. Si, par exemple, l’assemblée générale était tenue à un endroit ou à un moment faisant en sorte qu’il est difficile pour plusieurs membres d’y assister et qu’il n’y avait aucune possibilité de voter par procuration, elle pourrait ne pas satisfaire au critère du large consensus. Si l’avis de convocation ne fournissait pas suffisamment de détails sur ce qui serait proposé à cette assemblée ou qu’il n’était pas donné suffisamment à l’avance pour permettre aux gens d’avoir réellement la possibilité d’y assister, l’assemblée ne satisferait alors pas à ce critère.
Il existe également des cas où ceux qui ne votent pas indiquent par là leur volonté de se soumettre au choix de la majorité de ceux qui votent. J’estime que l’approbation de la majorité des membres adultes de la bande constitue probablement un bon indice d’un large consensus (l’âge de la majorité relevant de la bande). La question de savoir si une décision prise à la majorité des voix des membres présents à une assemblée générale démontre l’existence d’un large consensus dépend des circonstances entourant cette assemblée. (non souligné dans l’original)
[95] Le juge Martineau a rendu la conclusion suivante :
[36] Pour qu’une règle devienne une coutume, la pratique se rapportant à une question ou situation donnée qui est visée par cette règle doit être fermement établie, généralisée et suivie de manière uniforme et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontrera un « large consensus » quant à son applicabilité. Cette description exclurait les comportements sporadiques visant à corriger des difficultés d’application exceptionnelles à un moment donné ainsi que d’autres pratiques qui sont manifestement considérées au sein de la communauté comme des pratiques suivies à titre d’essai. S’il existe, ce « large consensus » prouvera la volonté de la communauté à un moment donné de ne pas considérer le code électoral adopté comme un document exhaustif et exclusif. Ce consensus aura pour effet d’exclure de l’équation un nombre infime de membres d’une bande qui se sont constamment opposés à l’adoption d’une règle régissant les élections à titre de règle coutumière.
[96] Comme l’a déclaré le juge de Montigny dans l’arrêt Taypotat au paragraphe 30 : « En bref, l’existence d’une coutume au sein d’une bande et la question de savoir si elle a été modifiée avec l’accord substantiel de ses membres dépendront toujours des circonstances ».
[97] Par conséquent, pour déterminer si les actions du comité des élections étaient conformes à la coutume, les défendeurs doivent démontrer que ce type de prise de décision était fermement établi, généralisé et suivi de manière uniforme et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontrera un large consensus (Francis, aux paragraphes 21 à 30; Sucker Creek, au paragraphe 28; Metansininine c. Première nation d’Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, 2011 CF 17, au paragraphe 28; Joseph, aux paragraphes 36 à 39).
[67]
Dans Francis, la Cour fait également référence à McLeod, qui décrit la nature de la coutume comme une « pratique établie ou adoptée par les personnes à qui elle s’applique et qui ont accepté d’être dirigées par elle »
, et cette coutume peut évoluer en fonction de circonstances changeantes et n’est pas immuable (McLeod, au para 10); Francis, aux para 24, 35; voir aussi Shotclose c Première Nation Stoney, 2011 CF 750 au para 69 [Shotclose]; Engstrom c Première Nation de Peters, 2020 CF 286 au para 15).
[68]
La coutume est déterminée par la bande et non par le chef et le conseil (Shotclose, au para 59, renvoyant à Bone c Bande indienne no 290 de Sioux Valley (1996), 107 FTR 133; Shirt, au para 32; Bertrand c Première Nation Acho Dene Koe, 2021 CF 287 au para 37 [Bertrand]. En outre, c’est à la partie qui souhaite se fonder sur une coutume qu’il incombe d’établir en quoi consiste la coutume et comment elle est née (Francis, au para 21); Shotclose, au para 69).
[69]
Dans Shirt, la juge McVeigh a examiné la question de savoir si un large consensus pouvait être démontré dans le contexte d’une coutume en évolution. Dans cette affaire, le chef avait nommé un comité des élections et ce comité a décidé que les demandeurs n’étaient pas des candidats admissibles et a retiré leur nom de la liste des candidats. La Première Nation disposait d’un code des élections de trois paragraphes adopté dans les années 1950 qui ne contenait aucune disposition concernant la création d’un comité des élections. La question dont la Cour était saisie était de savoir si la nomination de membres au sein d’un comité des élections correspondait à une coutume de bande.
[70]
La juge McVeigh a déclaré ce qui suit :
[31] Dans deux décisions récentes, la juge Strickland a traité des éléments requis pour établir des coutumes de bande qui ne sont pas écrites. Elle a conclu que le fait de déterminer si des actions sont conformes à une coutume de bande nécessite des éléments de preuve démontrant que l’action était [traduction] « fermement établie, généralisée et suivie de façon constante et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontrera un large consensus » (Gadwa c Kehewin Première Nation, 2016 CF 597, au paragr. 62; Beardy c Beardy, 2016 CF 383, au paragr. 97 [Beardy], citant Francis c Mohawk Council of Kanesatake, 2003 [C]FPI 115, aux paragr. 21 à 30; Prince c Première Nation de Sucker Creek no 150A, 2008 CF 1268, au paragr. 28; Metansinine c Première nation d’Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, 2011 CF 17, au paragr. 28; Joseph c Première nation de Yekooche, 2012 CF 1153 aux paragr. 36 à 39).
[32] Dans Première Nation de Kahkewistahaw c Taypotat, 2015 CSC 30, il a été conclu qu’une Première Nation peut élire des dirigeants selon la coutume, à condition que certaines exigences fondamentales soient respectées. À titre d’exemple, la coutume doit être reconnue par une majorité de membres de la bande et non pas uniquement par le chef et le Conseil. Il ne suffit pas que les membres de la bande acceptent la nouvelle coutume en tant que communauté, la communauté doit savoir qu’elle a été acceptée par les membres. En l’espèce, il aurait fallu que la possibilité que le chef, agissant seul, nomme trois personnes pour siéger à un comité d’appel dont le mandat serait de décider si les candidats satisfont aux critères ait été acceptée par la majorité des membres.
(Non souligné dans l’original.)
[71]
Après avoir examiné la preuve, la juge McVeigh a conclu que même si la Première Nation travaillait à l’élaboration d’un règlement plus complet sur les élections, cet objectif n’était pas encore atteint. Elle a conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer que la nomination de membres au sein d’un comité des élections respectait la coutume telle qu’elle est définie dans la jurisprudence :
[42] Même si les défendeurs établissent la preuve de la création du comité des élections depuis plusieurs élections (ce qui est, par ailleurs, contredit par le procès-verbal du comité sur la réforme électorale mentionné dans l’affidavit de Finlay Moses), c’est un échec en ce qui concerne le second, c’est-à-dire, l’élément subjectif de McLeod. L’élément subjectif repose sur une réunion de la bande ou sur d’autres moyens pour démontrer qu’il y avait eu consensus en ce qui a trait à la nouvelle coutume. Des éléments de preuve présentés, rien ne démontre que les membres de la NCSL ont approuvé la structure du comité des élections utilisée dans le cadre de cette élection. Les défendeurs soutiennent que l’absence d’objections soulevées lors de la réunion sur les candidatures indique une approbation implicite. Il se peut que les membres de la NCSL n’aient pas été au courant des procédures en vigueur en ce qui a trait au règlement de différends liés aux candidatures. Le procès-verbal de la réunion sur les candidatures ne donne aucun renseignement pouvant confirmer qu’une présentation relative aux procédures de contestation avait été faite aux membres ou que des discussions sur le sujet avaient eu lieu.
(Non souligné dans l’original.)
La juge McVeigh a conclu que l’élection n’avait pas eu lieu selon la coutume approuvée par la majorité des membres de la bande qui étaient au courant de l’existence de la nouvelle coutume en question. En fait, la preuve démontrait qu’il n’y avait jamais eu consensus concernant la façon dont les élections devaient se dérouler.
[72]
En résumé, pour qu’il y ait coutume, il faut la preuve d’une pratique et la manifestation de la volonté des membres de la Première Nation d’être liés par cette pratique (Francis, au para 26). L’établissement de la coutume des bandes exige la preuve que la coutume est fermement établie, généralisée et suivie de manière uniforme et délibérée par une majorité des membres de la communauté, ce qui démontre un large consensus (Francis, au para 36); Beardy, au para 97; Shirt, au para 31). Le chef et le conseil ne peuvent pas à eux seuls déterminer qu’un changement de circonstances comprend une nouvelle coutume, il doit exister un large consensus parmi les membres (Shirt, au para 32); Bertrand, au para 37; Shotclose, au para 69). De même, la coutume n’est pas immuable, mais tout changement exige un large consensus des membres (McLeod, au para 10); Francis, au para 24). L’analyse visant à déterminer si une coutume jouit d’un large consensus est fondée sur des faits et un contexte précis, et la preuve peut démontrer qu’il n’y a pas de consensus (McLeod, au para 17, Shirt, au para 40, Taypotat c Taypotat, 2012 CF 1036 [Taypotat]). La coutume peut être démontrée par un événement unique comme un référendum ou un vote majoritaire, par une série d’événements, ou peut-être par un acquiescement (McLeod, aux para 18 et 19, Francis, au para 30, Awashsish, au para 44). Il incombe à la partie qui tente de démontrer une coutume de prouver qu’il existe un large consensus (Francis, au para 21; Taypotat, au para 28) et l’existence d’une coutume au sein d’une bande et la question de savoir si elle a été modifiée avec l’accord substantiel de ses membres dépendront toujours des circonstances (Taypotat, au para 30).
ii.
Y a-t-il eu un changement dans la coutume de gouvernance ou une nouvelle coutume qui appuie la transition de la gouvernance au CCH?
[73]
Les parties ne contestent pas que les résultats de l’examen de la gouvernance ont clairement indiqué le souhait des membres de la PND de modifier leur structure de gouvernance. Il est par ailleurs vrai, comme il est indiqué dans McLeod, qu’un vote à la majorité est souvent une bonne indication du soutien des membres ou d’un large consensus (voir aussi Francis; Pahtayken, au para 59).
[74]
Toutefois, à mon avis, même si les résultats de l’examen de la gouvernance montrent clairement que la PND souhaitait modifier sa structure de gouvernance, passant du modèle du chef héréditaire et des conseillers au modèle des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, cela n’établit pas que la coutume de la PND a été modifiée pour que la gouvernance soit assurée par le CCH. Plusieurs raisons m’amènent à cette conclusion.
[75]
Tout d’abord, l’examen de la gouvernance et les documents connexes ainsi que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière envisagent tous un changement de structure de gouvernance fondé sur l’élaboration d’un code de gouvernance sous-jacent. En d’autres termes, les détails de ce en quoi consiste réellement la gouvernance par des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille n’étaient pas encore déterminés.
[76]
L’examen de la gouvernance (Avis de réunion à tous les membres, 18 janvier 2017) n’est rien de plus qu’un examen. Comme il l’indique, la structure actuelle de direction était en cours d’examen et les dirigeants actuels souhaitaient obtenir l’avis de la collectivité quant à la nécessité de changer la structure de direction et à la forme qu’un éventuel changement pourrait prendre. L’examen de la gouvernance porte également sur les étapes postérieures à la décision, ce qui indique que les dirigeants actuels ont convenu d’être liés par les souhaits de la communauté et qu’ils faciliteraient tout changement de direction nécessaire si les souhaits de la collectivité étaient d’avoir une forme de direction différente, notamment en travaillant avec la collectivité pour élaborer un code écrit de sélection des dirigeants qui tienne compte des souhaits de la collectivité. De plus, après avoir obtenu un large consensus de la collectivité sur la structure souhaitée, une réunion de la collectivité serait tenue pour discuter de toute question relative à la transition ou au processus.
[77]
À la suite de la réunion des membres du 21 janvier 2017 au cours de laquelle l’examen de la gouvernance a été discuté, un avis aux membres daté du 27 janvier 2017 a été envoyé. L’avis décrit l’option des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille comme un plan pour faire évoluer le code coutumier pour supprimer les élections des conseillers. Les conseillers seraient remplacés par les chefs héréditaires et des chefs de famille qui travailleraient ensemble et [traduction] « il y aurait du travail à faire entre le chef et les chefs de famille ainsi qu’avec les membres pour élaborer les politiques et définir les attentes nécessaires afin que tous comprennent la façon dont le travail est accompli, délégué et communiqué afin que toutes les familles aient la possibilité de participer »
. Quant à ce que cela signifiera ou changera, l’avis indique qu’un nouveau code de direction héréditaire sera élaboré sur le fondement des commentaires donnés par l’ensemble des familles.
[78]
Les résultats de l’examen de la gouvernance du 22 mars 2017 renvoient à [traduction] « l’examen de la structure de direction »
et au [traduction] « processus d’examen de la structure de direction »
. Le document contient également une section Prochaines étapes qui indique que le résultat du processus était que la majorité des membres avec droit de vote de la PND souhaitaient voir un changement dans la structure de direction prenant la forme de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. Par conséquent, tous les chefs de famille ont été invités à communiquer avec le personnel de la PND pour planifier une réunion afin de discuter de la façon dont la PND amènerait la collectivité à décider comment mettre en œuvre cette nouvelle structure de direction. De plus, on prévoyait que peu de temps après cette première réunion, une réunion communautaire serait tenue afin d’inviter les participants à donner leur avis sur la transition vers la nouvelle structure et l’élaboration d’un code de gouvernance.
