Date : 20030828
Dossier : IMM-3743-02
Référence : 2003 CF 1004
Entre :
STEFAN NECHIFOR
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « CISR » ) rendue le 23 juillet 2002 statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c. I-2.
[2] La CISR a trouvé que le demandeur n'était pas crédible et qu'il n'y avait donc pas lieu de faire droit à sa revendication. En matière de crédibilité, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la CISR à moins que le demandeur puisse démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7). La CISR est un tribunal spécialisé qui a le pouvoir d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure où les inférences qu'il tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et les motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[3] Le demandeur soutient en premier lieu que la CISR a erré en trouvant invraisemblable qu'il ait avisé le gouvernement de son changement de nom, puisque tel changement doit être communiqué aux autorités et qu'en Roumanie, où le service militaire est obligatoire, celles-ci incluent le Commissariat territorial. Cependant, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la CISR de trouver invraisemblable que le demandeur ait avisé l'armée de son changement de nom alors qu'il voulait se protéger des autorités.
[4] Le demandeur allègue ensuite que la CISR a erré en rejetant la lettre fournie par ses parents au motif que celle-ci n'était pas complètement traduite. Cette lettre est un document pertinent. La CISR a bien agi en la mentionnant dans ses motifs et en donnant la raison pour laquelle elle ne lui a pas accordé de valeur probante (Cepeda-Gutierrez c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 6 octobre 1998), IMM-596-98). Il n'était pas déraisonnable que la CISR doute de sa valeur étant donné que le document n'était pas traduit au complet par un traducteur certifié. En effet, la question du poids qu'il convient d'accorder à un document relève du pouvoir discrétionnaire qu'a la CISR d'apprécier la preuve qui lui est soumise.
[5] Le demandeur soutient aussi que la CISR a erré en ne tenant pas compte de toute la preuve documentaire qu'il avait fournie et qui était incompatible avec les conclusions du tribunal. Cependant, il est bien établi que celui-ci est présumé avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise (Randhawa c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 30 avril 1999), IMM-1482-98 et Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317 à la page 318 (C.A.F.)). La CISR n'a pas remis en question l'existence du trafic des cigarettes de contrebande, mais a plutôt fondé sa conclusion d'un manque de crédibilité sur d'autres aspects du témoignage du demandeur. La preuve documentaire portant sur la situation générale ne permet pas, à elle seule, d'établir le bien-fondé de la revendication et de pallier au manque de crédibilité.
[6] De plus, le demandeur soumet que la CISR a tiré des inférences déraisonnables en regard du fait qu'il n'a pas produit à la cour les certificats médicaux ou la copie de la plainte qu'il avait faite à la police. Il est bien établi qu'un tribunal ne peut pas tirer des inférences négatives du fait qu'une partie n'a produit aucun document extrinsèque corroborant ses allégations (Ahortor c. Canada (M.E.I.) (1993), 65 F.T.R. 137 et Miral c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 12 février 1999), IMM-3392-97). Cependant, lorsque la crédibilité d'un demandeur est mise en question, un manque de preuve corroborant ses allégations est une considération pertinente (voir Syed c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 13 mars 1998), IMM-1613-97 et Herrera c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration (le 28 septembre 1998), IMM-2737-97).
[7] Le demandeur allègue que la CISR a erré en se fondant sur l'omission de mentionner, à la question 37 du Formulaire de renseignements personnels, son séjour en Grèce. La CISR n'a toutefois pas basé sa conclusion d'absence de crédibilité du demandeur sur l'omission elle-même, mais plutôt sur la confusion des explications de ce dernier. La conclusion que le demandeur improvisait ses réponses n'était donc pas déraisonnable.
[8] Le demandeur soutient finalement que la CISR a erré en se fondant sur son omission de revendiquer le statut de réfugié en France et aux États-Unis, ainsi que sur son retard à le faire au Canada. Une telle omission n'est pas nécessairement déterminante en matière de crédibilité. Cependant, il est loisible à la CISR de la considérer avec les autres aspects de la revendication en décidant si un demandeur a réellement une crainte subjective de persécution (Huerta c. Canada (M.E.I.) (1993), 157 N.R. 225 (C.A.F.)), ce qu'elle a fait en l'espèce.
[9] Pour les motifs énoncés ci-haut, je suis d'avis que la CISR n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable en concluant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 28 août 2003
COUR FÉDÉRALE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3743-02
INTITULÉ : STEFAN NECHIFOR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 9 juillet 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : L'honorable juge Pinard
EN DATE DU : 28 août 2003
ONT COMPARU:
Me Lia Cristinariu POUR LE DEMANDEUR
Me Michèle Joubert POUR LE DÉFENDEUR
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Lia Cristinariu POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)