[79]
De plus, l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, bien qu’elle s’applique au contrôle judiciaire de 2016, est instructive puisqu’elle indique que les participants à cette médiation se sont entendus sur la façon dont la transition de direction se déroulerait. Plus précisément, ils ont décidé que les chefs héréditaires désignés formeraient le CCH dans le but d’élaborer un code de gouvernance qui sera présenté aux membres aux fins d’approbation. Des fonds seraient rendus disponibles pour la recherche et le soutien juridique, et mis à la disposition d’experts en gouvernance afin qu’ils participent au processus de formulation et de présentation du code de gouvernance à la communauté. À moins que le CCH n’y consente ou que la Cour n’ordonne autre chose, le CCH présenterait le code de gouvernance proposé à la collectivité aux fins d’approbation au plus tard le 1er décembre 2017. De plus, fait important à signaler, l’ordonnance du protonotaire Lafrenière indique qu’à la fin du référendum sur le code de gouvernance de la PND, les demanderesses doivent renoncer à la demande. La déclaration commune des parties, qui figure à l’annexe A de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, indique qu’il a été convenu que l’étape suivante du processus consiste à ce que le CCH, en collaboration avec les familles et la collectivité, élabore une proposition de gouvernance à l’intention de la collectivité.
[80]
L’ordonnance du protonotaire Lafrenière et la déclaration commune indiquent clairement que le mandat du CCH était de travailler à l’obtention d’un consensus communautaire et d’un soutien à l’égard de tout code de gouvernance proposé, le tout se soldant par un référendum.
[81]
Par conséquent, bien que MM. Peters et Duncan présentent l’examen de la gouvernance comme un vote des membres de la PND autorisant le CCH à assumer la gouvernance de la PND, rien dans ces documents ne laisse entendre que l’examen de la gouvernance a eu pour effet de modifier la coutume de la PND afin de faire du CCH l’autorité compétente légitime. Les documents indiquent que l’intention de toutes les parties concernées, y compris Gordon Glendale, Bill Peters et Robert Duncan, était qu’un code de gouvernance soit élaboré par le CCH, avec l’apport de la collectivité, qui donnerait corps à la nouvelle structure de gouvernance souhaitée. Ce code de gouvernance serait alors soumis à la collectivité de la PND pour acceptation ou rejet dans le cadre d’un référendum. Si ce processus avait eu lieu, la coutume de la PND aurait été modifiée par un vote positif sur le code de gouvernance par référendum. Le présent litige aurait ainsi été évité. Malheureusement, le CCH n’a pas respecté son mandat et n’a pas élaboré de code de gouvernance.
[82]
Dans Shirt, la juge McVeigh a écrit que « [l]a preuve met en évidence les efforts que déploie la bande en vue d’élaborer un règlement sur les élections qui refléterait la volonté des membres, mais aussi que cet objectif n’a pas encore été atteint »
(au para 40). La situation est similaire en l’espèce. Les résultats de l’examen de la gouvernance indiquent clairement que les membres de la PND souhaitent passer au modèle de gouvernance des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. Toutefois, cette transition reposait sur l’élaboration d’un code de gouvernance qui définirait et délimiterait la nouvelle structure de direction. Ainsi, la coutume était en transition.
b.
Le CCH a-t-il un pouvoir de direction légitime?
[83]
Quoiqu’il en soit, même si l’examen de la gouvernance était considéré comme une indication d’un large consensus en faveur d’un modèle de [traduction] « chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille »
, et non seulement de cette forme de structure de gouvernance, il n’aide pas MM. Peters et Duncan.
[84]
En effet, l’entité appelée « CCH »
dans les présents motifs a été créée et établie par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière. Selon l’ordonnance, le CCH était un groupe identifié composé de quatre chefs héréditaires nommés qui n’avaient qu’un seul but et un seul mandat : élaborer le code de gouvernance et le soumettre à la PND pour examen. Bien que la preuve indique que les chefs héréditaires ont longtemps contribué à la gouvernance et au bien‑être de la PND, ce rôle consultatif général est distinct du rôle du CCH. Il n’y a rien dans l’examen de la gouvernance, ses résultats ou l’ordonnance du protonotaire Lafrenière qui précise qui seraient les « chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille »
. Rien ne laisse donc entendre que les quatre membres du CCH établis par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et aux fins de cette ordonnance, à savoir Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Billy Peters, seraient également les membres de ce nouvel organe directeur.
[85]
Comme l’a déclaré M. Duncan lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, [traduction] « le conseil des chefs héréditaires a été créé pour diriger l’élaboration d’un code de gouvernance. Nous n’avons aucune idée de la forme que prendra le code de gouvernance ».
Il a répété cette observation générale plusieurs fois au cours de son témoignage. Il a également déclaré qu’après l’élaboration du plan de gouvernance, le CCH aurait quelque chose à soumettre à la collectivité pour qu’elle en discute. Il a aussi ajouté que la collectivité s’était exprimée [traduction] « très fort et très clairement et a dit “nous voulons que nos chefs héréditaires dirigent l’élaboration d’un code de gouvernance afin que nous puissions élaborer nos propres constitutions et nos propres politiques et décider comment nous nous gouvernons nous‑mêmes selon ce que nous avons fait traditionnellement d’après les coutumes de notre tribu” »
.
[86]
Le témoignage de M. Duncan n’appuie pas l’affirmation de MM. Peters et Duncan selon laquelle le CCH a été formé en réponse à l’examen de la gouvernance et qu’il avait donc l’intention d’assumer la gouvernance. En outre, je ne crois pas que le juge Lafrenière, en créant le CCH, ait eu l’intention de nommer également les membres d’un nouvel organe directeur. Il a plutôt créé le CCH dans le but déclaré d’élaborer un code de gouvernance qui serait présenté aux membres de la PND pour approbation.
[87]
En l’absence du code de gouvernance et sans preuve de coutume préalable indiquant qui seraient les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, je ne suis pas convaincue que la collectivité de la PND s’est entendue sur le fait que les quatre membres du CCH, sans un conseil des chefs de famille désigné, assumeraient la gouvernance de la PND.
Importance du CCH participant à la gouvernance de la PND
[88]
Toutefois, MM. Peters et Duncan affirment également que le CCH gouvernait en fait la PND, ce qui démontre un large consensus quant à la gouvernance de cette entité.
[89]
Je suis d’accord avec MM. Peters et Duncan pour dire que la preuve confirme que le CCH a participé à la gouvernance de la PND après 2017 :
– En contre-interrogatoire, Gordon Glendale confirme que les membres du CCH, y compris lui-même, ont signé une résolution du conseil de bande les désignant comme les chefs de la PND, bien qu’il ait nié que c’était ce que le CCH était censé faire.
– L’affidavit no 2 de Robert Duncan souscrit le 21 octobre 2019 indique que le CCH avait commencé à travailler à la création d’un code de gouvernance, mais que l’étendue des activités a été élargie [traduction] « pour inclure toutes les fonctions du conseil de bande »
et qu’en août 2017, le CCH [traduction] « agissait effectivement comme conseil de bande de la PND »
. M. Duncan décrit la correspondance, les ententes et les résolutions du conseil de bande signées par le CCH et déclare qu’il croit comprendre que le CCH a remplacé le conseil de bande de Glendale en tant qu’organe directeur de la PND.
– L’affidavit de Nick Chowdhury, coordonnateur des opérations de la PND, souscrit le 17 septembre 2019 [affidavit no 1 de M. Chowdhury], indique qu’il a assisté aux réunions du CCH afin de rédiger des résumés des réunions [résumés des réunions du CCH] et des comptes rendus de décisions [comptes rendus des décisions du CCH]. En annexe à l’affidavit de M. Chowdhury, on trouve les comptes rendus des décisions du CCH prises lors de huit réunions tenues du 13 octobre 2017 au 22 février 2019. Six d’entre eux sont signés par les trois membres du CCH et par Ruby Mannila pour le compte de Bill Peters. Ces documents portaient principalement sur les efforts déployés pour financer et commencer à élaborer le code de gouvernance, mais aussi sur d’autres sujets tels que les communications avec les entreprises aquacoles, la protection et la conservation de la faune, la chasse à l’orignal, les frais juridiques des demandeurs dans la demande de contrôle judiciaire 2016, etc. Les résumés des réunions du CCH indiquent qu’un large éventail de sujets généraux de gestion de la bande ont été discutés, tels que les budgets et la planification, la langue, le logement, et que des réunions avec des entités extérieures, comme des exploitants commerciaux, ont fait l’objet de discussions et ont été tenues;
– Le CCH s’est également occupé de questions financières de la bande et a signé des ententes de financement avec SAC;
– Le CCH s’est décrit comme le représentant de la PND lors de réunions avec des tiers, comme Cermaq, le Pacific Salmon Project et le Nanwakolas Council.
[90]
Le conseil de bande de Glendale soutient quant à lui que Gordon Glendale [traduction] « a permis »
aux membres du CCH de participer à la prise de décisions conformément à la pratique traditionnelle des chefs héréditaires de consulter les chefs de famille et qu’il a maintenu la communication avec Anne Glendale en tout temps. Par conséquent, le CCH n’était pas l’autorité compétente.
[91]
Premièrement, je ne souscris pas à l’affirmation du conseil de bande de Glendale selon laquelle toute participation du CCH à la gouvernance était sporadique, un essai ou une forme de partage bénévole du pouvoir. À cet égard, le conseil de bande de Glendale s’appuie sur un passage de Francis qui indique que « les comportements sporadiques visant à corriger des difficultés d’application exceptionnelles à un moment donné ainsi que d’autres pratiques qui sont manifestement considérées au sein de la communauté comme des pratiques suivies à titre d’essai »
ne sont pas coutumiers (Francis, au para 36). Toutefois, il ressort de la preuve que le CCH a tenu des réunions assez régulièrement, en général mensuellement, pendant deux ans. Par conséquent, les réunions du CCH n’étaient pas « sporadiques »
.
[92]
En outre, Francis traite de l’activité sporadique dans le contexte de la réponse à des événements exceptionnels ou d’urgence, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Enfin, même si le CCH se réunissait à titre d’essai, la collectivité aurait dû comprendre qu’il le faisait. La preuve confirme que l’activité de gouvernance du CCH n’a pas été communiquée aux membres avant février 2019, date à laquelle le CCH a décidé de publier ses procès‑verbaux de réunion et ses comptes rendus de décisions en ligne.
[93]
Deuxièmement, bien que je reconnaisse que certaines des questions discutées par le CCH peuvent recouper des questions sur lesquelles les chefs héréditaires ont traditionnellement été consultés, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’accepte que les quatre membres du CCH dirigent ensemble toutes les affaires de la PND depuis la première réunion recensée du CCH en octobre 2017 et, ce, jusqu’à la suspension de Gordon Glendale. En fait, il est probable qu’ils l’aient fait de bonne foi en reconnaissance de la structure de gouvernance que les membres de la PND ont dit préférer, comme l’indiquent les résultats de l’examen de la gouvernance. Toutefois, et il est important de le souligner, le CCH s’est fondé sur un accord tacite entre ces quatre membres, et non sur un large consensus des membres de la PND selon lequel ces quatre personnes assumeraient la gouvernance de la PND en tant que chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille ou en tant que CCH. Cet accord lui est fatal, car, comme l’indique Bigstone, « c’est la Bande elle-même, et non son conseil, qui a le pouvoir de déterminer en quoi consiste sa coutume »
(Bigstone, au para 29); Shirt, au para 32; Bertrand, au para 37; Shotclose, au para 69).
[94]
Troisièmement, et il s’agit d’un point important, je ne dispose d’aucune preuve qui établit que l’on ait demandé aux membres de la PND s’ils étaient d’accord pour que le CCH désigné dans l’ordonnance du protonotaire Lafrenière représente la direction et assume la gouvernance.
[95]
Par exemple, bien que MM. Peters et Duncan renvoient au contre‑interrogatoire de Gordon Glendale, où ce dernier a reconnu que le CCH a signé une résolution du conseil de bande visant à établir le CCH comme autorité compétente, aucune copie de ce document important ne figure au dossier dont je dispose. MM. Peters et Duncan ne soutiennent pas non plus que cette résolution du conseil de bande a été publiée ou portée à l’attention des membres de la PND avant la suspension de Gordon Glendale – événement qui a précipité la question de savoir quelle entité gouvernait la PND. Ils ne mentionnent pas non plus de document officiel ou de communication avec les membres de la PND indiquant que le CCH est l’organe directeur.
[96]
L’absence de communication officielle concernant le changement de gouvernance invoqué ressort également de certains témoignages rendus en contre-interrogatoire. Par exemple, M. Duncan a reconnu qu’il était exact de dire que les quatre membres du CCH avaient convenu que le CCH avait été l’organe directeur de la PND. Lorsqu’on lui a demandé comment le changement de gouvernance avait été annoncé, par exemple lors d’un événement communautaire, il a répondu qu’il n’y avait pas d’événement de ce genre, le changement était plutôt informel et il s’agissait seulement d’une progression du travail que les quatre chefs héréditaires accomplissaient à l’époque et que rien d’officiel n’avait transpiré par la suite. Molly Dawson a déclaré que même si la direction de la PND était en train de changer progressivement, elle n’avait pas officiellement changé en juin 2019.
[97]
De plus, la lettre de Norman Glendale en date du 20 août 2019 adressée au conseil de bande de Glendale indique ceci : [traduction] « Je me rends compte maintenant que nous n’aurions pas dû, nous, les quatre membres du conseil des chefs héréditaires, changer la direction de notre tribu sans le soutien de nos membres »
.
[98]
La forme la plus proche d’une communication avec les membres sur la transition de la gouvernance vers le CCH que j’ai pu trouver figure dans le résumé de la réunion du conseil des chefs du 21 février 2019, qui indique qu’il s’agit du premier d’une série de résumés d’étape qui seront fournis trimestriellement aux membres de la PND. Il fournit un résumé des discussions sur le code de gouvernance tenues jusqu’alors. Il précise en outre qu’il est entendu qu’il faut inciter les membres de la PND à appuyer et à orienter le travail pour élaborer le code de gouvernance qui doit commencer par la guérison ou la réunification des membres de la PND [traduction] « tout comme le conseil des chefs a entrepris sa propre guérison et sa réunification en tant qu’équipe »
.
[99]
En ce qui concerne la réunion des membres du 18 novembre 2018, le résumé fait référence à l’état du code de gouvernance et indique ce qui suit : [traduction] « En dehors d’une volonté claire de voir un projet de code de gouvernance, il y a aussi eu une demande directe de voir un mandat pour le conseil des chefs »
. Le mandat joint au document indique que la raison d’être de [traduction] « ce conseil des chefs »
est de reconstruire la gouvernance de la PND afin de passer des membres élus du conseil de la Loi sur les Indiens à un conseil des chefs qui intègre la représentation familiale et [traduction] « mélange la gouvernance moderne avec notre direction traditionnelle »
. Les successeurs des membres du CCH sont également énumérés dans le mandat. À mon avis, ces communications et ces documents ne signalent pas aux membres de la PND que la gouvernance de toutes les questions de la PND relève désormais exclusivement du CCH.
[100]
De plus, cette absence de communication peut être mise en contraste avec des éléments de preuve qui indiquent qu’un bulletin régulier de la PND est publié et que lorsque d’autres changements importants ont eu lieu dans l’administration de la bande, par exemple lorsque Ruby Mannila est devenue gestionnaire intérimaire de bande après la démission de Molly Dawson, les membres ont été avisés au moyen de ce bulletin.
[101]
MM. Peters et Duncan mentionnent également diverses communications pour démontrer qu’ils ont bénéficié d’un large consensus. Toutefois, pour la raison exposée ci-dessous, je ne suis pas d’accord pour dire que les communications servent cette fin.
[102]
MM. Peters et Duncan s’appuient fortement sur les communications entre le personnel de la PND et SAC concernant un changement de gouvernance, en particulier les courriels joints à l’affidavit de Molly Dawson souscrit le 18 septembre 2019. Mme Dawson était l’administratrice de longue date de la bande de la PND, ayant assumé cette fonction de 1998 à mai 2019, moment où elle a démissionné pour des raisons personnelles. Son affidavit est joint à un courriel daté du 16 juillet 2018 de Brad Sanderson de SAC, où ce dernier fait référence à une réunion qui a eu lieu la semaine précédente entre le personnel de SAC et de la PND et au cours de laquelle il a été discuté du changement dans la direction de la PND, qui passait d’un chef et deux conseillers à des chefs héréditaires. M. Sanderson indique que, pour prendre officiellement acte du changement, SAC a exigé un avis de la PND et il dit qu’un courriel de Mme Dawson suffirait à cette fin. Il demande à Mme Dawson de préciser la date à laquelle les chefs héréditaires ont pris la direction, leurs noms et les noms de toute personne qui représente officiellement l’un des chefs du conseil, le cas échéant. Il a également indiqué que, selon ses dossiers, Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston étaient conseillers de la PND et a demandé s’ils conservaient ces rôles dans le cadre du système héréditaire.
[103]
La réunion avec SAC à laquelle M. Sanderson renvoie dans son courriel est résumée dans un compte rendu de décision du CCH daté du 21 juillet 2018 : le CCH a été informé d’une réunion avec le personnel de la PND et SAC lors de laquelle SAC a demandé un [traduction] « avis sur la gouvernance »
et une liste des chefs et des successeurs. Selon le compte rendu de décision du CCH, les chefs et leurs successeurs ont été désignés comme suit : Billy Peters, successeure Ruby Mannila; Norman Glendale, successeur James Glendale; Robert Duncan, pas de successeur. Le compte rendu de décision du CCH est signé par les quatre membres du CCH (Ruby Mannila pour Bill Peters), dont Gordon Glendale.
[104]
Le 15 août 2018, Mme Dawson a répondu à M. Sanderson comme suit :
[traduction]
Notre Nation a décidé de suivre son système de gouvernance héréditaire sous la direction de ses quatre familles principales. Les chefs héréditaires et leurs successeurs à la chefferie sont les suivants :
Chef William Gordon Glendale, successeur Harry Glendale
Chef Norman Glendale, successeur James Glendale
Chef Billy Peters, successeure Ruby Mannila
Chef Robert Duncan, successeur (à déterminer par Robert Duncan et sa famille).
[105]
Le lendemain, M. Sanderson a répondu par courriel et a demandé à Mme Dawson si elle savait à peu près quand le système héréditaire avait été adopté et si elle connaissait le statut d’Annie Glendale et de Michael Jacobson-Weston. La réponse de Mme Dawson à cette question est jointe à l’affidavit no 1 de Clifford Brad Sanderson souscrit le 23 octobre 2019. Mme Dawson déclare ce qui suit :
[traduction]
Le conseil des chefs héréditaires se réunit maintenant une fois par mois depuis environ un an. Anne Glendale et Michael Jacobson‑Weston ne sont plus conseillers, ils se sont retirés du CCH. Lorsque j’ai rencontré des membres de SAC à Whelalau le mois dernier, ils m’ont demandé si nous pensions qu’il était temps de changer le statut de notre nation pour établir la gouvernance héréditaire puisque les chefs se réunissaient régulièrement et ils m’ont demandé d’envoyer un courriel à ce sujet.
[106]
Dans son affidavit, Mme Dawson déclare que, selon elle, M. Sanderson ne lui demandait pas [traduction] « de confirmer au nom de la nation une transition du conseil de la bande vers le CCH »
, ajoutant ceci : [traduction] « J’ai plutôt cru comprendre qu’il faisait une demande au sujet des membres du CCH et de l’orientation que prenait la gouvernance de notre nation. »
De plus, elle n’avait pas le pouvoir de s’exprimer au nom des membres de la PND et elle n’a jamais cru ni déclaré que le CCH avait remplacé le conseil de bande de Glendale en tant qu’autorité légale sur les affaires de la PND. Contre-interrogée sur son affidavit et questionnée sur sa déclaration selon laquelle Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston s’étaient retirés, Mme Dawson a déclaré que [traduction] « […] puisque le conseil des chefs assumait plus de responsabilités, il s’agissait simplement de l’étape suivante naturelle, et pour gagner du temps, j’ai ajouté cette phrase uniquement à titre d’information pour SAC »
.
[107]
L’affidavit de Gordon Glendale souscrit le 17 septembre 2019 [affidavit no 1 de M. Glendale] traite également de cette communication avec SAC. Dans l’affidavit, Gordon Glendale reconnaît que, lors des réunions du CCH, des discussions ont eu lieu sur les priorités constantes des membres de la PND, comme la chasse, les fermes piscicoles et les risques d’incendie. De plus, le CCH a fourni des conseils sur des questions autres que les activités quotidiennes touchant les bandes, y compris sur les modifications apportées à l’entente de financement de SAC et le financement du Whe-La-La-U area Council. Il affirme que le CCH a demandé à Mme Dawson d’informer SAC que le CCH participait au processus décisionnel de la bande et que SAC a mal compris sa réponse, soit qu’elle indiquait un changement officiel au conseil de bande. Il affirme qu’à aucun moment le conseil de bande de Glendale ou les membres de la PND n’ont pris la décision officielle de modifier la composition du conseil de bande ou de transférer d’une autre façon le pouvoir de gouvernance au CCH ou à Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan, collectivement ou individuellement.
[108]
J’estime que les explications fournies par Molly Dawson et Gordon Glendale dans le but de qualifier la communication entre Mme Dawson et SAC d’inexacte ou de mal comprise par SAC ne sont pas convaincantes.
[109]
Cela dit, même si MM. Peters et Duncan soutiennent que les courriels envoyés par Mme Dawson à SAC démontrent un large consensus des membres, je ne suis pas d’accord. Ces échanges n’étaient connus que du CCH, et non de l’ensemble des membres de la PND, et ils établissent seulement que SAC a accepté la déclaration de Mme Dawson. De même, MM. Peters et Duncan mentionnent la lettre de démission de Mme Dawson envoyée au CCH, dans laquelle Mme Dawson déclare avoir assisté à la transformation de la direction de la PND et à la réunion de ses familles par l’entremise de ses chefs pour soutenir que les membres de la PND reconnaissent le CCH comme la direction de la bande. Là encore, il s’agissait d’une communication interne envoyée par l’administratrice de la bande au CCH. De par son poste, Mme Dawson avait une connaissance interne des activités du CCH. C’est également le cas d’autres courriels envoyés par Molly Dawson, Nick Chowdhury et d’autres personnes en leur qualité d’employés de l’administration de la bande qui appuyaient les activités du CCH.
[110]
MM. Peters et Duncan signalent également une chaîne de courriels envoyés par Sandra Glendale à Molly Dawson, que Mme Dawson a transmis à Mme Mannila, dans lesquels Sandra Glendale demande une conférence téléphonique d’urgence avec le chef pour discuter de sa demande de financement postsecondaire pour son fils. MM. Peters et Duncan ont également déposé un affidavit de Sandra Glendale, souscrit le 21 octobre 2019, dans lequel elle déclare qu’au cours des deux dernières années, elle avait compris que le CCH avait pris les décisions pour la PND et qu’il était le conseil de bande. Elle affirme que sa compréhension repose sur des discussions qu’elle a eues avec d’autres membres, le site Web de la bande et ses communications avec l’administration de la bande. Sandra Glendale décrit principalement ses communications comme des échanges visant à obtenir du financement pour les frais universitaires de son fils et à contester l’avis d’urgence du 7 septembre 2019 envoyé à tous les membres par le conseil de bande de Glendale après la suspension de Gordon Glendale et l’autorisation de convoquer une telle réunion.
[111]
J’accorde peu de poids à cet affidavit. Sandra Glendale peut certes être membre de la PND et la chaîne de courriels peut certes renvoyer à une demande adressée aux chefs héréditaires, mais, à mon avis, cette seule communication d’un membre de la PND n’est pas suffisante pour démontrer un large consensus au sein de la collectivité, d’autant plus que la preuve indique que les membres de la PND sont en grande partie dédommagés.
[112]
Dans le même ordre d’idées, MM. Peters et Duncan affirment que le CCH a représenté la PND dans les relations avec des parties extérieures comme une entreprise aquacole, le Pacific Salmon Project, et le Nanwakolas Council. Ils ajoutent que les parties extérieures reconnaissent à leur tour que le CCH est l’organe directeur de la PND. Toutefois, le fait que des tiers comme d’autres Premières Nations ou des autorités régionales ont reconnu et travaillé avec le CCH démontre seulement que le CCH s’est présenté auprès de ces entités en tant qu’autorité compétente. Cela ne démontre pas que la collectivité de la PND connaissait et acceptait la thèse de la gouvernance du CCH requise pour démontrer un large consensus.
[113]
En conclusion, comme il est indiqué dans la jurisprudence dont nous avons traité ci‑dessus, pour accepter un changement de coutume de bande, la bande doit savoir qu’elle le fait. MM. Peters et Duncan n’ont pas établi que les membres de la PND étaient au courant et ont accepté que les quatre chefs héréditaires qui, en vertu de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière composaient le CCH, assumaient également la gouvernance de la PND en tant que chefs héréditaires avec l’appui d’un conseil des chefs de famille ou autrement.
Acquiescement
[114]
MM. Peters et Duncan affirment également que la collectivité de la PND et le chef Gordon Glendale ont acquiescé à la gouvernance du CCH et que cet acquiescement va également dans le sens d’un large consensus quant à leur autorité.
[115]
Je ferais premièrement remarquer que je ne vois pas comment les actions d’une personne, dans le cas présent de Gordon Glendale, peuvent équivaloir à un acquiescement de l’ensemble des membres de la PND.
[116]
Deuxièmement, comme la collectivité de la PND n’a pas été avisée de la thèse d’une gouvernance par le CCH, le fait que personne dans la collectivité ne s’est opposé à la gouvernance que le CCH prétend exercer est dénué de sens et ne démontre pas une large acceptation ou approbation.
[117]
MM. Peters et Duncan invoquent Awashish pour affirmer que l’acquiescement peut démontrer un large consensus. Dans Awashish, la Première Nation, après un processus contesté, a adopté un nouveau Code électoral en 2005. En 2006, le conseil élu conformément au Code électoral de 2005 a voulu suspendre ce Code et mettre en œuvre de nouvelles normes électorales. La Cour devait décider si le Code de 2005 avait été valablement adopté et, dans l’affirmative, si le conseil pouvait le suspendre. La Cour a conclu que le Code avait été utilisé pour l’élection de 2005, à laquelle les électeurs de la communauté ont participé en grand nombre, et que la validité du Code n’avait pas été remise en question avant ou pendant l’élection. Par conséquent, l’acceptation par la communauté de l’utilisation du Code lors des élections de 2005 a été une preuve suffisante pour établir que le Code reflétait « des pratiques touchant le choix d’un conseil qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus »
, soit le critère relatif à la coutume de Bigstone (Awashish, aux para 41 et 44).
[118]
À mon avis, Awashish est différent de la présente affaire de par ses faits. Dans Awashish, la Cour a admis que la communauté a acquiescé à l’utilisation du Code électoral lors des élections de 2005, mais c’est parce qu’une majorité de membres de la communauté a effectivement participé aux élections de 2005 régies par le Code. Dans la présente affaire, en l’absence d’élections ou d’une possibilité donnée à la PND de confirmer le CCH comme autorité compétente, il n’y a aucune preuve similaire de participation ou de confirmation de la part de la collectivité. Comme nous l’avons vu précédemment, les résultats de l’examen de la gouvernance indiquent que les membres de la PND souhaitaient adopter une nouvelle structure de gouvernance, et non que les membres acceptent le CCH comme les nouveaux chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. De plus, la juge McVeigh a déclaré dans Shirt que l’élément subjectif du critère du large consensus repose sur une réunion de la bande ou sur d’autres moyens pour démontrer qu’il y avait eu consensus quant à la nouvelle coutume. Elle a conclu que, dans l’affaire dont elle était saisie, rien ne démontrait que les membres de la Première Nation avaient approuvé la structure du comité des élections utilisée dans le cadre de l’élection. De plus, les défendeurs ont soutenu que l’absence d’objections lors de la réunion sur les candidatures indiquait une approbation implicite, mais elle a rejeté cet argument, faisant remarquer qu’il était possible que les membres de la Première Nation n’aient pas été au courant des procédures en vigueur concernant le règlement de différends liés aux candidatures. Aucun élément de preuve ne confirmait que les procédures de protestation avaient été présentées aux membres ou avaient fait l’objet de discussions.
[119]
Selon Awashish et Shirt, pour établir un large consensus, il faut généralement une certaine forme d’action positive – par exemple un vote à une élection, la participation à une réunion de bande où la nouvelle coutume est discutée et adoptée, ou une participation claire et consciente à la nouvelle coutume. MM. Peters et Duncan n’ont pas démontré que la collectivité de la PND s’est réunie d’une façon ou d’une autre et a convenu collectivement que les quatre chefs héréditaires nommés au CCH créé par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière assumeraient la gouvernance de la PND et le feraient en l’absence d’un code de gouvernance. Il est troublant de laisser entendre que la passivité mal informée est suffisante pour établir un large consensus, lorsque l’enjeu est un changement complet de la structure de gouvernance et de ceux qui gouvernent.
[120]
En conclusion, j’estime que, même si la coutume de la PND était en transition, il n’y avait pas de consensus général appuyant l’autorité pour gouverner du CCH, entité constituée des quatre chefs héréditaires désignés dans l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et créée par celle‑ci.
c.
Existe-t-il un vaste consensus quant au pouvoir du conseil de bande de Glendale de gouverner?
La position du conseil de bande de Glendale
[121]
Le conseil de bande de Glendale soutient que, jusqu’à ce que les membres ratifient une nouvelle structure de gouvernance ou un code de gouvernance, le conseil de bande de Glendale est l’autorité compétente légitime.
[122]
Le conseil de bande de Glendale soutient qu’il fonctionne conformément à la coutume fermement établie et suivie de manière uniforme du modèle de gouvernance par un chef héréditaire et un conseil, modèle qui est reconnu et respecté par la PND depuis 1987. L’indice de cette reconnaissance est que le modèle est « généralisé »
, en ce sens que le poste de chef est lié à une chefferie héréditaire précise, déterminée, dans la lignée de William McKenzie Glendale, avec l’appui de deux conseillers élus. Sa structure est définie et peut être transmise de génération en génération. Depuis 1987, la collectivité a toujours respecté ce modèle de gouvernance, comme en témoignent les nombreux potlatchs et réunions communautaires qui ont eu lieu au fil des ans, ainsi que les pétitions, ou lettres d’appui, fournies par 87 membres (sur 161) avec droits de vote de la PND après la suspension du chef Gordon Glendale.
[123]
Le conseil de bande de Glendale fait remarquer que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière indique que le conseil de bande de Glendale devait continuer à s’occuper de l’administration courante de la bande, ou maintenir un rôle de gardien, pendant que le CCH élaborait un code de gouvernance. Il affirme que cela confirme qu’il continue d’avoir le pouvoir légitime de gouverner.
[124]
Le conseil de bande de Glendale soutient que [traduction] « personne ne remet sérieusement en doute le fait que les membres du conseil de bande de Glendale sont les membres dûment élus et nommés »
du chef héréditaire et du conseil. Selon le conseil de bande de Glendale, si la PND n’a pas modifié sa coutume de gouvernance ou si la PND n’a pas approuvé la sélection de Robert Duncan et de Billy Peters comme membres de leur gouvernement légitime, le conseil de bande de Glendale demeure l’autorité légitime.
Position de MM. Peters et Duncan
[125]
MM. Peters et Duncan soutiennent que le conseil de bande de Glendale n’est pas et n’a jamais été appuyé par un large consensus des membres de la PND et qu’il n’a, de toute façon, pas de mandat pour gouverner.
[126]
Ils soutiennent que la réunion de 1987 dont le conseil de bande de Glendale a assumé le déroulement n’a réuni que 12 membres de la PND, dont un grand nombre étaient membres de la famille Glendale, ce qui ne respectait pas les principes du large consensus établis dans McLeod et Pahtayken.
[127]
En outre, un large consensus n’a pas été établi dans les années qui ont suivi 1987. MM. Peters et Duncan renvoient à une lettre datée du 18 octobre 2010 adressée au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque à laquelle Nicole Hajash joignait environ 40 « pétitions »
demandant une structure de gouvernance électorale démocratique, ainsi qu’à la demande de contrôle judiciaire introduite en 2016 par Nicole Hajash et Lou-Ann Neel et à l’absence, dans l’examen de la gouvernance, de votes en faveur du modèle de gouvernance par un chef héréditaire et deux conseillers comme preuves du manque d’appui au conseil de bande de Glendale.
[128]
MM. Peters et Duncan soutiennent que, de toute façon, le conseil de bande de Glendale n’a pas le mandat d’agir à titre de conseil pour la PND. Selon eux, Michael Jacobson-Weston a été élu pour un mandat de cinq ans qui a expiré le 21 septembre 2018 et n’a pas été prolongé. En outre, le contrôle judiciaire de 2016 et l’examen de la gouvernance constituent une [traduction] « opposition »
à toute prolongation de son mandat. Par ailleurs, d’après son propre témoignage, M. Jacobson-Weston n’a pas participé activement à la gouvernance de la PND depuis environ 2015. MM. Peters et Duncan affirment qu’Anne Glendale n’a pas la capacité de gouverner puisqu’elle a 90 ans, qu’on lui a récemment diagnostiqué une démence et qu’en contre-interrogatoire elle n’a pas pu comprendre que son statut de conseillère de bande était en cause. Pour ce qui est de Gordon Glendale, MM. Peters et Duncan affirment qu’il a été nommé chef héréditaire grâce à une résolution du conseil de bande signée seulement par lui‑même et sa mère, que la pétition de 2010 constituait une contestation du système par lequel il est devenu chef, et que le contrôle judiciaire de 2016 et l’examen de la gouvernance démontrent un mécontentement à propos de sa nomination.
[129]
En ce qui concerne les lettres ou les « pétitions »
à l’appui du conseil de bande de Glendale, MM. Peters et Duncan soutiennent que le libellé de la pétition est ambigu ou vague et qu’il n’est pas clair de prime abord que les membres appuient le conseil de bande de Glendale. De plus, comme la pétition ne répond pas à l’exigence de Pahtayken selon laquelle il doit y avoir « suffisamment de détails »
, la pétition constitue du ouï‑dire étant donné qu’aucun membre de la PND n’a authentifié sa signature au moyen d’une preuve par affidavit dans le cadre de la présente demande et qu’il existe une preuve que les signataires n’avaient pas suffisamment de renseignements au sujet de la pétition.
[130]
MM. Peters et Duncan soutiennent que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière ne décrit que les conditions auxquelles les parties au contrôle judiciaire de 2016 ont accepté de surseoir à cette demande. Elle ne confirme pas le pouvoir du conseil de bande de Glendale de gouverner la PND, ni n’empêche le CCH de gouverner. Cette ordonnance limitait le pouvoir du conseil de bande de Glendale aux activités courantes, mais elle n’imposait pas de structure de gouvernance à la PND ni n’empêchait la PND de modifier sa gouvernance.
Analyse
[131]
Dans leurs observations écrites, MM. Peters et Duncan affirment que le conseil de bande de Glendale n’a pas été constitué sur le fondement d’un large consensus des membres de la PND en 1987. À l’appui de cet avis, ils font référence à l’affidavit no 1 d’Anne Glendale dans une note en bas de page. Dans cet affidavit, Mme Glendale a joint un affidavit qu’elle a déposé en réponse dans le cadre du contrôle judiciaire de 2016 dans lequel elle décrit l’historique de gouvernance de la PND au cours de sa vie. Il s’agissait notamment d’efforts appuyés par le ministère des Affaires indiennes de l’époque pour que les membres de la PND assistent à une réunion visant à rétablir la PND dans son territoire traditionnel et à assurer la gouvernance par un chef héréditaire. Mme Glendale affirme que, parce que les membres avaient été largement dédommagés depuis 1969, année où leur village traditionnel a été abandonné, il était difficile de les joindre. Toutefois, des efforts ont été déployés en vue de réunir le plus grand nombre possible de membres. Mme Glendale a conservé des notes d’une réunion tenue le 19 août 1987, qu’elle joint comme pièce B à son affidavit. Il est écrit ceci dans ces notes :
[traduction]
Que la bande Tanakteuk no 635 revienne à l’ancienne coutume d’avoir un chef héréditaire. Nous avons donc nommé William M. Glendale, bande 44, à sa place légitime en tant que chef héréditaire de la tribu Tanakteuk.
Cette coutume se transmet de génération en génération jusqu’à ce que la tribu souhaite la modifier. La tribu aura deux conseillers qui resteront les deux mêmes jusqu’à ce que le chef et la tribu souhaitent les changer.
La raison de la décision du conseil est que la tribu est à l’extérieur de la réserve, sauf 10 % des membres qui habitent dans la réserve.
[132]
Les notes mentionnent également les deux conseillers comme étant Anne Glendale et Fred Glendale, indiquent que la nomination a été obtenue lors d’une réunion dûment convoquée le 19 août 1987, énumèrent les douze membres de la PND présents, et indiquent que Pat Faulkner du ministère des Affaires indiennes était [traduction] « responsable »
de la réunion.
[133]
Dans son affidavit déposé en réponse dans le cadre du contrôle judiciaire de 2016, Anne Glendale déclare également qu’elle s’est rappelé avoir signé la résolution du conseil de bande, qui était jointe à titre de pièce J à l’affidavit de Nicole Hajash déposé dans le cadre du contrôle judiciaire de 2016. L’affidavit de Mme Hajash est joint à titre de pièce B de l’affidavit no 2 de William Gordon Glendale. La résolution du conseil de bande du 24 août 1987 comporte un libellé presque identique à celui reproduit ci‑dessus. Il est signé par William et Anne Glendale.
[134]
Pour contester l’existence d’un large consensus en 1987 pour le conseil de bande de Glendale, MM. Peters et Duncan renvoient à une lettre interne du ministère des Affaires indiennes datée du 16 décembre 1987, pièce K de l’affidavit de Mme Hajash. La lettre indique que le Ministère a reçu deux demandes de renseignements de membres de la bande mécontents de la façon dont ce changement de coutume aurait pu se produire sans consultation et approbation d’au moins la majorité des électeurs.
[135]
Mettant de côté la question – non soulevée par les parties – de savoir si l’affidavit de Mme Hajash constitue du ouï-dire puisque Mme Hajash n’est pas partie à la présente instance et ne l’a pas souscrit en rapport avec les présentes demandes (voir Redhead c Miles, 2019 CF 1605 au para 29); Orr c Alook, 2012 CF 590 au para 16), je note que Mme Hajash indique dans son affidavit qu’elle avait cru comprendre et croire que la résolution du conseil de bande de 1987 avait été présentée accompagnée de 21 déclarations de membres de la bande, [traduction] « mais [que] bon nombre des membres de la bande qui ont signé une déclaration ne comprenaient pas ce qu’ils acceptaient ou l’incidence qu’elle aurait sur la gouvernance de la bande »
. Toutefois, Mme Hajash n’indique pas ce sur quoi repose sa croyance que les 21 membres de la bande qui appuient le projet n’ont pas compris ce qu’ils appuyaient et ces déclarations ne figurent pas dans le dossier dont je suis saisie.
[136]
À mon avis, le fait qu’il y ait eu ou non un large consensus sur le modèle de gouvernance du chef héréditaire et de deux conseillers adopté en 1987 dépasse la portée du présent contrôle judiciaire. En tout état de cause, MM. Peters et Duncan ne mentionnent aucune preuve – sauf le renvoi à deux membres mécontents dans la note de service interne du ministère des Affaires indiennes jointe à l’affidavit de Mme Hajash – d’une contestation du modèle de direction ou d’une opposition à celui‑ci au cours des 23 années qui ont suivi son adoption. Jusqu’à la pétition de 2010, il semble que le modèle de gouvernance par chef héréditaire ait été systématiquement suivi. Plus précisément, la résolution de 1987 du conseil de bande indique que la coutume adoptée à ce moment-là doit être passée de génération en génération [traduction] « jusqu’à ce que la tribu souhaite la modifier »
. De plus, il y aura deux conseillers [traduction] « qui resteront les deux mêmes jusqu’à ce que le chef et la tribu souhaitent les changer »
. Je ne dispose d’aucune preuve selon laquelle un membre de la PND a cherché à modifier la coutume ou à tenir des élections de conseillers entre 1987 et 2010.
[137]
Cela dit, la pétition de 2010, le contrôle judiciaire de 2016 et les événements qui ont mené à l’examen de la gouvernance établissent qu’au moins une partie de la collectivité n’appuyait pas le conseil de bande de Glendale. Autrement dit, ce large consensus s’érodait. Qui plus est, les résultats de l’examen de la gouvernance sont incontestables. Aucun membre de la PND qui a participé à l’examen de la gouvernance n’a appuyé le modèle actuel de gouvernance du chef héréditaire et de deux conseillers, soit le modèle que représente le conseil de bande de Glendale. Une nette majorité de répondants étaient favorables à une gouvernance par des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.
[138]
À mon avis, les résultats de l’examen de la gouvernance établissent que le conseil de bande de Glendale ne bénéficiait plus d’un large consensus au sein de la PND.
[139]
À cet égard, je ne suis pas convaincue que les lettres d’appui, que le conseil de bande de Glendale appelle des « pétitions »
, confirment que leur gouvernance a conservé un large consensus au sein de la collectivité de la PND après la suspension de Gordon Glendale. Le conseil de bande de Glendale soutient que 89 membres de la PND ont signé ces pétitions, ce qui dépasse le nombre de membres qui ont participé à l’examen de la gouvernance. Toutefois, comme MM. Peters et Duncan le soulignent, les lettres d’appui sont vagues et ambiguës quant à leur objet. Les lettres sont toutes identiques. Elles commencent par : [traduction] « nous cherchons à confirmer l’appui et la contribution de notre chef héréditaire et de notre conseil alors qu’ils réorganisent notre nation »
. Elles indiquent ensuite que trois des quatre membres du CCH ont décidé que Gordon Glendale n’est plus chef de la nation et que ce type de changement de direction ne peut être effectué que par les membres, et non unilatéralement par les chefs. Les pétitions se concluent comme suit :
[traduction]
DÉCLARATION DES MEMBRES
Je comprends ce qui se passe avec notre direction et notre administration. Si j’ai des questions, je les poserai et si j’ai des renseignements ou des conseils à donner, j’en ferai part à notre chef héréditaire et à notre conseil.
[140]
Contrairement à l’examen de la gouvernance, où les options et les résultats étaient clairs, l’objet et l’effet de la déclaration des membres sont inintelligibles.
[141]
Bien que les faits de l’espèce et ceux de l’affaire Pahtayken soient différents, la Cour a examiné des expressions concurrentes de soutien, par voie de pétition, dans cette dernière affaire. La Première Nation avait adopté une nouvelle constitution et une nouvelle loi sur la gouvernance par voie de référendum codifiant la coutume de la bande. Toutefois, une partie des membres n’a pas appuyé les nouvelles initiatives de gouvernance et n’a pas participé au référendum ni à l’élection subséquente tenue conformément à la nouvelle structure de gouvernance. La faction dissidente a plutôt organisé sa propre élection selon la coutume précédente. À cette élection, 113 personnes ont signé une pétition pour exprimer leur soutien à la coutume antérieure de la bande. La Cour a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que la coutume de la Première Nation consistait à faire signer de telles pétitions au moment des élections et a conclu, dans le contexte du différend dont elle est saisie, que l’objet des pétitions visait à compromettre le consensus que traduisait le référendum (Pahtayken, aux para 44b) et 63). La Cour a conclu ainsi :
[64] La difficulté pour la Cour est que les défendeurs n’ont fourni aucune preuve permettant à la Cour de mesurer la signification ou la légitimité de la pétition comme indicateur d’un consensus au sein de la bande sur les questions soumises à la Cour. Ils tentent simplement d’amoindrir la légitimité du référendum et, pour ce faire, ils soumettent cette pétition à la Cour. Compte tenu de l’ensemble du dossier, la Cour doit demeurer très sceptique vis‑à‑vis de cette tactique.
[142]
En fin de compte, dans Pahtayken, la Cour a jugé que le référendum était le meilleur indice des opinions des membres (Pahtayken a été confirmé en appel : 2010 CAF 169). En l’espèce, bien sûr, comme le CCH n’a pas réussi à élaborer un code de gouvernance, le référendum prévu n’a jamais eu lieu. L’examen de la gouvernance est toutefois selon moi la meilleure indication de l’opinion des membres de la PND quant au changement de coutume souhaité, tel qu’il a été présenté à la collectivité de la PND de façon éclairée et neutre. À l’inverse, les lettres d’appui, ou pétitions, avaient pour objet de renforcer l’appui au conseil de bande de Glendale après la suspension de Gordon Glendale par les autres membres du CCH.
[143]
Je souligne également que les parties conviennent de façon générale que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière tenait compte de l’accord des parties à cette demande et de ceux qui ont assisté à la médiation, comme l’indique la déclaration commune, que le conseil de bande de Glendale devait continuer de s’occuper de l’administration courante pendant que le CCH élaborait un code de gouvernance à soumettre aux membres dans le cadre d’un référendum. Ainsi, l’ordonnance traduit la compréhension selon laquelle la PND avait l’intention de modifier la coutume de la bande pour adopter un modèle répondant à l’examen de la gouvernance. Les parties à la médiation ont convenu que le rôle du conseil de bande de Glendale serait circonscrit – il était limité par le temps et restreint aux mesures administratives courantes et empêchait les décisions importantes. À mon avis, cela indique que le conseil de bande de Glendale a accepté qu’il ne bénéficiait plus du large soutien de la bande et qu’il jouait maintenant un rôle de gardien pendant ce qui aurait dû être un délai relativement court jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et mis à la disposition de la bande pour examen.
[144]
Le fait qu’il n’y a aucune preuve que le conseil de bande de Glendale dirigeait effectivement la bande après l’examen de la gouvernance va également dans le sens de cette interprétation. La preuve confirme en effet au contraire que Gordon Glendale a commencé à travailler avec les autres membres du CCH à la poursuite des activités de la bande de la PND.
[145]
Quant au statut d’Anne Glendale et de Michael Jacobson-Weston, il n’est pas contesté que M. Jacobson-Weston n’a participé à aucune activité du conseil de bande de Glendale depuis 2016, année où sa femme est tombée gravement malade. Dans son affidavit souscrit le 19 septembre 2019, M. Jacobson-Weston déclare qu’il n’a jamais démissionné de son poste de conseiller. Il affirme que depuis la suspension de Gordon Glendale en juillet 2019, il rencontre régulièrement le conseil de bande de Glendale pour discuter de la prétention de Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan selon laquelle ils ont le pouvoir d’adopter des résolutions du conseil de bande et d’agir à titre de conseil de bande pour la PND. Dans son affidavit souscrit le 19 septembre 2019, Anne Glendale déclare qu’elle n’a jamais renoncé à son poste de conseillère et que depuis l’expulsion du chef Glendale, elle-même, Gordon Glendale et Michael Jacobson‑Weston [traduction] « ont confirmé [leur] autorité en tant que gouvernement […] par une série de résolutions du conseil de bande publiées au cours des trois derniers mois »
. Ces résolutions du conseil de bande sont jointes en tant que pièces à son affidavit.
[146]
À mon avis, la preuve établit qu’Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston n’ont plus agi comme conseillers après l’examen de la gouvernance et n’ont pas tenté d’assumer un tel rôle avant la suspension de Gordon Glendale. Ils ne l’ont fait que dans le but de rétablir le soutien de la bande au modèle de gouvernance qu’ils représentent reposant sur un chef héréditaire et deux conseillers. L’omission de gouverner n’est pas en soi révélatrice d’un manque de consensus général, mais, dans les présentes circonstances, elle témoigne d’une reconnaissance par le conseil de bande de Glendale d’un manque d’appui communautaire à la structure de gouvernance du conseil de bande de Glendale.
[147]
MM. Peters et Duncan soutiennent également que les membres du conseil de bande de Glendale [traduction] « n’ont pas de mandat »
pour continuer d’agir à titre de conseil de bande, mais je ne suis pas saisie de cette question. Par exemple, dans la mesure où MM. Peters et Duncan affirment qu’Anne Glendale n’est pas apte à occuper un poste en raison de son âge et de sa santé, ils ne lient pas cette affirmation à l’autorité légitime de cette dernière d’occuper un poste. Je constate également l’absence de preuve qu’une demande précise a été faite, et refusée, de tenir des élections pour les postes de conseiller d’Anne Glendale ou de Michael Jacob-Weston au motif qu’un membre de la bande s’oppose à la poursuite de l’exercice des fonctions de ces personnes. Bien que le modèle de gouvernance illustré par la coutume de la bande ait clairement été contesté dans le cadre du contrôle judiciaire de 2016 et de l’examen de la gouvernance, à mon avis, une telle contestation n’équivaut pas à une opposition à la conservation de postes de chef ou de conseillers élus par des personnes en particulier.
[148]
La question dont je suis saisie est de savoir si, dans le présent contexte factuel, le système de gouvernance, à savoir le modèle du chef héréditaire et de deux conseillers représenté par le conseil de bande de Glendale, bénéficie d’un large consensus au sein de la collectivité de la PND. Autrement dit, est-ce que ce système ou cette structure reflète la coutume de la bande actuelle? Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincue que c’est le cas.
Conclusion
[149]
Nous sommes en présence d’un ensemble inhabituel de circonstances factuelles qui auraient pu être évitées si le CCH s’était conformé à l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et avait élaboré un code de gouvernance à soumettre aux membres de la PND pour ratification par référendum.
[150]
Dans les présentes demandes conflictuelles, le conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan supposent que si l’une de ces entités n’a pas le pouvoir légitime de gouverner, l’autre l’a. Compte tenu des présentes circonstances singulières, je ne suis pas sûre que ce soit le cas.
[151]
À mon avis, l’examen de la gouvernance est la meilleure indication de la préférence des membres pour un modèle de gouvernance. Il indique clairement que les membres de la PND souhaitent passer à une structure de gouvernance constituée de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. En fait, ce souhait n’est pas contesté par le conseil de bande de Glendale. Je suis également d’accord avec le conseil de bande de Glendale pour dire que le processus de transition n’est pas encore terminé. Toutefois, les résultats de l’examen de la gouvernance montrent également que la PND ne considère plus, de façon générale, le modèle de gouvernance du chef héréditaire et de deux conseillers comme étant acceptable pour les membres de la bande et, par conséquent, que cette pratique ne bénéficie pas d’un large consensus des membres de la PND. De plus, le conseil de bande de Glendale a cessé de gouverner lorsque les membres du CCH ont décidé que celui‑ci assumerait la gouvernance, et a ainsi implicitement reconnu l’absence de consensus quant à la structure de gouvernance qu’il représente.
[152]
D’autre part, si MM. Peters et Duncan affirment que le CCH a assumé la gouvernance, la coutume ne peut être reconnue uniquement par les dirigeants, mais doit l’être aussi par les membres (Bigstone, au para 29); Shirt, au para 32; Bertrand, au para 37; Shotclose, au para 69). Le dossier dont je dispose n’établit pas que les membres de la PND ont déjà accepté, ou acceptent maintenant que les quatre chefs héréditaires, identifiés dans l’ordonnance du protonotaire Lafrenière comme formant le CCH, seraient également les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille et assumeraient ce rôle de direction en l’absence d’un code de gouvernance, y compris sans déterminer qui sont les représentants des chefs de famille. Le CCH a été créé uniquement dans le but d’élaborer le code de gouvernance et de le soumettre aux membres pour ratification par référendum. De plus, les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas que les membres de la PND ont été informés officiellement et clairement de la décision du CCH d’assumer la gouvernance et qu’il y a eu un large consensus quant à la gouvernance par le CCH.
[153]
En résumé, aucune des parties ne s’est acquittée de son fardeau d’établir l’existence d’un large consensus pour l’autorité de gouvernance du conseil de bande de Glendale ou du CCH.
Question 2 : Le CCH a-t-il le pouvoir de suspendre Gordon Glendale?
[154]
Cette question ne se pose que dans le dossier T-1282-19.
[155]
Dans ce dossier, le conseil de bande de Glendale soutient que la Cour fédérale a compétence pour procéder au contrôle judiciaire de décisions d’organismes qui prétendent exercer leur pouvoir même si ces organismes, comme le CCH, n’avaient pas le pouvoir prétendent avoir. En outre, les décisions touchant la gouvernance doivent respecter la coutume et l’équité procédurale. Le conseil de bande de Glendale soutient que la suspension de Gordon Glendale du CCH n’était pas conforme à la coutume, puisque les familles de la PND ont le droit de choisir leurs propres chefs et que les différends opposant les familles doivent être réglés par la collectivité au moyen d’une réunion communautaire ou à la grande maison. Il soutient également que la suspension de Gordon Glendale ne respectait pas les principes d’équité procédurale.
[156]
MM. Peters et Duncan font valoir qu’en tant qu’organe directeur de la PND, le CCH a le pouvoir intrinsèque de prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses membres au besoin et dans l’intérêt supérieur de la nation. S’appuyant sur Whitehead c Première nation de Pelican Lake, 2009 CF 1270 aux para 11 à 14 [Whitehead], ils soutiennent qu’en l’absence d’un code écrit, les organismes de gouvernance des Premières Nations ont le pouvoir intrinsèque de suspendre les conseillers pour inconduite financière et que [traduction] « les chefs de la PND doivent nécessairement avoir le pouvoir de suspendre les membres pour inconduite »
. Selon MM. Peters et Duncan, la décision de suspendre Gordon Glendale était urgente, nécessaire et justifiée en raison des allégations d’inconduite financière formulées par Ruby Mannila. De plus, Gordon Glendale n’a pas justifié sa conduite ni fourni de preuve établissant que sa suspension était injustifiée.
Analyse
[157]
Comme je l’ai conclu ci-dessus, le CCH n’était pas l’autorité compétente légitime de la PND. Par conséquent, Bill Peters, Robert Duncan et Norman Glendale (qui a depuis désapprouvé la suspension), lesquels prétendaient agir à titre de CCH, n’avaient pas le pouvoir de suspendre Gordon Glendale.
[158]
Cela dit, nul ne conteste que la Cour a compétence pour examiner la conduite d’un organisme, y compris d’un « conseil de bande »
– qu’il soit nommé par coutume ou par élection – en ce qui concerne la coutume de la bande et l’application de cette coutume par une entité agissant au nom du conseil ou prétendant exercer un pouvoir décisionnel de gouvernance – même si cet organisme n’avait pas légalement le pouvoir d’agir (voir Francis, aux para 12 et 13). Les éléments de preuve dont il a été traité précédemment confirment que quatre chefs héréditaires nommés au CCH par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, ou une combinaison de ces chefs, prétendaient exercer une gouvernance entre la fin de 2017 et 2019. Par conséquent, indépendamment de ma conclusion selon laquelle le CCH n’était pas habilité à agir, je traiterai également de la question particulière de la suspension de Gordon Glendale.
[159]
En ce qui a trait au pouvoir de suspension du CCH, MM. Peters et Duncan renvoient à Whitehead. Dans cette affaire, la loi électorale de la Première Nation a donné au conseil le pouvoir de destituer les conseillers, mais elle ne dit rien sur les suspensions. La Cour a noté que les chefs et les conseils de bande peuvent encore avoir les pouvoirs coutumiers ou inhérents de suspendre les conseillers si une telle coutume est établie. Dans Whitehead, la Cour renvoie à Prince c Première Nation de Sucker Creek, 2008 CF 1268 [Prince], où la Cour a conclu que le conseil détenait des pouvoirs coutumiers, comme celui de suspendre les conseillers. La Cour a conclu que le raisonnement de Prince s’appliquait à l’affaire dont elle était saisie puisqu’elle disposait d’éléments de preuve établissant qu’il était déjà arrivé au moins une fois qu’un conseiller ait été suspendu pour inconduite. En outre, la loi électorale n’était pas une loi exhaustive et il faut que conseil « possède le pouvoir inhérent de faire respecter ses politiques, telles que les Lignes directrices : sinon, son pouvoir d’établir ses propres procédures serait sans effet »
(Whitehead, au para 44).
[160]
Je note d’abord que Whitehead a été supplanté par l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Première Nation de Fort McKay c Orr, 2012 CAF 269 [Orr], qui confirme la jurisprudence, laquelle établit clairement que si un code électoral traite de la destitution de manière exhaustive, il n’existe aucun pouvoir coutumier résiduel ou continu (Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 732 au para 80; McKenzie c Nation crie d’Onion Lake, 2020 CF 1184 au para 81 [McKenzie]).
[161]
Je tiens également à souligner que dans toutes les affaires susmentionnées, les Premières Nations concernées avaient un code électoral écrit en vigueur et que la question était de savoir si un code électoral traitait de la question ou si une coutume coexistait avec le code permettant la suspension d’un conseiller. En l’espèce, il n’y a aucun code régissant l’autorité du CCH. Toutefois, à mon avis, cela ne signifie pas que le CCH a le [traduction] « pouvoir intrinsèque »
de suspendre un chef héréditaire. Au contraire, le CCH doit démontrer qu’il existe un pouvoir coutumier de suspension, comme c’était le cas dans Prince et Whitehead. Comme l’a déclaré le juge Stratas dans Orr, au paragraphe 20, « [p]lus fondamentalement, le chef et le conseil n’ont pas démontré l’existence d’une coutume ou d’un pouvoir inhérent ayant une incidence sur la question de la suspension de conseillers. Il incombe au chef et au conseil d’établir son existence […] »
.
[162]
Lorsqu’on lui a demandé directement quelle partie de la coutume de la PND permettait la suspension des chefs héréditaires, M. Duncan n’a pas pu identifier une telle coutume, mais il a déclaré qu’il pensait qu’il devait y avoir des pratiques relatives à la conduite des chefs héréditaires qui auraient eu lieu à la grande maison, où étaient traditionnellement traités les conflits entre les chefs et les familles. Comme je l’ai déjà mentionné, pour qu’une règle devienne une coutume, la pratique se rapportant à une question ou situation donnée qui est visée par cette règle doit être fermement établie, généralisée et suivie de manière uniforme et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontre un « large consensus »
quant à son applicabilité. MM. Peters et Duncan n’ont pas respecté ce critère et n’ont pas démontré qu’une telle coutume appuyait le pouvoir de suspendre un chef ou des conseillers.
[163]
MM. Peters et Duncan ne prétendent pas non plus qu’ils appliquaient des lignes directrices ou des politiques existantes lorsqu’ils ont suspendu Gordon Glendale.
[164]
Par ailleurs, MM. Peters et Duncan affirment que la preuve démontre que la suspension était nécessaire et urgente, mais la seule raison qu’ils invoquent à l’appui de l’urgence est le fait que des documents officiels étaient en train d’être détruits.
[165]
Dans l’affidavit no 2 de Ruby Mannila, celle-ci déclare avoir reçu le 5 juillet 2019 un message texte de Justin Glendale affirmant qu’il croyait que le personnel de bureau essayait de détruire des documents au bureau de la bande ou de retirer des documents des locaux. Mme Mannila définit le [traduction] « personnel de bureau »
comme étant composé de Gloria Glendale et d’Elizabeth Davidson, sœurs de Gordon Glendale, et d’Angela Davidson, nièce de Gordon Glendale. À la lumière de ce message texte et de ses préoccupations au sujet d’une irrégularité financière, Mme Mannila a contacté Bill Peters et Robert Duncan. Ce dernier a ensuite envoyé par courriel le projet de résolution du conseil de bande suspendant Gordon Glendale au poste de la GRC où Bill Peters et Norman Glendale attendaient pour le signer. La résolution du conseil de bande du 5 juillet 2019, qui a suspendu Gordon Glendale, faisait également référence à cette destruction en cours de documents et demandait que la GRC accompagne Ruby Mannila au bureau de bande afin d’assurer la conservation sécuritaire des dossiers.
[166]
Dans son affidavit, Mme Mannila affirme que quelques jours avant les événements qui ont conduit à la suspension de Gordon Glendale, ce dernier l’avait informée qu’il travaillerait à la tête de Knight Inlet cette semaine-là et elle a [traduction] « supposé [qu’ils n’étaient] pas en mesure de communiquer avec Gordon Glendale parce qu’il n’a habituellement pas de signal cellulaire ou de connexion par courriel lorsqu’il travaille à distance »
. Ainsi, à l’époque de la supposée destruction de documents et de sa suspension, d’après ce témoignage et celui de Gordon Glendale, ce dernier n’était pas dans la collectivité. Il n’aurait donc pas pu participer à la destruction des documents. De plus, Mme Mannila s’est ensuite rendue au bureau de la bande, accompagnée par la GRC, pour retirer des documents et, le même jour, elle a suspendu le personnel du bureau et pris des mesures pour protéger les documents. Je ne suis pas convaincue que la suspension de Gordon Glendale était urgente sur le fondement de l’allégation de la destruction de documents.
[167]
Dans leurs observations concernant la nécessité, MM. Peters et Duncan énoncent simplement les allégations de Ruby Mannila sur des irrégularités financières et affirment que la décision du CCH concernant la suspension était donc justifiée. Ils soutiennent également que Gordon Glendale n’a pas réussi à justifier ou à expliquer les allégations dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Toutefois, je n’ai pas été saisie de la question de savoir si la décision de le suspendre était justifiée, c’est-à-dire raisonnable. Je cherche seulement à déterminer si les autres membres du CCH avaient le pouvoir de suspendre Gordon Glendale.
[168]
Quoi qu’il en soit, la suspension de Gordon Glendale ne respectait pas les principes d’équité procédurale. Je me reporte à la décision McKenzie que j’ai rendue précédemment, qui s’applique également à la suspension des chefs :
[88] En outre, bien que le degré et le contenu de l’obligation d’équité procédurale varient et soient tributaires du contexte, comme le soutiennent les défendeurs, il est bien établi que, dans le contexte de la suspension de conseillers, l’équité procédurale comprend le droit de se faire entendre et le droit de faire valoir son point de vue (Tourangeau, au para 57; Beardy, aux para 128‑129). En effet, même lorsque les droits procéduraux qui s’appliquent sont limités, ceux‑ci comprennent le droit de recevoir un avis et d’avoir la possibilité de présenter des observations (voir par exemple Première Nation de Peguis c Bear, 2017 CF 179 au para 62; Minde c Première Nation crie d’Ermineskin, 2006 CF 1311 au para 44; Orr c Première Nation de Fort McKay, 2011 CF 37 au para 12; Blois c Nation crie d’Onion Lake, 2020 CF 953 au para 73). De plus, même si la décision de suspendre un conseiller est fondée ou raisonnable, elle sera annulée s’il y a eu manquement à l’équité procédurale (Laboucan c Nation crie de Little Red River no 447, 2010 CF 722 au para 37 [Laboucan]).
(Non souligné dans l’original.)
[169]
Dans ce contexte, le témoignage de Ruby Mannila établit que Gordon Glendale n’a pas été avisé de la décision de le suspendre. Selon le contre-interrogatoire de Robert Duncan, aucune réunion n’a été organisée avec Gordon Glendale avant la suspension, aucune allégation n’a été formulée contre lui et il n’a pas non plus eu l’occasion de répondre à de telles allégations après sa suspension. Dans l’affidavit no 5 de William Gordon Glendale, souscrit le 9 janvier 2020, Gordon Glendale déclare qu’il a pris connaissance de la raison pour laquelle il a été suspendu lorsqu’il s’est présenté à une réunion du CCH prévue le 12 juillet 2019. Cette réunion a été enregistrée par Amy Puglas et une transcription est jointe à l’affidavit de cette dernière souscrit le 9 janvier 2020. Je note que rien n’indique que les détails des allégations de Mme Mannila ont été présentés à Gordon Glendale avant la réunion. Le but de cette réunion n’était pas non plus de lui donner l’occasion de répondre aux allégations formulées. En effet, il n’a même pas été invité à la réunion, car il avait été suspendu en tant que membre du CCH. En outre, un examen de la transcription révèle que la réunion a dégénéré en un affrontement verbal sur le pouvoir de Bill Peters, de Robert Duncan et de Norman Glendale de suspendre Gordon Glendale et le personnel administratif.
[170]
À mon avis, l’affirmation de MM. Peters et Duncan selon laquelle il appartenait à Gordon Glendale d’expliquer, en réponse à leur demande de contrôle judiciaire, pourquoi les allégations formulées contre lui n’étaient pas valides est déplacée. L’équité procédurale exigeait que Gordon Glendale reçoive un avis et des renseignements suffisants pour qu’il sache ce qui lui était reproché et ait une possibilité raisonnable de présenter une réponse. On ne peut remédier à l’absence d’équité procédurale en affirmant que Gordon Glendale aurait dû fournir une réponse approfondie aux allégations contenues dans les présentes demandes de contrôle judiciaire. Je note également que MM. Peters et Duncan insistent sur le fait qu’ils souhaitent que la suspension de Gordon Glendale ne se poursuive que pendant le temps qu’une vérification judiciaire soit effectuée, mais ils exigent qu’il réponde aux allégations de Mme Mannila avant la fin de ce processus. De plus, bien que MM. Peters et Duncan insistent pour dire que leurs actions étaient justifiées vu la conduite répréhensible qu’aurait eue Gordon Glendale, comme il est indiqué dans Laboucan, précitée, des suspensions même fondées seront annulées si la procédure était inéquitable.
[171]
Par conséquent, je conclus que le CCH n’avait pas le pouvoir de suspendre Gordon Glendale et que la suspension était inéquitable sur le plan de la procédure. Par conséquent, la décision de le suspendre doit être annulée.
Question 3 : Quelle est la réparation appropriée?
[172]
Comme je l’ai mentionné, le conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan demandent comme réparation l’obtention d’un bref de quo warranto.
[173]
Le conseil de bande de Glendale demande une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto portant que le chef Gordon Glendale et les conseillers Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston forment le « conseil de bande de la PND »
et que Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan ne sont pas habilités à agir en tant qu’organe directeur de la PND. MM. Peters et Duncan sollicitent un jugement déclaratoire portant que ni le conseil de bande de Glendale ni l’un de ses membres n’a le pouvoir d’agir en tant qu’organe directeur de la PND et que le conseil des chefs héréditaires de la PND « quelle que soit sa composition »
, est l’organe directeur légitime de la PND.
[174]
L’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales permet à la Cour de décerner des brefs de quo warranto. Cette réparation peut être accordée lorsque l’autorité par laquelle une charge publique est exercée est contestée avec succès. Dans le contexte de la gouvernance des Premières Nations, la possibilité de solliciter un bref de quo warranto est attestée dans Première nation Salt River 195 (Conseil) c Première nation Salt River 195, 2003 CAF 385 [Salt River]. Dans cette affaire, au cours d’une réunion tenue sans préavis, un groupe de conseillers a été destitué et un autre groupe a été élu comme conseillers. La Cour a conclu, à la suite d’un contrôle judiciaire, que la destitution du groupe précédent de conseillers et l’élection des nouveaux conseillers étaient nulles. En appel, les intimés ont fait valoir que la Cour fédérale n’était pas saisie d’une décision à l’égard de laquelle elle pouvait accorder une réparation. La Cour d’appel fédérale a conclu que, même si le nouveau groupe de conseillers, un membre élu ou la bande n’avait pas rendu de décision, une décision n’était pas nécessaire dans les circonstances. En effet, en présentant leur demande de contrôle judiciaire, les intimés contestaient l’autorité par laquelle le nouveau groupe de conseillers prétendait agir comme conseillers de bande à la place de l’ancien groupe. Même si, par la demande, ils souhaitaient obtenir un jugement déclaratoire et non expressément un bref de quo warranto, les intimés ont, au fond, demandé à la Cour de rendre un jugement déclaratoire équivalant à un bref de prérogative de quo warranto. La Cour d’appel fédérale a conclu que la réparation demandée était possible et a conclu que le quo warranto ou un jugement déclaratoire de la nature d’un bref de quo warranto, lorsque la contestation porte sur le droit d’un titulaire de charge publique d’occuper une fonction publique, correspond à une circonstance où une réparation peut être accordée dans le cadre d’un contrôle judiciaire, même en l’absence d’une décision (Salt River, aux para 17‑18, 20).
[175]
La Cour a également conclu que « bien que le pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder une réparation sous forme de bref de quo warranto puisse être très limité, le critère à respecter pour pouvoir accorder cette réparation est quand même rigoureux »
(Ratt c. Saskatchewan, 2010 CF 160, au para 165 [Ratt]). Le critère pour accorder un quo warranto est énoncé dans Jock c Canada, [1991] 2 CF 355 au para 49 [Jock] (voir également Gagnon c Bell, 2016 CF 1222).
[176]
À titre préliminaire, je fais remarquer qu’en sollicitant un quo warranto, le demandeur conteste le droit d’un titulaire de charge individuelle d’occuper un poste en particulier. Par conséquent, il ne me semble pas évident que la Cour puisse décerner un bref de quo warranto par lequel elle déclare quel conseil de bande est l’organe directeur légitime. En l’espèce, par exemple, MM. Peters et Duncan sollicitent un jugement déclaratoire portant que [traduction] « le conseil des chefs héréditaires de la Première Nation des Da’naxda’xw (“conseil des chefs”), quelle que soit sa composition, est l’organe directeur légitime »
de la PND. Or, le modèle de gouvernance préconisé par la PND composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille n’a pas été défini ni identifié par la collectivité de la PND. De plus, bien que la PND ait une longue tradition de chefs héréditaires contribuant aux activités de la bande, le « CCH »
créé par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière était une entité distincte ayant un seul but, soit élaborer le code de gouvernance. Les membres désignés par le juge Lafrenière peuvent constituer, ou non, le conseil des chefs héréditaires appuyé par un conseil des chefs de famille ou ce que MM. Peters et Duncan appellent le « conseil des chefs »
.
[177]
De plus, cette question a déjà été examinée dans le cadre de la présente instance dans le contexte de la requête de MM. Peters et Duncan visant à faire exclure JFK Law en tant qu’avocat du conseil de bande de Glendale. La protonotaire Ring a renvoyé à des précédents dans lesquels il était statué qu’un quo warranto permet de contester le droit d’une personne d’occuper un poste particulier.
[178]
Ainsi, je ne vois pas comment la Cour pourrait déclarer qu’un [traduction] « conseil des chefs »
, quelle que soit sa composition, est le conseil de direction légitime de la bande. La question est plutôt de savoir quels titulaires de charge ont le pouvoir d’occuper un poste de membre d’un conseil de bande.
[179]
À mon avis, les membres du conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan ont satisfait aux critères de Jock. Et, comme l’indique Bell, « le bref de quo warranto est un recours disponible et approprié dans les circonstances si le demandeur établit l’absence de fondement juridique à l’occupation des charges respectives de chef et de conseil »
.
[180]
Le conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan ont établi que l’autre entité n’a pas actuellement de fondement juridique lui permettant d’exercer les fonctions de gouvernance et, dans le cas du CCH, de prétendre avoir le droit de le faire. Ni l’un ni l’autre n’a établi qu’ils ont le large consensus au sein de la collectivité de la PND pour diriger. En fait, cela signifie que Gordon Glendale, Anne Glendale et Michael Jacobson‑Weston n’ont pas légitimement le droit d’occuper respectivement le poste de chef et de conseillers du conseil de bande de Glendale. Bill Peters et Robert Duncan (ainsi que Norman Glendale et Gordon Glendale) sont peut-être des chefs héréditaires, mais ils n’ont pas démontré un large consensus en faveur du CCH, et ils n’ont pas été choisis par la PND pour occuper des postes de membres du CCH, de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille ou autres.
[181]
Nous sommes en présence d’une des situations exceptionnelles où une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto devrait être rendue pour destituer des chefs et des conseillers (Shotclose, au para 105). De façon plus exceptionnelle encore, la PND serait laissée sans dirigeant. Et, bien entendu, c’est à la PND et non à la Cour qu’il appartient de déterminer son modèle de gouvernance, les personnes qui composent cette entité et les conditions de leur mandat.
[182]
Toutefois, devant une interruption de l’administration de la bande et pour éviter la possibilité d’autres litiges, je dois accorder une réparation provisoire, adaptée aux circonstances de l’espèce, jusqu’à ce que la PND se prononce sur la question de la direction (Ballantyne c Nasikapow, [2000] ACF no 1896 au para 79). Dans Shotclose, le juge Mosley a accordé une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto pour destituer le chef et les conseillers. Il a également interdit au chef et au conseil d’exercer l’un quelconque des pouvoirs afférents à leurs fonctions jusqu’à la tenue de la prochaine élection et a prononcé une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus exigeant qu’une élection ait lieu dans les 60 jours, conformément à la procédure établie dans le code électoral des Premières Nations. Ainsi, dans Shotclose, l’interruption de l’administration de la bande résultant de la réparation du quo warranto était courte et a été corrigée par la tenue d’une nouvelle élection.
[183]
La PND n’a pas de code électoral. En outre, la gouvernance de la PND fait l’objet de litiges depuis cinq ans, soit depuis le contrôle judiciaire de 2016. À ce moment, pour éviter que la Cour ne se prononce sur le modèle de gouvernance, les parties à cette affaire, et d’autres personnes, dont Bill Peters et Robert Duncan, ont assisté à une médiation qui a abouti à l’ordonnance du protonotaire Lafrenière du 26 mai 2017. Cette ordonnance sur consentement prévoyait la présentation d’un code de gouvernance à la collectivité de la PND pour approbation le 1er décembre 2017, soit environ six mois plus tard. Malheureusement, l’ordonnance du protonotaire Lafrenière n’a pas été respectée puisque le CCH n’a pas élaboré de code de gouvernance pour le soumettre aux membres de la PND par voie de référendum. Les parties à cette affaire n’ont pas non plus pris de mesures pour faire instruire la demande de contrôle judiciaire et la faire trancher sur le fond. De plus, selon le témoignage rendu en contre‑interrogatoire par M. Duncan, aucune demande de financement pour l’élaboration du code de gouvernance n’a été présentée et aucun travail n’a été accompli sur le code depuis la suspension de Gordon Glendale il y a presque deux ans.
[184]
Les membres de la PND ont clairement indiqué que le modèle de gouvernance souhaité est celui des « chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille »
. Pour passer à ce modèle, il serait évidemment idéal de mettre en place d’abord un code de gouvernance complet que les membres de la PND pourraient adopter par voie de référendum à la suite des commentaires et des discussions de la collectivité.
[185]
Il ne s’agit toutefois pas d’une condition préalable à ce changement de la coutume de gouvernance. Les membres de la PND peuvent prendre des mesures provisoires.
[186]
Plus précisément, ils peuvent confirmer qu’ils ont l’intention de modifier leur coutume de gouvernance pour avoir des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant d’élaborer un code de gouvernance complet, et identifier et nommer à titre intérimaire les chefs héréditaires et les membres du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié et que ces postes soient pourvus conformément au code. Il convient de souligner qu’ils peuvent aussi exiger que les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, nommés à titre intérimaire, procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai déterminé. Tout cela peut être rapidement accompli au moyen d’une réunion des membres de la PND.
[187]
Ces mesures nécessiteront la transmission d’avis de réunion aux membres, lesquels préciseront ce qui est nécessaire et pourquoi. L’avis de réunion à tous les membres pour l’examen de la gouvernance du 18 janvier 2017 est un bon exemple de la façon dont on peut y parvenir de façon claire et neutre. La réunion des membres du 21 janvier 2017 a également été facilitée par un tiers indépendant, Richard Dawson. Compte tenu de l’animosité entre les divers chefs héréditaires et d’autres membres de la PND attestée par le dossier dont je dispose, cette façon d’agir devrait également être suivie pour la convocation d’une réunion des membres pour confirmer une nouvelle coutume de gouvernance de la PND par des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant l’élaboration d’un code de gouvernance, et la nomination par intérim des chefs héréditaires et des membres du conseil des chefs de famille qui appuie les chefs héréditaires. S’il est disponible, M. Dawson pourrait bien être un bon candidat pour aider à préparer les avis de réunion et faciliter la réunion des membres afin de confirmer la coutume de la bande quant à la gouvernance et d’identifier et de nommer les membres par intérim qui seront des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.
[188]
La preuve dont je dispose est cohérente et indique que les différends au sein de la PND ont traditionnellement été traités par les réunions des membres ou à la grande maison. Malheureusement, le différend sur la gouvernance de la PND dont je suis actuellement saisie n’a jamais été soumis aux membres pour règlement. Grâce à la mesure provisoire que j’ai décrite ci‑dessus, je recours à cette tradition pour résoudre la question de la gouvernance et confirmer ainsi le large consensus de la PND quant à sa gouvernance.
[189]
En ce qui a trait au statut de Gordon Glendale, comme je l’ai conclu ci-dessus, MM. Peters et Duncan n’avaient pas le pouvoir de le suspendre et, de toute façon, la suspension avait été décidée en violation des principes de l’équité procédurale.
[190]
Toutefois, les allégations formulées contre Gordon Glendale par Ruby Mannila concernant les conflits d’intérêts et les irrégularités financières sont graves et restent sans réponse. Selon le témoignage de Robert Duncan, ce dernier et M. Peters avaient l’intention de régler le statut de Gordon Glendale une fois la vérification judiciaire terminée. Lorsqu’ils ont comparu devant moi, les avocats de MM. Peters et Duncan ont indiqué que la vérification était terminée, mais les résultats ne sont pas connus de la Cour.
[191]
Si les membres de la PND confirment qu’ils souhaitent maintenant procéder à un changement de gouvernance coutumière vers des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille avant l’élaboration d’un code de gouvernance et qu’ils identifient et nomment les chefs héréditaires et les chefs de famille d’un conseil intérimaire, le nouveau conseil intérimaire devra alors décider comment protéger adéquatement la santé financière de la PND pendant que les allégations d’inconduite financière sont réglées. Lors de la réunion des membres, les membres de la PND peuvent souhaiter fait part de commentaires au conseil pour qu’il en tienne compte lorsqu’il prendra cette décision.
[192]
Cette solution repose sur les résultats de l’examen de la gouvernance grâce auquel les membres de la PND ont indiqué leur souhait manifeste de passer à un modèle de gouvernance composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. Bien entendu, les membres de la PND ont le loisir d’exercer la forme de gouvernance de leur choix. Ils doivent toutefois prendre une décision claire et immédiate.
[193]
Je tiens également à souligner que le dossier dont je dispose indique que, lorsqu’il envisageait le code de gouvernance, le CCH semblait envisager un document de type constitutionnel exhaustif. Toutefois, la production d’un tel document est très ambitieuse. Il se peut qu’un code de gouvernance simplifié ou plus limité suffise ou suffise du moins à court terme.
[194]
En résumé, en ce qui concerne les réparations, je conclus comme suit :
- Dans le dossier T-1282-19, je refuse la demande du conseil de bande de Glendale visant l’obtention d’une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto portant que le chef Gordon Glendale et les conseillers Anne Glendale et Michael Jacobson‑Weston forment
« le conseil de bande de la PND »
. Toutefois, j’accueille la demande de jugement déclaratoire du conseil de bande de Glendale portant que Bill Peters et Robert Duncan n’ont pas le pouvoir d’agir en tant qu’organe directeur, c’est-à-dire qu’ils ne bénéficient pas d’un large consensus, et qu’ils ne peuvent pas occuper un poste au sein du conseil de bande, que ce soit à titre de membres du CCH ou individuellement. Je refuse également la demande du conseil de bande de Glendale visant l’obtention d’une ordonnance supplémentaire de la nature d’un bref de quo warranto portant que Gordon Glendale [traduction]« est un membre indispensable »
du CCH. - La décision de suspendre Gordon Glendale sera annulée, parce que MM. Peters et Duncan n’avaient pas le pouvoir de prendre cette décision et que la suspension a été décidée en violation des principes d’équité procédurale.
- Dans le dossier T-1725-19, je refuse la demande de MM. Peters et Duncan visant l’obtention d’une ordonnance de la nature d’un quo warranto portant que le
« conseil des chefs héréditaires »
(« conseil des chefs »), quelle que soit sa composition, est l’organe directeur légitime de la PND. Toutefois, j’accueille leur demande visant l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que Gordon Glendale, Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston n’ont pas le pouvoir légitime, c’est-à-dire qu’ils ne bénéficient pas d’un large consensus, pour agir respectivement comme chef et conseillers, en tant que conseil de la bande. - Dans les deux dossiers, les parties sollicitent une ordonnance annulant toutes les décisions et résolutions du conseil de bande prises par l’autre partie. Le conseil de bande de Glendale demande cette réparation contre le CCH à compter de la suspension de Gordon Glendale. MM. Peters et Duncan demandent l’annulation de toute décision prise par le conseil de bande de Glendale après le 1er août 2017. Je tiens d’abord à dire que je ne suis pas disposée à annuler aveuglément des décisions non précisées. Cela dit, il est évident que ces deux entités prennent maintenant des décisions contradictoires, concernant par exemple le statut de l’administrateur de la bande et du personnel de bureau. En supposant que les membres de la PND confirment que les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille assumeront la gouvernance pendant l’élaboration d’un code de gouvernance et qu’ils identifient et nomment de façon intérimaire des chefs héréditaires et les membres d’un conseil des chefs de famille qui appuie les chefs héréditaires, ce conseil intérimaire peut réexaminer les décisions prises par le conseil de bande de Glendale et le CCH après la suspension de Gordon Glendale et déterminer comment il souhaite résoudre ces questions et prendre des décisions en conséquence;
- J’ordonnerai à Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters – qui conviennent tous que l’intention de la PND est de passer à un modèle de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille – de préparer ensemble un avis de réunion des membres, en recourant aux services d’un tiers indépendant et neutre qui sera retenu au nom de la PND pour aider à la préparation de l’avis. L’objectif de la réunion des membres est d’obtenir la confirmation des membres de la PND qu’ils souhaitent passer à un modèle de chefs héréditaires appuyés par un conseil les chefs de famille avant d’élaborer un code de gouvernance. À cet égard, ils identifieront et nommeront les chefs héréditaires intérimaires et les membres intérimaires du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié. De plus, ils exigeront que les membres par intérim agissant comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai fixé ne devant pas dépasser un an à compter de la date de la réunion des membres.
- Jusqu’à ce que le modèle intérimaire des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille soit en place, les questions courantes de l’administration de la bande PND seront supervisées par Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires. Aucune décision ou mesure importante ne sera prise avant la nomination par intérim, par les membres de la PND, des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.
Dépens
[195]
En ce qui concerne les dépens, conformément à l’article 400 des Règles de la Cour fédérale, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Elle peut tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles au moment rendre cette décision.
[196]
Dans Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 1119 [Whalen], le juge Grammond a résumé les principes applicables aux dépens dans les différends sur la gouvernance des Premières Nations comme suit :
[27] Je résumerai de la façon suivante les principes applicables :
· dans les affaires de gouvernance des Premières Nations, comme dans d’autres affaires, l’adjudication des dépens est laissée à la discrétion du juge de première instance, qui doit exercer ce pouvoir en tenant compte de tous les facteurs pertinents;
· le déséquilibre qui existe entre les ressources financières du demandeur et celles de la Première Nation, ou avec celles de la partie dont les frais juridiques sont payés par la Première Nation, est un facteur pertinent;
· pris isolément, toutefois, le déséquilibre des ressources n’est pas un facteur suffisant pour justifier une adjudication des dépens sur la base avocat-client;
· le fait que la demande a contribué à clarifier l’interprétation des lois ou du cadre de gouvernance d’une Première Nation peut être pris en compte lors de l’adjudication des dépens, mais toutes les demandes ne tombent pas dans cette catégorie.
[197]
Il s’agit d’un conflit de gouvernance entre deux groupes qui prétendent chacun avoir le pouvoir légitime de gouverner la PND. Ni l’un ni l’autre n’y est parvenu, car j’ai conclu que ni l’un ni l’autre n’avait établi qu’il bénéficiait d’un large consensus pour gouverner. De plus, ces deux demandes auraient pu être évitées si un code de gouvernance avait été élaboré et soumis à la ratification de la PND comme le prévoit l’ordonnance du protonotaire Lafrenière ou si une réunion des membres avait été convoquée pour traiter de la question de la gouvernance.
[198]
Toutefois, l’objectif principal des présentes demandes était de résoudre le cadre de gouvernance actuel de la PND. Par conséquent, j’ai conclu que chaque partie doit assumer ses propres dépens, y compris en ce qui concerne la requête en radiation de l’affidavit de Bill Peters. De plus, comme les deux parties prétendent agir à titre d’autorité compétente légitime de la PND, si les dépens de l’une ou l’autre d’entre elles sont payés à partir des fonds de la bande de la PND, les dépens de l’autre, tous fondés sur la colonne III du Tarif B, le seront également.
JUGEMENT DANS LES DOSSIERS T-1282-19 ET T-1725-19
LA COUR STATUE que :
T-1282-19
Il est déclaré que Bill Peters, Norman Glendale, Robert Duncan et Gordon Glendale, ou toute combinaison de ces personnes, en tant que membres du conseil des chefs héréditaires qui a été établi par et aux fins de l’ordonnance sur consentement du protonotaire Lafrenière (maintenant juge de notre Cour en date du 26 mai 2017, ne bénéficient pas d’un large consensus et n’ont donc pas l’autorité légitime pour gouverner la Première Nation des Da’naxda’xw [PND]. Une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto leur retirant de leurs supposées fonctions respectives en tant que membres du conseil de bande est par les présentes accordée.
Une ordonnance de la nature d’un bref de certiorari annulant la décision par laquelle Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan ont suspendu Gordon Glendale du CCH est par les présentes accordée;
T-1725-19
Il est déclaré que Gordon Glendale, Anne Glendale et Michael Jacobson-Weston, en tant que chef héréditaire et conseillers de la PND, ne bénéficient pas d’un large consensus et n’ont donc pas l’autorité légitime pour gouverner la Première Nation des Da’naxda’xw [PND]. Une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto leur retirant de leurs supposées fonctions respectives est par les présentes accordée;
T-1282-19 et T-1725-19
Au plus tard le 30 juin 2021, une réunion de tous les membres de la PND sera convoquée. L’objectif de cette réunion est de permettre aux membres de la PND de confirmer qu’ils ont l’intention de modifier leur coutume, au moyen d’une entente confirmée à cette réunion, pour avoir des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant l’élaboration d’un code de gouvernance, et de permettre aux membres de la PND d’identifier et de nommer des chefs héréditaires intérimaires et des membres intérimaires du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié. De plus, et surtout, ils exigeront que les membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai fixé, lequel ne doit pas dépasser un an à compter de la date de la réunion des membres.
Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires, prépareront ensemble un avis de réunion des membres, en recourant aux services d’un tiers indépendant et neutre qui sera retenu au nom de la PND pour aider à la préparation de l’avis et pour faciliter la réunion des membres. Ruby Manilla ne doit pas participer à ce processus.
Jusqu’à ce que le modèle des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille soit en place, les questions courantes de l’administration de la bande PND seront supervisées par Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires. Aucune décision ou mesure importante ne sera prise avant la nomination par les membres de la PND des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.
Chaque partie assumera ses propres dépens. Si les dépens de l’une ou l’autre d’entre elles sont payés à partir des fonds de la bande de la PND, les dépens de l’autre, tous fondés sur la colonne III du Tarif B, le seront également.
Une copie des présents motifs doit être versée dans les dossiers de la Cour T‑1282-19 et T-1725-19.
« Cecily Y. Strickland »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
ANNEXE A
Cour fédérale
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Federal Court
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Date : 20170526
Dossier : T-1908-16
Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 mai 2017
En présence du juge responsable de la gestion de l’instance Roger R. Lafrenière
ENTRE :
NICOLE HAJASH ET LOU-ANN NEEL
demanderesses
et
WILLIAM (« GORDON ») GLENDALE (CHEF),
MICHAEL JACOBSON-WESTON ET
ANNIE GLENDALE (CONSEILLERS) EN
LEUR CAPACITÉ DE CHEF ET DE
CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DES
DA’NAXDA’XW
défendeurs
ORDONNANCE
APRÈS la tenue d’une conférence de règlement des litiges avec les demanderesses, Nicole Hajash et Lou-ann Neel; les défendeurs, William (Gordon) Glendale et Annie Glendale; les avocats des parties; et d’autres membres de la Première Nation des Da’Naxda’Xw, à Campbell River, en Colombie-Britannique, le 25 mai 2017;
ET APRÈS le consentement des parties aux conditions de la présente ordonnance, y compris la publication d’une déclaration commune sous la forme de l’annexe A;
Page : 2
LA COUR STATUE que :
Les chefs héréditaires qui sont disposés et disponibles, soit William (Gordon) Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Giyaka (Billy Peters) (les « chefs héréditaires ») forment un conseil chargé d’élaborer un code de gouvernance pour la Première Nation des Da’Naxda’Xw qui sera présenté aux membres aux fins d’approbation (le Conseil des chefs héréditaires). Ruby Mannila peut être présente pour aider Giyaka, mais Giyaka doit fournir tous les éléments d’information.
Le protonotaire Roger R. Lafrenière assume le rôle de facilitateur principal et convoque dès que possible une réunion du Conseil des chefs héréditaires afin de parvenir à une entente sur un budget et un processus d’engagement communautaire, qui entraînera la formulation d’un code de gouvernance.
Le Conseil des chefs héréditaires peut, à sa discrétion, inclure d’autres personnes à titre de membres du Conseil des chefs héréditaires.
Des fonds raisonnables de la bande sont mis à la disposition du Conseil des chefs héréditaires, notamment pour la recherche et le soutien juridique, et à des experts en gouvernance afin qu’ils participent au processus de formulation du code de gouvernance et de la présentation de celui-ci à la communauté.
Le Conseil des chefs héréditaires doit, à moins que le Conseil des chefs héréditaires n’y consente ou que la Cour n’en ordonne autrement, présenter le code de gouvernance proposé à la communauté aux fins d’approbation d’ici le 1er décembre 2017.
Page : 3
Gordon Glendale et les conseillers de la Première Nation des Da’Naxda’Xw ne doivent prendre aucune décision ni ne faire aucune dépense qui ne serait pas liée à l’administration courante de la bande, notamment des ententes à long terme, dans l’attente d’un règlement ou de l’audition de la demande.
L’audience sur cette affaire est reportée à une date précise en avril 2018, à moins que la Cour n’en ordonne autrement.
Deadlines for completion of cross-examinations on the affidavits is adjourned to a date certain in January 2018, unless the Court orders otherwise.
Les dates de signification du dossier des demanderesses sont reportées à une date précise en février 2018, à moins que la Cour n’en ordonne autrement.
Les dates de signification du dossier des défendeurs sont reportées à une date précise en mars 2018, à moins que la Cour n’en ordonne autrement.
Il est entendu que la présente entente ne porte pas atteinte aux positions des parties en ce qui concerne toutes les questions, y compris en ce qui concerne les protocoles et les lois qui définissent le système de classement héréditaire des Da’Naxda’Xw, si l’affaire se poursuit dans le cadre du processus d’audience.
Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, les frais juridiques engagés par les parties, ainsi que la question des dépens, feront l’objet d’une décision lors du règlement ou de l’audition de la demande.
Page : 4
À la fin du référendum sur le code de gouvernance de la Première Nation des Da’Naxda’Xw, les demanderesses doivent renoncer à la demande.
« Roger R. Lafrenière »
Juge responsable de la gestion de l’instance
Page : 5
Annexe A de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière
rendue le 26 mai 2017 dans le dossier de la Cour no T-1908-16
Déclaration commune des parties à la poursuite concernant la gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw
La présente a pour objet de faire le point sur la poursuite intentée en décembre 2016 pour contester l’actuel système de gouvernance de notre Nation. Les parties se sont récemment réunies pour discuter des façons dont les questions de gouvernance soulevées dans la poursuite pourraient être résolues.
Lors de cette réunion, nous nous sommes entendus sur de nombreux principes fondamentaux. Nous avons convenu que nous sommes plus forts en travaillant ensemble qu’en étant divisés. Nous avons convenu que c’est la communauté qui doit décider de la manière dont elle souhaite être gouvernée, et non pas une seule personne ou le conseil actuel. Nous avons convenu que tout processus de participation communautaire aux questions de gouvernance doit être rigoureux et transparent, et doit donner à la communauté le temps et l’information dont elle a besoin pour apporter une contribution éclairée.
Les parties ont convenu que la prochaine étape du processus consiste pour le Conseil des chefs héréditaires, en collaboration avec les familles et la communauté, à élaborer une proposition de gouvernance à présenter à la communauté. Le Conseil des chefs héréditaires aura pour mandat de travailler à l’obtention d’un consensus et d’un appui communautaires à l’égard de tout modèle de gouvernance proposé, processus qui aboutira à un référendum sur un code de gouvernance des Da’naxda’xw.
Les parties conviennent que le leadership du Conseil des chefs héréditaires sur cette question reflète nos coutumes, nos traditions et notre culture et offre la meilleure occasion de faire entendre la voix de l’ensemble des familles.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1282-19
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INTITULÉ :
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WILLIAM GORDON GLENDALE, EN SA QUALITÉ DE CHEF DU CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION DA’NAXDA’XW ET DE MEMBRE DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES ET MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE EN LEUR CAPACITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DA’NAXDA’NW c BILL PETERS, NORMAN GLENDALE ET ROBERT DUNCAN
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ET DOSSIER :
|
T-1725-19
|
INTITULÉ :
|
BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN, EN LEUR CAPACITÉ DE MEMBRES DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES DE LA PREMIÈRE NATION DA’NAXDA’XW c WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
par vidéoconférence au moyen de Zoom
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Les 29, 30 et 31 mars 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE STRICKLAND
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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Le 23 avril 2021
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COMPARUTIONS :
Jason Harman
Karey Brooks
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Pour les demandeurs/défendeurs
WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE
|
Samuel Bogetti
Dean Dalke
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Pour les défendeurs/demandeurs
BILL PETERS ET ROBERT DUNCANT
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JFK Law Corporation
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour les demandeurs/défendeurs
WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON-WESTON ET ANNIE GLENDALE
|
DLA Piper (Canada) LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
Pour les défendeurs/demandeurs
BILL PETERS ET ROBERT DUNCANT
|